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 Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]

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Mona Goðrúnarson


Mona Goðrúnarson

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MessageSujet: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeLun 27 Fév - 18:38

Ceyda Pehlivan serait satisfait une fois de plus, elle aurait bien préparé la mission de protection. Immigré turc, cet homme avait monté en quelques années une compagnie de sécurité haut de gamme qui s’était spécialisée dans la protection en tout genre des stars de tous les milieux.  Mona avait été engagé directement par le grand patron après l’intercession de son tuteur administratif en reconnaissance d’un service que la rousse n’avait pas cherché à percer bien ce soit le genre de chose dans lequel elle excellait. Elle avait tourné les talons sans mot dire ni poser une seule question lorsqu’il lui avait mis le dossier entre les. L’acteur Darri Ingolfsson avait dépêché son manager après des menaces reçues à son domicile islandais. Il s’agissait de faire le point sur cette histoire et d’envisager le meilleur système de protection, technologique ou humain ou les eux couplés si nécessaire. Les dossiers étaient toujours des plus à jours et il s’agissait de faire rayonner les recherches afin de ne négliger aucune piste. Ceyda Pehlivan connaissait les limites de ses fonctions et se montrait très respectueux des institutions islandaises et passait donc la main aux autorités si c’était nécessaire. Comme à son habitude, elle n’avait pas fait attention à son charmant collègue qui n’arrivait pas admettre la présence de la jeune femme au sein de l’entreprise et se trouvait dans le couloir qui menait au débarras dans lequel elle s’était installée. Elle ne prenait pas cela comme une mise au placard comme ce serait le cas pour beaucoup. Elle se trouvait très bien dans cet endroit confiné où le bruit ne l’atteignait pas. Une bonne connexion internet et son Mc book-pro lui suffisaient pour se mettre au travail.

Elle ne rechignait jamais à finir le travail chez elle et c’est d’ailleurs là qu’elle est en train de mettre la dernière touche à son rapport. Cela avait été assez facile. A croire que plus on répète au gens qu’elles sont des personnes exposées et moins elles prennent de précaution avec leur communication externe. La lueur de l’écran mourut sur l’heure dans l’angle, 3h33 et le sourire satisfait de la jeune femme qui s’étira avant de se lever tout en refermant son précieux outil de travail. Autour d’elle sa chambre était quasiment vide. ? Le lit deux personnes, sa table de travail et la chaise assortie tous de facture d’une grande enseigne Suédoise. Sa table de chevet était, depuis qu’elle avait aménagé, le carton du micro-onde. Elle n’était pas une assidue de la cuisine et l’appareil était après son ordinateur, le plus utilisé. Elle traîna ses pieds nus jusqu’à la fenêtre à hauteur de poitrine et regarda les lumières de Reykjavík en contrebas de son huitième étage, noyées dans les flocons qui dansaient depuis le début de l’après-midi au-dessus de la capitale. Elle était vêtue d’un vieux short en maille découpé dans un jogging de même matière et au-dessus pendait plus qu’il ne l’habillait un gros pull d’origine indéfinissable qui avait eu le mérite de ne pas feutrer. L’avantage lorsqu’on est islandaise c’est que sa demeure est chauffée à la géothermie et que les températures estivales des intérieurs permettent de se promener en tenue décontractée. Mais il était temps de prendre quelques heures de repos même si, habituée aux étés des hautes latitudes, elle supportait très bien les courtes nuits.
Elle se retourna et trébucha, les pieds collés au sol pour se retrouver à quatre pattes de l’eau jusque mi-cuisse et aux coudes. Machinalement elle se remit à genoux et regarda derrière comme si son appartement allait apparaître là où elle l’avait laissé. Elle dut bien se rendre à l’évidence elle n’était plus chez elle. Elle resta hébétée durant de longues secondes, le regard fixe et les bras le long du corps. Elle avait sûrement été prise de vertige et d’une petite hallucination qui allait disparaître bien vite. Pas étonnant en se couchant aussi tard ! Mais cette hallucination était tenace et très bien construite et complète, tous ses sens étaient concernés et ce n’était pas pour la rassurer. Elle ferma les yeux jusqu’à les crisper cela allait forcément remettre ses sensations neuronale en route. Mais rien n’y fit. Toutes les sensations étaient encore bien présentes et la première était celle de son pull pesant sur ses épaules. Gorgé d’eau, il lui rappela qu’elle était bel et bien tombée mais où ? Elle se releva d’un bon et courut se mettre au sec en levant haut les genoux et secouant les mains pour les sécher plus vite. Quelqu’un passant ici l’aurait prise pour un pantin désarticulé. Un galet salvateur mit fin à cette réaction disproportionnée. Elle s’assit sur la plage et se massa le gros orteil endolori. Tout était trop réel, elle ne pouvait plus espérer se trouver sous l’influence de la fatigue ou même du sommeil. Son esprit analytique devait refaire surface pour lui permettre de faire le point. Elle se relava cahin caha et tordant son pull pour l’essorer du mieux qu’elle pouvait, elle observa pour la première fois l’endroit qui l’entourait.

Elle se tenait face à un fjord dans lequel se jetait un petit cours d’eau. Elle ne devait pas être bien loin de chez elle, mais un détail lui ôta bien vite cette idée de la tête.

*La neige ! Pas de neige ! C’est pas l’hiver !*

Et en matière de fjord, les rives étaient trop douce couvertes d’une plage étroite de sable gris. Sans être digne d’un bain, l’eau n’était pas l’eau glacée de l’Atlantique nord. Elle porta deux doigts à sa bouche.

*Effectivement c’est salé.*


Elle cracha devant elle. Au loin, le fjord s’ouvrait sur ce qu’elle pouvait imaginer être une mer ou un océan. A l’arrière du rivage, le sol était couvert d’une lande arbustive rhododendron aurait dit la citadine qui avait trop peu quitté la capitale islandaise pour en être bien certaine. Le relief était plutôt doux hormis un sommet conique à sa droite et une crête qui barrait l’horizon à gauche. Dans l’immédiat il y avait des questions auxquelles elle était incapable de répondre. Une fois ce constat fait elle n’allait pas moisir ici elle avait un rapport à remettre et devait dont rentrer chez elle. Si elle commençait par trouver où elle se trouvait, elle aurait déjà une idée du moyen à mettre en œuvre pour rentrer.

*Île ou continent ? Une seule façon d’y répondre essayer de trouver une hauteur pour y voir un peu plus loin dans toutes les directions*


Elle avisa que le cône était plus près que la crête et se mit en devoir de le rallier.

*Bon sang !*

Progresser pieds nus se révéla vite un cauchemar. Les arbustes lui griffaient les chevilles et elle devait prendre garde à ne pas poser les pieds sur des objets pointus. Elle se rendit compte que marcher sur les rochers s’avérait plus confortable et s’appliqua à se frayer un chemin qui lui ménage de bons tronçons rocheux. Cela ne l’empêchait pas de prendre mille précautions, les yeux plus rivés sur le sol que su ce qui l’entourait sauf lors de poses bien méritées, durant lesquelles elle cherchait dans le paysage de quoi se remonter le moral mais en vain.

Le mouvement lui remettait ses fonctions cognitives en marche, mais parfois elle aurait préféré rester dans une douce ignorance car après s’être réjouie de la douceur du climat, elle ne trouva plus matière à le faire.

"Il fait doux donc on est plus en hiver ! Non… Pas l’hémisphère sud !... En plus mon portable est resté là-bas ! Et puis c’est sauvage ici ! Personne à la ronde. !
*En plus je ne sais même pas quelle heure il est !"


Il ne lui fallut pas moins d’une heure pour arriver au sommet tant convoité. La vue qui s’offrit alors à elle ne lui laissa pas de doute.

"Putain ! Une île dans l’hémisphère Sud ! Une putain d’île microscopique sans zone habitée !
Je peux faire une croix sur le rendu de mon rapport !"


L’extrémité » de l’ile la plus éloignée n’avait même pas le temps de se perdre dans les brumes atmosphériques, preuve s’il en était qu’elle était à quoi ? 15km à tout casser ? Par contre aucune autre terre à l’horizon. Cela faisait maintenant pas mal de certitude pour la jeune femme qui ne supportait pas ne pas avoir la maîtrise des événements et ne pas savoir à quoi s’en tenir.

«Je sais à peu près ou je suis, mais quand ?
Un bâton ! Donnez-moi un bâton ! »


Elle trouva son bonheur en lisère d’un bouquet de genets.

« Tu vas me donner au moins la course du soleil. »

Elle se mit en demeure de coincer frénétiquement ce gnomon improvisé entre quelques cailloux et repéra la longueur de l’ombre avec un petit gravier. Assise derrière son gnomon, les genoux repliés contre sa poitrine et enlacé par ses bras, elle se balançait lentement d’avant en arrière, en ânonnant de quoi se donner du courage avec d’une petite voix perdue.

« All these accidents
That happen
Follow the dot
Coincidence
Makes sense
Only with you
You don't have to speak
I feel

Emotional landscapes
They puzzle me
Then the riddle gets solved
And you push me up to this

State of emergency
How beautiful to be
State of emergency
Is where I want to be
… »
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Nathan Weathers


Nathan Weathers

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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeSam 18 Mar - 18:08

« Mais je vais bien, Léo. C'est seulement une petite baisse de régime. Un peu de surmenage, d'après mon médecin. Ça arrive, ne t'inquiète donc pas comme ça...
Ouais, ouais. Me prends pas trop pour un con, hein. Écoute, tu sais cette semaine où t'étais soi-disant malade, tous les sms que j't'ai envoyés, j'ai dû les payer hors-forfait ! Alors t'as p'tet quelque chose à dire pour m'expliquer ça ? Qu'est-ce que tu fabriques, bordel ? »

La voix de son frère gronde comme le feulement d'un chat en colère contre son oreille. Nathan pose son attaché-case sur son bureau, sous l'escalier de son appartement, et son ventre se noue douloureusement. Au fond de lui, il a seulement envie de raccrocher au nez de Lionel, d'éteindre son téléphone et d'aller se terrer au fond de son lit... Mais il ne peut pas faire une chose pareille. Il passe une main dans la jungle crépue de ses cheveux et se laisse tomber dans son fauteuil en murmurant d'une voix blanche :

« Rien... Je ne sais pas, moi, il faut te plaindre à ton opérateur...
Mon opérateur... ! Sans blague ? Tu te fiches de moi !
Ne crie pas comme ça, Lionel, s'il te plaît... Il est tard et j'ai eu une longue journée...
Eh ben moi aussi, j'ai eu une longue journée, tu vois ? J'suis trop fatigué pour entendre encore ce genre de conneries !
Ce n'est pas la peine de t'énerver... Écoute. »
Il ferme les yeux et prend une profonde inspiration. « Je comprends que ce soit frustrant, mais je n'ai pas d'explication à t'apporter. Je... Moi j'ai aucune idée de ce qui s'est passé avec ton forfait...
Bien sûr que c'est frustrant ! J'ai l'impression que tu me mens, Nathan, et j'ai pas la moindre idée de la raison pour laquelle tu f'rais ça ! Tu veux pas me dire ce que t'es en train de manigancer ? »

Ce n'est pourtant pas son genre de se mettre à paniquer comme ça, ni de mentir, ni de n'avoir rien à dire pour se défendre.
Machinalement, pour occuper ses doigts, il hisse sur ses genoux sa jolie guitare folk noire, qu'il avait laissée appuyée contre son bureau la veille, et la serre contre lui comme si son contact pouvait lui rendre un peu de son assurance. Puis il allume l'écran de son ordinateur et tapote son mot de passe comme pour s'ouvrir une porte et échapper à cette discussion. La page du blog d'Atéa, qu'il examinait ce matin, réapparaît devant ses yeux avec ses articles. Léo se racle la gorge pour le rappeler à l'ordre.

« Je... je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Tu fais de la parano, mon vieux...
Quoi ?? »
Au son de sa voix, il sait qu'il vient de le mettre hors de ses gonds. Il blêmit. « Hola, eh, tu vas mettre ça sur le compte de... C'est de toi que je parle ! Moi j'me soigne ! C'est toi qui m'colle des ulcères !
Oh, Léo... Pardon. Je suis désolé, je n'aurais pas dû dire ça... »
Il secoue la tête et se colle son front dans sa main, exaspéré par lui-même. « Mais... je t'assure, il n'y a aucune raison de te mettre dans des états pareils... Et je ne veux pas que tu te fasses autant de mauvais sang pour moi...
Alors dis-moi c'que t'es en train de manigancer ! Qu'est-ce que tu veux que ça me foute, à moi, si t'es en train de défendre un connard expatrié à l'étranger ou je sais pas quoi ? J'suis la dernière personne au monde à te reprocher tes choix alors qu'est-ce qui t'prend de me les cacher maintenant ? Merde alors ! D'abord, quand j'passe chez toi, t'es jamais là, et puis tes colocataires me disent qu'il arrive que tu disparaisses inexplicablement, genre comme ça au beau milieu de la nuit, et maintenant, cette connerie de téléphone ! Alors quoi, Nathan, quoi ?? Ça te ressemble pas ! »

Un élan incompréhensible saisit tout le bras de Nathan. Son poing cogne avec brutalité sur le bois de son bureau. Et soudain, il lance un cri à travers le salon.

« Mais je ne sais pas ce que tu veux que je te dise ! Je ne vais pas très bien, voilà ! Je sais que ça n'arrive pas souvent, mais il faut vous mettre ça dans la tête, j'ai aussi mes limites ! Je ne peux pas gérer... tous... tous ces trucs de dingue en même temps et encore moins t'expliquer des choses que je n'arrive pas à m'expliquer moi-même !
Mais tu t'entends... ? Qu'est-ce que tu racontes ?
Si je ne fais aucun sens, c'est ta faute ! Tu fais tout pour m'énerver et je... je déteste tellement m'énerver ! »

Lionel se tait finalement.
Il n'entend que l'irrégularité de son souffle dans le récepteur du portable et un frisson de stress remonte le long de son échine. Il tremble de tout son corps.
Les conversations gaillardes de ses deux colocataires, dans la cuisine, baissent de quelques octaves et il n'entend plus que quelques bribes de voix étouffées. Il pique un fard, spécialement honteux de s'être emporté, et s'acharne sur sa souris en cliquant sur un des articles d'Atéa, sans réfléchir. Son frère semble éprouver quelques remords aussi de l'autre côté de la ligne, quoi que ce ne soit flagrant ni dans son silence, ni dans sa voix. Il le connaît assez.

« J'voulais pas te mettre en colère.
Oh, arrête, je le connais très bien ton petit jeu...
Ben. J'veux juste que tu sois honnête avec moi... C'est pas tant en demander, quand même... si ?
Tu ne peux pas savoir. »
Nathan soupire. La chaleur insupportable qui s'est répandue sur ses joues commence à se dissiper. « Et je n'ai pas envie d'en discuter ce soir. Je passerai chez toi dans la semaine pour te rassurer, si tu veux. Tu verras que je ne suis pas non plus à l'article de la mort.
N'essaie même pas de dédramatiser. J'ai le droit d'être inquiet pour toi. Quel jour ?
Oh, je ne sais pas, peu importe, je passerai...
Non. Pas question que tu te défiles.
Mais j'ai du travail en retard, moi...
Quel jour ?
Hmf, disons... vendredi soir... »
Il plisse les yeux sur les photos de petites îles désertes dont son amie décrit la faune et la flore sur son blog. Il cille doucement, le cœur serré des réticences qu'il est obligé de faire à son frère. « Oui. Quand j'aurais fini de boucler mes dossiers par contre, parce que je... »

Son téléphone fait un drôle de bruit. Il fronce des sourcils et balbutie un « allô ? » qui semble sonner dans le vide.
Et puis soudain, il dégringole de son siège et s'effondre par terre à grands fracas. Il atterrit les fesses dans une mousse spongieuse et humide, la cervelle emberlificotée de chuintements et d'éclairs.

Avant qu'il ne comprenne quoi que ce soit à ce qui lui arrive, un tapage énorme s'élève tout autour de lui et aussitôt il se fait bousculer de toute part par une bande de volatiles hurlants qui brouillent son regard en fouettant l'air de leurs ailes rigides et immenses. Il pousse un glapissement terrifié et plonge se rouler en boule au milieu de ce chaos emplumé, protégeant sa tête entre ses bras alors que les oiseaux dans leur fuite le rossent comme une véritable foule humaine. Ça lui grimpe sur le dos, ça attaque et déchire son manteau à coups de bec, et il croit entendre le cri strident de sa guitare, qui est projetée plus loin dans de grosses touffes d'herbes. Il risque un regard catastrophé dans sa direction mais se prend au passage une patte dans la figure qui lui fend sèchement la lèvre, et il se replie derrière ses bras dans un grand sursaut.
Et, peu à peu, l'agitation s'affaiblit et le vacarme s'en va planer au-dessus de sa tête, encore menaçant mais plus lointain, finalement... Nathan, cependant, est encore trop choqué pour faire le moindre geste. Son téléphone émet une volée de tonalités plaintives, aussi affolé par le déplacement que son cœur lui-même qui cogne vivement contre ses côtes. Il ressent un élancement brutal à la poitrine et il serre très fort son appareil contre lui pour s'efforcer de se calmer.

C'est fini, maintenant.

C'est fini.

Sa tête lui tourne et un malaise infâme vient s'écraser contre son front avec la force d'une migraine. Il en avait assez. Vraiment, ça devenait plus qu'il ne saurait le supporter. Et qui sait combien de temps ça durerait encore ?
Il serre bien fort ses dents, décidé à ne verser aucune larme, cette fois, malgré les tremblements qui font tressauter sa mâchoire, et il tente de se redresser en s'asseyant sur ses genoux, dans une très, très profonde inspiration. C'est presque trop pour ses poumons. Une quinte de toux lui défonce brusquement la gorge. Sa vue est particulièrement troublée et il se mord la langue dans une tentative rudimentaire de recomposer son sang-froid. Ses yeux se font à la lumière éblouissante de l'endroit.

Autour de lui, le paysage lui rappelle les images désolantes qu'il s'était formées lorsqu'il était enfant et qu'il lisait Macbeth et Le chien des Baskerville, caché jusque tard la nuit sous une cabane de couvertures dans la bibliothèque de ses parents. Mais nulle sorcière, nul cerbère cracheur de feu à l'horizon, malgré la grosse frayeur que lui a causée la colonie d'albatros en décollant de leurs nids dans un boucan de tous les diables. La lumière est pâle et le soleil perce seulement quelques trous ça et là dans la chape cotonneuse du ciel pour faire tomber ses rayons sur une lande de bruyère jaune, de tussack et de rhododendrons.

Un silence complet, absolu, règne sur cette rase campagne, seulement hanté par ce qui semble être le sifflement de la mer, non loin, qui jette ses vagues sur le roc. Intrigué, les nerfs peu à peu apaisés tandis qu'il s'imprègne du calme des lieux, Nathan plisse ses yeux derrière ses lunettes rondes. Cela ressemblait en effet aux photos qu'Atéa avait publiées sur son blog. Les îles Campbell, hm ? A priori, il ne devait pas se tromper : il y avait une certaine constance dans ses déplacements, d'après ce qu'il avait pu en déduire. Cela ne s'était encore jamais produit sans événement déclencheur pour donner une direction au phénomène, que ce soit par le biais de photos, d'articles ou de reportages à la télévision. Est-ce qu'il devrait se résoudre à passer sa vie les yeux fermés pour éviter de se faire catapulter à l'autre bout du monde... ??
Il jette un regard à son portable.

Pas de réseau, naturellement. Ç’aurait été trop beau, pour une fois qu'il connaissait quelqu'un des environs qui aurait pu lui filer un coup de main sans le prendre pour un dingo... Il faudrait probablement investir dans un téléphone satellite en rentrant à Philadelphie...
Pensivement, il s'occupe de nettoyer ses verres dans un petit chiffon qu'il garde toujours avec soin dans la poche intérieure de son manteau et il aspire en même temps les gouttes de sang de cette plaie à vif qui lui taille la lèvre, avec l'espoir un peu puéril que sa salive emporterait la douleur.
Bientôt, un éclair de lucidité lui traverse l'esprit et il s'inquiète brusquement du sort de sa guitare. Glissant de nouveau ses lunettes sur son nez, il la retrouve du regard, échouée dans les branches d'un genêt aux fleurs jaune vif. Il grimace avec beaucoup d'appréhension en rampant à quatre pattes à sa rencontre et s'en empare au moment où un gros albatros revient se poser non loin pour le surveiller de son œil noir. Nathan le fixe en retour et opte pour un repli stratégique.

C'était sûrement leur endroit de ponte, à lui et à ses copains, il ne valait mieux pas traîner dans le coin sans quoi ils finiraient par revenir à la charge. Alors il se remet tant bien que mal sur ses jambes, range son portable avec son chiffon dans son manteau et déguerpit sans demander son reste. Sa guitare sous le bras, il s'en va crapahuter dans des rochers moussus où ses chaussures de ville dérapent malhabilement. Une fois qu'il a pris un peu de distance, il vérifie que sa caisse n'a pas pris de bosse et que son manche est encore intact. Par chance, ses constats sont rassurants et poussant un léger soupir, il trouve une place sur une grosse pierre plate pour s'asseoir un instant. Il prend le temps de raccorder son instrument, méthodiquement, et profite en même temps de cette petite trêve que lui accorde l'univers pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Il fronce des sourcils en faisant vibrer ses cordes, qui communiquent leur frémissement au bois, dans le creux de ses mains.
Il lève le nez vers le ciel gris pommelé qui recouvre tout d'une douce tristesse, et y cherche la course du soleil. Il devinait l'heure assez bien, de toute façon, avec le décalage horaire dont il avait l'habitude quand il discutait avec Atéa. Le fond de l'air était frais, presque froid, ça n'avait rien à voir avec l'hiver nord-américain, mais il faudrait trouver rapidement un endroit où s'abriter pour le soir qui bientôt tomberait. Dans son article, Atéa avait parlé de quelques préfabriqués, d'une station scientifique abandonnée quelque part ; s'il pouvait trouver refuge là-bas, ce serait toujours plus facile de réfléchir à un moyen de rentrer à la maison.

Oui. C'était un début de plan, ça, Nathan... Léo serait fier de toi. Allez.

Sa guitare sonne assez bien à son oreille, désormais, et il avise un petit sommet où il pourrait certainement grimper pour repérer les préfabriqués qui l'intéressaient. Il n'y a pas vraiment de temps à perdre, alors il coince de nouveau sa précieuse guitare sous son bras et, la poitrine gonflée de détermination, il commence à cheminer vers ce petit relief à la silhouette providentielle.
Naturellement, les chaussures en cuir, ce n'était pas le plus indiqué pour les randonnées et il ne manque pas de trébucher dans des mottes de terre humide et les cailloux, mais ça ne vient pour le moment pas au bout de sa résolution. Son escalade est ponctuée de faux pas, il trébuche quelques fois et son trench si élégant est rapidement maculé de terre – sans parler de l'état de ses mocassins, seigneur... – mais ses efforts se révèlent payants après seulement quelques petites dizaines de minutes de marche.

En contrebas de sa colonie d'albatros qui, à en juger par les taches blanches qui fleurissent dans le tussack, avait retrouvé ses nids, il observe une falaise dont les pieds dentelés cernent une plage étonnante où se prélassent une bande de lions de mer. Ce spectacle l'absorbe entièrement pendant une bonne minute, avant qu'autre chose n'attire son attention.
Sur une plate-forme rocheuse, au-dessus de la plage et dans une excavation de la falaise, il distingue la forme sombre et discrète de quelques bâtiments solitaires qui lui seraient bientôt passés inaperçus s'il avait poursuivi son chemin sans offrir son regard au panorama. Cependant, ce ne serait pas non plus du luxe d'observer de plus haut par quels moyens il saurait descendre jusque là-bas.

Aussi, il se remet en marche avec encore un peu plus de confiance pour soutenir ses pas, aussi gauches soient-ils. Tout cela le mène finalement au sommet du mont, le cœur pulsant fébrilement dans sa poitrine et les pieds très douloureux sur leurs semelles de cuir. Il dépose précautionneusement sa guitare par terre et étire ses reins en arrière, dans un grommellement de sportif du dimanche. Au bout du compte, peut-être que les exercices du matin et le vélo, ça ne suffirait pas à le préparer aux randonnées montagnardes... Et puis, maintenant qu'il y songeait, il était comme il l'avait dit à son frère bien fatigué de sa journée.
Curieux décalage horaire...
Il avait l'impression d'être un vieux papy rongé d'arthrite. Ou en tout cas, le surmenage lui filait de sacrées crampes aux mollets. Dire que s'il n'avait pas ouvert ce satané blog, il serait à cette heure-là dans son lit...

Il grogne un peu, comme un petit ours des cavernes, avant d'entendre quelques bruits d'affairement qui l'alertent immédiatement et dressent ses cheveux sur sa nuque.  Il se tourne vers l'origine du bruit, saisissant sa guitare par la même occasion, au cas où il faudrait fuir un nouveau représentant de la faune locale à qui jusqu'ici il n'avait pas fait très bonne impression... Mais ce sont des murmures humains qui descendent d'un peu plus haut, au-dessus du renfoncement rocheux dans lequel Nathan avait réussi à se hisser.
Alors finalement, il n'était pas seul ici. Il avait entendu dire que ça arrivait d'être bombardé au milieu de nulle part par l'effet Davis, sans avoir à rencontrer personne. Dieu merci, ça n'avait encore jamais été son cas. C'était comme si chacun de ses déplacements l'aimantait à quelqu'un à qui, tôt ou tard, il finissait par arriver des malheurs du même genre ou qui en avait déjà vécu. Cela semblait fonctionner comme une étrange contagion, dont il avait été victime quand Yoko s'était pointée dans son bureau avec ses tours de magie inexplicables. Qui serait-ce, cette fois ?

Ces quelques réflexions faites, il porte sa guitare au-dessus de sa tête, sur un rocher où elle trouve une place, puis il s'emploie à y grimper à la force de ses bras. Quelle journée...
Il est désormais tout au sommet du mont, les muscles endoloris, les cheveux embroussaillés et la mine un peu pâlotte. Il y a une jeune femme, à quelques pas, qui n'a pas remarqué sa présence et qui s'est recroquevillée et tassée sur elle-même face à l'immensité océanique qui cerne leur horizon. Sa guitare serrée contre lui, Nathan déglutit péniblement en prenant conscience tout à coup de ce que ça signifiait vraiment de se trouver sur une des îles Campbell. C'est un peu comme se prendre une gifle.

Le vent est nettement plus frais ici, il draine avec lui une odeur d'iode et lui fouette désagréablement le visage. Alors qu'il déplie le col de son manteau pour y enfouir son museau, tout en se demandant de quelle façon il pourrait interpeller cette fille sans lui faire la frousse de sa vie, elle commence à fredonner une chanson du bout des lèvres. Surpris, Nathan fixe la chevelure flamboyante qui se balance d'avant en arrière sans qu'il puisse deviner ce qu'elle est train de fabriquer. Elle était visiblement perturbée. Et sa tenue n'était pas non plus très appropriée aux randonnées sauvages. Il valait mieux ne pas la brusquer.
Après un bon moment de réflexion silencieuse, Nathan avise sa guitare par terre et se penche prudemment pour la ramasser, puis l'installer avec soin entre ses bras. Encore un peu perplexe de son idée, il se décide finalement à lancer ses doigts sur ses cordes pour faire vibrer doucement quelques riffs avec le sifflement du vent et la voix tremblante de la chanteuse. Il se concentre sur le jeu de ses doigts ankylosés sur ses frettes, où il tente approximativement de reproduire l'idée qu'il se fait d'un arrangement de cette chanson. Il était loin de la connaître parfaitement mais les accords plaisent assez à son oreille, alors il relève la tête vers la rouquine avec un sourire satisfait. Elle finit par se taire et ses grands yeux verts viennent s'écarquiller sur Nathan. Il s'éclaircit la voix.

« Hey. »

Il sourit. Maladroitement.
D'accord, c'était peut-être un peu bizarre comme approche. Avec tout ça, il commençait à perdre la notion de ce qui était normal. Mais, à la limite, s'il ne passait que pour un farfelu inoffensif, ça lui convenait aussi – du moment qu'elle ne s'effrayait pas... Les gens qui prennent peur font souvent n'importe quoi...
Il sourit. Avec plus d'assurance. Il donne à sa voix les inflexions les plus calmes et les plus délicates possibles, tout en faisant sonner encore quelques notes entre eux comme le charme apaisant d'un lointain conte de son enfance.

« Björk, hm ? » Il glisse un regard complice à la jeune femme, et opte pour un anglais très précautionneux, détachant ses phrases avec soin. « C'est pas sa plus connue mais... elle est sympa. Très éthérée. J'aime beaucoup aussi. »

Ses dernières notes s'envolent entre ses doigts et il soupire longuement en observant les alentours d'un regard vague. Puis il revient à frêle personne en pull mouillé et en short et une moue soucieuse se dessine sur son visage. Il esquisse quelques pas de loup dans sa direction, un peu en biais, cependant, comme on s'approche d'un animal effarouché, et il va poser sa guitare contre un rhododendron assez haut pour la soutenir. Puis, avec un certain soulagement, il se laisse tomber sur un petit rocher tout moussu à deux bons mètres de la jeune femme, pour ne pas la brusquer. Il s'étire méthodiquement.

« Hmf... » Gros soupir. « Ça fait une sacrée trotte pour monter jusque là. Vous voulez mon manteau ? Vous avez l'air frigorifié. »

Il entreprend d'ors et déjà de déboutonner son trench. A force, ça devenait machinal. C'était peut-être la quatrième fille qu'il rhabillait dans des circonstances à peu près similaires, alors à ce stade, il n'était plus à ça près. Il se relève bravement sur ses cannes pour s'approcher de quelques pas encore et remet son manteau à la rouquine en insistant du regard. Mère Nathan. S'il avait pu il l'aurait emmitouflée dans un plaid et l'aurait mis au lit avec une bouillotte.


Dernière édition par Nathan Weathers le Jeu 23 Mar - 0:58, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeLun 20 Mar - 22:58

Encore un petit caillou… Le vent s’engouffrait vrombissait dans ses oreilles et balayait ses cheveux qui fouettait les joues de la jeune femme. Le dessin qu’ils dessinaient laissait présager que la matinée n’était pas encore écoulée car l’ombre continuait de décroitre. En revanche si les bourrasques tentaient faire sécher le pull trempé, c’était bien en pure perte et ne compensait pas le froid qui saisissait petit à petit la rouquine dont les lèvres commençaient à prendre une jolie teinte violacée. Ce n’était pas ses balancements qui parviendraient à la réchauffer !... Seuls les rayons de soleil apportaient quelques degrés relatifs à son corps. Entre deux cailloux elle garde le regard sur le ligne d’horizon. Elle se sent plus apathique qu’elle ne l’a jamais été. Sans doute prend-elle enfin conscience de ce qui est entrain de lui arriver. Les premières heures passées à se débattre contre l’eau, les inconforts du sol et à parer à une espèce besoin de réponses matérielles ont retardé l’acceptation impossible de la vérité. D’une manière ou d’une autre, elle avait été transportée à ce qui pouvait être les antipodes de son cocon. A en juger par la soudaineté de l’événement elle aurait pu l’appeler téléportation si son esprit ne considérait la chose impossible.

Un frisson la secoua et elle finit de ramener les genoux contre sa poitrine maintenus par ses bras croisés.

Elle pensa une nouvelle fois à son rapport qui trainait sur sa table et qui ne serait pas rendue. Le genre de truc qui pouvait provoquer le mécontentement de ses collègues et de son patron aussi compréhensif soit-il et par ricochet atterrir sur le bureau de son tuteur qui aussi indulgent soit-il sortait contraint de faire un rapport si sa disparition perdurait et comme elle n’avait aucune idée de comment inverser ce transfert impromptu… Elle imaginait déjà les convocations les restrictions de sa liberté qu’elle avait eu tant de mal à conquérir. Elle imaginait même sa sœur refaire surface pour l’enfoncer encore un peu si c’était possible. A ces pensées son balancement s’accentua encore. Elle sera les dents pour ne pas envoyer un coup de pied dans la courbe de gravillon qui lui indiquerait peut être à quelle latitude elle pouvait bien se trouver à peu de chose près. En même temps, la température qui aurait dû être estivale lui donnait déjà un premier indice. Elle ne se trouvait pas près des tropiques, loin s’en fallait. Quelques oiseaux de mer passèrent dans son champ de vision. Pas si différents de ceux qui peuplaient l’Islande. Décidément, elle commençait à broyer du noir. Il fallait qu’elle se ressaisisse ! Mais seule sa mélopée qui tourne en boucle entre ses lèvres semble encore relier à son cerveau à on corps.

Soudain elle bondit sur ses pieds comme propulsée par un ressort invisible et se met en garde les deux poings au niveau du visage juste en dessous de sa ligne de vision, en appui sur la pointe de ses pieds douloureux et les genoux légèrement fléchis. Une voix est venue la tirer de sa torpeur. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle n’est pas seule. Elle s’en veut déjà de ne pas avoir été plus vigilante. Mais dans le domaine de l’étrange elle ne sait si c’est la présence humaine ou son apparence qui est la plus déconcertante et avise encore sa méfiance. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce type se croit surement à Wallstreet ou un endroit comme ça ! Ses fringues sont visiblement de bonne coupe, même si elles ont l’air d’avoir souffert tout comme ses chaussures dont elle ignore la marque mais dont le luxe transparait malgré les écorchures récentes qui en ont râpé le vernis du cuir. Un putain de bourgeois ! En plus un de ceux qui se prennent pour un artiste et qui ne se sépare jamais de leur gratte ! Et quel sourire niais ! Alors qu’il finit d’émerger sur son sommet, elle finit d’effectuer un mouvement tournant afin de le garder dans son champ de vision et à distance. Elle oublie la douleur de ses pieds et finit de le détailler en le laissant débiter son baratin de psychologue qui aurait trouvé son diplôme dans un bocal de rollmops et essaierait d’empêcher une suicidaire de se jeter du treizième étage. Evidemment qu’il aimait beaucoup ! C’était Björk après tout. Ca ne valait pas un bon Bathory, mais à chantonner ce n’était pas ce qui venait en premier en tête. Elle ne décrocha pas un mot, fronçant au contraire les sourcils sur des soupçons croissants.
Même pas en rêve il s’approche le gonze ! Elle recule d ‘un pas mais le laisse poser son instrument. Elle pourrait lui décocher un coup de pied circulaire qu’il n’y verrait que du feu, mais il n’a pas encore dépassé les limites de l’agressivité et elle veut bien envisager de lui laisser le bénéfice du doute.

En tout cas, il n’a pas l’air tellement stressé, en tout cas moins qu’elle. Incrédule elle le regarde s’assoir sur son rocher et de décide à baisser sa garde mais continue de la fixer de son regard sombre. I faudrait tout de même qu’il arrête avec sa conversation de salon ! Comme si elle n’avait pas expérimenté elle-même s’ascension du sommet ! Il ferait mieux de lui dire ce qu’il fait là mis comme un seigneur de la finance dans un endroit qui ne devait pas regorger de traders !
En plus il a l’air sérieux !
Elle le regarde se défaire de son manteau et le lui tendre. C’est peut être un piège, mais le mec a l’air plutôt sincère. Elle hésite mais une bourrasque vient traverser les mailles trempées de son pauvre pull et lui arrache un nouveau frisson. Elle considère le trench qui pend au bout du bras du black. Tiens ! C’est la première fois depuis qu’elle l’a aperçu qu’elle réalise que le trader est noir !...

Brusquement elle projette sa main au bout de son bras maigre pour saisir le manteau avant de faire un pas en avant et de l’enfiler en toute hâte en continuant de surveiller son bienfaiteur.
La voilà comme dans un sac boutonné du haut en bas qui lui pend presque jusqu’aux chevilles avec des emmanchures au milieu des bras et un col relevé jusqu’aux oreilles d’où n’émerge que des mèches rousses emmêlées et un regard farouche bien que reconnaissant. Elle fait un léger signe de tête pour manifester un remerciement.

Elle voudrait bien en savoir plus sur ce mec qui débarque sur une île sans prévenir, mais comme souvent entamer la conversation lui donne un sentiment de faiblesse et elle se contente de s’accroupir à cinq mètre de son visiteur sous le trench qui lui couvre maintenant aussi les pieds. Elle le surveille kil n’ay pas véritablement d’autre mot sans pour autant croiser son regard, jetant de temps en temps vers son gnomon de fortune un caillou qu’elle a cueilli prestement du bout des doigts à peine sortis des grandes manches, devant elle. Petit à petit le manteau retient sa propre chaleur malgré le pull encore mouillé.
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeMer 29 Mar - 22:49

Quand il rentrerait à Philadelphie, un rendez-vous chez son stoppeur lui inspirerait sûrement l'envie subite de se tailler les veines. Est-ce que ce pantalon était seulement rattrapable... ? Il allait devoir dépenser une fortune pour quelques taches et quelques trous, parce que naturellement, il n'avait pas la garde-robe du sénateur de Californie ou d'un banquier de chez Rothschild. Quant à s'acheter un nouveau complet, il n'y pensait pas, ça lui coûterait les yeux de la tête.
Un jour, il devrait probablement s'intéresser aux affaires fiscales, ne serait-ce que pour éviter à son cabinet de mettre la clé sous la porte, avec toutes ces bêtises qui le jetaient sans cesse aux quatre coins de la planète. Ce n'était pas du tout son domaine de prédilection – à vrai dire, ça lui donnait des boutons rien que d'y penser – mais ça rapportait énormément...
Pff... Oui, bon. Ça ne se faisait pas comme ça et il aurait encore moins de temps pour les clients qui lui importaient vraiment.

Il finit d'examiner son pantalon de costume trois-pièces, d'un indigo qui avait toujours fait très bon effet au tribunal. Désormais il avait nettement perdu de sa superbe... Il soupire longuement et une bourrasque d'air froid vient lui pincer la nuque. Il grimace. Le climat polaire, sans manteau, on le sent bien passer.

Et en attendant, la petite rousse n'a pas l'air disposé à lui faire l'honneur d'une réponse. Elle qui s'était contenté de le fusiller d'un regard noir depuis son arrivée s'est tassée dans son coin sans prononcer le moindre mot. Elle a dans l’œil un éclat hostile qui lui est fort familier. C'était celui qu'il trouve sur le visage des clients qu'il déniche en garde-à-vue, à la façon d'une vieille qui ramasse des chats errants dans la rue, et qu'il faut convaincre qu'il ne leur propose pas ses services gratuits dans un élan de pitié ou de charité. Cela requérait un apprivoisement laborieux et beaucoup d'opiniâtreté.
Pour être sans cesse en contact avec les classes les plus opposées de la société, Nathan connaissait l'orgueil de ces gens-là, et il n'était pas moins immense que celui de ses plus riches clients. Gagner leur confiance n'avait rien d'une sinécure.

D'autant que la plupart d'entre eux avaient grandi comme lui à Camden ou dans d'autres ghettos où les narcotrafiquants roulaient en BMW et les médecins en voiture d'occasion. Ce qui les séparait essentiellement, ses multirécidivistes et lui, c'était qu'ils étaient restés là-bas, tandis que lui en était parti. Ils n'étaient pas habitués à croiser des gens en costard et se laissaient d'autant plus facilement piéger par le pouvoir de l'uniforme. Leurs yeux, comme ceux de cette fille, très assassins, se fixaient sur le sien avec inquisition et le rangeaient sans préambule du côté des institutions, du système ou de la classe dominante. Ils ne se laissaient pas aider.

Bien sûr, de là à affirmer que cette fille faisait partie de ces enfants de misère dont la vie consistait à foutre des crochets du droit et des coups dans l'entrejambe, à fumer de l'herbe puis à pisser le sang à six heures du matin au commissariat, il y avait un pas. Ça, c'était plutôt le portrait de Lionel, à la réflexion. Et encore, dire qu'il était un enfant de misère correspondrait mal à la réalité – il n'avait d'ailleurs rien contre les costards, sauf si d'aventure on le forçait à s'en habiller.
Bon. Tout ça pour dire que ça lui faisait quand même un sacré regard, à cette fille.

Seulement il fallait un peu plus que deux yeux luisants de préjugés pour entamer la vaillance de Nathan. Il n'a que faire de savoir l'animosité particulière qu'elle portait envers les gens comme lui. De toute façon, le silence de la demoiselle en dit assez long sur son choc. Parce que, définitivement, ça ne fait aucun doute aux yeux de Nathan, elle est arrivée là par les mêmes moyens que lui.
Pour l'instant, elle peut lui faire tous les gros yeux qu'elle veut, elle lui donne surtout l'impression d'un chaton grognon qu'on aurait abandonné dans un carton sous la pluie. Et les chatons grognons abandonnés sous la pluie, ça tombait bien, c'était son job.
Il prend une profonde inspiration, en considérant qu'il lui avait laissé assez de temps pour s'accommoder de sa présence et que la nuit, elle, n'attendrait pas qu'ils trouvent un endroit où se terrer.

« Je ne sais pas si vous avez déjà vécu un truc pareil avant aujourd'hui... A votre attitude, je dirais que non. Seulement... Il est un peu plus de dix-sept heures, là, vous savez. »

Il ne peut pas le vérifier sur son portable, qui est resté dans son manteau, mais il devait être à peu près minuit chez lui, et il était assez coutumier des dix-sept heures de décalage horaire qui le séparaient d'Atéa. Le calcul était plus aisé à effectuer que n'importe quelle espèce d'opération avec un bout de bois tordu et des gravillons. Seulement, calcul ou pas, la révélation devait toujours être difficile à encaisser quand on vivait le phénomène les toutes premières fois.
Un léger soupir s'extirpe de sa poitrine. Il passe une main dans sa nuque et poursuit de sa voix la plus posée :

« Et je ne sais pas non plus combien de temps on va rester sur cette île, si on a la chance d'en repartir comme on y est apparus... Mais, j'ai repéré des préfabriqués en montant de ce côté. »

Le front plissé de tracas, il déploie quelques efforts pour se remettre sur ses cannes, puis s'approche au bord de leur promontoire pour dessiner du bout du doigt un trajet possible vers l'emplacement des abris dont il parle, et qu'on ne devine malheureusement pas depuis cette position. Il n'est certainement pas un expert de la randonnée en milieu sauvage, sans parler de son sens de l'orientation dont l'efficacité lui a toujours paru plus que précaire. Mais il faudrait compter sur ses maigres moyens pour faire route jusqu'à bon port.
Nathan passe prudemment sa langue sur la plaie qui lui marque la lèvre et qui continue de jeter quelques petites étincelles de douleur aiguë, tout en continuant d'observer les alentours avec sérieux. Bien. Ça ne semblait pas non plus la mer à boire.  
Il frissonne un bon coup et se retourne vers la jeune femme qui évite toujours, malheureusement, de croiser son regard. Il n'y a qu'une touffe de cheveux roux qui s'échappe du col de son manteau, où la moitié de son visage a disparu. Un sourire très doux glisse cependant sur ses lèvres, au cas où elle aurait l'idée de relever son museau tandis qu'il lui adresse de nouveau quelques mots :

« Il vaudrait mieux y trouver refuge avant qu'il ne fasse nuit, parce qu'un manteau pour deux dans un froid pareil, ça risque d'être juste... Et je n'ai pas emporté de tente avec moi. »

La petite plaisanterie qui lui échappe – minuscule, s'il en est – flotte vaguement entre eux, sans déclencher beaucoup plus de réactions chez la jeune femme que Nathan commence à considérer avec inquiétude. La téléportation l'avait peut-être sévèrement perturbée. Ou bien...
Oh, Seigneur, si c'était encore une fille qui ne comprenait que la moitié de ce qu'il racontait, ils n'étaient pas sorti des ronces. Après une petite hésitation, il esquisse quelques pas en sa direction, en essayant d'articuler le plus clairement possible.

« Vous... vous comprenez ce que je dis, au moins... ? Vous parlez anglais... ? Enfin, quoi, vous ne pouvez pas rester là toute seule... »

Il gamberge un instant, très soucieux, avant de poser son regard sur les jambes et les pieds meurtris de la petite renfrognée qui pendent tristement du trench où elle s'est emmitouflée.

« Attendez. »

Aussitôt, il se rassoit sur son rocher pour enlever ses chaussures crottées et se défaire de ses chaussettes. C'était un peu comme cette fois au Walmart, où il avait filé ses Converse à Eddie, sauf qu'en l'occurrence, une pointure trop grande ne servirait pas à grand-chose à cette jeune femme, à part peut-être à la précipiter dans des ornières et à lui casser le nez – et ce n'était pas tellement l'objectif de l'opération...
Enfilant ses chaussures aussi sec et nouant hardiment ses lacets, il met ses chaussettes de côté puis, aussitôt, se relève pour les tendre à la rouquine d'un geste qui n'admet pas de contestation. C'était ses chaussettes de la chance, les grises, qui figurent en rouge les D enchâssés de Daredevil, mais qui sont assez sobres pour passer inaperçues quand il doit plaider au tribunal, tout en lui offrant une espèce de réconfort secret. Quant à cette fille, elle pourrait en penser ce qu'elle voulait, elle n'était ni juge ni procureur.

« Voilà. Mettez ça. Pour moins blesser vos pieds. C'est le mieux que je puisse faire. Maintenant, venez, il faut descendre. Allez. »

Sur ces mots, insistant d'un autre regard très catégorique, il s'en va ramasser sa guitare, la cale solidement sous son bras et revient sur ses pas avec énergie. Ce serait probablement plus qu'inconfortable de faire tout ce chemin pieds nus dans des chaussures de ville, mais il devrait s'en accommoder, tout comme la fille serait bien forcée de le suivre, de toute manière, quelles que soient ses réticences à communiquer.
Il l'espérait, du moins, parce qu'il n'avait aucun moyen de la tirer de force en bas et de la mettre à l'abri. Après tout, elle devrait se faire elle-même la réflexion qu'il était probablement le seul autre être humain du périmètre et qu'il s'en allait avec autant de réponses qu'il avait pu en sous-entendre. Si ce n'était pas suffisant pour qu'elle lui emboîte le pas, il n'y aurait pas grand-chose de plus à faire.
D'un bond leste, il se laisse tomber dans l'excavation rocheuse par où il était venu, se rétablit sur ses pieds et se redresse, relevant la tête pour froncer les sourcils sur la jeune femme qu'il trouve toujours là-bas, engoncée dans son manteau. Poussant un peu sur sa voix, il l'interpelle d'un ton farouche.

« Hop, hop, hop ! C'est par ici ! Alors ! Vous avez du courage, oui ou non ? »
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeSam 1 Avr - 19:03

Le personnage qui s’agitait devant elle semblait complètement surréaliste. Au milieu de nulle part, il avait l’allure d’un petit trader ou un petit avocat, elle n’aurait su le dire. Seul le qualificatif de petit semblait lui aller. Il était certes assez élégant mais même pour elle, il était évident qu’il n’avait pas eu les moyens de se payer le tailleur qui l’aurait rendu classieux. D’ailleurs, il suffisait de le regarder faire le tour du propriétaire pour imaginer que même ce complet lui tenait à cœur malgré son peu valeur marchande. Il avait l’air de ne pas être étonné de se trouver ici et pourtant rien dans le paysage ne laissait penser qu’on pouvait y survivre dans une telle tenue. Le treillis aurait mieux fait l’affaire et la guitare… La guitare semblait être une sorte de planche de salut jetée à la mer à laquelle il se raccrochait. Si c’était le cas elle jouait parfaitement son rôle car il ne semblait pas déboussolé comme elle pouvait l’être. Cela avait le mérite d’être assez rassurant. Cela voulait probablement dire qu’il était possible de survivre ici. Enfin, si l’on prenait quelques précautions et l’une d’elle semblait consister à se mettre à l’abri assez vite.

Dix-sept heures ? Déjà Elle lança un regard à son gnomon de fortune. Son ombre était largement passé à l’opposé de ce qui pouvait être au jugé la méridienne du lieu. Bon sang mais que lui arrivait-il ? Que s’était-il passé depuis qu’elle avait posé son dernier petit caillou. Dans les contes ceux-ci étaient supposés reconduire le héros chez lui ! Cela faisait beau temps qu’elle croyait plus aux héros et qu’elle avait également laissé de côté les rêves de princesses et de princes charmant. Le seul héros qu’elle ait jamais connu était mort dans un accident de circulation comme n’importe quelle bestiole à laquelle on n’accorde pas plus d’importance que le moustique qui s’écrase sur un pare-brise. Celeborn était mort et avait laissé Galadriel dépérir sous les assauts du Roi Sorcier tandis qu’Arwen avait accepté elle ne savait quel anneau de pouvoir maléfique qui l’avait faite basculer dans l’ombre. Depuis, au mieux elle avait traversé un monde indifférent laissant la violence s’exercer sans vergogne jusqu’à se dire qu’elle était normale et encore ne vivait-elle qu’en Islande où la criminalité n’est pas la caractéristique principale.
Quoi qu’il en soit la féérie l’avait quitté depuis des lustres à moins que ce ne fût elle qui l’ait abandonnée en même temps que les gardiens de ses portes s’étaient évanouis sous l’effet des mauvais sorts de la réalité.

Elle regarda incrédule le parfait BCBG qui semblait vouloir quitter les lieux au plus vite comme s’il était responsable de l’accélération de la course du soleil dans le ciel. Que s’était-il passé pendant tout ce temps ? La question revenait sans arrêt dans son esprit qui avait perdu la belle cohérence qui faisait rapidement figure de trait prégnant de sa personnalité auprès de ceux qui l’approchaient. Cohérence, lorsqu’ils ne pensaient pas rigidité suivant des règles pourtant incompréhensibles parfois qui finissaient de la rendre bizarre si ce n’était folle pour ceux qui avaient eu à mesurer son imprévisibilité à leurs dépens. Contre toute attente, elle n’avait que très rarement fini dans un poste de police si l’on exceptait les fugues de l’internat. Sans doute parce que les seuls à qui elle s’en prenait avaient bien plus à se reprocher qu’elle-même. C’était ce qui faisait dire à son tuteur qu’elle n’était un danger que pour ceux qui le méritaient. Cet argument avait du mal à trouver son chemin jusqu’au raisonnement des juges et Jon Einarson restait avec Mimi le seul qui ne regardait pas la jeune femme avec la sensation qu’elle pouvait lui sauter à la gorge à tout moment.

Toujours était-il que la rouquine se sentait de moins en moins dans son assiette. Une transposition dans un espace inconnu, une fuite de morceaux de temps, elle aurait aimé se dire qu’elle rêvait, mais les choses étaient trop réelles pour qu’elle accepte cette hypothèse. Qu’elle le veuille ou non ce mec semblait être le seul point fixe auquel elle puisse raccrocher un semblant de raison dans tout ce qui était en train de lui arriver alors ‘il pouvait ne pas ‘évanouir aussi vite qu’il était apparu cela lui permettrait peut-être de reprendre le fil de sa vie sans trop de bobos. Elle devait admettre que ce serait de toute façon bien difficile à moins que… Décidément ! La seule échappatoire qu’elle voyait à cette situation rocambolesque était qu’elle était en train de rêver. Mais rêve-t-on qu’on est en train de le faire ? Il paraît que oui. En tout cas c’est ce que disaient des lectures qu’elle avait eues il y a quelque temps. On disait que cela donnait la possibilité au rêveur de diriger son rêve, mais en l’occurrence, elle ne dirigeait rien du tout sinon elle se retrouverait, là, tout de suite dans son appartement et se hâterait de finir son rapport. Toutes ces incertitudes commençaient à miner le moral de la jeune femme qui n’avait pourtant pas l’habitude de se laisser abattre. Elle n’avait qu’un point d’ancrage, elle devait donc s’en servir jusqu’à ce que les choses finissent pas se décanter.

Et puis elle eut comme une révélation. Ce type faisait partie du sorte de comité d’accueil chargé de prendre en charge les personnes qui... Qui quoi ? Elle n’en avait toujours aucune idée puisque la simple évocation d’une possible téléportation, car c’était le seul phénomène qu’elle pouvait rattacher à ce qu’elle vivait, révoltait son esprit cartésien. En tout cas ce mec devait avoir une place dans l’explication de ce qui lui arrivait. Ca n’expliquait pas tout mais deux trois choses tout de même : son aisance à supporter l’endroit où ils se trouvaient, la guitare complètement déplacée ici, et pourquoi pas son accoutrement propice à être à peu près présentable. Si c’était le cas elle avait deux solutions, soit le noyer de questions et obtenir de lui qu’il la renvoie d’où elle venait et lui donne en prime les explications qu’elle méritait afin de pouvoir classer ce souvenir dans les événements normaux de la vie, soit encore garder ce soupçon pour elle et se tenir sur ses garde en essayant de profiter de la situation à la moindre occasion. Elle n’eut pas longtemps à réfléchir. Manifester qu’elle avait tout compris pouvait la mettre en danger alors que jouer l’ignorance pouvait lui préserver un petit avantage en autre celui de la surprise si elle devait agir de façon définitive. A mesure qu’elle explorait cette nouvelle piste, de nouvelles comme autant d’embranchements s’ouvraient devant elle. Les moyens déployés étaient disproportionnés pour une simple traite des blanches ou quelque chose d’approchant. Des expériences clandestines seraient plus plausibles. Bon sang ! La voilà qui portait du crédit aux théories conspirationnistes. Il faut dire que sans y accorder vraiment crédit, sa navigation dans le black net pouvait avoir semé en elle un début de paranoïa. Début de paranoïa ! Elle en tenait une bonne dose déjà mais pas dans les mêmes domaines mais plutôt relative à sa propre sécurité et l’anonymat qu’elle tenait à préserver…

Il était donc possible de vivre cette situation plusieurs fois dans sa vie ? Elle ne savait pas si elle devait en être rassurée ou paniquée. Rassurée car cela n’impliquait pas une fin déjà écrite une fois qu’on avait rencontré le petit steward en costume. Mais revivre cela ! Cela promettait ! Mais elle n’en était pas à envisager une seconde expérience alors qu’elle n’avait pas trouvé le moyen de survivre à la première. Comme prise d’un tic, sa bouche se déforma fugacement et son nez se plissa une fraction de seconde.

C’est ça ! Il avait repéré des abris dans ce truc du cul du monde ! Un truc qu’elle n’avait pas vu ? Et bien soit cela ne l’engageait à rien de le suivre on verrait bien mais elle n’était pas encore entrée dans les préfas susnommés. Elle n’allait pas non plus s’allonger sur je ne sais quelle table de vivisection sans opposer de résistance !

Elle le regarde se déployer avec peine et son bel agencement se fissure. S’il est impliqué dans tout ça, pourquoi a-t-il l’air aussi mal en point ? Sa blessure à la lèvre ! Ses courbatures… Des éléments de comédie et de tromperie ? Elle a du mal à y croire. Sa tête tremble de gauche à droite autant à cause de cette sensation de ne pas pouvoir avoir de prise sur les choses qu’à cause du froid. Son regard s’agrandit et une lueur d’incompréhension vient se mêler à la flamme farouche qui l’illuminait sans partage jusque-là. Sa nuque semble être prise d’une oscillation frénétique des quelques degrés qui agitent son visage de droite et de gauche de manière saccadée et d’autant plus incontrôlable qu’elle est inconsciente.

Le pauvre ! Il n’a pas pris assez de renseignements sur elle, sinon il saurait que l’humour n’est pas son fort. Ces efforts pour détendre l’atmosphère risquent fort ainsi de rester vains. Et finalement, il a l’air aussi désemparé qu’elle ; Il regrette peut être d’avoir jeté son dévolu sur elle lorsqu’il a appuyé sur le bouton qui l’a projetée ici. Elle se rend petit à petit compte du mouvement incontrôlé de sa tête ce qui n’a pour effet que de le rendre plus rigide encore ! La téléportation est impossible qu’est-ce qu’elle croit ?!!! Il n’y a pas de bouton nulle part ! Elle veut juste savoir ce qu’elle fait là et qu’on la rende à sa vie ! Elle se traine en arrière sure le fesse lorsque le petit trader tente de s’approcher d’elle. Ses poings agrippent la poussière du sol mais elle garde un silence têtu.

Un instant perplexe, elle regarde le petit avocat, elle ne sait toujours pas, ôter puis lui tendre ses chaussettes. Vivement elle les lui arrache des mains et les enfile fiévreusement sans le quitter des yeux ce qui lui permet de prendre son petit orteil dans la lisière de chacune d’elles. C’est à peine si elle distingue Daredevil. Daredevil ! Trop facile ! Elle est fan de the Black Widow. Elle au moins mérite d’être admirée !

Elle se rend à l’évidence le temps est de plus en plus froid et sur ce point au moins le petit steward à raison, se mettre à l’abri est la meilleure chose à faire dans l’immédiat. Par contre elle ne sait toujours pas si elle lui fait confiance même si la chaleur des chaussettes est un point pour lui.
Elle finit par se redresser en laissant chanter le beau merle. Il ne pense tout de même pas qu’il la motive avec ses essais de psychologie plus ou moins inversée ? Elle n’a pas besoin qu’on la dénigre ou qu’on mette en doute ses capacités pour prendre ses décisions. Là où du moins il a réussi c’est de commencer à la mettre en rogne et lui permettre d’évacuer les sensations négatives qui la paralysaient. Tandis qu’il s’évertue à reprendre le chemin qu’il a isolé, elle fourre une pierre dans le poche du manteau. Ça peut toujours servir… Seulement alors elle consent à se mettre en route. Les chaussettes ne sont pas bien épaisses et ne changent pas grand-chose à ses douleurs aux pieds, mais c’est mieux que rien. Avec mille précautions elle emboite le pas au petit merle. Au moins s’il la fait passer par les gros rochers, elle ne se lacèrera pas plus la plante des pieds… Arrivée presque à sa hauteur elle plante un regard oblique dans les yeux noirs comme pour dire : « Allez montrez-nous ce fameux abri ! »
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeVen 21 Avr - 3:20

Les yeux de Nathan étincellent d'une discrète malice et brillent comme des micas noirs, alors que l'inconnue qui ne dit toujours mot lui emboîte le pas comme un petit caneton grincheux. Il ne sait pas très bien ce qui dans son attitude l'avait décidée à lever ses petites fesses de téléportée pour les mener en lieu sûr, mais il ne peut pas s'empêcher de le vivre comme une petite victoire personnelle et ça suffit à raviver encore un peu de hardiesse dans son cœur. La maussaderie des gens avait toujours dû trimer, peiner, suer sang et eau pour l'atteindre, lui, dans sa carapace d'indécrottable optimiste et si cette particularité avait le don d'agacer certains cyniques, ça soulevait un peu le malheur des autres.
Il était Monsieur Doliprane. Il souriait comme un petit rayon de soleil. La vie avait toujours l'air plus facile pour lui, comme le spectacle d'un athlète en pleine course ou la vue d'un danseur qui enchaîne gracieusement ses figures donnent l'impression d'un naturel et d'une aisance innée.

La vérité, c'est qu'il n'aurait sans doute pas été capable de laisser cette pauvre fille toute seule là haut en proie aux bourrasques et aux crises de nerfs, si elle avait préféré s'y planter comme un piquet pour la nuit. Il aurait fini dévoré par le scrupule avant même d'être descendu de leur perchoir, et cela, il en avait mieux conscience que personne – l'essentiel était qu'en ce qui la concernait, elle n'en sache rien.
Alors il accueille la jeune femme en tirant ses lèvres d'un petit trait espiègle, mais bienveillant, malgré la fureur qui couve dans les yeux verts qu'elle braque sur lui, et il prend de nouveau la tête de l'équipée pour ouvrir la voie la plus sûre possible.

« C'est super. Vous allez voir, bientôt on pourra se reposer. »

Ses chaussures de ville glissent inconfortablement sur les ressauts de roc où il prévoit néanmoins qu'elle ne se fera pas trop mal aux pieds en s'y engageant derrière lui. Il devait rester vigilant ou bien ce serait lui qui finirait par tomber la tête la première dans le ravin. L'air très concentré, il la surveille cependant de quelques coups d’œil prudents, au cas où elle perdrait l'équilibre...
Il y avait aussi que malgré son apparence de bon-samaritain et sa conduite de parfait gentleman, il ne lui échappait pas que sa nouvelle compagne de mésaventure le toisait toujours d'un air terriblement hostile. Ses lèvres sont pincées sur ses dents muettes et ses regards semblent lancer plus de couteaux qu'il n'en faut pour tomber raide mort. Nathan était bien au courant de ce que les gens étaient amenés à faire quand ils se sentaient acculés dans leurs derniers retranchements – ils devenaient des bêtes fauves et il pouvait se passer n'importe quoi. Il n'était pas non plus un naïf. Des cas comme ça, il en voyait défiler tous les jours.

La mystérieuse égarée, sous ses cheveux rouge vif, est manifestement sous le choc, faute de quoi elle aurait sans doute tenté d'aligner quelques mots, même sans recourir à l'anglais. Il le comprenait parfaitement. La première fois qu'il avait lui-même été déplacé, il avait manqué de tomber dans les pommes sur le parquet d'un appartement du XVIe arrondissement parisien et s'était finalement laissé emporter par une crise de panique comme il n'en avait pas vécue depuis une bonne décennie. Mais là où la terreur ne faisait de lui qu'un petit tas de frissons et de hoquets inoffensif, elle découvrait à d'autres d'inédites ressources d'agressivité. Cela ne signifiait pas qu'ils étaient moins fragiles ou vulnérables pour autant, mais indéniablement, comme eux, cette fille aux lèvres scellées représentait un danger tangible pour son intégrité. Il avait gardé ses distances, jusqu'ici. Maintenant, il ne devait pas la perdre de vue.
Et surtout il fallait parvenir à la rassurer, ne serait-ce qu'un peu, sans par mégarde allumer de mèche au milieu de la poudrière.

C'est à un double numéro d'équilibriste auquel Nathan veut se prêter, à présent. Son cœur bat de très sourdes et profondes pulsations. Il comptait énormément sur son sang-froid, comme toujours. Ce n'était pas le moment de commencer à s'affoler. Aspirant quelques gouttes de sang qui perlent de sa coupure, à la lèvre, il jette un autre coup d’œil à la petite tête rousse, en arrière, et il s'éclaircit la voix de nouveau.

« Je m'appelle Nathan. Je viens de Philadelphie, aux États-Unis. Ce n'est pas vraiment évident de vous expliquer ce qui se passe à vrai dire... Je ne sais même pas si vous me comprenez tout court, en plus, enfin bon. Hmf... » Il lâche un petit soupir, tant d'effort que d'embarras, mais retourne un autre sourire compatissant, quoique fatigué, à la jeune femme. « C'est normal, le choc, tout ça, je l'ai vécu aussi. »

Peu importe, au fond, que ses paroles aient du sens pour elle ou non, il lui semble qu'il est préférable de lui offrir au moins sa voix comme une ancre dans cette réalité insensée qu'il partageait tous les deux et qui faisait le gros dos à toute tentative d'explication rationnelle. Seulement, ce n'est pas nécessairement chose aisée de bavarder civilement tout en dévalant un sentier sauvage, sous les assauts d'une bise maritime qui vient vous fouetter de tous les côtés. Sa voix déraille ça et là et il doit la forcer de temps à autre pour qu'elle ne se fasse pas emporter dans les courants d'air. Pourtant, en s'écoutant, il considère que ça pourrait être bien pire.
Il devait remercier le bon Dieu, encore une fois, de l'avoir doté d'un coffre agréable et d'une efficace paire de poumons.

Grimpant vaille que vaille sur une grosse pierre, ses pieds trouvent le chemin d'une sorte de petit escalier naturel dans le roc, qu'il emprunte avec soulagement en s'appuyant ça et là à ce qu'il est possible de saisir. Il s'arrête un instant, profitant d'attendre l'inconnue pour reprendre son souffle, et observe sa démarche dans un douloureux élan d'empathie. Les chaussettes, ce n'était vraiment pas l'idéal, définitivement... Bien sûr, si elle acceptait, il pourrait lui offrir ses soins une fois qu'ils auraient atteint l'abri, mais il espérait ne pas retrouver ses pieds en pièces quand le moment viendrait...

Il lui laisse le temps de le rejoindre en patientant silencieusement dans les coups de vent, toujours soucieux de ne pas trop empiéter sur son espace sonore et réfléchissant en même temps à la manière d'agencer la suite de son difficile monologue. Il fait s'écouler quelques minutes en frissonnant dans son costume en tweed. Holland and Sherry se distinguaient parmi les meilleurs drapiers pour le lainage des habits d'hiver, à la condition, semblait-il, de ne pas vivre à proximité des cercles polaires. Il sent qu'il sera bientôt frigorifié.
Pourtant ce n'était encore rien à côté du sort de la rouquine. Ses jambes pâles et flageolantes émergent de son manteau, qui ne peut malheureusement pas faire beaucoup mieux que la couvrir jusqu'aux genoux. Il lui donnerait ses chaussures quand elle pourrait marcher à plat, dans la bruyère, sans risquer de faire une chute. Elle faisait trop peine à voir.

Il doit toutefois se remettre en route. S'il s'apitoyait trop, ils n'arriveraient jamais à la station scientifique avant la nuit...

« En tout cas, si je ne me trompe pas, nous sommes actuellement en Nouvelle Zélande. Vous pourriez le vérifier sur mon portable, si vous voulez, j'ai une application de GPS hors-ligne. Il est dans la poche intérieure de mon manteau. »

L'air de rien, il lui lance un petit regard en coin, tout en s'accrochant aux branches desséchées d'un arbuste pour ne pas glisser sur ses semelles en cuir, et il guette secrètement le moment où elle se trahirait. Si d'aventure elle était capable de le comprendre, il y avait fort à parier qu'elle ne résisterait pas longtemps à la nécessité de vérifier l'information. Non pas qu'il cherche à la berner, ou à la duper, mais ce long mutisme commençait à jeter quelques ombres de méfiance sur son assurance devant l’Éternel. Il veut n'en rien laisser voir, pourtant, et si la fatigue et l'émotion le rendaient bien pâlichon, il ne relâche pas ses efforts.

« Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois. » lâche-t-il, un peu à contrecœur.

C'était la partie la plus délicate à aborder. Il se pince sèchement les lèvres. De toute façon, il n'y avait pas vraiment de bon moment pour annoncer ce genre de nouvelles, ni de bonne personne à qui le faire.
Il tergiverse, néanmoins, de crainte que la révélation ne la cloue sur place ou ne la fasse détaler comme un lapin, mais au bout de quelques longues minutes, il finit par lâcher le morceau, lassé de tourner autour du pot :

« Oui. C'est arrivé à moi et à un certain nombre de personnes dans le monde. C'est pff. Sur Internet, on appelle ça l'effet Davis mais on ne sait pas bien d'où ça vient ni comment ça fonctionne... Il arrive seulement que... Eh bien, qu'on subisse des déplacements instantanés d'un point A à un point B sur Terre. Parfois, le phénomène s'inverse et par chance on revient automatiquement chez nous. »

Il ferme une seconde les yeux, pris d'un léger vertige, et s'appuie sur un pan rocheux pour soutenir son pas chancelant, au moment où il le pose sur une petite esplanade formée par l'érosion. Quand il rouvre ses paupières, il commence à scruter les alentours avec attention. Il redécouvre la plage aux lions de mer, en contrebas de la falaise, et son regard sombre en suit le relief avec d'autant plus d'inquiétude. D'ici, il n'apercevait pas l'excavation où se cachaient sournoisement les préfabriqués qu'il recherchait. Ce n'était peut-être pas encore le bon point de vue...
Il accueille une nouvelle fois la jeune femme à ses côtés, avec un sourire un peu plus mince, seulement, en songeant tristement que si elle avait une intelligence de l'anglais, il était probable qu'elle le prenne maintenant pour un fêlé du bocal. Il secoue la tête.

« Je suis désolé d'être si abrupt, je n'ai pas encore réussi à trouver les mots qu'il faudrait pour parler de ça... De toute façon, j'ai bien l'impression que tout le monde est dépassé par la situation. C'est tellement... dingue... et... énorme. Je me dis encore souvent que je vais finir par me réveiller en sursaut dans mon lit et me rendre compte que tout ce roman de science-fiction n'était qu'un très, très long mauvais rêve... Le plus long mauvais rêve de tous les temps. »

Un autre soupir s'échappe de sa poitrine pesante. Il a le front plissé, le regard un peu vague. Il reconnaît difficilement le chemin qu'il emprunte, en se remettant en marche. La nervosité commence à faire son œuvre, méticuleusement, elle tend ses muscles fatigués, raidit sa nuque et accélère son pouls, dont il sent les battements très distincts dans le creux de sa mâchoire. Toujours pas de préfabriqués. Il ne les avait pas rêvés, pourtant.

« Olala... J'ai vraiment un sens de l'orientation lamentable... »

Il se désole un peu à voix basse, et se frotte le nez contre le dos de sa main. Ça n'était pas fait pour lui les randonnées en pleine nature, il n'avait jamais, jamais eu le compas dans l’œil. D'abord, c'était l'une des principales raisons pour lesquelles il avait systématiquement raté l'examen du permis de conduire. Il était un nul. Un gros zéro. En ce domaine, en tout cas. Et puis voilà que tout à coup c'était de sa responsabilité d'amener une inconnue plus ou moins menaçante en lieu sûr ? Ah !
Ses yeux croisent furtivement ceux de la jeune femme qui s'est arrêtée à sa hauteur et il lui tend une mine d'excuse désespérément sincère.

« Mais, je vous jure, je sais bien qu'ils sont par là, ces préfabriqués, je les ai vus perchés au-dessus de la plage tout à l'heure... »

Il s'agrippe à sa guitare.
Ce n'était pas le moment. Pas le moment de commencer à s'affoler.

Il retourne vivement à ses observations, plissant des yeux avec force derrière les verres sales de ses lunettes. Les rayons blêmes du soleil qui amorce son déclin s'accrochent à ses cils. Son cœur valdingue contre sa poitrine comme une auto-tamponneuse. Il serre les dents et, dans une immense inspiration, tente de l'attraper au lasso de sa volonté et de bien le tenir en laisse. Il avale sa salive et tend un doigt vers le profil accidenté de la plage.

« C'est... c'est pas grave... Vous savez quoi, en suivant la ligne de la falaise, c'est certain, on va finir par tomber dessus... Il faut continuer... On va continuer. »
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeSam 22 Avr - 14:41

Elle se demandait bien pourquoi elle avait décidé de suivre ce type. En fait elle avait un peu de mal à faire le tri dans ces idées tant la réalité des choses avait du mal à se frayer un passage jusqu’à l’évidence et l’acceptation. Si les choses étaient bien réelles et qu’elle suivait un mec armé d’une guitare sur une île déserte, il y avait un truc qui clochait et être deux contre ce quelque chose pouvait toujours représenter un avantage d’autant que Jimi, elle allait l’appeler comme ça puisqu’il ne s’était pas présenté, ne semblait pas bien dangereux même si elle n’allait pas lui faire une confiance aveugle tout de suite. Si les événements n’étaient pas ceux qu’ils semblaient être et qu’elle était en train de rêver ou quelque chose comme ça, ce qu’elle pouvait faire n’avait pas trop d’importance.

Elle restait cependant fascinée par la bonne humeur apparente de Jimi, à croire que les choses ne semblaient pas avoir de prise sur lui. Elle au contraire pestait dès qu’elle n’avait pas de prise sur ses actions et ce qu’elle décidait. Que quelque chose de supérieur lui impose cette situation était intolérable pour la rouquine et rêver lui paraissait la meilleure option, lui évitant une déconvenue de plus au moment où elle se réveillerait. Ce qu’elle avait déjà envisagé était que le guitariste soit de mèche avec les événements auquel cas il n’avait pas vraiment à faire d’effort pour se montrer optimiste. Un bref froncement de narine agita son nez en pensant une nouvelle fois qu’elle se jetait dans la gueule du loup. Elle regarda le sommet du rocher d’où elle était descendue pour le rejoindre en se demandant si c’était la meilleure décision qu’elle ait prise depuis qu’elle était sur cette île.

De plus en plus elle sentait qu’elle allait détester ce type. « C’est super ! » Ben tiens ! On voyait bien que ce n’était pas lui qui marchait à pied de chaussette transi de froid parce qu’il était trempé jusqu’aux os ! Elle était consciente de l’injustice qu’elle proférait intérieurement. Après tout rien ne l’avait obligé à lui prêter la moitié de ses fringues.  En plus il choisit les dalles de roche sur lesquelles elle pourra économiser ses pieds. Elle ne peut que lui en savoir gré surtout qu’il n’est pas, lui sur un terrain propice au vagabondage en souliers de ville. De son côté elle cherche la meilleure façon de poser chacun de ses pas afin de ne pas aggraver les blessures qu’elle n’a pas pu éviter lors de son ascension. De temps en temps elle croise son regard qui la surveille. Un regard bien veillant mais dont elle se contre fiche dans le meilleur des cas mais surtout qui pèse sur ses épaules et dans son esprit. Elle a horreur d’être l’objet d’une attention ostensible ! La bonne nouvelle c’est le repos promis parce que là elle se sent vidée. Elle cogite trop en rond, elle a froid et elle en a marre de marcher n’importe où. Elle veut juste rentrer chez elle, au chaud devant son écran si elle en a le courage mais plus sûrement dans son lit dans lequel elle se réveillera en s’apercevant qu’elle a juste cauchemardé, que ses pieds vont très bien que son boss a reçu son rapport, qu’elle va pouvoir se présenter à son tuteur… Putain ! Son tuteur ! Si elle ne rentre pas dans les délais, elle va se retrouver encore une fois devant cette salope de juge qui la prend pour une débile profond dangereuse qui plus est. Jon Einarson est plutôt cool avec elle mais il ne pourra pas couvrir une disparition prolongée. Elle n’a même pas le droit de quitter l’Islande ! Qu’est-ce qu’elle fiche sur ce caillou ?!!! Heureusement elle est plutôt d’un naturel mesuré réagissant avec circonspection aux nouvelles situations qui se présentent à elle. Elle n’aime pas se donner en spectacle le mutisme est le plus souvent sa meilleur défense jusqu’au moment où elle sent qu’elle ne peut éviter la confrontation physique. Elle ne la recherche pas mais ne la fuit pas. A la guerre comme à la guerre. Les gens ont parfois besoin de savoir qu’on ne les craint pas et elle a appris à ne plus craindre grand monde ou en tout cas à donner le change et à surmonter la menace que les autres peuvent faire peser sur elle. Devenir pour eux une menace est sa stratégie de base. Cela peut varier d’un individu à l’autre, parfois elle est obligée de se montrer un peu tordue mais ce qualificatif n’est pas d’elle. Pousser les pions pour prendre le dessus oblige parfois à des détours…

Redescendre le versant les mettait un peu à l’abri du vent et du froid et elle parvenait à mettre un peu d’ordre dans ses pensées. Elle devait pour prendre le plus de précautions possible faire comme si les choses étaient réelles et donc que le guitariste existait vraiment et éviter de lui laisser le dessus. Elle devait déterminer son niveau de dangerosité. Les poings dans les poches du trop grand manteau, elle caressait la pierre du bout des doigts. Elle avait déjà une arme à ajouter à sa hargne et à la boxe Thaï, c’était déjà un bon point de départ. Elle ne tarderait pas à savoir qui les baraquements dont il avait parlé étaient une réalité ou une chimère destinée à la tromper. Dans le dernier cas ce serait un très mauvais point pour lui. Elle ne souhaite qu’une chose c’est qu’il ait dit la vérité et qu’ils puissent se mettre au chaud si tant est qu’il y a de quoi se chauffer dans ces fameuses cabanes.

Ah ! D’accord ! Nathan ! Jimi lui allait bien mieux mais bon c’est le cadet des soucis auxquels elle va devoir faire face alors va pour Nathan. Il est gentil en tout cas dans ses paroles et même dans a physionomie mais merde, elle a l’air si perdue que ça ?!!! Faut qu’il arrête de lui parler comme à une môme ! Elle a passé la moitié de sa vie à essayer de montrer qu’elle était une adulte responsable ! Il ne va pas lui faire le coup du juge des enfants ! C’est sûr c’est un cauchemar qui se nourrit de toutes ses peurs ! Il faut qu’elle relise ce bouquin sur l’interprétation des rêves ! Enfin, quand elle sera réveillée. Elle serre les mâchoires mais hoche la tête pour signifier qu’elle comprend son accent de la côte Est. Apparemment cette transposition de lieu peut arriver à n’importe qui et pas qu’une fois. Elle ne sait pas si elle doit être rassurée ou déjà s’attendre au prochain cauchemar. Nathan apparemment était sur la bonne voie pour accepter et s’habituer à ce truc. On n’en mourrait pas donc on pouvait s’en sortir donc. Elle se sentit un peu plus détendue même si les obligations auxquelles elle risquait ne pas pouvoir honorer lui trottait encore dans la tête.

Et puis elle se raidit. Quoi ? Elle était en train de tomber dans le piège de la bienveillance qu’il lui tendait ! Il lui faudrait plus que cela pour la faire tomber dans son filet. Elle serra les doigts sur la pierre. Et puis le verbiage du guitariste commençait à la saouler. Elle se devait de l’écouter ne serait-ce que pour essayer de démêler le vrai du faux, de faire le point sur sa situation, mais le vent qui lui soufflait dans les oreilles vrombissait obstinément et elle devait aussi se concentrer sur sa progression sur ce terrain inapproprié à des pieds aussi légèrement chaussés, à moins que ce ne fût le contraire. Bref elle n’attendait qu’une chose, c’est qu’il se taise.

Elle sautilla sur un pied après que l’autre se soit posé sur un petit caillou qu’elle n’avait pas vu en donnant à ses lèvres un rictus féroce de rage contre les éléments qui s’acharnaient contre elle. Décidément elle détestait cet endroit ! Elle était une citadine bordel ! Pourquoi l’avait-on projetée ici ? Elle faisait partie de la minorité des Islandais qui n’appréciait pas plus que cela le contact avec la nature pourtant omniprésente dans son pays surtout pour une population aussi réduite. Une ballade en moto ok, le trekking, très peu pour elle ! En équilibre sur un pied, elle passa sa main sous la plante endolorie. C’est bien ce qu’elle pensait : les chaussettes ne résisteraient plus très longtemps mais elle n’y pouvait pas grand-chose alors vaille que vaille elle reprit la descente derrière le bavard qui s’était érigé en guide de leur petite expédition. Elle espérait simplement qu’il les mènerait quelque part de plus accueillant. Elle ne savait plus quelle partie de son corps était la plus frigorifiée. Sonn nez menaçait de se briser et de tomber à terre ses jambes bleuissaient et que dire de des orteils qu’elle ne sentait plus ou bien trop. Chaque choc les lui rappelait à son bon souvenir comme si elle se cognait dans les pieds de son lit à chaque faux qui se faisait de plus en plus nombreux à mesure qu’elle marchait sur l’extérieur des pieds pour en soulager la plante. Elle s’évertue cependant à faire bonne figure. Ne jamais laisser penser à l’autre qu’on est en état de faiblesse, même s’il le sait pertinemment alors elle serre les dents pour contenir la rage qui le gagne, conjurer la douleur et ne pas proférer de sons trop éloquents.

Elle finit par le rejoindre en bas de la petite pente, la première petite pente car en jetant un œil en contrebas, elle se dit que jamais ils ne parviendront au pied de ce monticule qui avait été une vraie galère à escalader mais devenait un calvaire à descendre. Elle devait tout de même rendre justice à Jimi Nathan il pouvait avoir des paroles utiles de temps en temps. La nouvelle Zélande ? La porte à côté de l’Islande quoi ! Et encore même pas sur l’ile principale ! Un téléphone ?!! Mais il ne pouvait pas le dire avant ? Fébrilement elle cherche l’appareil dans la poche intérieure. LA poche intérieure ! Tu parles ! Il y en a au moins une centaine ! La voici enfin avec le fil de tous ses espoirs. Elle va pouvoir joindre des gens, des gens qu’elle connait et surtout leur débiter une excuse, elle ne sait pas bien laquelle pour justifier sa disparition. Allo ? Pas de souci je suis en Nouvelle Zélande mais c’est peut être juste une blague. Elle sort le smartphone de sa bienheureuse veille et recherche les indicateurs de notifications. Le dossier ? Oui oui, je le dépose sur votre bureau à mon retour… Elle a juste envie d’exploser ce truc contre les rochers. Pas une barre de signal ! C’était trop beau ! Elle jette un regard de rancœur au guitariste mais consulte tout de même l’appli GPS pour reprendre son calme et éventuellement avoir une certitude. Ile Campbell ! Elle remet en veille le smartphone en levant les yeux vers le ciel. Même pas la place de mettre la moitié de Reykjavik ! A des centaines de kilomètres de la plus proche zone habitée. En fait non, je crois que je vais avoir un contre temps si vous pouviez patienter un siècle ou deux… Le smartphone redescend doucement au fond de sa poche. Elle garde les yeux dans le vide qui la sépare de son petit monde.

Heureusement, même s’il ne le fait pas exprès, il finit par lui donner des informations utiles même si c’est peu crédible. Elle essaie de faire le tri. Plusieurs fois, plusieurs personnes. Elle aimerait bien que ça la console mais non. En tout cas on n’en meurt pas visiblement et on n’en devient pas muet. Elle a juste l’impression de tomber dans une pauvre série b qui défie tout ce que l’on connait sur les lois de la physique et qui n’arrive pas à convaincre les acteurs de ce qu’ils sont en train de jouer. Si ce truc, effet Davis ou pas voulait juste la ramener chez elle, elle s’empresserait de l’oublier tellement c’est du délire. Sauf qu’une fois qu’on a vécu un truc pareil, comment faire pour l’oublier ? Facile puisqu’elle va se réveiller ! Elle se demande juste ce qu’elle a pu visiter comme site ou lire comme bouquin pour que cela vienne envahir son rêve. Et puis, elle doit l’admettre, ce cauchemar devient de plus en plus logique et s’enchaine un peu trop bien depuis un peu trop longtemps. Mais toute information est bonne à prendre et elle se laisse happer par le discours pour une fois constructif de l’américain du coup elle se rapproche de lui et arrive à sa hauteur au moment de le voir chanceler. Elle ne sait pas trop si c’est la fatigue ou quelque chose de plus sérieux. Cela ne dure que quelques instants mais assez longtemps pour inquiéter la rouquine qui risque de perdre son guide d’un moment à l’autre. Elle s’entend prononcer :

« Are you alright ? »

A croire que dans les situations critiques, les humains sont programmés pour s’inquiéter les unes des autres… Ce n’était pas bien audible, mais elle l’avait dit.

Et puis comme s’il voulait la rassurer sur son état mental il lui décrit à peu de chose près ce qu’elle ressent depuis le début de cette expérience qu’elle ne sait pas comment qualifier. Du coup, l descend un peu à sa hauteur révélant les mêmes faiblesses qu’elle. Quelque chose alors la rassérène malgré le vent le froid et ses pieds qui partent sans doute en loque. Cela fait un petit moment qu’elle ne cherche plus à savoir ce qu’il advient d’eux et de toute façon, chaque pas est une occasion de se rendre compte qu’ils sont toujours au bout de ses jambe marbrées de violet.

Elle profite de cette halte pour s’assoir et faire faire aux chaussettes un demi-tour autour de ses pieds, histoire de présenter une face sans trou à la partie en contact avec le sol. Comment ça un sens de l’orientation lamentable ?! Il ne lui faut qu’une étincelle pour comprendre ce que cela signifie. Ils sont perdus. Sur le principe elle le sait déjà depuis qu’elle s’est retrouvée dans l’eau glacée de la plage, mais il lui avait fait miroiter un abri qu’il avait soit disant repéré, mais apparemment il n’avait pas compté sur ce nouveau paramètre. Elle sent un nouveau coup de fouet qui lui intime l’ordre d’évacuer toutes les questions de réalité pour plus tard et de se préoccuper de leur survie. Le gars plein d’expérience de la chose qu’ils étaient en train de vivre ne semblait pas au mieux ni en pleine possession de ses moyens. C’était donc sans doute à elle de reprendre les choses en main. Elle s’était trop longtemps laissé conduire et elle en éprouvait soudain autant de honte que de colère contre elle.

Elle croise les bras sur la poitrine l’air plus résolu. Ok ! Les préfabriqués ! Admettons qu’ils existent puisque de toute façon c’est notre seul espoir avant la tombée de la nuit. Elle regarde le soleil et tente de le situer dans sa course. Il leur reste du temps mais pas tant que ça. Elle dirait deux heures, trois maxi. Elle l’écoute essayant de se justifier et de trouver une issue de secours à son fiasco. Visiblement il s’emmêle dans ses souvenirs et ses repères au point qu’il serait foutu de la faire paniquer à considérer son manque d’orientation. L’idée de suivre la falaise n’est pas mauvaise en soi, sauf qui si elle a bien évalué le sens de son discours de guide paumé, il serait capable de leur faire faire le tour de l’île dans le mauvais sens et avec le temps qu’il leur restait et l’état de ses pieds, elle n’y tenait vraiment pas. Elle fit le point sur les moyens de rallier leur hypothétique abri de la façon la plus sûre. Ils avaient les souvenirs du guitariste, les siens et... Et le GPS. Sa voix sortit claire et assurée, preuve d’une nouvelle vigueur d’esprit si ce n’était pas physique.

« Avant de se lancer dans une direction aléatoire, on va d’abord faire le point. »

Son ton comme souvent ne supportait pas la contradiction. Ce n’était pas de l’autoritarisme, elle détestait l’autorité. C’était juste que son panel de façons de s’adresser aux autres n’était pas très étendu et que dans une situation où il fallait prendre des mesures claires c’était à peu près le seul qu’elle avait à sa disposition.

« On a une appli GPS et ce dont tu te souviens. »

Elle saisit le smartphone et retourna sur l’appli. Pas une second elle ne s’était dit qu’il pouvait avoir envie de reprendre possession de l’appareil. Elle retrouva facilement leur position. Et se mit en devoir d’orienter la carte en se référant au relief qu’il venait de quitter de la mer et de la position du soleil. Elle passa en vue aérienne avant le tendre l’écran sous les yeux du guitariste.

« On va essayer de zoomer sur la côte dans les environs… »

Ses doigts s’agitèrent sur l’écran tactile pour faire varier le taux d’agrandissement et faire circuler la côte sous ses yeux avant de relever un visage triomphant. Et de lui brandir devant le visage une image ou l’on devinait une série de rectangles blancs visiblement d’origine humaine.

« De l’autre côté du fjord. Si on prend par là… »

Son doigt se tendit vers le paysage pour indiquer un chemin à travers les rochers et la végétation.

« … ça nous éviterait tout le pourtour de la côte… »

Elle souffrait d’avance de se dire qu’il y avait encore toute cette distance à parcourir, sans doute encore deux bons kilomètres avec une descente le long de la falaise pour rejoindre les cabanons qui semblaient sur l’image satellite être posés à fleur de l’eau mais ce n’était pas très net…
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeJeu 27 Avr - 2:56

Il avait été inquiétant, tout de même, de constater que sa silencieuse inconnue comprenait au moins une bonne partie de son discours mais qu'elle préférait prendre le parti de ne pas y répondre. D'un autre côté, elle ne s'en était pas caché, dans son empressement à trouver son téléphone au fond de la poche de son manteau et ainsi consulter la base de données du GPS.
Alors quand sa voix finit par percer la frontière de ses lèvres, bien gardée jusqu'ici par les sévères miradors de ses mâchoires, c'est comme si elle venait repêcher Nathan d'une trop longue plongée en apnée. L'air explose dans sa poitrine et il se retourne vers elle, les yeux pleins d'une gratitude inexprimable.
Elle parlait anglais – avec un accent difficile à identifier, certes, mais c'était un anglais pleinement compréhensible. Il se prend avec surprise à louer le Ciel de cet heureux dénouement, tandis que la rouquine, elle, pallie à sa détresse passagère en manipulant son propre téléphone et en lui lançant quelques invectives d'un timbre ferme et sûr.

« Le... le fjord... ? »

Déconcerté, il balaie quant à lui la lande d'un regard pensif et ne s'arrête que sur le ruban gris d'une rivière qui se fond presque avec la monotonie jaunâtre du paysage et qui va en roulant imperceptiblement jusqu'à la mer, enchevêtrée entre les bosses des valons. C'est loin de correspondre à l'image qu'il se fait d'une ancienne vallée glaciaire – sans être géologue, bien sûr – à moins que la montagne ne se soit fait la malle depuis le temps ou qu'elle ne se soit tassée avec l'âge comme une vieille grand-mère.
Alors de deux choses l'une : ou bien cette jeune femme savait de quoi elle parlait et dans ce cas il faudrait qu'il glisse un œil dans un atlas en rentrant chez lui, ou bien ce n'était de sa part qu'une erreur de langage fort instructive.

Cependant, Nathan laisse ses conclusions là pour le moment et se concentre plutôt sur le chemin qu'on lui indique d'un geste résolu, en plissant des yeux derrière les verres de ses lunettes, une main postée en visière sur son front. Ce qu'elle lui dit le laisse dans une inconfortable incertitude. « De l'autre côté du fjord ? » Elle n'avait quand même pas en tête de le franchir à la nage, ce cours d'eau... ?

« Vous voulez dire, murmure-t-il, du bout des lèvres, qu'il faudrait qu'on traverse la riv...  Oh ! »

L'exclamation, comme le glapissement enroué d'un renard, lui échappe à l'instant où ses yeux se posent sur un amincissement net du lit tortueux de la rivière, au loin, jalonné par quelques rochers qui en rendraient le passage possible. Son visage s'illumine d'un très large sourire, tandis qu'il se retourne vers la petite louve aux yeux verts. Elle montre à peine le bout de son museau méfiant, encore à moitié engoncé dans le col de son manteau, mais Nathan, lui, se sent presque transcendé de soulagement. Il glousse un peu, à fleur de nerfs, et s'apprête à lancer joyeusement son poing à la rencontre de celui de sa partenaire, ou de son épaule, comme il le faisait avec son frère dans ses moments d'enthousiasme ou quand celui-ci lui tirait semblable épine du pied.
Mais cette fille n'était pas Lionel et il réalise tardivement qu'il ne pouvait même rien prévoir de sa réaction, alors il rattrape et avorte son mouvement avec maladresse en l'achevant quelque part dans le vide.

« Heyy... bien joué ! »

Et puis, il s'éclaircit la gorge, drôlement embarrassé. Elle le trouverait sans doute idiot de s'enflammer devant des peccadilles telle que celle de savoir utiliser un GPS. Son moment de panique passé, il aurait même fini par se souvenir lui-même de cette application. Il en avait parlé quasiment à l'instant, après tout...
Il sent une espèce de chaleur importune lui monter aux oreilles.

« Bon ! lance-t-il, comme si un éclat de voix pouvait lui rendre sa contenance perdue. Bah on va pas y passer le réveillon ! Alors finissons de descendre ce satané tas de cailloux... Et quand on sera en bas, je vous prêterai mes chaussures pour économiser votre voûte plantaire, d'accord ? »

Il cale sa guitare sous son bras et se redresse fièrement, en essayant de coller quelques rayons de lumière sur son teint cireux. Son cœur s'était considérablement allégé, ces deux dernières minutes. Son corps tout entier lui pèse tout à coup un bon quintal de moins à ce qui lui semble, et il lui paraît même se soustraire par moments aux lois de la pesanteur, quand un petit élan d'espoir revient le traverser en flèche, çà et là. Il respire plus aisément.
Il était temps de n'en faire qu'une bouchée, de ce ridicule mont de pacotille.

« Je passe devant pour vous ouvrir la voie, alors si vous voulez bien, vous serez au gouvernail... criez bien fort si je me trompe de chemin ! »

Il offre à la jeune femme une nouvelle petite moue complice et lui laisse entre les mains son portable comme gage de sa confiance – ce qui lui avait déjà valu, d'ailleurs, et bien des fois, de se le faire voler, mais il récidivait toujours. Sans une remarque de plus, un fredonnement au bord des lèvres, il s'élance avec énergie dans la descente prudente de leur promontoire.
Il était fatigué, cela faisait treize à quatorze heures qu'il était debout, sa journée au tribunal lui avait donné moins de motifs de satisfaction que de désarroi, il avait les jambes en compote et les nerfs en pelote. Mais ! Il n'était pas question de céder au cafard pour l'instant... Il faudrait au moins attendre d'avoir un toit où dormir. C'était un des souvenirs qu'il gardait précieusement de ces jours de grisaille où il errait dans la rue et des nuits où il se résignait à dormir sous les arrêts de bus avec sa guitare, ses montagnes de livres et son énorme sac de voyage. Cela n'avait duré qu'un an, un peu moins, à vrai dire, mais c'était assez pour en tirer des leçons. Les lamentations, il fallait toujours se les garder pour le bout du chemin, sans quoi on s'arrêtait au bord du trottoir et on n'avançait plus.

Il marchait.

David Bowie s'était invité dans sa tête. Un saxophone jouait à cache-cache avec son chant lancinant et ses rêveries crépusculaires papillonnaient sur les yeux de Nathan, en jetant quelques voiles satinés sur le morne paysage qu'il surplombait. Ça lui donnait un peu l'impression de déambuler dans un parc. Que la vie était ordinaire et paisible. Les notes fleurissent doucement dans sa gorge et s'écoulent comme un songe feutré sur ses pas, comme une cape miraculeuse qu'il lançait sur ses épaules et qui le mettait à l'abri de tout.
Et puis il avançait, il s'élançait d'une pierre à l'autre et prenait toujours garde à ouvrir le chemin le plus dégagé possible pour les pieds blessés de sa camarade téléportée.

Ça devrait aller, ça irait bien. Ça n'allait pas si mal.
Que ce soit cette ritournelle que son cerveau trouvait bon de se répéter sur les airs de Ziggy Stardust était d'une curieuse ironie, mais il s'accrochait fort à ces certitudes, parce qu'il n'avait pas grand-chose d'autre à ce moment précis. Il aurait aimé avoir Atéa à ses côtés – du moins, quelqu'un qui partagerait les mêmes déboires, qui l'aiderait et qu'il aiderait à surmonter ces événements absurdes en chantonnant en chœur quelques fantaisies. Mais moralement, pour l'instant, il devrait composer avec lui-même.
Pour le reste, son petit timonier pâlichon, quelques pas derrière lui, lui donnait de temps à autre une volée d'indications sur la direction à suivre, et il était déjà très agréable de pouvoir compter sur cette aide.
Il la trouvait hardie, cette jeune femme. A sa place, il n'était pas sûr que le choc l'aurait rendu d'une quelconque utilité. Il avait le sentiment plaisant, finalement, de former avec elle une équipe et que même sans se comprendre tout à fait, ils sauraient se reposer l'un sur l'autre pendant ce bout de chemin ardu qu'ils feraient ensemble.

Au bout de très longues minutes de marche, il finit par dévaler trois derniers rochers d'un pas plus désordonné, et sa course se finit dans la bruyère qui l'amortit presque comme dans le moelleux d'un matelas. Ses jambes flageolent. La tension de ses épaules est douloureuse. Il essuie un peu de sueur qui perle de son front dans le creux de sa main.

« Ouf... »

Sans plus de cérémonie, il se laisse tomber les fesses dans le tussack desséché et pousse le plus long soupir qu'il est humainement possible de tirer de deux poumons. Puis, il tire sur ses jambes fatiguées, ramène son premier talon vers lui et entreprend de se déchausser avec toutes les précautions du monde. Il découvre un pied déjà tout rebondi d'ampoules. Bien peu inspiré par ce spectacle, il crispe ses lèvres et grimace de douleur, légèrement, en agitant ses orteils. Ça ne leur ferait sans doute pas de mal de changer d'air...
La seconde chaussure lui offre moins de résistance et c'est avec beaucoup de soulagement que Nathan les aligne devant lui, avant d'arracher du sol une grosse touffe d'herbes semblable à de la paille. Il la fourre méticuleusement tout au fond de ses Derbies noires, afin que la rouquine puisse y caler ses petits pieds et marcher dedans sans trop perdre l'équilibre.

« Au fait... souffle-t-il en levant un regard intrigué vers elle, les mains encore bien occupées. Je peux vous demander votre nom ? » Sa voix n'est plus si ferme, tandis qu'il lutte, en catimini, contre le désordre bruyant de son pouls qui tambourine à sa jugulaire. Mais il s'efforce en tout cas de sourire, avec toute la bonne volonté du monde. « Vous venez de Scandinavie... ?  Ou, enfin, d'un pays du Nord, comme ça ? »

Ce n'était que maintenant qu'il choisissait de revenir à sa devinette d'un peu plus tôt. Mais cette histoire de « fjord » le rendait curieux, si elle ne lui avait pas même mis la puce à l'oreille. Il ne s'imaginait pas beaucoup de vallées glaciaires que dans la petite ribambelle de pays du nord qu'il connaissait. Et toutefois, à la réflexion, il n'était peut-être pas non plus absurde qu'il en existe en Nouvelle Zélande. Ils ne se trouvaient après tout pas très loin du cercle polaire.
Il achève son travail avec application, ne lançant à la jeune femme que quelques coups d’œil concentrés pendant ce temps. Et puis il se redresse sur ses genoux et lui tend ses Derbies d'un air pleinement satisfait.

« Tenez, voilà. Enfilez-les. » Il se laisse retomber lourdement dans l'herbe, profitant encore autant qu'il le peut de ce moment de répit. « Avec un peu de chance, on trouvera un nécessaire à pharmacie, là-bas. On pourra soigner vos pieds. Je vous conseille de caler peut-être encore votre talon avec de l'herbe. Il faudra faire attention à ne pas trébucher... »
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeMar 2 Mai - 20:43

La perspective d’arriver effectivement à un endroit potentiellement chauffé ou chauffable avait redonne une partie de son énergie et de son allant à la jeune femme. Cela ne signifiait pas qu’elle allait se lancer dans de grandes conversations, ce n’était pas le genre de la maison, mais au moins ferait-elle moins figure de boulet à traîner au pied de l’avocat qui n’avait pas mérité pour le moment d’aller faire un tour au bagne même si leur situation pouvait faire penser aux îles carcérales de sinistre mémoire même pour des jeunes du XXIème siècle. De toute façon, elle était bien trop occupée à oublier ses plantes de pieds et à chercher un chemin vers leur destination. Avoir une direction, un objectif était ce qui lui manquait pour sortir de la léthargie. Il lui semblait que son sang recommençait à circuler librement dans ses veines. Elle jeta un regard noir à Nathan à la remarque sur le fjord. Comment désignait-on une avancée profonde de la mer à l’intérieur des terres en américain ? Elle avait à faire à un puriste. Quelque part cela plaisait assez. Elle aimait bien qu’on appelle un chat un chat. En plus elle aurait bien dit que c’était tout de même un fjord même si les versants étaient moins abrupts qu’en Scandinavie, Islande comprise. Mais bon, elle voulait bien admettre qu’elle avait tort et puis ce n’était pas le sujet. Il s’agissait juste de parler de la même chose et la réaction du guitariste indiquait que c’était bien le cas.

D’ailleurs elle est assez surprise de constater l’attention qu’il porte à ce qu’elle lui raconte. Le genre de crédit qui indiquerait qu’il ne connaît pas vraiment le coin et qu’il ne fait pas partie de la machination qui l’a conduite à erreur sur les pentes d’un gros rocher posé au milieu de ce qui semble bien être l’océan Antarctique. Putain ! Chaque fois qu’elle y pense elle a l’impression de ressentir le vertige des distances parcourues en l’espace de rien ou alors c’est qu’elle a perdu connaissance un bon bout de temps. Elle ne sait pas quelle alternative lui convient le mieux ou plutôt le moins bien.

Elle passa donc sur l’incident du fjord pour se concentrer sur l’essentiel. La rivière… Oui la rivière. C’était bien le genre d’obstacle qu’il fallait en effet traverser. Elle n’était pas une fille habituée à la bourlinguer dans la nature, mais ce type ne semblait pas plus accoutumé qu’elle à la chose. Elle tordit sa bouche sur le côté en hochant la tête pour signifier qu’en effet la traverser semblait indispensable même si on pouvait toujours trouver un guet ou quelque chose qui aide à une traversée moins réfrigérante. Cela ne devait pas avoir rassuré son compagnon d’exploration à en juger par le gémissement pitoyable qu’il laissa échapper, avant qu’il ne réagisse comme si son équipe préférée de foot-balll venait de réaliser un touchdown. Et c’est elle qu’on qualifiait de bizarre ! Rien qu’à cause de changements d’humeur et de physionomie, il y aurait de quoi écrire un livre sur ce mec ! Et puis s’il pouvait garder ses distances. On commence par un tcheck puis à la vitesse où il va il va vouloir lui faire un câlin. Elle lève les yeux au ciel.

C’est un des rares points communs qu’elle a avec Arwen. Elle levait toujours les yeux au ciel, lorsqu’elle lui posait des questions auxquelles elle ne voulait pas répondre ou dont la réponse devait lui sembler évidente. Elle se souvient qu’elle détestait ce moment où les yeux deviennent presqu’entièrement blancs. Elle se rembrunit. Elle n’aime pas ressembler à sa sœur, avoir ses manières. Même après toutes ces années sans nouvelle d’elle, elle sait qu’elle est toujours en vie quelque part et qu’elle fait sûrement le mal autour d’elle. C’est horrible cette sensation d’infantilisation chaque fois qu’elle pense à elle ! Elle ne sait pas quand elle sera libérée de son image. Elle en serre de nouveau les mâchoires

Ouais bien joué ! Ouais. Lorsqu’elle voit tout le chemin qu’elle va devoir encore parcourir en se lacérant les pieds elle se demande si elle arrivera au bout. La promesse d’hériter des grolles du guitariste n’est pas trop une consolation. De toute façon il sera sans doute trop tard pour ses pieds. Machinalement elle soulève le pied droit. Une sensation de chair collée au rocher ralentit son geste. En fait c’est à la chaussette que son pied est collé. Elle espère que ce n’est que de la transpiration, mais vu comme ça pique en dessous… Elle renonce à observer tout ça de plus près. Ca n’avancerait à rien hormis lui faire plus peur… Elle remet le téléphone en veille et il rejoint le fond de la poche du manteau. Elle aurait pu l’éteindre tout à fait pour vraiment économiser la batterie, mais on e savait jamais et le code PIN. Au moins il est allumé et elle peut y avoir accès même si Nathan tombe du haut d’une falaise.

Elle esquisse un rictus qui se voudrait un sourire de remerciement dans la direction de l’avocat. Il est en effet temps de reprendre leur progression en direction de leur salut. Elle serre les dents et se prépare à souffrir encore au moins un kilomètre. Faudrait qu’il arrête avec son bavardage incessant ! La perspective des milliers de pas qu’elle doit encore parcourir avant d’espérer pouvoir s’occuper de ses pieds lui plombe soudain le moral et une immense fatigue semble devoir la submerger alors il faut qu’il se taise. Ok ! Il est gentil mais là ! Elle prend une bonne respiration et puis elle commence sa descente. Oui, oui, elle lui dira s’il se trompe, mais elle a un peu tendance à regarder juste devant elle pour éviter de nouvelles blessures à ses pieds alors s’il pouvait se repérer avec le paysage… C’est pourtant pas compliqué ! Descendre la pente en direction du guet sur la rivière. Elle hoche la tête en signe d’acquiescement

Heureusement qu’il a un manteau et des chaussettes ! Elle a un problème avec les larmes. Elle ne sait pas pleurer ou elle a oublié comment on faisait mais elle hurlerait bien contre tous les petites cailloux et même les brindilles qui se mettent sur son passage, se faufilent entre les milles des chaussettes, enfin ce qu’il en reste. Et vous avez remarqué ? C’est toujours dans le même sens qu’ils vont toujours de l’extérieur vers l’intérieur et jamais le contraire ! Mais une fierté stupide l’en empêche et elle avance vaille que vaille. De temps à autre, elle prend le temps de s’asseoir pour retirer les petits morceaux de végétation qui s’incrustent et qu’elle peut attraper. Puis elle lançait un regard vers le bas avant de maudire en pensée le chanteur et sa guitare muette. David Bowie ! Il avait des goûts de chiotte ! Elle reprenait sa progression vaille que vaille en silence. Son teint pâle d’ordinaire rosé avait viré au gris et ses yeux se cernaient petit à petit à mesure que la fatigue nerveuse prenait le dessus.
Quitte à l’assourdir il ne pourrait pas chanter un bon system of Down ? Ou encore mieux se taire ? Se taire et regarder le chemin ! Mais putain ! C’est vrai qu’il était capable de les perdre ou de leur faire faire trois kilomètres de plus !

« La piste de gauche ! De gauche ! »

Elle sentait à chaque fois ses lèvres trembler et sa voix chevroter symptôme de sa faiblesse du moment mais aussi de sa mauvaise humeur. Elle détestait cette impression de naufrage. L’ironie était qu’ils étaient réellement naufragés, naufragés du temps et peut être bien de l’espace. Cette dernière pensée vint ajouter à son vertige et elle ressortit rapidement le téléphone qui faillit lui échapper et s’écraser sur le rocher pour vérifier la date et l’heure. Si elle considérait qu’il y avait un certain décalage horaire entre les USA et ici, cette île de merde, les choses avaient l’air à peu près normal de ce point de vue.

Elle regardait son dos et ses cheveux crépus. Elle avait envie de l’étriper comme tout ce qui pourrait passer à sa portée mais en même temps elle était soulagée d’avoir quelqu’un contre qui reporter sa fatigue et ses douleurs. S’il avait su toute la rage qu’il cristallisait sur lui, il se serait sûrement sauvé à toute jambe. En même temps c’était bien cette rage qui lui permettait d’oublier un peu ses pieds et de continuer à avancer.

Le bas du monticule est enfin atteint et elle se laisse tomber sans égard pour le manteau. Le teinturier de l’américain ferait peut être fortune mais c’était le cadet de ses soucis. Elle le regarda se déchausser avant d’entreprendre d’ôter les chaussettes réduite à l’état de loque. A certains endroits, la trame s’est insérée dans les coupures ou colle aux parties écorchées. Elle serre les dents. Elle aimerait penser qu’ils pourraient faire l’échange mais étant donné l’état de ses malheureux vestiges de tissu elle doute que le guitariste puisse en faire quelque chose d’utile. Et puis… Mais à quoi pense-t-il ? Mettre du foin dans les chaussures ! Pour que ça remplisse ses plaies ?! Ce type est dingue ! Il est même encore préoccupé par les conventions mondaines ! Elle soupire mais consent à lui répondre.

« Mona. Je vis en Islande. C’est un peu au Nord oui. »

Elle prend les derbies et tend en échange les anciennes chaussettes. Peut-être en aura-t-il tout de même l’utilité. Elle regarde les souliers, un peu indécise. S’enfiler des brins d’herbe sous la peau ne lui dit rien qui vaille mais en même temps ses plantes de pieds risquent bien de finir collées à l’intérieur des chaussures. Entre la peste et le choléra, elle ne sait quel mal choisir et puis elle se décide. Au moins si ses plaies sont végétalisées, pourra-t-elle tout de mêmes les sortir des groles et les soigner, enfin elle l’espère. Par contre une fois collées sur le cuir des chaussures… Elle laisse l’avocat tout à son repos improvisé et teste la répartition des herbes au fond des chaussures. Pas trop mal… Elle desserre le plus largement possible les lacets en regrettant déjà ses fidèles rangers. Avec l’espace que cela lui laisse elle enfile son pied sans pour autant détruire le bel agencement végétal sensé lui servir de semelle et de protection. Pas besoin de resserrer les nœuds pour deviner que le guitariste fait au moins deux pointure de plus qu’elle. Il va en falloir du foin pour combler cette différence ! Maintenant que ses plantes de pieds sont bien ruinées de brin de végétation, autant aller jusqu’au bout et elle se met en devoir de finir d’enrober son pied tout entier de tussak. L’avantage collatéral c’est qu’elle sent soudain moins le froid.

« Tu devrais en mettre dans les chaussettes. »


Elle n’a pas jeté un regard à son compagnon d’infortune et ne se demande même pas s‘il va suivre son conseil. Après tout c’est son problème. Prudemment elle se remet debout. Le foin gratte ses pieds mais c’est supportable. Elle esquisse quelque pas pour tester ses nouveaux mocassins et elle est surprise de constater que même si ce n’est pas le Pérou, ça devrait faire l’affaire, un petit moment en tout cas. Cette nouvelle sensation lui redonna le courage qu’il fallait pour rependre leur progression.

« Je passe devant. »

Cela faisait longtemps que sa voix ne lui avait pas paru aussi ferme. Certes la mâchoire tremblait un de froid mais on y entendait une nouvelle détermination. Elle plissa les yeux pour essayer de dégager du paysage le chemin le plus praticable jusqu’au guet. Il fallait éviter le plus possible la végétation buissonnante pour privilégier si possible les passages de roche plate s’il y en avait encore, ou de tussak qui s’il protégeait leur pieds dans leurs chausses pouvait faire office de tapis providentiel sur leur chemin. Elle essayait d’anticiper pour le bien être de l’Américain qui avait, elle devait le concéder pris grand soin d’elle depuis le début. Son examen du paysage terminé, elle prit le départ. Elle ne se préoccupait pas de savoir su l’autre la suivait mais c’était pour elle une évidence. N’était-ce pas lui qui avait insisté pour qu’ils se mettent en route au plus vite ?

Se repérant aux plages de couleur da la végétation elle optait pour les zones jaunâtres et verts de gris en essayant d’éviter les zones plus sombres couvertes de rhododendrons et autres bruyères. Elle avait appris à ses dépend en gravissant la colline que les grande feuille vert vif étaient assez coupantes et qu’il valait mieux les éviter même si elle n’en connaissait pas le nom. Après cinq minutes de marche elle s’arrêta pour constater la position du bon Samaritain qui lui avait laissé ses souliers dans lesquels elle trébuchait tous les dis mètres mais avaient le mérite de la protéger de blessures plus importantes. Ses plantes de pied ne laissaient pas encore oublier mais encore une fois elle pouvait comparer à des charentaises, comparées au calvaire qu’elle avait enduré durant la descente.

Il la suivait d’assez près et ne s’en sortait pas trop mal. Assez en tout cas pour faire s’envoler le peu de culpabilité qu’elle pouvait avoir de l’avoir délesté de ses Derbies. Elle reprit donc son avancée avant d’atteindre la rivière. Cette eau courante lui donna encore plus soif qu’elle n’avait déjà. Cependant elle se contint se demandant si elle pouvait être potable. En outre, elle devait être glacée et le froid à l’extérieur était amplement suffisant. Inutile d’en faire entrer dans son organisme. L’eau circulait entre les rochers qui devaient former un chemin au sec pour rejoindre l’autre rive. Le tout était de sauter de l’un à l’autre et vu l’état de leur pied et la nature de ses chaussures aux semelles bien lisses. Ce n’était pas gagné. Elle se tourna vers le chanteur qui n’avait pas repris sa mélopée depuis leur halte.

« Pieds nus, ce sera plus sûr non ? »

Sans attendre sa réponse elle s’assit sur le premier caillou et tenta d’ôter la première chaussure et grimaça. Son pied sortit de la chaussure, enrobé de brins d’herbe. Délicatement, en serrant les dents, elle entreprit d’enlever les fragments de végétation. En fin de compte ce n’était pas si terrible mais certains restaient comme incrustés surtout sous les pieds. Elle prit son pied entre ses mains pour présenter sa plante à son visage. Les étirements de la boxe thaï et la jeunesse lui rendaient la chose aisée. Les coupures et les égratignures se disputaient la surface de sa peau trop tendre pour le genre d’aventure à laquelle elle était confrontée. Elle prit une moue contrariée avant d’ôter le second mocassin et résolut de prendre le taureau par les cornes. Les eux mains en contrefort pour éviter de glisser dans le rivière elle s’étira vers le bas du rocher pour tremper les pieds dans le cours d’eau et permettre à la rivière de finir de la débarrasser des restes de tussak. La température glaciale la saisit et elle les retira immédiatement. Elle attendit quelques secondes d’avoir digérer cette déconvenue avant de retenter l’expérience et de maintenir ses pieds dans la tenaille polaire, au moins le temps de les débarrasser des saletés. Puis elle se mit en devoir de les masser aussi énergiquement que la douleur le lui permettait. Elle avait oublié pendant tout ce temps son partenaire d’aventure et le chercha du regard pour lancer le signal de la traversée. En pleine possession de ses moyens ce serait une formalité, mais dans son état, elle imaginait bien que chaque appel nécessaire pour sauter de roc en roc serait une épreuve.
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeDim 21 Mai - 16:23

« Eh bien. De rien, votre Altesse. »

C'est un élan d'indignation qui lui vient du fond du cœur. Il contemple lourdement Mona, de longs instants, les yeux grands ouverts. Mais non, définitivement, aucun remerciement ne passe la frontière toujours plus close de ses lèvres. Elle considérait peut-être que ces chaussures lui étaient dues, comme le fait qu'un inconnu doive se déshabiller au milieu de la pampa pour couvrir ses petites fesses. Ce n'était pas le cas.
Nathan n'avait pas relevé jusqu'ici la bouderie continuelle de la demoiselle qui même après une heure de marche commune ne lui faisait pas l'honneur de prononcer plus de trois phrases au ton aride. Mais sa banale ingratitude commençait à le heurter pour de bon. Et il avait beau être très aimable, il n'était pas dit qu'on lui marcherait si facilement sur les pieds.

Redressant fièrement la tête, il récupère néanmoins ses chaussettes Daredevil, dans un très sale état, et s'emploie à appliquer le conseil qu'elle avait eu l'incroyable prévenance de lui lâcher, avant de retourner dans son coin. Il secoue la tête, stupéfié par tant de puérilité, et enfile ses chaussettes en tentant d'y enfoncer en même temps assez d'herbe sèche pour s'en faire une semelle relativement acceptable.
Et puis la voilà qui s'en va. Il reste un peu penaud, toujours assis à sa place, sans très bien comprendre l'initiative. S'il avait pris les devants tout à l'heure, c'était pour éviter qu'elle ne tombe dans les rochers alors qu'elle avait déjà l'air bien mal en point. Maintenant qu'ils avaient retrouvé un terrain plat, partir en éclaireur semblait bien inutile, ils pouvaient tout aussi bien marcher ensemble. Cela ne semble pas du goût de la jeune femme, toutefois, et Nathan doit se presser de finir son ouvrage pour s'élancer sur ses talons.

Et leurs pérégrinations reprennent. Le froid se fait plus vif, à mesure que le soleil finit sa course, dans le ciel.

Les traits de Nathan commencent à accuser franchement la fatigue qui peu à peu engloutissait la concentration dont il savait faire preuve d'ordinaire. Le silence lui pèse, l'angoisse grimace douloureusement dans son ventre. Mona cavale toujours bien en avant. Elle avait peut-être besoin de se convaincre qu'elle pouvait encore établir seule un contrôle entier sur la situation. Il y avait des gens comme ça, pour qui l'indépendance était un orgueil, et qui dédaignaient les mains tendues comme si les saisir revenait à dévoiler une faiblesse ou une défaite humiliantes à la face du monde. Il était inutile d'espérer dresser ces mustangs-là, Nathan en avait fait assez l'expérience. Le mieux qu'il pensait faire était encore de rester disponible, mais en retrait, fidèle à un poste où ses protégés étaient assurés de pouvoir le trouver et depuis lequel il pouvait surveiller leurs frasques, en cas de malheur. S'ils se gamelaient, il était là pour eux et il escomptait qu'ils finiraient par en apprendre quelque chose. C'était un exercice de patience. D'infinie patience.

Nathan ferme un instant ses lourdes paupières sur son regard et passe une main sous ses lunettes pour se frotter les yeux. Dans un petit soupir, il les rouvre sur Mona qui galope toujours en tête et il force docilement ses jambes pour continuer à la suivre. Après tout, il était contrebassiste. Il était capable de mettre son ego de côté pour accompagner et embellir plutôt que de vouloir mener à tout prix. Seulement, il ne savait pas trop ce qu'elle attendait de lui en s'improvisant tout à coup chef de leur petite expédition – ou même si elle attendait quoi que ce soit de sa part. Elle avait peut-être simplement choisi de faire cavalier seul : c'était encore le plus probable, étant donné qu'elle ne lui avait pas adressé un mot ni le moindre coup d’œil depuis leur halte.
Il secoue la tête, piqué d'agacement, et pince ses lèvres dans un rictus froissé en fixant la silhouette frêle de la rouquine au milieu de la lande. Il s'était fait des illusions tout à l'heure. Cela lui arrivait quelques fois. Trop d'enthousiasme.
Ils ne faisaient pas équipe, elle et lui. Elle l'ignorait superbement et il guettait toujours ses caracoles comme une maman surveille soucieusement qu'il n'arrive pas de mal à son arrogant rejeton. Ils ne faisaient pas équipe. Mais n'était-ce pas pourtant ce qu'ils avaient de mieux à faire dans des circonstances pareilles ? Ils étaient à égalité devant cette adversité absurde de la vie, mais ils avaient la chance d'être deux pour la surmonter. S'ils n'en tiraient pas parti, s'ils ne marchaient même pas côte à côte pour faire front, à quoi bon diriger leurs pas dans la même direction ?
Nathan lâche un soupir offusqué dans l'air de plus en plus frais que le soir souffle sur la plaine. Et dire que si elle pouvait vadrouiller dans le froid maintenant, c'était parce qu'il lui avait mis son manteau sur le dos et ses chaussures aux pieds !

Sérieusement renfrogné, il serre précieusement sa guitare contre son flanc et essaie tant bien que mal de réprimer sa mauvaise humeur. Mona finirait bien par réaliser qu'un tandem ne consiste pas en l'association boiteuse d'un leader et d'un boulet. Elle finirait par fatiguer. Patience...
Ou peut-être qu'il s'en fatiguerait le premier. Il n'était pas franchement emballé à l'idée de lui remonter les bretelles, mais il faudrait peut-être s'y coller avant qu'il ne leur arrive de vrais ennuis.

Une autre heure s'est écoulée, froide et exsangue. Le guet de la rivière est en vue et l'eau produit un son de clochettes en bondissant entre quelques rochers moussus qui affleurent ça et là. Cette vision lui met un léger baume au cœur.

Un gémissement de soulagement coincé dans la gorge, Nathan s'écroule par terre et s'effondre en arrière sur l'appui de ses bras. Sa guitare rebondit dans le tussack en crachant en guise de protestations quelques stridulations désordonnées. Il jette à l'instrument un long regard, éteint et accablant de reproches. Il y tenait vraiment beaucoup, à cette folk, c'était certain. Léo la lui avait achetée peu de temps après être parti de la maison, avec un de ses tous premiers salaires d'officier dans l'armée de l'air. Après ça, il l'avait traînée dans la rue quand il avait à son tour claqué la porte du foyer familial, et elle l'avait aidé à traverser des moments particulièrement déplaisants. Mais ce soir-là, sur l'île Campbell, aux confins de l'océan Pacifique, elle commençait à devenir un vrai fardeau.

« Hm... ? » On lui adressait la parole. Surpris, soupçonnant d'abord un effet de la fatigue, il réalise que c'est Mona qui a décidé de lui poser une question toute rhétorique. Étonnant. Il acquiesce, l'air un peu éberlué, et passe une main sur son front où court une transpiration glaciale. « Euh, oui, sûrement. »

Sans un commentaire de plus, attentif à reprendre son souffle, il finit par délaisser sa guitare à ses côtés, un peu à la façon dont la petite rousse décidait de le traiter lui-même, apparemment trop occupée à se curer les orteils pour échanger un regard de plus. Ça n'avait pas d'importance.
Il est exténué. Ses pieds lui semblent n'être plus que deux protubérances de douleur dont la chair à vif palpite à toute vitesse sous une bonne couche d'ampoules. Mais ça ne faisait rien, ça non plus, pour le moment. Nathan ramène ses jambes vers lui, laborieusement, et s'accoude sur ses genoux pour passer ses mains sur son visage, puis dans sa crinière épaisse que le vent s'est chargé d'emberlificoter avec art. Il y en aurait, du boulot, en rentrant à la maison... Sa tête bascule lentement dans l'étreinte de ses bras. L'épuisement forme deux ou trois crampes, des boules de muscles crispés, sous la peau mince de ses mollets et il doit faire l'effort de ne pas chercher à fléchir les jambes pour éviter que la douleur ne surgisse pour de bon.
La fatigue est en train de l'aspirer dans une de ces torpeurs accablantes dont elle a le secret. Avec un profond soupir, Nathan finit par fermer les yeux dans la pénombre qu'offre la protection de ses bras où il a blotti son visage. Ses pensées tanguent et dansent en rond dans son crâne étourdi. Le clapotis brillant que Mona fait pianoter dans l'eau de la rivière le berce agréablement – au moins quelques instants...

Quand la jeune femme finit par tourner la tête vers lui, Nathan s'est profondément assoupi. C'était un de ses atouts notoires. Il était capable de s'endormir à peu près n'importe où et de travailler quelques soient les circonstances. Le surmenage offre peu de récompenses, mais celle-ci est particulièrement douce.

La voix agacée de sa comparse vibre cependant dans l'air pour l'interpeller et un sursaut le tire de sa somnolence. Il en sort pâteusement, soulève ses lunettes pour s'essuyer les yeux et finit par relever la tête et affronter le regard débordant de jugements de Madame Rayon de Soleil. Il hausse sèchement des épaules et renifle en remarquant la moue crispée qui s'est figée sur son visage. Elle s'impatientait.
D'un geste engourdi, il se hâte d'ôter ses chaussettes pleines de foin, qu'il secoue avec une irritation grandissante. Lorsqu'il se relève pour lui faire face, il roule des yeux, la poitrine lourde de récriminations.

« Bon, allez, arrêtez de tirer cette tête, à la fin, lâche-t-il, d'un ton plus coupant que d'ordinaire. Je vais tenter le coup, vous me suivez, et si je me casse une jambe, eh bien, sentez vous libre de considérer et choisir l'option la meilleure pour vous... »

Retenant un soupir en travers sa gorge, il penche élégamment la tête sur le côté et dessine sur son visage le sourire forcé le plus pincé du monde.

Chaque fois qu'on s'efforçait de faire le bien autour de soi, on prenait la décision de faire du monde un endroit un peu plus hospitalier, un peu plus lumineux. Avoir bon cœur n'était pas donné à la naissance à qui que ce soit. C'était un choix qu'il fallait refaire, encore, encore, et encore. Parfois, c'était aisé et plaisant, d'autres fois, c'était un acte de résistance qui réclamait des efforts herculéens. Et aujourd'hui, c'est compliqué pour Nathan. Des chemins plus faciles se présentaient en ce moment à ces yeux, et il était tenté d'y trouver une satisfaction dont la bienfaisance le frustrait de temps à autre. Il n'était pas habitué à laisser ses nerfs parler à sa place mais sur le moment, cela avait eu quelque chose de très jubilatoire. Une éphémère sensation de feu et de légèreté. Et puis soudain, le poids de cette situation, dont Mona n'est pas plus fautive que lui, lui retombe amèrement sur les épaules et il en sort plus alourdi que plus tôt et le visage assombri d'un dépit plus marqué.
Il ne faut pas se berner en pensant que les gens de bien n'ont jamais d'idées noires, ne dérapent jamais sur un mauvais pas ou n'agissent jamais égoïstement. Être une bonne personne réclame de faire chaque fois un effort conscient. Encore, encore, et encore.

Et encore une fois, Nathan qui se pince l'arrête du nez avec fébrilité prend sur lui tout ce qu'il peut et enterre ces chicanes au fond d'un trou dans sa poitrine, où il espère qu'elles dépériront sans qu'il n'y prenne garde. Il adresse un regard de regret sincère à la jeune femme.

« Désolé. Je... fatigue... Ce n'est pas... votre faute, je suppose. » Il secoue la tête avec désarroi et tente de reprendre une voix plus calme. Il n'était pas question de la blesser dans ces circonstances... Ses yeux noirs se fichent cependant avec sévérité dans les siens, pour appuyer sur le sérieux qu'il va mettre dans chacun des mots qui vont suivre. « Seulement, il faut qu'on fasse équipe pour de vrai, vous et moi. Je comprends bien qu'en ces circonstances vous avez déjà assez à vous occuper de vous... et je veux bien user de toutes les précautions du monde pour que les choses n'empirent pas trop après le choc que vous venez de vivre... Mais je suis là, aussi, dans le même pétrin, et si vous vous isolez, vous verrez que ça ira aussi mal pour vous que pour moi, c'est certain. »

Il hausse des sourcils d'un air particulièrement évocateur. Il avait prononcé ces paroles avec beaucoup de courtoisie mais le sous-entendu était clair. Il lui laissait ses chances. Mais elle devrait faire bien attention à ne pas les brûler trop vite...

« En attendant... Si vous voulez bien, je vais ouvrir la marche. Il serait imprudent de vous laisser courir devant cette fois-ci. » Ses yeux se baissent avec beaucoup de tracas sur les pieds tuméfiés de la jeune femme. « Suivez moi de près. On va la passer, cette rivière. »

Il tente de lui sourire avec un peu plus de conviction, puis prend la plus profonde inspiration qu'il peut en se tournant vers le guet à traverser. C'était le moment ou jamais de vérifier que son rituel d'exercices matinaux portait ses fruits... Allez.
Serrant les dents avec détermination, ses chaussettes dans la main, il cale sa guitare sous son bras et calcule rapidement les distances. Puis il prend son élan sur la berge et se jette en avant. Sa première réception est nette, presque impeccable, et un petit sourire incrédule fleurit sur ses lèvres, tandis qu'il reprend facilement son équilibre sur la surface humide et lisse de la pierre. Il se tourne précipitamment vers Mona pour lui communiquer fébrilement un peu de sa victoire. Alors, tremblant légèrement de nervosité et de froid dans un courant d'air qui hérisse quelques vaguelettes sur le cours d'eau, il s'apprête à sauter de nouveau. Il se reçoit sur un second rocher, puis sur un troisième, le cœur bringuebalé comme un minuscule esquif sur une mer démontée.
Il est vigilant à la course de la jeune femme, derrière lui, de crainte que ses pieds blessés ne lui causent un plongeon impromptu dans la rivière glaciale. Il s'aventure même à la soutenir et à lui offrir sa main quand elle semble trébucher sur une pierre où de temps à autre ils se rejoignent. Il ne s'inquiétait pas que son contact lui déplaise. D'autres priorités retenaient son attention.

Et puis au bout de la sixième ou de la septième fois, la pierre sous son pied s'enfonce brusquement dans un gouffre d'eau qui l'engloutit à moitié. Le piège avale la cheville de Nathan et il trébuche. Ses yeux ont à peine le temps de s'écarquiller, une vague de terreur s'empare de sa poitrine. La chute est violente et il l'accueille dans un cri de surprise, lançant ses bras en avant dans un réflexe incompréhensible. Sa guitare fait un vol plané au-dessus des quelques pas qui lui restaient à accomplir, et aussitôt, dans un tapage monstrueux, son crâne se fracasse contre une pierre alors qu'il se casse la figure dans l'eau.
Le froid mordant de la rivière a sur lui l'effet d'un choc électrique. Ça le retient alors qu'il est sur le point de perdre conscience et il se redresse en toute panique, ruisselant, l'arcade droite parfaitement défoncée et en sang. Des explosions migraineuses lui remplissent la cervelle sur le coup et il recrache un peu d'eau en se précipitant vers la rive. Il s'y hisse, tremblant comme une feuille, et y échoue dans une plainte d'animal blessé, la gorge cisaillée d'une quinte de toux qui semble vouloir lui arracher les poumons. Il n'entend plus rien, à part un bourdonnement continu qui lui rosse les oreilles, et il se crispe de douleur dans l'herbe sèche de la lande. Il s'enserre entre ses bras, absolument frigorifié, à demi-aveuglé par le sang qui s'écoule abondamment dans son œil, puis s'empresse brusquement de faire un geste vers ce qu'il devine de la silhouette de Mona.

« La... la pierre, là... faut pas... hmf... ohh nom de Dieu... »

Un tremblement énorme le secoue de la tête aux pieds et, plongeant son front dans le creux de sa main, il se recroqueville de son mieux pour conserver instinctivement le peu de chaleur corporelle qui lui reste et lutter contre l'humidité et le froid qui perçaient ses vêtements et le glaçaient jusqu'aux os. Sa respiration enfle, dans sa poitrine. Sa tête se déchire en éclats rutilants et des larmes brûlantes lui montent aux yeux.
Voilà, c'était bon, il n'en pouvait plus, non, il en avait ma claque. Une envie terrible de hurler contre la Terre entière le saisit aux tripes et il se mord la langue, puis plante ses dents dans sa main pour essayer de se réduire au silence.
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeJeu 25 Mai - 14:03

Si elle avait pris les devants, rien ne pouvait lui conférer de mauvaises intentions au contraire. Le guitariste avait montré que question orientation et compétences de guide, il y avait bien mieux sur cette bonne vieille Terre et que sur cette île cela ne laissait pas beaucoup d’alternative en la matière. En outre, elle avait suffisamment piétonné pieds nus sur ce tas de cailloux pour savoir que choisir une piste ou une autre pouvait faire toute la différence pour la sauvegarde des pieds de son compagnon d’infortune. Bref, elle faisait de son mieux même si cela ne se voyait pas. Et puis considérer qu’elle galopait en avant de leur étrange duo ne pouvait se concevoir que relativement à l’allure de Nathan qui devait ménager encore bien plus ses plantes de pieds depuis qu’il avait cédé ses chaussure à sa compagnes. En effet, la rouquine n’était pas très fière non plus et faisait tout ce qu’elle pouvait pour faire patienter ses pieds et ses douleurs jusqu’à ce qu’ils atteignent leur destination qui par moment ne semblait pas vouloir se rapprocher, malgré leurs efforts. Bref si elle avait cinq mètres ‘avance c’était bien le bout du monde, endroit où ils se trouvaient déjà.

Par contre, elle avait bien pris en compte la remarque de son compagnon d’infortune. Le jour ne durerait pas éternellement et ils devaient se presser. Déjà le soleil était à moins de quarante-cinq degrés au-dessus de l’horizon, sonnant ainsi le glas des heures les plus chaudes et le vent qui soufflait sur les jambes de l’Islandaise lui rappelait cette réalité presque à chaque pas , forçant ses muscles horripilateurs à se manifester bien vainement si l’on considérait son système pileux bien incapable de lui fournir une quelconque protection contre le froid qui allait bientôt s’installer sur l’île.

En conséquence elle appréhendait par la suite de devoir chercher leur chemin dans l’obscurité s’ils n’avaient pas rallié leur destination avant la nuit. C’était un coup à se fracasser au fond d’un ravin, ou en bas d’une falaise côtière. Elle n’avait donc p de se poser la question de savoir quelle image était en train de forger le guitariste sur sa petite personne. Essayer de concilier la douleur et la vitesse était bien assez. Les mondanités pouvaient bien attendre des heures meilleures !

De son côté, la rouquine finissait par admettre que son bienfaiteur était bien du bon côté du complot qui l’avait parachutée sur ce caillou. Même s’il jouait la comédie, elle avait du mal à s’imaginer qu’il s’impose de morfler autant juste pour donner le change. Les ampoules qu’il s’était déjà fait et ce qui attendait ses pieds à marcher seulement protégé par le reliquat de ses pauvres chaussettes plaidaient en sa faveur. Peut-être n’aurait-elle pas besoin de sa pierre qu’elle laissa cependant au fond de la poche au risque qu’elle ne se déforme sous son poids. En tout cas ce gars n’était pas très armé pour la survie. S’il commençait à se démunir au profit de la première venue au risque de mourir de froid, il hypothéquait ses chances de faire de vieux os que ce soit sur ce tas de cailloux ou ailleurs. Elle pensait les afro-américains plus pragmatiques voire plus cynique lorsque leur peau était en jeu, oppression et discrimination obligeraient. Comme quoi, les clichés n’attendaient qu’une chose c’était d’être pris en défaut. Il pouvait aussi exister des noirs qu’une vie aisée avait fait grandir dans un monde de Bisounours. Ou alors ce mec était un saint, le genre de personne qu’elle avait définitivement exclu de rencontrer un jour. Ou alors il était complètement demeuré. A le regarder ou l’écouter, elle n’aurait pas opté pour cette hypothèse, hormis son attachement disproportionné à sa guitare. Il semblait y être démesurément attaché alors qu’en la circonstance, elle ne pourrait que très peu leur être utile excepté pour faire du feu et récupérer les cordes pour un usage qu’elle n’envisageait pas encore, encore fallait-il avoir de quoi allumer le dit feu… Pour le moment elle l’encombrait bien plus qu’elle ne lui facilitait la vie. Elle devrait peut-être lui en faire la remarque, mais après tout, tant qu’il ne lui demandait pas de la porter, il faisait bien ce qu’il voulait.

Les rares coups d’œil qu’elle jette derrière elle lui suffisent à s’assurer qu’il suit bien le mouvement. A chaque fois son malheureux compagnon d’expédition avait le regard  baissé  ce qu’elle pouvait comprendre,  mais pas le temps de s’inquiéter de sa fatigue, elle-même n’est pas très reluisante et puis ce n’est pas en se préoccupant de ça que leurs affaires vont s’arranger. Revenir sur les circonstances de son arrivée ici lui procure un petit dérivatif. C’est en se retournant qu’elle est arrivée ici aussi tente-t-elle une ou deux fois la manœuvre qui à paraître exécuter une danse moins que gracieuse et plus qu’inopportune dans leur situation. C’est stupide, mais au moins elle sait que ce qui lui arrive est indépendant de sa volonté.

Elle regarde fixement dirigé vers l’autre rive et finit de repasser les derniers évènements qui l’ont conduite au bord de la petite rivière Elle a passé un tiers du temps à atteindre le point culminant de l’île un autre tiers à perdre pied et le derniers tiers à redescendre et à s’arracher les pieds en direction d’un abri que seul son compagnon semble avoir déjà vu. Et tout ça parce qu’elle est passé en une fraction de seconde d’un hémisphère à un autre par la volonté d’elle ne savait trop quoi ou qui ! L’absurdité de la situation la frappe de plein fouet et la possibilité d’être en plein cauchemar dont elle va se réveiller la saisit à nouveau. En fait, il suffirait qu’elle plonge dans le courant glacé pour se réveiller. C’était bien le genre de stimulus qui met fin à un rêve. Cependant la pensée d’être en train de rêver qu’elle rêve la ramène à la réalité. Il allait falloir se lancer en espérant ne pas se rater justement. En dessous d’elle, ses pieds encore frigorifiés par le temps passé dans le courant glacé se rappellent petit à petit à son bon souvenir dans un mélange d’élancement lancinant, de brulures et de fourmillements. Elle ne sent pas trop ce qu’elle se prépare à tenter, ses pantes de pieds vont certainement rester collées au rocher, ses muscles la trahir, son équilibre se dérober et…
Elle se retourne machinalement vers le guitariste comme pour chercher une bénédiction qu’elle n’attend d’ordinaire de personne.

Putain ! C’est pas vrai ! Qu’est-ce qu’il fiche ?!! Il ne peut pas s’être endormi. Sa position laisse planer un doute, mais son immobilité semble bien plaider pour cette hypothèse.

« Oh ! Mec ! »

Pas de réponse. C’est pas vrai ! Ce n’est pas le moment de flancher au moment où elle se sent elle aussi au fond du trou ! Elle descend du rocher qui était censé lui servir de piste d’envol vers l’autre rive. Ses pieds protestent plus que jamais. Elle serre les dents et jette un regard à sa position initiale persuadée d’y trouver une semelle sanguinolente qui lui indiquerait… Elle ne préfère pas creuser la question et même si une empreinte légèrement rosée persiste sur le roc, elle a gardé ses deux pieds entiers.
Elle fait quelques pas précautionneux avant de réitérer son appel plus sec et plus injonctif.

« Mec ! Putain ! C’est pas le moment de dormir ! On a une rivière à passer ! Allez Debout !
Tu fais chier ! »

Il ne manquera pas de noter une nouvelle fois l’ingratitude de la jeune femme à son égard, mais l’urgente nécessité de passer le cours d’eau renvoie au second plan  les bienfaits qu’il a eu à son égard. Elle n’allait pas l’abandonner au milieu de nulle part ! Et puis elle devait l’admettre même s’il ne valait pas grand-chose comme guide, le savoir là tout près à partager son infortune lui donnait un peu de baume au cœur. Vous savez, ce sentiment propre à l’être humain face à une nature qui l’écrase. Bien sûr être deux dans la circonstance, ne changeait pas fondamentalement les choses, mais pour le moral c’était tout de même appréciable.

Et bien ! Ce n’était pas dommage ! Elle regarde Nathan sortir de sa torpeur. Visiblement, cela lui a fait du bien, c’est déjà ça. Monsieur le bon Samaritain jetait soudain le masque. Il avait lui aussi son caractère bien qu’elle ne comprenne pas les raisons de sa soudaine rancœur. Elle préférait le voir ainsi. Au moins elle était certaine qu’en plus de ses bons sentiments, il pouvait aussi prendre les choses en main. Elle le regarde se préparer et la dépasser en direction de la rive. Ok ! Il voulait prendre le devant ? Qu’à cela ne tienne. Elle ne pouvait empêcher un soudain intérêt pour ce dont il allait se montrer capable. Se casser une jambe ? Fort possible. Elle ne se voyait pas non plus mieux réussir que lui. La meilleure option pour elle dans ce cas ? Elle haussa les épaules. Elle avait beau ne pas être une experte en inférence et en ironie, elle comprenait fort bien ce qu’il voulait dire. Il exagérait un petit peu tout de même. Elle l’avait bien réveillé alors qu’il piquait son petit roupillon, et tout ça au lieu de l’abandonner à son sort ! Mais bon, elle n’avait pas de temps à perdre à polémiquer avec ce type qui allait tout de même tenter la traversée.

Elle le regarde se diriger vers la rive. Non pas. C’est devant elle qu’il se plante et qu’il semble regretter sa saute d’humeur. Elle en est presque déçue. Et voilà le sermon ! C’est pas vrai, il va pas faire son éducateur ! Ce couplet, Jon Einarson le lui a déjà servi des dizaines de fois.

« Tu sais Mona, tu ne peux pas continuer comme ça à penser que tout le monde sur cette Terre est contre toi. Regarde, moi par exemple, je n’ai rien contre toi. Je suis même là pour t’aider. Mais si tu veux que les gens t’aident il faut que tu y mettes du tien ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire à la future audience ? Si on ne fait pas équipe, on ne va pas pouvoir convaincre le juge de consentir à t’émanciper une bonne fois pour toute ! Tu joues contre toi ! »

Même si elle avait plutôt confiance dans le bonhomme, ce genre de scène n’avait pour autre effet de la plonger dans un mutisme têtu. Elle savait également que c’était dans les moments où elle avait tiré sur le corde plus que d’ordinaire qu’il se laissait aller à ce genre de discours moralisateur et bien-pensant qui pour être honnête ne lui ressemblait pas. Nathan était-il ce genre de personnage ? Elle devait l’avouer elle pouvait tomber plus mal mais en la circonstance, elle garda la masque et le silence sans laisser une chance à son compagnon de perdition de mesurer l’effet qu’il venait d’avoir sur elle.

En économisant ses plantes de pieds et ses nerfs car les souffrances répétées mettait à mal sa résistance, elle lui emboîta le pas et se ressaisit des chaussures qui l’attendaient toujours à la même place. Il fallait qu’il arrête aussi de lui parler comme à une gamine ! Elle noua les lacets des deux chaussures entre eux pour les suspendre à son coup, pendant tristement sur sa poitrine. Elle avait une certaine estime pour Jon Einarson, mais ne pouvait se prendre pour lui qui voulait ! Elle sentait que ça allait la gaver sévère. Mais pour le moment, elle se contraint à faire un effort et se positionne juste derrière lui et les voilà partis ! Les dés sont jetés. Ils ne pourront pas faire marche arrière sous peine de choir dans le cours d’eau ou de se faire surprendre par le nuit. Elle met ce qui reste de sa concentration à suivre de près l’éclaireur comme il le lui a enjoint.
Pas mal ! Ce mec est plus adroit qu’il n’y parait, faisant fi de ses pieds douloureux elle le rejoint sur la première pierre et fait une petite moue en cul de poule signifiant pas mal mon gars mais on n’est pas encore sorti d’affaire… Mais il semble que le mauvais esprit de la rouquine ne doive être pris en défaut. C’est fou mais tout a l’air de se passer pour le mieux et les grimaces de douleurs qu’elle réprime à chaque saut ne sont rien comparées à ce qui l’attendrait si elle ratait une réception. Elle bat parfois l’air des bras pour se rétablir mais elle est toujours là. Nathan a toujours son horrible regard bien veillant et attentif et semble satisfait de la progression de sa protégée. D’étape en étape cette dernière semble perdre un peu de sa morgue et considérer que son guide assure vraiment. Elle accepte l’aide qu’il lui propose en silence. Pour ceux qui penseraient qu’elle est complètement obtuse, elle sait profiter des opportunités sans arrière-pensées et le contact physique, étrangement ne la rebute pas. Ce serait encore un chapitre à développer mais la rivière n’attend pas.

Et puis c’est la catastrophe. La pierre des dérobe et projette le guitariste dans l’eau alors que son instrument est la première à rejoindre la rive opposée. Le cri a l’effet d’un électrochoc sur le jeune Islandaise qui ne prend pas le temps de réfléchir à la douleur, aux pierres glissantes, à la longueur des sauts. C’est son instinct qui commande. Miraculeusement, sans perdre le naufragé des yeux,  elle se retrouve sur la rive tant convoitée. Et court, oui, court jusqu’à Nathan et l’agrippe dans le dos pour finir de l’aider à sortir de son bain involontaire. Elle a déjà testé la température de l’eau et devine dans quel état il doit être et dans quel état il sera s’il reste mouillé dans le vent polaire. La suite est une suite d’action irréfléchie héritées peut être du cinéma, peut-être de ses lectures. La pierre ? Oui bien sûr la pierre…

« On s’en fout ! Déshabille-toi ! »

Mais le jeune homme encore sous le choc ne semble pas l’entendre recroquevillé sur lui-même il mobilise ce qui lui reste de force pour lutter contre la douleur et sans doute la crise de nerfs. Elle écarte les bras et le visage qui l’empêchent de déboutonner la chemise, déboucle la ceinture ouvre tout ce qui maintient le pantalon et tire sur le bas des jambes pour le faire glisser. Le boxer subit le même sort sans que la fille manifeste de fausse pudeur ni ne fasse de remarque. Ses gestes sont fébriles mais l’urgence leur donne une efficacité inattendue. Elle attrape le manteau et le jette sur le dos du malheureux.

« Enfile ça ! »

En même temps qu’il tente d’enfiler les manches elle passe derrière lui, attrape un pli du dos de la pelisse dans chaque main et s’applique à en frictionner le corps frigorifié. Cela fait elle refait face au naufragé pour se rendre compte enfin du sang qui coule de l’arcade sourcilière.

« Eh merde ! »

Il faut trouver de quoi panser la blessure… Elle n’a pas trente-six solutions sous la main. Elle avise la chemise au sol, s’en saisit et en arrache la manche gauche, sans souci des protestations éventuelles du blessé. Elle est trempée et suffira à éponger le plus gros dans un premier temps, puis elle la noue tant bien que mal derrière la tête sur l’arcade blessée. Cela oblige l’œil à rester fermé mais de toute façon, pour le moment il ne lui servirait pas à grand-chose. Avec le bas de la chemise, elle finit d’essuyer le sang sur le visage tuméfié.

« Ca va ? »

Le flash d’adrénaline retombe et elle sent la fatigue de la journée reprendre le dessus. Soumise maintenant au vent dans son pull encore un peu humide, elle grelotte et il ne faudra pas longtemps pour que des lèvres bleuissent. Ses pieds qu’elle avait réussi à oublier et quelle préfère ne pas regarder  lui font l’effet d’avoir été scarifiés avant d’avoir été plongés dans l’acide puis passés au micro-onde.

« Faut pas rester ici, sinon tu vas choper une vacherie. »

Elle sait qu’elle est dans le même cas, mais elle comprend qu’après son plongeon dans la rivière elle doit mobiliser le blessé.

« Allez debout et continue à te frictionner. »

Sa voix tremble de froid. Elle se relève également ramasse les vêtements trempés et la guitare. Ses membres se raidissent de plus en plus. Il faut vraiment qu’ils bougent.

« Faut pas traîner. »

Chargée comme un sherpa, elle prend la tête. Elle essaie de donner de la voix malgré le froid.

« Si tu t’es pas gouré on en a encore pour un kilomètre par là. Putain ! Je t’ai dit de te frictionner ! »
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeJeu 15 Juin - 3:11

C’est une sale journée. Une affreuse, affreuse journée, et il aurait presque souhaité que cette pierre sur laquelle il s’était fracassé la tête l’ait assommé pour de bon. Au moins, en général, les blessures au crâne saignaient abondamment, mais jamais bien longtemps. Ce n’était jamais que de petits vaisseaux capillaires. Dans quelques minutes, la plaie coagulerait et il n’y aurait plus besoin de la compresser.
Seulement, ce rappel furtif de ses anciennes études et surtout de l’éducation de ses deux parents médecins lui est d’un bien maigre réconfort, tandis qu’il tâtonne avec peine autour de sa balafre. Ses doigts sont tremblants et glacés, son œil ne voit plus rien sous la cascade de sang qui roule dans son orbite. Et surtout, il crève de froid. Ses dents claquent bruyamment, entre deux sursauts, et sa tête est toute entière déchirée de douleur. Le mal déferle dans sa nuque, comme une armée d’épines de fer qui fusent cruellement et se fichent en mitrailles le long de ses nerfs, et ses nerfs hurlent le cri que Nathan s’efforce lui de garder prisonnier de sa poitrine.

Et naturellement, rien ne va en s’arrangeant. Les premiers cris que pousse Mona lui percent le crâne au marteau-piqueur. Il se recroqueville davantage, comme un hérisson qui se protège d’une agression, et presse plus encore sa main contre son visage sanguinolent en laissant un petit râle affolé soulever vivement ses côtes. Il ne sait pas déterminer, dans son état de confusion hystérique, si ses éclats de voix sont amicaux ou non – alarmés, excédés, terrorisés ou juste furieux. Pour l’instant, de toute façon, l’idée d’apprivoiser cette petite louve solitaire a été reléguée au plus bas de ses priorités par sa bonne vieille cervelle qui avait, comme d’habitude, attendu d’être au bord de l’éruption pour le faire. Il avait l’impression de jouer le rôle de la pauvre fille fragile et empotée, sauvée par le héros ténébreux et buriné d’un film d’action écrit avec les pieds. Et il ne se souvenait pourtant pas d’avoir signé pour ce genre de navet.

Il soupire avec beaucoup d’efforts pour tenter de garder la tête hors de l’eau, et c’est ce moment précis que Mona choisit pour le tacler et que sans prévenir elle lui écarte les bras pour lui déboutonner la veste et la chemise. Choqué, mais les muscles toujours noués par le froid, il ne commence à lutter que lorsqu’elle en vient à dénouer (maladroitement) sa cravate. Seulement, ses gestes sont trop faibles et ses protestations trop étouffées pour arrêter la jeune femme dans son humiliant déshabillage. Ses mains s’accrochent avec panique à celles de Mona pour tenter de les repousser et, bien sûr, il a vaguement conscience à travers les bourdonnements assourdissants de la douleur, de l’énervement et de l’angoisse qui lui sort désormais en vrombissant par tous les pores, il a vaguement conscience qu’il n’est pas très loin de tomber en hypothermie, mais il est parfaitement convaincu là tout de suite, de n’avoir ni envie, ni besoin de sentir les doigts de cette fille se balader sur sa peau nue ou attraper fermement sa ceinture pour descendre son pantalon. Une ruade catastrophée lui secoue toute l’échine et il tente de se reculer dans l’herbe sèche de la berge pour échapper à l’assaut de Mona – sans succès.

Nathan n’a jamais été quelqu’un de pudique. En fait, il vivait en général la nudité avec une certaine insouciance, quand ça ne heurtait évidemment pas la sensibilité de son prochain. Mais dans ces circonstances, c’est tout simplement intenable.
Quelque chose de monstrueux est en train de germer dans son ventre et de remplir ses tripes d’une nausée infâme. Il a envie de hurler mais sa voix ne sort pas. Il n’a que le pouvoir de se ratatiner sur lui-même et de subir l’intrusion quand elle le débarrasse d’autorité de son caleçon. Son manteau lui tombe rapidement dessus et il s’en empare avec une immense fébrilité pour s’en couvrir très gauchement, le regard écarquillé de frénésie. Cette fois-ci, Mona choisit de combiner ses efforts aux siens mais malgré ses frictions prévenantes dans son dos, ça ne fait pas descendre le répugnant malaise qui s’est imprégné dans tous les membres engourdis de froid de Nathan.

L’adrénaline monte en pics désordonnés et c’est comme une émeute qui grouille dans ses veines et vocifère ses clameurs dans le creux de son cou. Son pouls bat à une vitesse alarmante. Et il a froid, il a froid, il a si froid. Il ne sait pas trop s’il pleure parmi le sang qui dévale la courbe de ses joues, mais ça n’a rien d’impossible. Il est en train de péter un câble. Un sérieux, sérieux câble. Et là tout à coup, un nouveau juron de Mona vient le percuter en pleine face.

Elle déchire sa chemise. Elle déchire sa chemise et il est impossible pour lui de comprendre son geste et encore moins de lui expliquer que sa plaie ne va pas tarder à coaguler, si elle est correctement compressée. Le ton de la rouquine s’adoucit de nouveau, alors qu’elle lui bande sommairement la tête, Nathan est comme chambardé dans des montagnes russes. Son regard à moitié mangé par sa manche de chemise devenue chiffon est fixé avec une incompréhension et une angoisse grandissantes sur la figure de Mona. Elle se relève.

Il est contraint de se relever lui aussi et ses jambes sont en papier mâché, il chancelle. Il n’a pas encore repris son souffle, il n’a pas encore retrouvé la moitié de ses esprits, en fait toute la manœuvre lui en a fait perdre plus qu’il n’en avait perdu en trébuchant dans le guet de la rivière. Il est extrêmement pâle, son souffle est laborieux. Dans un absurde et terrible élan de rage, il rejoint Mona alors qu’elle lui mugit de nouvelles invectives en se retournant vers lui, la lèvre tordue et le regard torve. Il ne sait pas ce qui lui prend. Il explose brutalement de fureur. Il la pousse à deux mains de toutes ses forces pour la déséquilibrer et peut-être aussi un peu pour qu’elle se pète elle aussi la gueule par terre. Sa gorge se déchire, et il hurle, de toute la force de ses poumons.

« Mais… mais tu vas bien finir par te la BOUCLER, bordel ?? »

Ça y est, c’est fini. Il n’a plus aucune maîtrise sur ce corps soulevé de délire, et pourtant il lui semble bien que c’est le sien. Il ne contrôle plus rien, il lui semble n’être plus qu’un dégoûtant morceau de viande congelé jusqu’à l’os, qui palpite avec horreur et qui hurle, qui hurle encore et encore.

« C’est pas moi qui me suis ramassé dans le ruisseau, aux dernières nouvelles ? Alors pourquoi c’est toi qui brailles ?? »

Ses yeux noirs si doux d’ordinaire étincellent d’une flamme dégénérée.

« Et c’est toi… Ouais, j’crois bien que c’est toi qui battais la campagne avec mon GPS depuis une heure, alors j’espère que tu ne t’es pas plantée, parce qu’à ce moment là, il ne faudra t’en prendre qu’à toi-même ! La mauvaise foi, ça va bien deux minutes ! » Il tremble de la tête aux pieds en se redressant, le regard agrandi par une violence insoutenable. « Non mais c’est EXTRAORDINAIRE ! »

Le cri, cette fois, est plus puissant que sa voix ne peut le supporter et elle déraille odieusement dans les airs. Oh, il haïssait si fort se mettre en colère. Un sanglot lui secoue les épaules, sa bouche se fend d’un rictus atroce, et il ne peut pas s’arrêter de crier.

« Si j’étais pas venu te chercher, pour rappel, tu serais toujours à jouer avec des brindilles en haut d’ce gros tas de cailloux ! Et moi je serais peut-être pas à poil au milieu de la pampa à m’égosiller sur une fausse rousse avec la gueule de travers ! Si dire merci ça t’arrache trop la bouche, j’te prie de faire au moins l’effort de la fermer bien comme il faut et si ça t’plaît pas… t’as qu’à tailler la route ET BON VENT ! »

Sans prévenir, à son tour, il s’approche de Mona d’un pas vif et lui arrache ses vêtements ainsi que sa guitare des bras. Dans un dernier regard incendiaire, mené par le feu puissant de l’adrénaline, il détourne les talons et s’enfuit en titubant bizarrement dans la lande.




Dernière édition par Nathan Weathers le Mar 27 Juin - 22:46, édité 1 fois
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Mona Goðrúnarson


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeLun 26 Juin - 19:05

Elle aurait donné beaucoup pour ne pas avoir vécu cette maudite journée. Elle avait déjà enduré bien des choses physiquement et moralement mais à chaque fois, elle était en mesure de mettre les pouces et de donner au temps et à l’entrainement le temps de faire son œuvre. C’était la première fois que les choses lui étaient imposées à ce point. Moralement, ce n’était pas le plus dur. Elle avait fini durant les heures qui venaient de s’écouler, par mettre à distance son besoin d’explication pour se concentrer sur sa survie. Après le moment d’abattement qui avait certes durée, l’apparition de Nathan l’avait forcée à reprendre petit à petit le dessus sur ses émotions. C’était physiquement que les choses devenaient de plus en plus dures. Le froid en tout premier lieu l’avait faite grelotter et malgré le prêt du manteau de l’américain, on ne pouvait pas dire qu’elle se sente comme à la maison. Et puis il y avait ses pieds. On ne peut pas imaginer lorsqu’on a l’habitude de les avoir bien protégés de socquettes, chaussettes, sandales, mocassin ou même rangers et autre chaussures de sécurité comme on a de la chance de ne pas avoir à s’en préoccuper et de ne même plus se demander comment ils font pour vous emmener d’un point à un autre. Pour sa part elle regrettait amèrement de ne pas avoir ses fidèles rangers. Certes, elle avait pu profiter une nouvelle fois des largesses de son compagnon d’équipée, mais cela n’avait rien empêché et une fois les plantes coupées, écorchées tailladés par la végétation et les rochers, il n’y avait plus grand-chose à faire. Elle rêvait de se laver les pieds dans une eau tiède de la penser, de les dorloter et surtout de les voir guérir. Mais pour l’heure elle devait juste serrer les dents convaincue qu’en restant sur place elle mourrait de froid et qu’il fallait vraiment croire que les baraquements promis étaient bien là où ils se étaient censés se trouver. Chaque pas lui donnait l’impression que le squelette de ses pieds allait percer leur peau bien trop tendre.

Et puis il avait fallu qu’elle se mue en infirmière ! Non mais les événements ne pouvaient pas lui trouver un autre rôle ?! Il était évident qu’elle ferait tout en dépit du bon sens. Ses parent, à elle, n’étaient pas médecin et elle n’avait aucune notion de secourisme si l’on exceptait les quelques heures que son parcours scolaire avait voulu lui inculquer. Si l’on ajoute à cela le rejet de tout ce qui avait un rapport avec l’école durant ces années autant dire qu’elle n’avait qu’une culture cinématographique de ce côté, du genre ou le héros extrait une balle de mitrailleuse de l’épaule de la belle qu’il doit protéger et une demi-heure plus tard, elle est sur pieds et grimpe le long d’une corde comme si elle avait suivi un entraînement commando. A sa décharge, depuis la mort de son père, elle avait passé tellement de temps à s’occuper de sa propre survie, ne serait-ce que psychologique, qu’elle n’avait jamais eu l’occasion ni le désir de jouer les mères Thérésa. Ceux donc qui s’attendaient à ce que la rouquine se métamorphose en infirmière douce, enveloppante et rassurante se disent peut être qu’en quelques heures on peut passer de louve farouche à Lassie désintéressée. La pauvre ne s’était à aucun moment posé la question de l’attitude propice à avoir en cas de secours à son prochain. Elle s’était déjà inquiétée de lui venir en aide du mieux qu’elle pouvait, c’était déjà un exploit en soi.

Sans fausse modestie elle était assez contente que l’américain ne fasse pas de malaise, que son arcade soir pansée et qu’il puisse se relever. Elle en était d’autant plus satisfaite que les premiers soins n’avaient pas été une partie de plaisir. Ce gars ne semblait pas vouloir être très coopératif dans les manœuvres de survie qu’elle avait tenté d’entreprendre et elle avait bien senti que c’était bien parce que sa chute l’avais mis à moitié mis KO qu’elle avait pu aller jusqu’au bout.

Bon pour le moment le plus difficile semble passé et voir le guitariste se diriger vers  lui la rassure. Ils vont pouvoir mettre le passage de ce guet dans les multiples mauvais souvenirs de cette excursion australe. Pour un peu cela lui ferait presqu’oublier la douleur de ses pieds.

Aussi lorsque le tempête éclate, elle tombe des nues, incrédule au déversement de fureur qui sort du bon samaritain qui ne semble plus pouvoir un calme qu’elle ne peut maintenant que considérer d’apparence. Elle tombe de nues mais pas seulement. Sous la poussée de mauvaise humeur, elle se sent partir en arrière et esquisse quelques petits pas mal assurés pour tenter de rétablir son équilibre mais peine perdue. la douleur sous ses pieds, les chaussures trop grande et la fatigue ont émoussé grandement ses réflexes sans compter qu'elle ne s'attendait pas à ça. La voilà les jambes en l'air dans la maigre végétation qui a amorti sa chute si l'on excepte cette pierre sur laquelle l'arrière de sa cuisse vient de s'écraser. Elle grimace  persuadée qu’elle aura un bleu avant longtemps mais se relève courageusement en essayant de masquer le boitement momentané qui en résulte et pour faire face au déchaînement de violence dont elle est la cible.

Comment a-t-il pu garder son calme et son sourire si longtemps et changer en quelques seconde et devenir cette personne hystérique ? Décidément, les gens étaient pour elle une source d’étonnement quasi inépuisable ! Elle en était consciente depuis longtemps et dans le cas contraire, il existait sur cette planète dans son petit monde quelques personnes qui se chargeaient de le lui rappeler. En premier lieux Mimi s’exerçait autant qu’elle le pouvait à lui faire comprendre les quelques choses qu’une vie en société nécessitait. Elle avait un peu pris la suite d’Aragorn, mais sa constance ne pouvait rivaliser avec celle du père de Mona. Parfois elle riait des réactions de son amie et parfois elle en était excédée. Dans les situations courantes et récurrentes de la vie quotidienne, la rouquine parvenait à se comporter de façon adaptée et recevait les réactions d’autrui de façon proportionnée, mais il était des situations extrêmes auxquelles on n’est pas préparé et la sienne aujourd’hui en faisait évidemment partie.

Elle cilla un instant avant de figer sur son visage un masque fermé et impassible, inclinant la tête sur l’épaule gauche légèrement haussée comme si elle observait une bête curieuse sans l’expression de curiosité qui l’accompagne d’ordinaire, car il ne s’agissait pas de cela mais bien de faire face tout en se protégeant de ce torrent d’agressivité qu’elle ne pensait pas devoir mériter. Elle s’appliqua à écouter et à démêler ce que son compagnon d’infortune lui vomissait à la figure d’autant que le message était clair, elle devait la boucler et ça c’était une des choses qu’elle faisait le mieux. Elle était juste stupéfaite de se l’entendre imposé. Collée aux événements il était des choses qu’il faudrait qu’on lui explique lorsque tout serait redevenu normal si tant est que les choses dussent redevenir normales. La pensée que cette scène faisait partie du complot qui se tramait contre elle depuis ce matin, cette nuit, elle ne savait plus trop, lui effleura l’esprit avant de la rejeter au loin.

Elle braillait ? Elle essayait de se souvenir du moment où elle avait braillé… Se montrer injonctive, oui, elle savait faire et Mimi le lui avait souvent fait remarquer pour qu’elle veuille bien l’admettre, mais brailler ?!!! Sans pouvoir vraiment définir ce qui avait changé dans le visage de Nathan, elle peinait à reconnaître celui qui était venu la chercher tout en haut de la torpeur dans laquelle les événements incompréhensibles l’avait plongée. Ce devait être une mine en accord avec les rugissements qu’il proférait et elle en déduisit que c’était sa physionomie de colère même s’il n’avait pas vraiment les sourcils froncés comme on le lui avait appris.

Elle ne parvient pas à comprendre le lien logique qui unit chacun de ses propos. Ses yeux tombent brièvement sur la poche dans laquelle elle a laissé, grossière erreur, le smartphone. Sûr qu’après une scène pareille elle ne remettra pas la main dessus avant un moment, mais quand à se perdre, elle est certaine du contraire et puis la mauvaise foi, c’est un concept qu’elle a toujours eu du mal à comprendre. Après tout, elle était peut-être de mauvaise foi mais comment le savoir et que fallait-il faire pour ne pas en être atteinte, car à en juger par les hurlements de l’américain, cela semblait grave. En tout cas une chose qu’elle avait bien comprise était qu’elle était à côté de la plaque depuis le début et qu’apparemment, elle n’avait pas répondu aux attentes de son compagnon d’infortune car là encore, il était parvenu à faire envoler ses derniers doutes. Il était bien dans la même galère qu’elle et au vu de sa réaction aussi désemparé qu’elle. Elle cligna un instant de l’œil droit au dérapage de la voix qui prenait des accents d’adolescent en pleine mue. Les événements de la journée prenaient une autre perspective et rendaient sa méfiance caduque et comme il le disait si bien, elle lui devait quelque part une fière chandelle. Dire merci n’était pas en effet dans ses premiers réflexes même si elle savait que cela se faisait. Oui, elle aurait peut-être dû, mais là ça faisait un peu du réchauffé et son incorrection s’expliquait par la méfiance qu’elle ressentait pour le jeune homme. Elle devait sans doute répliquer et lui expliquer tout cela mais se justifier n’était pas non plus dans ses habitudes et puis ça demanderait du temps et beaucoup de mots et cela la rebutait au plus haut point.

Et puis tout s’arrêta d’un coup. Elle laissa incrédule, le démon colérique la débarrasser sans ménagement de ce dont elle s’était chargée. Cette fois préparée, elle évite de se laisser surprendre, mais la violence et retombée et il n'y a aucune chance qu'elle choie de nouveau. Seule la commotion subie par sa cuisse se rappelle à elle. Honnêtement elle n’en avait cure car la fréquentation du ring l’y avait habituée et en plus, il était temps de passer à autre chose et trouver leur abri était toujours la priorité qu’on le veuille ou non. Elle n’avait pas le temps de lui reprocher cette chute d'autant qu'elle en était en partie responsable, responsable de s'être laissée surprendre. Elle verrait plus tard si cela devait se payer... Elle le regarda s’éloigner, la démarche mal assurée, nouvel indice qui en disait long sur l’état déplorable dans lequel il se trouvait. Il courait sûrement au-devant de nouveaux ennuis et puis… Elle regarda dans la direction supposée des baraquements puis dans celle prise par l’américain. Ce con allait se fourvoyer dans la lande ! Elle hésita un instant sur l’attitude à avoir. Après tout, il s’était montré particulièrement injuste avec elle. S’il voulait se prendre en main, c’était son problème ! Cependant, elle n’allait pas sciemment laisser se perdre un être humain contre lequel elle n’avait pas ou plus de griefs, assurée maintenant qu’il ne jouait aucun rôle occulte dans son aventure du jour.

Elle fait quelques pas en sa direction et puis se ravise. Quelque chose lui dit qu’il n’est pas d’humeur à l’entendre tout de suite mais elle doit bien l’informer de sa bévue.

« C’est la piste de droite qu’il faut prendre. »

Elle a bien compris le message : elle a une voix de braillarde alors elle a lancé l’information sans émotion presque avec lassitude.

« C’est toi qui as le GPS dans la poche intérieure gauche… »

Elle attend à l’embranchement des deux pistes sans doute tracée par le passage répété de petits animaux tant elles sont étroites. Lemmings ? Lapins ? Elle n’en sait rien assurément et seule son intuition lui évoque ses bestioles qu’elle n’a vues le plus souvent que dans les livres ou en vidéos. Si l’hystérique daigne faire demi-tour elle l’attendra et le laissera passer devant histoire de se faire oublier car c’est bien cela qu’il semble souhaiter, oublier celle qu’il honnit à s’en casser la voix. Sinon et bien tant pis elle suivra son chemin et cela devient urgent. Durant les invectives de son compagnon de mésaventure elle avait presque oublié le froid et la douleur qui se rappellent soudain à son bon souvenir mais surtout à ses terminaisons nerveuses. Ses muscles sont durs du plus gros aux horripilateurs et elle se contracte plus qu’elle ne le souhaite pour combattre les frissons et les tremblements qui semblent vouloir la secouer des pieds à la tête. Ses pieds ! Parlons-en ! Certes des leurs parties semblent avoir décidé de s’envoler. Elle ne les sent plus. Mais d’autre semblent prendre un relais exagéré. Quel est donc le bourreau qui lui entaille à plaisir ses plantes et essaie de lui sectionner tous les tendons ? Il est plus que temps de reprendre leur errance en direction des baraquements. Il devrait leur rester moins d’un kilomètre et peut être même qu’en cherchant bien par-dessus les épaulements de la falaise dont ils s’approchent ils pourraient les apercevoir en contrebas…
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeDim 2 Juil - 1:19

Il est ironique de voir combien la méfiance est contagieuse et avec quelle vertu elle alimente les hostilités.

Quand Nathan s’arrête au milieu de la lande – un très court instant – à peine rattrapé par la voix sarcastique de Mona dans sa course, sa main glisse précipitamment dans une des poches de son manteau à la recherche de son téléphone et elle heurte quelque chose qui n’était pas censé s’y trouver. Incrédule, il en extirpe une pierre assez lourde et de bonne dimension devant laquelle il reste spécialement ahuri. Son regard file sur Mona, quelques dizaines d’enjambées derrière lui et il pâlit avec violence face aux conclusions qui s’imposent. Son échine est trempée d'une sueur glaciale.
Qu’est-ce qui pouvait bien se passer dans sa tête à celle-là ??

Ce genre de scénario, dans des films d’horreur stupides comme American Nightmare, ça sentait souvent le sapin pour les fesses du brave petit mec noir qui aurait eu le malheur de figurer au casting. Et Nathan, lui, il a l’impression d’avoir mis les pieds en plein dedans.
Seulement, des tordus, lui, il en avait déjà rencontré de jolies brochettes au travail, et il avait fallu les regarder dans les yeux en évitant de penser à ce qu’ils étaient capables de faire, pour les défendre correctement face à l’impitoyable machine judiciaire. Certaines fois, il les aurait bien volontiers laissés se faire écraser sous les roues de bulldozer du système et malgré tout, ils étaient solidement menottés à une table d’interrogatoire ou séparés de lui par un épais double-vitrage au parloir. Ils lui inspiraient beaucoup de dégoût mais ils n’auraient pas pu lui faire le moindre mal.
Aujourd’hui, c’était différent. Cette fille – Mona – pouvait parfaitement être affectée de n’importe quel trouble de la personnalité antisociale, se ficher éperdument de ses droits à lui comme elle se désintéressait des mœurs les plus élémentaires, ne connaître ni remords, ni culpabilité, alors qu’en même temps elle était visiblement affectée d’une propension alarmante au comportement violent. Et il était seul avec elle sur cet îlot lugubre perdu au milieu du Pacifique. Son esprit emballé, inspiré par autant d’expériences, pouvait s’imaginer mille et mille choses à son sujet et de toute évidence, certaines avaient des chances d’être vraies.

Il serait fou de la rejoindre, après ça. De toute façon, il a le trouillomètre à zéro et un antique instinct remue férocement dans son cerveau reptilien pour le faire sauter dans le premier express en partance pour Très-Loin-d’Ici.
On lui répétait souvent qu’il accordait trop de confiance, trop spontanément, et à n’importe qui. C’était qu’il estimait que chacun y avait droit et son indécrottable optimisme le poussait à offrir un nombre incalculable de chances à des individus qu’il espérait toujours voir changer ou dévoiler une nouvelle facette d’eux-mêmes. Il en fallait beaucoup pour pulvériser tout à fait ses attentes et ne lui laisser que le poids suintant du dédain sur le cœur. Généralement, cette impression finissait par s’évanouir et sa foi en chacun revenait à la charge, mais il était humain lui aussi, et comme tout le monde, il ne pouvait pas échapper de temps à autre à la désillusion et à l’effroi.
Et il était bon qu’il soit parfois tenté de se mettre à l’abri des dangers qui pesaient souvent sur sa tête, à force de tendre la main au tout venant.

En un mot comme en cent, Nathan est en train de déguerpir aussi vite que ses jambes le lui permettent et autant dire qu’avec l’adrénaline, il a le rythme d’un dératé. Mona n’est pas près de le rattraper. Il corrige sa trajectoire en vérifiant son chemin sur son GPS, maudissant son sens de l’orientation que le choc, le froid et la douleur faisaient plus démuni que jamais.
Sautant par-dessus les rocs, foulant le tussack de ses pieds meurtris, il n’a plus conscience de grand-chose dans sa fuite. Le soleil déclinant incendie la lande de son dernier rayonnement et la lune est apparue comme un spectre dans les hauteurs du ciel. Lui, il court à s’en scier la poitrine, il bondit, trébuche, se pète la figure dans une ornière, se relève, suffoque, s’arrête, balaie les alentours d’un regard flou, aveuglé par la douleur et la saleté de ses lunettes – et il court encore. Il n’a qu’une idée, une idée fixe, c’est de creuser le plus d’écart entre Mona et lui, de la faire disparaître de son monde et d’oublier, d'oublier l'horrible moment qu'il venait de vivre et l'ignorance froide de son agresseuse, d'oublier à quel point sa propre colère l’a rendu pathétique et sa maladresse vulnérable.
La crise s’estompe au bout d’un long moment, tandis que son corps pompe dans ses dernières ressources, et qu’un vent iodé vient brusquement lui cingler le museau.

Un peu en contrebas, trônant au-dessus de la plage aux lions de mer, il distingue enfin le petit groupement de préfabriqués qu’il avait observés quelques heures plus tôt. Des larmes de soulagement lui montent aux yeux. Un soupir s’échappe en tremblant de ses lèvres gercées. Il s’essuie dans la manche de son manteau, renifle avec peine et se remet en chemin, marchant cette fois à un rythme nerveux et soutenu qui lui permet cependant de reprendre petit à petit son souffle.
Il doit descendre une route en terre étroite et escarpée, entre la dentition acérée des rochers noirs qui bornent le littoral. L’itinéraire ne ménage pas ses sens embrumés et il finit par se débarrasser vivement du bandeau de pirate que Mona lui a fait autour de la tête avec sa chemise, afin d’y voir plus clair. La plaie a coagulé, comme il l’avait attendu, et la pression du tissu n’est de toute façon plus nécessaire. Il abandonne la manche ensanglantée sur ses pas et descend prudemment sur la pente, posant ses orteils de touffe d’herbes en touffe d’herbes, pour éviter le piquant des gravillons.

Le flux et le reflux de la mer est régulier et le bruit mousseux de l’écume le berce paisiblement dans ses efforts. Il avance à la façon d’un somnambule ou d’un ivrogne, titubant d’une jambe sur l’autre d’une démarche lourde, et effectue une partie de la descente sur les fesses, mais il arrive finalement en bas.
La tâche qui l’attend, il l’accomplit comme mécaniquement. Il se munit d’une pierre assez lourde et assez solide et couvert par le sifflement du vent marin, il examine la façon dont sont fermés chacun des préfabriqués en béton, recouverts d’une peinture blanche qui s’écaille, exposée de plein fouet aux bourrasques océaniques.
Il avait défendu beaucoup de petits cambrioleurs fiers comme des coqs qui s’étaient souvent enorgueillis de lui raconter leurs exploits, et chose étonnante pour une personne qu’on connaissait si intègre, il était calé sur bien des manières d’entrer par effraction dans une maison.

Le double-vitrage des fenêtres déjà protégées par leurs volets fermés, mais surtout son manque évident de matériel, n’aidaient en rien l’opération. Les portes, quant à elles, étaient solidement cadenassées – à l’exception d’une, du moins. Le cadenas était impeccable, mais l’attache qui le retenait au bois de la porte semblait rongée par la rouille. Alors Nathan n’hésite pas très longtemps et il l’attaque à la façon de Cro-Magnon. Levant sa pierre bien haut, il l’abat de toutes ses forces sur la tringle qui grince abominablement sous les brisures de son fragile outil qu’il lance à l’assaut à de nombreuses reprises, sans faiblir. Le bois se fendille, puis se fracture, et au bout d’un moment, dans un joyeux ramdam, l’attache cède. Les bras de nouveau chargés de ses affaires, Nathan s’empresse de peser sur la clenche de la porte et l’ouvre silencieusement.

L’atmosphère est froide, humide et poussiéreuse, et cet air lourd vient encombrer subitement la gorge de Nathan qui toussote dans l’obscurité en tâtonnant sur l’écran tactile de son portable. Presque aussitôt, une intense lumière blanche jaillit dans l’épaisseur des ténèbres et les chasse méthodiquement d’un endroit à l’autre de cette vaste salle où il a mis les pieds. Il y découvre quelques meubles épars, couverts de draps comme de linceuls. C’était sans doute une pièce de vie abandonnée où devaient vivre les scientifiques qui peuplaient rarement ce complexe. Il devine dans un coin une sorte d’espace destiné à faire la cuisine – un lavabo, des plaques de cuisson – ainsi que deux vieilles portes closes qui surgissent mystérieusement aux angles des murs. Levant sa lampe au plafond avec calcul, il fait jour sur des tubes à néons bien alignés qui lui indiquent que cet endroit devait disposer au moins d’un groupe électrogène.
Hochant la tête pour lui-même, les yeux plissés de concentration, il s’en va poser son chargement à peine sec sur la silhouette voilée d’une table. Puis il se dirige d’un pas mieux assuré vers une première porte qui s’ouvre en grinçant sur ce qui semble être un bureau ou un laboratoire. La deuxième porte est celle d’une réserve, où il s’engouffre avec davantage d’intérêt. Il y a là de grandes étagères grises de saleté et presque vides, où ne traînent que quelques cartons de boîtes de conserve, ainsi que deux packs d’eau sur lesquels Nathan précipite un regard. Sa gorge lui paraît soudain extraordinairement aride et il se jette sur les emballages qu’il déchiquette, assoiffé, pour en tirer une bouteille qu’il débouche maladroitement et dont il absorbe goulûment bien le tiers du contenu. Respirant à pleins poumons, la tête prise d’un léger vertige, il repose son butin avec un infini soulagement et un soupir lourd comme le monde.

Sa lumière parcourt de nouveau les pauvres sinuosités de la réserve et il distingue au fond une forme d’ouverture qui ressemble à la porte d’un garage. Il s’en approche, pieds nus sur le sol bétonné, et en cherche le verrou à tâtons. Il est un peu rouillé mais le jeune homme finit par réussir à le tirer et ainsi à faire coulisser l’énorme panneau en aluminium dans ses rails crasseux. Cela cause un tapage épouvantable mais permet au moins de faire entrer à flots la luminosité mauve du crépuscule dans la réserve. Nathan peut éteindre paisiblement son portable et le ranger dans la porte de son manteau, tout en inspectant les environs d’un œil consciencieux qui s’éclaire d’un vif espoir en tombant sur le caisson transportable du groupe électrogène, rangé dans l’ombre. Porté par un nouveau courage, il sort dans les hautes herbes qui cernent l’abri et trouve sans difficulté une prise d’entrée placée non loin dans le mur écaillé. A l’intérieur, il repère avec un drôle d’enthousiasme le boîtier de connexion accroché près de la porte du garage.

Alors, gonflant sa poitrine de toute la détermination dont il est capable, il tire le vieux générateur sur ses roues et le traîne avec lui hors du préfabriqué, déroulant en même temps le câble aussi loin que possible. Cela lui donne une dernière suée, mais l’effort, il en est convaincu, en vaudra largement la chandelle. Il lâche son fardeau dans un petit coin gravillonneux et s’essuie le front contre le dos de sa main. Sa tête est pesante pour ses épaules fatiguées, mais il ne tarde pas à s’accroupir dans les cailloux, sans se préoccuper des protestations douloureuses de ses pieds – il s’occuperait de cet autre problème en temps et en heure.
Rassemblant ce qui lui reste de méthode et de bon sens, il observe la quantité d’essence et d’huile en suivant les indications des marqueurs. Il n’y aurait certainement pas de quoi alimenter des jours ce petit habitat, mais ce serait probablement suffisant pour ce soir.  Il branche au groupe électrogène le câble de raccordement qu’il a déroulé jusqu’ici, et trotte jusqu’au préfabriqué pour brancher l’autre embout à la prise d’entrée. Puis revenant sur ses pas, il médite un moment sur les choix de tension de sortie. Après tout, il se débrouillait de son mieux mais il n’était pas électricien, il n’avait aucune idée des besoins d’alimentation de cet endroit. Une moue ennuyée sur les lèvres, il choisit prudemment de descendre d’un cran le bouton de contrôle. Il valait sans doute mieux ne pas réussir à allumer les lumières du premier coup que faire péter toute l’installation en balançant tout le courant mis à disposition.

Maintenant, il ne restait plus qu’à allumer le moteur… en priant le bon Dieu que tous les éléments qui composent ce fourbi soient fonctionnels. La poitrine de Nathan se comprime de façon très déplaisante et il ferme ses yeux en capturant entre ses doigts le curseur qu’il s’apprête à faire passer de « OFF » vers « ON ».

« S’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît »

Le déclic est salutaire. Le moteur se met à vrombir puissamment et le cœur de Nathan se rue en retour contre sa cage thoracique qu’il agite de vives palpitations. Elles poursuivent leur chemin au creux de sa gorge et s’y éteignent en tressautant dans sa carotide. Il respire assez péniblement et passe une main dans ses cheveux. La machine s’était mise en marche.

Alors il se relève, les jambes rendues flageolantes par l’émotion, et rebrousse chemin, clopin-clopant, vers le préfabriqué. Au bout de quelques minutes et de plusieurs tests, la fée électricité pose finalement ses bagages dans l’abri et les néons bourdonnants de la pièce à vivre éclairent désormais les allées et venues de son autre locataire, ce petit être humain nu comme un ver qui a trouvé par bonheur une couverture de survie dont il s’emmitoufle dans un froissement doré, avec avidité. Il y en a encore quelques-unes, dans le carton qu’il a déniché au fond de la réserve, ainsi qu’une bouteille d’essence qui l’encourage à allumer les radiateurs du refuge, au moins pour ce soir. Ce ne serait pas de trop. Il lui semble qu’il lui faudra des jours pour revenir de ce maudit coup de froid. Il en est pénétré jusqu’à la moelle et c’était un miracle qu’il arrive encore à s’agiter comme il le fait. Un reste d’adrénaline, peut-être. Chacun de ses mouvements lui déchiquette savamment les membres, mais la circulation fourmillante qu’ils occasionnent dans ses veines glacées fait déferler sous sa peau quelques flammèches providentielles.

Sa respiration est encore trop rapide, et il reconnaît trop bien les symptômes d’une légère hypothermie alors qu’il met soigneusement ses vêtements à sécher sur le dossier d’une chaise. Il se frictionne longuement en avisant son caleçon encore à moitié mouillé, et dans un élan de détresse un peu piteux, il choisit cependant de le revêtir sous sa couverture de survie. Il préférait encore ne pas donner un autre spectacle de sa nudité à cette Mona qui débarquerait sûrement d’un instant à l’autre.
Sa mâchoire se serre désagréablement et ses dents grincent, dans un petit crissement douloureux. Oh, oui, il préférerait ça sans aucun doute.

En fouillant peu de temps dans l’espèce de laboratoire attenant, il met la main sur une mallette qui contient du matériel poussiéreux de premiers secours. Vivement inspiré par sa trouvaille, il revient s’assoir à la table de la pièce principale et aligne devant lui les éléments qui l’intéressent, en particulier des compresses, de l’antiseptique, des pansements et surtout des sutures adhésives. Il y avait aussi des agrafes, là-dedans, mais il n’en aurait certainement pas l’usage pour une plaie au visage. Il faudrait se contenter des strips, à défaut d’avoir de quoi se faire des points.

En allant se rincer le visage et les pieds au robinet, il constate que le toit-citerne qui chapeaute l’abri est encore parfaitement fonctionnel. Cet endroit devait être fréquenté à l’occasion, et c’était une chance en or car quoi qu’il soit malpropre et singulièrement démuni pour y dormir, il était relativement habitable.
En lavant ses plaies, il asperge généreusement son épiderme maltraité de Wokadine rouge et frotte délicatement jusqu’à ce que la mousse se décolore, puis il s’en va se rasseoir en grimaçant, de nouveau parfaitement trempé. Il s’essuie dans sa chemise suspendue derrière lui et inspecte rapidement la plante de ses pieds ravagée par les ampoules percées, une pince à la main, pour retirer les résidus d’herbe et de terre. Une fois qu’il a appliqué sur son front un désinfectant plus fort, qui picore plus diaboliquement encore sur la douleur sourde de sa blessure, il masse ses pieds à la pommade antibiotique et les enroule très soigneusement dans des compresses, avant de remettre ses chaussures. Après tout, le sol est crasseux et il ne vaut mieux pas y balader ses plaies, même si les frottements du cuir à travers les bandages sont très incommodants. De toute façon, il ne compte pas rester debout bien longtemps : son corps est brisé de fatigue.

D’autant que plus la chaleur monte depuis les radiateurs, plus elle l’enveloppe dans un cocon confortable, tout à fait étourdissant, où la torpeur le guette vicieusement. Pourtant, il faut encore suturer la lésion à son arcade dont la profondeur l’inquiète en sourdine, quand il l’observe dans le petit miroir accroché au couvercle ouvert de la mallette. Il devrait se contenter des strips…
Pinçant ses lèvres meurtries, plissant ses yeux de myope derrière ses verres sales, il puise dans ses dernières ressources de concentration et se penche en avant pour poser les deux premières bandes adhésives, de part et d’autre de sa plaie. L’opération est méticuleuse, pour deux mains engourdies par le froid, mais il œuvre silencieusement, avec un sérieux brûlant d’exigence.

Il ne s’interrompt même pas au grattement qu’il entend à la porte, au bout d’un moment. Il croise seulement le reflet de Mona à travers son petit miroir, tandis qu’elle entre avec la discrétion d’une souris dans l’abri. Son visage se ferme, ses traits se barrent d’une froideur inhabituelle et il poursuit son travail sans un mot.
Le malaise était encore trop solidement entremêlé à ses entrailles pour laisser place même à une ombre de culpabilité. Il sentait surtout une terrible honte qui étendait sur ses joues son empire embrasé, au souvenir de cet élan de colère qui l’avait dépossédé de sa maîtrise de soi dont il avait toujours été si fier. Il préférait ne pas même croiser son regard, à cette fille.
Il la laisse aller à sa guise dans la pièce, surveillant néanmoins ses mouvements d’un œil vibrant de méfiance. Cette nuit, il se barricaderait dans le laboratoire pour dormir. Il n’était pas question de baisser la garde de quelque façon que ce soit devant cette folle furieuse. Il avait déjà la bienveillance de lui avoir laissé la porte de l’abri ouverte, et c’était plus qu’assez pour ce soir.

Il applique la troisième suture perpendiculairement, sur une berge de la plaie, et sous une légère traction, il la tire sur la berge opposée pour assurer un rapprochement parfait. D’autres strips connaissent le même sort, jusqu’à ce que la blessure soit parfaitement refermée – du moins en apparence. Il termine son montage en posant des bandelettes de façon transversale, pour renforcer l’ensemble, puis deux pansements antiseptiques pour se garder de toute infection. Considérant son ouvrage dans le miroir, en tirant ses cheveux noirs en arrière, il se tient pour satisfait et lâche un bon gros soupir de soulagement.

Maintenant, Nathie, il s’agit de prendre sur soi.

Pendant une seconde, après s’être assuré qu’une distance de sécurité raisonnable le sépare de Mona, il ferme lourdement les yeux. Une migraine commence à enfermer ses tempes en tenaille, mais il tiendrait bien quelques minutes de plus…
Il pousse sa chaise en arrière pour se lever et referme la mallette dans un mouvement tremblant qu’il veut plein d’assurance, mais dont l’élégant aplomb est essentiellement théâtral. Il est à bout. Ce n’est plus qu’un petit reste piteux d’apparences qu’il lui reste à sauver, en partant comme un prince, drapé d’une dignité montée de toutes pièces. Ses petits effets de drama queen lui tenaient à cœur depuis toujours.

S’éclaircissant la voix d’un petit son grave, il fait face à la jeune femme dont le visage blême d’épuisement reste toujours singulièrement indéchiffrable. Son regard atone le trouble un petit instant – l’effraie sincèrement, en fait, car ces yeux clairs semblent deux abymes glacés qui auraient englouti loin de toute lumière leurs pensées et leurs émotions. Ces pupilles fixes laissent de Mona l’impression étrange et inquiétante que sa personne ne connaissait ni changement, ni faiblesse, que rien ne pouvait l’altérer, que son cœur enfin était aussi roide et éternel que le plus froid diamant. Ce n’était sans doute qu’une épaisse carapace, une lourde armure dont il ne savait quelle circonstance l’avait forcée à se barder – en somme, oui, ce n’était qu’une impression, mais une impression tenace qui causait plus d’effets que de raison sur l’esprit ébranlé de Nathan. Un frisson lui court dans la nuque, tandis qu’il se rappelle avec évidence de la pierre fort contondante qu’il a découvert dans son manteau tout à l’heure…
Mais malgré sa pâleur, cependant, il se fait droit et résolu devant les airs impénétrables de sa sinistre invitée et ses doigts se serrent fermement autour de la poignée de sa mallette.

« Bon. » Il lève le menton, la poitrine gonflée d’une fierté farouche, et pose sa main sur le petit tas plastifié qu’il a posé sur la table, dont il tire un emballage. D’un geste catégorique, il le tend à la rouquine. « D’abord, voici une couverture de survie. Ensuite, ça, poursuit-il, en soulevant sa mallette, c’est un nécessaire à pharmacie que j’ai trouvé. J’ai été interne dans un hôpital, il y a quelques années. Alors si tu veux être soignée correctement, assieds-toi là, je saurais m’en occuper. » Il s’écarte de sa chaise, aussi calmement que possible, pour lui laisser la place, et la darde toujours de son regard le plus sévère. « Sinon, je te laisse tout de suite faire ce que tu jugeras bon avec cette mallette, je te souhaite une bonne nuit et je vais de ce pas me coucher – en toute âme et conscience. »

Il prend une petite inspiration, alors qu’une vague de froid le rattrape et le fait trembler de la tête aux pieds. Il déglutit et retrouve légèrement contenance en fermant plus étroitement sa couverture autour de lui. Ses lèvres se pincent et il lâche, le visage durci d’un terrible aveu de mépris.

« Le choix t’appartient, mais fais-le vite. »


Dernière édition par Nathan Weathers le Sam 23 Sep - 20:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeMar 4 Juil - 21:32

*Ah oui. La pierre.*

Pas difficile de deviner même pour elle de deviner ce qu’il avait trouvé et ce qu’il avait pu penser de sa présence au fond de la poche de son manteau. Elle avait réalisé sa bévue sans émotion particulière. Elle avait l’habitude de ne pas se laisser percer à jour, mais les circonstances semblaient l’avoir submergée et ne lui avait pas laissé le loisir de se débarrasser de son arme de fortune, preuve qu’elle était encore trop tendre pour faire face à tout. Cette pensée se déroulait tranquillement dans son esprit. Aucun reproche contre son erreur ni aucun jugement contre la réaction du blessé. Elle aurait sans doute fait la même chose, ou pour le moins de quoi se préserver. Elle devait juste se débrouiller toute seule pour atteindre l’abri qui l’attendait depuis trop longtemps maintenant. Aucun remord non plus d’avoir pris les mesures qui s’étaient imposée simplement à elle à l’arrivée de ce type au beau milieu de nulle part. Etre prête à toute éventualité. Il pouvait le comprendre certainement. Elle aurait été en pleine possession de ses moyens, elle aurait certainement haussé les épaules en le regardant prendre la poudre d’escampette, mais là, elle se retrouvait seule au milieu d’une lande en passe de subir l’hypothermie dont elle avait tenté de protéger Nathan.

Elle enroula ses maigres bras autour d’elle et laissa tomber ses yeux sur ses pieds nus. Plus de chaussures, parties en même temps que son co-naufragé sur cette île. Elle frissonna et commença à greloter. Pourquoi les choses cumulaient-elles les difficultés. Elles auraient pu choisir entre les températures et les la difficulté de se déplacer non ? D’ailleurs, elle se demanda à le regarder détaler comment il avait fait pour oublier ses pieds. Avait-il si peur de se faire assommer par la rouquine qu’il en oubliait les douleurs de ses pieds ? Son arcade avait-elle pris le dessus sur ses pieds ? Ou alors il avait réenfilé ses chaussures plus vite qu’elle n’avait pu le constater.

*Pas le moment de trainer ici. Un pas après l’autre et tu finiras bien par y arriver.*

Elle ne prenait plus le temps de l’hésitation une fois qu’elle avait formulé une résolution et se mit en route vers les abris que le smartphone de Nathan avait découverts. Chaque pas était comme le dernier mais il fallait bien qu’elle lui fasse succéder un suivant et encore un autre qui la rapprocherait de son objectif malgré la douleur que cela lui occasionnait à chaque fois. Elle cherchait à soulager ses pieds qu’elle devinait écorchés comme un filet de hareng et se traçait des parcours d’une touffe d’herbe à l’autre, les parties sableuses ou même rocheuse se transformaient en instrument de torture. A chaque pas ses jambes pourtant habituées à des séries impressionnantes de sauts de corde à la salle de sport, flageolaient de douleurs et de froid. Sa respiration se faisait plus courte et plus bruyante. Là-bas, elle distinguait cependant le passage qui allait lui permettre d’entamer sa descente vers les parallélépipèdes blancs qui se tenaient sur le rivage non loin de ce qu’elle pouvait imaginer être un ponton. Elle enrageait contre la planète entière comme elle savait si bien le faire. Ses narine palpitait de colère et son regard devenait aussi sombre qu’un horizon d’orage avant le premier éclair. Et sa rage la maintenait debout et lui faisait encore avancer en maudissant ce Trans planage qui ne lui avait rien demandé ses rangers restés près de la porte de son appartement et puis ces cailloux, ces épines dissimulées traitreusement dans les herbes et puis lui ! Ce traitre qui s’était fait passer pour une aide et qui l’avait abandonnée dans la lande ! Ah ! Il était beau, le bon samaritain ! Un bel hypocrite celui-là et dire qu’elle avait fini par presque croire qu’il n’était pour rien dans cette histoire et par le soigner ! De quoi finir de la réconcilier avec l’espèce humaine sans aucun doute ! Habitée entièrement par de sombres pensées, elle parvenait à y oublier un peu de sa douleur et se retrouvait soudain en haut du passage qui la conduirait en bas en terre promise. Elle s’arrêta et s’assit quelques instants pour reprendre des forces et essayer de maîtriser les soubresauts de ses jambes, les mains posées sur ses cuisses et ses genoux glissant vers ses pieds mais s’arrêtant prudemment aux chevilles pour ne pas se rendre compte de l’état de ses plantes qui devaient être pire que ce qu’elle pouvait imaginer.

*Arrivons là-bas et ensuite on verra…*

Elle descendit tes la pente abrupte sur les fesses se servant plus de ses talons, partie la moins abimées et de ses mains. Ses cheveux tombaient sur son visage, ne laissant entrevoir que le feu de sa colère le temps des bourrasques de vent et le bleu de ses lèvres cyanosées. En route, elle reconnait une loque rougie de sang. C’était bien la peine qu’elle se donne tout ce mal ! Malgré sa prudence, elle dévala sur les fesses et le dos des deux derniers mètres et resta quelques secondes étourdie par la douleur et la fatigue. Son poing s’abat de rage sur le sol. Elle aurait dû fondre en larme, elle aurait même dû le faire depuis bien logtemps, mais pleurer lui était interdit depuis des lustres. Depuis que Galadriel avait été emmenée dans sa maison de repos qui engloutissait lentement mais sûrement les économies de la musicienne et de l’avocat et s’attaquerait inexorablement un jour ou l’autre à celles de Mona. Elle ne se souvenait pas d’un quelconque serment ou d’un déclic qui avait asséché ses larmes mais c’était un fait. Seuls les rhumes ou autres infections lui faisaient couler les yeux et encore jouissait-elle d’une santé de fer qui limitait au minimum ces désagréments. Pourtant, l’état de Frodon devant les portes de la montagne du destin ne devait pas être pire et Sam l’avait abandonnée. Une chose était certaine s’il s’était transformé en Gollum, elle n’aurait pas une once d’hésitation… Le ronronnement d’un moteur alerte ses oreilles. Pas de véhicule en vue.

*Un groupe électrogène ?*

C’était comme une dalle de roche presque douce à ses pieds si l’on exceptait le fait qu’elle avait dû subir les assauts de la mer à certaines époques de l’année et que le sel qui mêlait ses cristaux à ceux de la pierre lui rappelait si besoin était les coupures de ses pieds. Elle se redressa en plusieurs étapes.

*Voyons ce qu’Orodruin nous réserve.*

Proche de son but elle se sentit animée d’une nouvelle énergie et laissa courir ses yeux sur l’endroit.

*Une pierre !*

Non, ce n’est pas une manie, mais dans le coin il n’y a pas grand-chose qui puisse vous servir d’arme en cas d’agression…

Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver la porte décadenassée ne serait-ce qu’à cause des raies de lumière que les lourds volets laissent tout de même filtrer. Elle tente de coller son œil à un interstice mais sans succès. Elle ne parvient pas à distinguer de façon convenable l’intérieur. Elle imagine ce que doit bien pouvoir y faire Nathan, probablement soigner ses plaies, se réchauffer. Elle imagine aussi qu’il se prépare à l’accueillir. Elle se doit de rester sur ses gardes. Avec les traitres, il faut s’attendre à tout mais il est hors de question qu’elle reste dehors, cet abri elle a contribué à le découvrir et c’est une question de vie ou de mort lui rappelle la lune dont l’éclat augmente à mesure que le bleu qui l’entoure s’assombrit. Elle grelotte devant cette porte. C’est tellement stupide ! Inutile de provoquer de réactions disproportionnée alors elle se résout à frapper afin d’avertir de son arrivée avant de pousser la porte qui pivote en silence sur ses gonds. Une bouffée de douceur lui caresse le visage. L’américain a au moins réussi à mettre en route un chauffage quel qu’il soit. Elle ne va pas attendre bêtement d’être invitée à entrer ni que le froid pénètre le cabanon. Elle se glisse comme une banshee dans l’abri en tirant la porte derrière elle. Et avance précautionneusement sur ce qui lui reste de pied, la pierre posée contre sa paume et sur ses doigts derrière son avant bras tout en essayant d’analyser le plus vite possible son environnement. Il est là occupé par son arcade et faisant mine de ne pas la voir.

*Tant mieux !*

L’endroit semble assez fonctionnel mais elle des besoins urgents à satisfaire. Elle avise la bouteille posée à côté de Nathan. Il y a de l’eau ! Elle tourne sur elle-même en prenant soin de laisser toujours son corps entre la pierre et le blessé et avise la porte qui donne sur ce qui ne peut être qu’une réserve. Et s’y précipite si tant est qu’elle soit encore capable de précipitation. Le pack éventré lui simplifie la tâche et elle s’assied à côté le temps de se désaltérer. La pierre posée contre sa cuisse écorchée par sa dernière glissade, dévisser le bouchon et en soi déjà une épreuve pour ses muscles transit de froid et de fatigue, mais bientôt le liquide sacré coule doucement dans sa gorge desséchée. Qui aurait pu croire que ce climat pouvait susciter tant de soif ? A genoux, toujours avec son assurance vie en main, elle se traine jusqu’aux rayonnages. Des boites de conserve, des boites de conserve et encore des boîtes de conserve ! Ah ! Dans un coin quelques produits d’entretien et d’hygiène. Un cube de savon liquide, une bassine avec encore une étiquette collée.

*Ça peut servir.*

La voilà qui prend le chemin de la pièce principale. Elle s’est remise sur pied ce qui permet à ses yeux de tomber sur une boîte de lait concentré. En quelque seconde elle fait main basse, fait sauter l’opercule et laisse le liquide épais et visqueux couler dans son gosier affamé avant de reprendre quelque gorgées d’eau. Bientôt la revoici dans la lumière et la chaleur avec son butin au fond de la bassine. L’américain n’a pas bougé de place et elle cherche un robinet pour remplir sa cuvette. Du côté du coin cuisine c’est le plus logique et son attente n’est pas déçue. Tandis que l’eau coulait, elle trouva des torchons sous l’évier en inox. Elle en posa un au sol pour y poser le pied et souleva l’autre pour faire souler le liquide bienfaisant sur le pied gauche pour enlever le plus gros, herbes et graviers avant de recommencer l’opération pour le suivant, la pierre attentive au fond de l’évier. Puis, la bassine remplie à mi-hauteur, des torchons propres sous le bras, elle se glisse avec précaution à ce qui semble être une chaise sous son linceul dépose au sol l’eau dans laquelle elle laisse couler une bonne rasade de savon et remue doucement. Le but n’est pas d’obtenir de la mousse mais bien de laver ses plaies et de commencer à les désinfecter.
Elle a vu faire une fois qu’elle avait été trainée à l’hôpital soit disant pour lui montrer la gravité de son geste lorsqu’elle jeter au sol carrelé une assiette du foyer et qu’un éclat avait ricoché et entaillé l’index d’un gamin du centre. Elle avait été dans un premier temps incrédule devant la trajectoire improbable de la petite lame blanche, mais elle avait assumé son geste d’autant plus facilement que le minot faisait partie de la bande qui l’avait poursuivie dans le parc avant qu’elle ne se retourne d’un coup et se précipite sur le meneur et lui balance son pied dans son entrejambe laissant les autres d’abord cloués de stupeur puis battant en retraite devant le regard déterminé de furie rousse au grand soulagement de cette dernière qui avait réussi son coup de bluff. Le petit blessé était juste un pauvre suiveur insignifiant mais sa participation à cet épisode enleva toute la culpabilité de Mona à son égard et lui permit de se concentrer sur les soins qui lui étaient prodigués. Il avait tenu son doigt blessé dans une petite cuvette pleine de savon avant d’être recousu et Mona avait regardé fascinée le petit filet de sang sortir de l’index et s’étendre doucement au fond du savon.

Aujourd’hui c’était au tour des pieds de tremper bien gentiment. Ça pique mais en comparaison de ce qu’elle a enduré aujourd’hui ce pourrait faire l’effet d’une caresse. En attendant elle observe son colocataire en finissant sa boîte de lait concentré et en finissant de se réhydrater. Elle s’est installée sur une chaise dos à un radiateur et a calé la pierre entrer ses cuisses. Petit à petit, la chaleur ranime ses sensations tout en essayant de la faire sombrer dans une torpeur traitresse. Mais ses yeux cernés de bistre papillonnent sous le poids de ses paupières de plomb au milieu d’un visage hirsute et rendu livide par les épreuves de la journée. Elle se pince entre les deux yeux de ses ongles de pouce et d’index. Lorsqu’elle rouvre les yeux c’est pour voir le fuyard hystérique se diriger vers elle sa mallette à la main et lui tendre une couverture de survie. Elle regarda le film brillant quelques instants, incrédule avant de s’en saisir en hochant la tête. Ce n’était pas un merci articulé, mais cela en était un équivalent dont il devrait se contenter. Elle écouta sa proposition sans sourciller avant de sortir ses pieds de la bassine et les tamponner d’un des torchons.

« D’accord. Merci. »

Elle pose ses mollets sur une seconde chaise non loin d’elle et pose la pierre sur la table.
Elle se demande si c’est encore elle qui ne comprend rien au gens ou si ce mec est vraiment imprévisible et lunatique. Peut-être va-t-il profiter de la situation pour exercer ses talents de bourreau sur ses pieds mais là, ce sera à ses risques et périls… Elle plante son regard de tueuse dans les yeux de son soigneur avant de secouer la tête pour dégager les mèches hirsutes dont elle ne prend conscience que maintenant que le froid la quitte et que ses forces lui reviennent un peu.

Elle attend qu’il se penche sur ses plaies pour ôter son pull encore gorgé d’humidité et le dispose tant bien que mal sur dossier de sa chaise en direction du rayonnement bienfaisant du radiateur avant de s’envelopper de la couverture de survie. La pudeur n’est pas une grande préoccupation chez elle, même si elle ne cherche pas à provoquer ou scandaliser. De toute façon, ses petits seins ne lui paraissent pas des plus affriolants et elle se trouve toujours surprise d’être entreprise par les mecs. Elle est loin des mensurations de Katty Perry ou de Scarlett Johansson.
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeMar 15 Aoû - 18:05

Nathan lève un sourcil blasé.
Il n’avait pas jugé nécessaire de préciser qu’un remerciement sans réelle gratitude pour le soutenir ne valait pas mieux que l’indifférence d’un silence, mais apparemment, ce n’était pas évident pour tout le monde. Mona était peut-être une sorte d’enfant sauvage revenue à la civilisation après avoir été élevée dans une meute de loups, qui n’aurait pas trouvé le temps d’apprendre à dire bonjour, s’il vous plaît ou merci… Mais, curieusement, il en doutait.  
Le plus probable est encore qu’elle soit en train de se foutre monumentalement de sa gueule. Il n’était pas un professionnel du profilage psychologique, évidemment, mais il travaillait en étroite collaboration avec un certain nombre d’analystes depuis quelques années et il savait maintenant reconnaître un trouble antisocial quand il en voyait un. Non seulement cette fille se fiche comme de l’an mille des normes sociales ou des codes communicationnels les plus élémentaires, mais elle n’a rien, par ailleurs, contre l’idée de les utiliser au moment où elle pourrait en tirer profit. Quant à l’empathie, elle n’en a tout simplement pas manifesté une once depuis leur rencontre qui remonte pourtant à quelques heures, à présent. En fin de compte, ce n’est pas l’échantillon le plus sophistiqué qu’on puisse trouver parmi les individus notoirement sociopathes, mais indéniablement, elle partage avec eux assez de traits pour qu’un diagnostic chez un spécialiste s’impose.
Bien sûr, Nathan n’est pas à l’abri d’une erreur. Mona est peut-être bêtement odieuse, pour ce qu’il en sait. C’est une tare assez commune de l’espèce humaine.

Tant qu’il reste sur ses gardes, au fond, ça n’est pas son problème.

« De rien, je suppose… » murmure-t-il, du bout des lèvres, les traits crispés autour d’une petite moue écœurée.

Il laisse tomber sa mallette sur la table, pendant que la rouquine s’installe plus ou moins confortablement en s’octroyant le monopole de deux chaises en bois. Son regard tombe rapidement sur une boîte de paracétamol, dont il détache quatre comprimés. Il s’en réserve deux et glisse les autres vers Mona et sa bouteille à moitié vide.

« Tenez, des antalgiques… »

Fort peu préoccupé de ce qu’elle en fera, maintenant qu’il les lui a donnés, il avale les siens avec une gorgée d’eau.
Soit.
Puisqu’elle se sentait suffisamment en détresse pour se laisser soigner, il le ferait au moins par principe – et il dormirait d’autant mieux cette nuit en n’ayant rien à se reprocher. Il avait horreur de tomber dans ces retranchements où ne comptait plus que la froideur aveugle de l’obligation morale, où c’était la tête qui faisait tout le travail, puisque le cœur avait perdu tout élan. Tout ce qu’il faisait dans ces circonstances lui semblait cruellement désincarné. Vidé de substance. La figure de Mona pourrait tout aussi bien être un immense ballon de baudruche où on aurait peint une grimace au marqueur que ça n’aurait pas changé grand-chose. Il fallait de toute façon ignorer les tristes singularités de sa personne, s’il voulait continuer de se comporter correctement avec elle. Faire comme si c’était n’importe qui… Ou tenter le coup, en tout cas.

Un court soupir s’échappe de ses lèvres, signe que malgré ses regrets, sa détermination à agir se remettait en branle. Là-dessus, il laisse de côté pour un temps sa couverture de survie, s’enveloppe de son manteau qui l’incommodera moins dans ses mouvements pour la mission qu’il s’est fixée, et se tourne machinalement vers sa désormais patiente.
Et il est foudroyé sur place.

Est-ce que c’est une autre pierre qu’elle vient de déposer sur la table… ?
Dans quel monde… … ??

Il pense un instant avoir la berlue mais après avoir battu longtemps des paupières, comme un petit hibou ébloui par une clarté trop vive, il finit par se décomposer de stupeur. Son esprit tourbillonne à gros bouillons sous son front étonné, ses yeux s'ouvrent grands d'effroi et une vague d'angoisses, de rancunes et d'incompréhension déferle dans sa poitrine. Un haut-le-cœur difficile à contenir s’y soulève et il cesse tout à fait de respirer.
Cette fille lui voulait du mal.

Il devait être complètement stupide de ne pas encore l’avoir compris. De ne pas avoir voulu le comprendre. De se complaire dans l’idée que sa petite gueule d’ange, ses attentions prévenantes et son humour pourraient éternellement conjurer la violence et empêcher qui que ce soit de porter atteinte à son intégrité. Oh, bien sûr, il n’avait pas toujours vécu à l’abri des agressions. Il était un garçon noir. On le lui avait appris à l’école, lorsque sa mère les avait fait déménager dans la vieille campagne blanche telle que les Etats-Unis savaient si bien la faire. Il s’était ramassé beaucoup d’insultes, quelques poings dans la figure, des croche-pattes et des humiliations diverses, occasionnellement. Quand il avait eu l’âge de se lancer dans l’activisme et de participer aux manifestations et aux sit-in à Philadelphie, il y avait même un flic ou deux qui lui étaient rentré dans le lard. Tous les jours, il ouvrait son journal, il voyait un film qui passait à la télé et il constatait la mort de gens qui lui ressemblaient. Mais par il ne savait quel mystère, il le prenait toujours avec une surprise inouïe.
Et pourtant, quel fichu signe est-ce qu’il attendait pour voir que Mona était un danger pour sa vie ?

Il était aveugle et bouché ? C’était quoi son problème ?
Pourquoi l’avait-il laissée entrer déjà… ?

Sa respiration lui revient au moment où la colère commence à gronder au fond de lui et à distiller ses orages dans la trouille épaisse qui l’engluait de la tête aux pieds sous le regard perçant de cette femme.
En même temps que son souffle, lui reviennent les mots et l'intelligence qui s'agitent follement dans son crâne, avant d'échouer en cohue dans sa voix, avec un désordre qui lui était rare :

« Mais ! Vous ?! C’est pas croyable… Non mais vous vous croyez à l’âge de pierre, ou quoi ?? »

Son cœur fait un sacré ramdam dans sa cage thoracique, et malmène tout son corps d'afflux sanguins chaotiques, comme des coups de poing qu'on martèlerait sur ses tempes et qui cogneraient partout dans ses artères. Soudain, ses jambes sont propulsées comme des ressorts et en deux pas vifs, il a rejoint la rouquine pour la priver sur le champ de l’arme qu’elle avait posée près d’elle. Il recule immédiatement, pressé de regagner une distance de sécurité convenable, et prend une large respiration, les yeux vissés dans ceux de Mona, à la fois sévères et troublés d’un impétueux émoi.

« Écoutez-moi bien, feule-t-il, entre ses dents, les doigts serrés autour de ce satané caillou, tout en continuant de s’éloigner, en direction de la sortie, maintenant. Pour partager un toit avec moi, il faut être un minimum civilisé. Les femmes de Cro-Magnon, elles passeront leur nuit dehors, ou bien elles apprendront à se tenir ! »

Il ouvre brutalement la porte, se campe sur le seuil, face à la mer, arme son poignet avec une énergie furibonde et envoie la pierre si loin par-delà la falaise qu’il ne perçoit que son sifflement dans les airs, et n’entend pas son bruit d’impact contre la roche quand elle échappe finalement à sa vue. Les yeux perdus sur l’horizon grisâtre qui a accueilli le soleil et ses derniers rayonnements dans un morne linceul, il gonfle ses poumons d’un souffle pénible qui produit des chuintements de mauvais augure dans sa gorge. Très affaibli, il retourne à l’intérieur de l’abri et ferme la porte en s’écroulant à moitié contre son battant.
Toute la baraque s’enfonce soudain dans un silence épouvantable, humide et frissonnant. Nathan observe Mona, de loin, la gorge nouée et les yeux embués à présent. Combien donnerait-il pour disparaître de cet endroit instantanément… Retrouver la chaleur de son lit et oublier.

« Je… je ne comprends pas, lâche-t-il, tout à coup, d’une voix blanche. Qu’est-ce que je vous ai fait, enfin… ? J’suis pas menaçant, je peux même pas y prétendre, c’est stupide ! Vous m’avez vu… ? »

Il s’agite faiblement sur place en resserrant les pans de son manteau autour de sa silhouette. Ses hanches sont étroites, le contour de ses épaules souple, doux, inoffensif. Ses modestes activités de danseur de nightclub et de cycliste urbain dessinaient sa musculature avec une discrétion qui n’aspire peut-être qu’à l’élégance. Il se maintenait sympathiquement en forme, mais du haut de son mètre soixante-quinze, il n’avait vraiment pas grand-chose d’intimidant…
Mona non plus, remarque. Son pauvre soutien-gorge souligne à présent la maigreur de ses côtes dénudées et la pâleur presque maladive de sa peau. Elle est famélique comme un chat de gouttière. Mais la volonté de casser des nez, dans la vraie vie, ça fait toute la différence – et de ça, elle ne semble pas en manquer, pour une raison qui échappe absolument à Nathan. Quoique. C'était peut-être simplement le fait qu'il soit noir. L'idée le crispe jusqu'à la moelle mais il sait très bien qu'elle est loin d'être improbable. A peu près partout dans le monde, ce constat suffisait à conclure de la dangerosité d'un individu.

« Et vous, là… » Il la désigne d’un geste nerveux, le cœur au bord des lèvres. « Mon Dieu, je ne sais quasiment rien de vous sauf que votre passe-temps favori, c’est sûrement de tirer la tronche et d’avoir l’air hostile… ! Vous me poursuivez avec des cailloux plein les poches et quand je me pète la figure, tout ce que vous trouvez à faire, c’est me sauter dessus et me… me… foutre à poil sans vous soucier juste de… de mon consentement ? » Ce dernier aveu lui coûte beaucoup. Son visage est terreux. Ses mains tremblent sur les bords de son manteau. Il happe un peu d’air en levant son museau au plafond, pour mieux ravaler le sanglot de honte qui forme une boule oppressante dans sa gorge. « Qu’est-ce que je suis censé penser de vous, bon sang… ? Vous… vous m’faites flipper, c’est pas des blagues. »

L’énervement le fatigue. Un frisson exténué court le long de son échine, ses orbites sont brûlantes. Il repousse ses lunettes au sommet de son front, dans les boucles crasseuses et emmêlées de son afro, pour se frotter les yeux. Non seulement n’a-t-il rien de menaçant, mais pire encore il se sent en cet instant atrocement vulnérable. Il chancelle sur ses pieds en replaçant ses lunettes sur son nez avec maladresse, et avise la mallette de premiers secours d’un air pincé.

« Vous voyez, je… je suis avocat. » Il ne regarde plus Mona, pendant un moment, et il ne s’entend plus très bien non plus, à vrai dire, sa voix lui semble étouffée comme à travers une cloison. « J’en vois passer, des cas, et là… vous savez quoi ? » Ses yeux reviennent à elle, luisants d’un mélange de dégoût et d’appréhension. « J’ai seulement l’impression de traîner avec une de ces cinglées qui n’ont pas besoin de raison pour se lever au beau milieu de la nuit et venir me fracasser la tête. Alors, quoi… ? »

Nathan ne savait pas très bien s’il était le genre de type à faire la morale aux gens, il ne s’en rendait pas compte. Sans doute un peu, au fond, quoi qu’un regard de jugement bien placé suffise dans la plupart des cas… En fait, il avait surtout à cœur de ne laisser personne perclus dans l’obscurité et le silence – il se battait pour que les revendications de chacun soient entendues et il ne supportait pas de voir certains individus en écraser d’autres, que ce soit consciemment ou non. Aussi, lui-même ne laissait pas qui que ce soit venir lui essuyer ses pompes sur la figure, c’était une question de dignité.
Pourtant, à cet instant précis, il n’avait pas la force de faire un sermon à cette fille et il en éprouvait d’ailleurs pleinement la vacuité. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’elle cesse d’avoir toujours l’air sur le point de l’agresser – accessoirement, qu’elle en abandonne jusqu’à l’intention. Il avait conscience que ce n’était rien de plus qu’une requête très rudimentaire, mais constater que l’idée n’était pas claire pour elle le plongeait dans une extraordinaire confusion. Si elle ne le comprenait pas, de toute manière… elle devrait se débrouiller toute seule – une fois pour toutes.

Épuisé, il secoue la tête nerveusement et contemple tout ce qu’il a prévu de faire avant d’aller trouver la sécurité peu réconfortante de la solitude – et surtout, le sommeil, avec un peu de chance. Son esprit est tout enfumé. Il ignore s’il a encore des comptes à rendre à son invitée, dans ces circonstances, ou si dans son intérêt le plus vital, il ferait mieux de se retrancher tout de suite dans le laboratoire et de la laisser se soigner par ses propres moyens.

Ce sont des équations stupidement complexes pour son cerveau fatigué, qui capitule devant la force de ces émotions qui lui bourdonnent aux oreilles. Il n’est plus qu’un petit tas de pulsions inquiètes et étourdies, sonnées, qui se sont perdu et ne savent plus dans quelles directions se déployer. Livré à la paralysie pendant un bon moment, il se laisse enfin porter par sa mécanique la plus ordinaire et s’approche lentement de la jeune femme, pareil à un somnambule, pour poser une main lasse sur le nécessaire à pharmacie. Il en avait assez, cette journée devait se finir, maintenant.

Silencieusement, il pousse sa mallette sur la table, à l’exact emplacement où était posée la pierre de Mona, quelques instants plus tôt, et en inspecte à nouveau le contenu d’un regard éteint. Il retrouve dans une pochette son premier instrument de torture, le plus odieux : une pince à épiler qu’il nettoie scrupuleusement dans de l’alcool. Il déniche également des compresses, un flacon d’iode, une redoutable collection d’aiguilles, du fil stérilisé, une petite paire de ciseaux pointus et de la pommade antibiotique qu’il dispose sur la table. Armé de sa pince, il repousse les jambes que la jeune femme a perchées sur la deuxième chaise et il s’y assoit lui-même afin d’installer un de ses pieds meurtris sur son genou, où il pourra plus aisément l’examiner. Il entoure sa cheville menue de ses doigts et la retourne délicatement pour inspecter les dégâts que la marche a infligés à sa voûte plantaire.
Par chance, la nature est bien faite. La peau des pieds est épaisse. Même sans disposer de bonnes chaussures, il aurait été étonnant de découvrir quoi que ce soit de plus grave qu’un joyeux bataillon d’ampoules, pour beaucoup éclatées. Évidemment, la sensation de chair à vif doit être insupportable, mais dans les faits, seules les premières couches de son épiderme sont parties en lambeaux. Le plus gros du travail consistera à prévenir toute infection et à lui épargner autant d’inconfort que possible. Rien d’extravagant, en fin de compte.

Il étudie encore un petit moment la viande en charpie de ce pied qu’il en palpe repérant chacune des cavités cutanées susceptibles de poser problème. Ses mains sont douces, son regard concentré. Finalement, il redresse ses lunettes dans un soupir et décide de se lancer. Sa pince à épiler bondit habilement de blessures en blessures pour en extraire tous les résidus qui s’y sont incrustés, les bout de paille, les petites herbes, les débris de terre et de cailloux. L’opération réclame du temps, de la minutie en ce qui concerne Nathan, qui veille par principe à ne pas faire plus de mal que nécessaire à Mona, et assez de patience des deux côtés.

Au bout de longues minutes d’inspection minutieuse, les petites plaies sont enfin saines et il n’a plus qu’à nettoyer ses ampoules à l’aide d’une compresse imbibée d’iode, avant d’enrouler celle-ci autour de son pied pour le garder au propre, le poser par terre et attraper le deuxième, résolument, mais sans brusquerie pour autant. La pince fait son œuvre avec précision et méthode. Pendant ce temps, toutefois, les réflexions continuent de tourner dans sa petite caboche exténuée, et il lance quelques fois un regard d’incompréhension ou deux vers Mona. Et il cause, aussi, d’une voix éteinte, parce qu’il ne peut pas s’en empêcher. Le bavardage lui donnait toujours l’illusion, dans un premier temps en tout cas, de l’aider à évacuer ce trop-plein de stress qui pesait lourd dans son ventre. Il y avait peut-être aussi au fond de lui des restes incompréhensibles d’espoirs de voir Mona réaliser ses erreurs, ou le mal qu’elle avait fait, comprendre magiquement ce qu’il y avait en jeu quand il lui demandait de le respecter, exprimer quelques remords, pourquoi pas, et aller de l’avant.
Mais c’était certainement une lubie d’idéaliste, après tout, pas vrai ?

« Enfin, je ne sais pas… Au minimum… essayez d’éviter de me faire ce que vous ne voudriez pas que je vous fasse ? » Il plisse ses yeux pour la fixer un instant, derrière les verres crasseux de ses lunettes, se mord la langue puis fuit le regard froid de la jeune femme, pour se préoccuper plus intensément de son pied blessé. « En général, c’est un indicateur assez fiable, surtout si vous n'avez pas envie que les gens se barrent en courant devant vous… » Il se racle la gorge. Sa nervosité est à son comble, elle lui inspire une espèce de drôle de petit rire pointu et amer, tandis qu’il dodeline de la tête avec ironie. « Après, si en réalité c’est l’objectif recherché, ma foi… je salue l’efficacité. »

Il lève un sourcil très narquois et d’un geste que la fatigue rend un peu plus négligent, il laisse tomber sa pince sur la table. Son cliquettement aigu résonne à travers le baraquement et fait tiquer Nathan, alors qu’il verse de l’iode entre une compresse et la peau abîmée du second pied de Mona. Comme pour le premier, l’antiseptique doit picoter ses blessures et il sent d’ailleurs sa jambe tressaillir douloureusement, tandis qu’il maintient sa cheville bien en place sur son genou d’un geste apaisant. Le regard qu’il lui adresse, d’ailleurs, est étrangement confiant, malgré son état de nervosité. En fait, plus que ses jacasseries habituelles, se refamiliariser avec cette opération qu’il maîtrisait du bout des doigts le calmait peu à peu.
Une fois que ses plaies sont parfaitement lavées et désinfectées, il s’empare de la fine paire de ciseaux qu’il avait laissée de côté et la nettoie à son tour à l’alcool. Puis il fait pivoter tout doucement la cheville de Mona et se penche avec beaucoup d’attention sur ses ampoules explosées qui forment des petites éruptions cramoisies jusqu’entre ses orteils. Heureusement, toutes les années qu’il avait passées à l’hôpital étant môme, puis en tant qu’interne, l’avaient parfaitement immunisé à ce genre de spectacles gentiment sanguinolents. Ce n’était pas grand-chose, il n’y avait pas de quoi faire la grimace. Il mettait la main à la pâte sans trop y réfléchir.

Vérifiant qu’elle ne le surprendra pas d’un geste imprévu ou brutal, il entreprend de découper avec précision la peau en excédent sur les bords de ses ampoules déchirées, et il désinfecte aussitôt le nouvel épiderme à l’aide de sa compresse nourrie d’iode. Quoi qu’elle puisse penser de lui ou de ses revendications, elle serait en tout cas bien mal avisée de s’énerver dans les instants qui suivraient… Il serait tout à fait capable de lui piquer les orteils aux ciseaux si quoi que ce soit de déplaisant se risquait à sortir de sa bouche.
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeJeu 17 Aoû - 13:05

Décidément, il sera dit que je ne réagirais jamais comme on l’attend. En tout cas l’Américain a définitivement laissé de côté son allures joviales et détendues. Je ne sais par contre pas si c’est plutôt bon signe ou si au contraire cela va conforter dans ma méfiance à son égard. Pour l’instant, je ne me sens pas prête à changer d’attitude. Je m’aperçoit bien que je suis tendue comme un arc depuis que j’ai débarqué sur cette île. En même temps c’est bien ma survie qui est en jeu et ma première préoccupation. Je sais bien ce que dirais Mimi. Elle me ferait le coup de la solidarité de l’entraide, de la confiance blablabla… Tu parles, la seule fois où j’ai essayé d’apporter du secours à ce type il a pris ses jambes à son cou. Je m’y suis sûrement mal prise mais sa réaction a été un peu disproportionnée. J’ai bien compris depuis le temps que Mona a encore gaffé était un pléonasme. Mais une fois qu’on a dit ça, il en a fait des tonnes tout de même. Je laisse un long filet d’air franchir mes narines pour essayer de me détendre et deviner que ce Mimi ferait dans ma situation, mais c’est stupide. J’ai moi-même du mal à admettre ma propre situation, comment imaginer sa réaction ? Et puis je ne sais toujours pas dans quelle mesure ce mec est impliqué dans ce qui m’arrive.

Lui par contre a tout de même tendance à se livrer et à faire confiance de prime abord qui me dépasse qui ne peut que me rendre méfiante même si apparemment je ne devrais pas. A la limite, je préfère le voir plus en retrait et peut être plus méfiant à mon égard, ça me semblerait moins enfin plus logique et en phase avec ce qui nous arrive. Quand je dis « nous », je ne sais toujours pas s’il est impliqué dans ce qui m’arrive ou s’il subit comme moi. Il a l’air drôlement à son aise pour quelqu’un qui subit. En tout cas pour ce qui est de me comporter en personne civilisée, je ne me vois pas faire mieux pour le moment. Je sais, il en faut bien un au moins qui fasse le premier pas. J’ai bien compris. Quel merdier ! Comment ? Quoi ? Je ne sais pas trop. Je ne l’ai pas agressé alors j’ai tout d’une fille fréquentable. Et puis il n’y a qu’à voir sa tête quand fais des efforts. J’ai dit merci non ? Logiquement ça aurait dû lui faire plaisir ou en tout cas lui rendre un peu le sourire. Je crois que c’est peine perdue, restons sur notre quand-à soi. Qui est-ce qui parle comme ça ? Son « quand-à soi » ! Cette salope de Kritell ! Ah c’est sûr ! Elle, c’est une fille fréquentable ! Beau sourire belles manières !... Elle n’aurait pas eu à subir cette moue de rejet. De toute façon, rien à foutre ! Je ne lui demande pas de m’aimer. Je ne suis rien pour lui et c’est réciproque.

Je ne vais pas faire semblant de lui accorder ma confiance d’être ravie d’être ici en sa compagnie. Aragorn ! Au moins quand tu me disais quelque chose, je savais que je pouvais te faire confiance et si tu me disais que ce Nathan était digne de confiance et bien je ne me posais pas tant de questions. Depuis que tu n’es plus là… Mimi essaie bien de me dire que ceci ou cela, mais j’ai du mal à comprendre sa logique, je veux dire la logique des gens en général, mais elle au moins elle essaie de l’expliquer. Et puis, et puis, je voudrais bien me dire que c’est aussi simple : si tu souris au gens les gens te souriront et les gens souriants sont des gens sympas. Les psys sont souriants, Kristell est souriante, ce salaud de Haarde est souriant, les juges sont souriants. C’est pas parce qu’on me serine que je suis grande et que je devrais comprendre ça ou du moins admettre que pour vivre avec les autres il faut faire comme ci ou comme ça que ça va changer quelque chose.

Là j’en ai ma claque. Je me contente d’observer ce qu’il fait ça m’évite de penser à tout ça et ça me donne le temps de pour me faire une opinion sur lui. Le côté encourageant c’est que s’il a décidé de s’occuper de mes pieds, c’est qu’il ne m’en veut pas trop de ce que je lui ai fait subir. Je veux dire de son point de vue. Il parait qu’il faut se mettre à la place des autres. J’ai pas envie de me dire que je lui ai fait un truc pas cool. Quoi ? Il me propose ses grolles je les prends. Il tombe à la flotte je lui évite l’hypothermie, j’essaie de lui soigner son arcade ! Et quoi ? Il se barre ?!!! Putain ! Faudra me prouver qu’il a raison de m’en vouloir ! En tout cas il a l’air de connaître son affaire. Décidé, c’est avec l’assurance de quelqu’un qui sait ce qu’il fait qu’il s’installe en face de moi et dépose sa mallette de secours. Je le regarde faire, je l’avoue tous mes muscles tendus prête à tout de sa part. Les antalgiques, c’est une bonne idée et j’attends qu’il ait fini avec sa bouteille pour prendre mes deux cachets. En plus de me soulager dans peu de temps de mes douleurs générales, ses deux gorgées ont le mérite de m’arroser le gosier. C’est sans doute la tension qui règne entre nous qui me le dessèche comme ça. Sans parler de la fatigue. Mais pas question de montrer que je meurs de fatigue ! J’aurais pu lui dire merci mais je crois que mes yeux s’en sont chargés, mais bon ça c’est un peu subtil alors je mime le mouvement de poignet de celui qui porte un toast. Ça veut dire que c’est cool non ? Je sais pas trop ce que ça va évoquer chez lui, mais on ne pourra pas dire que… Ça me gonfle d’être obligée de toujours faire la bonne fille alors que merde, à qui j’ai fait du tort ? Ne me dites pas que tout le monde passe son temps à se poser la question de ce qu’il fait ou dit. Et qu’est-ce qu’ils vont penser ?!! Et qu’est-ce qu’ils vont dire de moi ?!!

Je reprends une dernière gorgée et c’est là qu’il me surprend. Qu’est-ce que je suis conne ! Me faire avoir comme ça ?! J’ai bien vu son regard en direction de la pierre. Je croyais qu’il l’avait vue depuis belle lurette et qu’il avait compris le message. Je suis gentille mais faut pas me chercher. Nos yeux se sont croisé un instant. J’étais en train de lui reboucher sa bouteille et il en profite pour la prendre et faut voir la violence ! Je tends la main pour essayer de la retenir… Je dois être au bout du rouleau pour m’être faite piéger ou ce gars a plus de ressources que je ne pensais. En tout cas, j’en prends encore pour mon grade. C’est pas que ça m’impressionne beaucoup, à côté de la directrice du centre ou de certains surveillants ou éducs, c’est un enfant de cœur. Dans ce cas, rien de tel pour que je me mure dans un silence bien senti on verra bien à la fin si ça vaut le coup que je lui réponde. L’âge de pierre ! Monsieur se croit drôle en plus. Si j’avais trouvé autre chose ça aurait été autre chose. Encore heureux que je n’aie pas piqué un couteau dans le coin cuisine. Qu’est-ce qu’il aurait dit alors ?! Mon petit plaisir c’est de le voir perdre son calme. Les gens civilisés qui perdent leur calme ça me fait trop bicher. Evidemment, je ne laisse rien voir, comme d’habitude si on peut dire. J’attends qu’il ait fini. Je me demande bien ce qu’il va faire de la pierre. J’avoue que je ne crains pas de réaction agressive de sa part mais on ne sait jamais. Il parle trop pour avoir envie de cogner. En fait c’est peut-être un gentil. Je m’aperçois alors qu’il est possible que je fasse fausse route sur Nathan. Est-ce qu’il faudrait que je fasse un pas vers lui comme dit Mimi ? C’est sans doute un peu tôt pour répondre à cette question mais cette péripétie m’a paradoxalement détendue.

Le truc c’est que maintenant, je n’ai plus rien au cas où je ferais fausse route. Plus rien à part mes pieds et mes poings. C’est déjà pas mal, mais vu mon état après notre crapahutage dans la lande, pas sûr que ce soit suffisant.

Lorsqu’il revient vers moi, il me fait presque pitié tant il a l’air dérouté. C’est vrai que physiquement il n’est pas très menaçant, mais ce n’est pas une raison. S’il fait partie de ce foutoir, il n’a pas besoin d’être ceinture noire de quoi que ce soit et si ça se trouve il n’est pas seul… Et puis de mon côté, j’en souris légèrement d’y penser, j’ai dézingué des mecs bien plus badasses que moi donc…

Par contre, c’est fou ça qu’il flippe comme ça devant moi. Tout ce dont il parle ce sont des putains de malentendus. Tout ce que je peux dire c’est que ok, je mentirais en disant que je suis la plus chaleureuse, quoique, des filles, dans la vie de tous les jours alors vous pensez bien qu’aujourd’hui… Mais de là à passer pour hostile ! Je suis juste méfiante. Mais merde c’est pas compliqué à comprendre ça ! On vous téléporte, désolée j’ai pas trouvé d’autre terme, de chez vous sans vous demander votre avis et vous devez trouver ça naturel, cool, excitant que sais-je et vous dire que dans cette circonstance la seule personne qui traine dans le coin est bourrée de bonnes intentions ? Et puis, je ne l’ai pas poursuivi avec des cailloux plein les poches. C’est quoi ce délire ? J’avais juste une pierre au cas où ! Et puis si j’étais restée là à ne rien faire après sa baignade que n’aurait-il pas trouvé à me reprocher ?!! Pour moi c’était suffisamment vital et il semblait suffisamment secoué pour que je me dispense de son accord. Ok, je veux bien admettre que ça ait été gênant, mais je ne l’ai pas violé non plus !

Putain ! Je sens qu’il va falloir que je m’excuse ! Pfff ! Ouais va falloir. Au moins il verra que je ne suis pas si flippante que ça et puis sans blague, autant ça ne dérange pas de faire flipper les gens qui me veulent du mal autant là, avec les doutes que je commence à avoir sur son implication dans le truc, ben ça ne me semble pas stupide. Le seul truc c’est que je n’ai pas l’habitude de la procédure alors ça risque de faire plus de vagues que d’apaiser les choses. Honnêtement, ça me fatigue. Alors j’essaie de mettre deux trois phrases en ordre pour obtenir l’effet escompté, mais de son côté, lui ne semble pas avoir ce genre de problème. Les mots paraissent lui venir avec la plus grande des facilités et il ne me laisse pas beaucoup le temps de répondre. Je me sentais pleine de bonne volonté mais là j’ai juste envie de baisser les bras et de le laisser monologuer tout seul. Peut-être que ça va le soulager plus que mes excuses. Au fond de moi je sais que cette option est une solution de facilité alors je réfléchis tout de même au « après ses discours ». Je le regarde et même s’il ne le voit pas je tombe un peu des nues. Pas parce qu’il me traite plus ou moins de ciglée, j’ai largement l’habitude, mais plutôt parce qu’il se fout à poil devant moi. Pour quelqu’un qui invoquait la pudeurs quelques secondes auparavant, le voilà qui met à nu toutes ses peurs et ses faiblesses. J’avoue que je suis un peu émue même si ça me coûte de l’admettre. En plus il se tait là-dessus. Aucune pirouette pour enterrer tout ça, genre « j’ai rien dit, oublie ». Il a l’air complètement perdu et abattu en tout cas il me fait l’effet d’un petit tas de sable que la marée pourrait emporter.

J’attends en silence la suite des événements. Il va sans doute se replier dans son coin. Mais je ne peux empêcher mon sourcil gauche de se hausser en le voyant s’installer pour apparemment, mais oui, effectivement s’occuper de mes pieds ? Ce type est pas croyable et je me dis que je ne comprendrai jamais rien aux gens. Si j’étais convaincue qu’il allait essayer de me tuer, il pourrait toujours attendre que je prenne soin de lui ! Lui au contraire… Je n’en reviens pas et une fois n’est pas coutume, je silence s’abat sur moi. Pour lui, ça ne doit pas faire de différence mais pour moi, c’est vraiment étrange comme sensation.

Bêtement, je le laisse faire, je me laisse faire. Je sens la tension de la méfiance revenir en moi. Il n’a pas intérêt à en profiter ! Ampoule ou pas ampoule, il prendra mon pied dans le gueule ! Mais ces gestes sont précis et ne trahissent aucune mauvaise intention. Pourquoi désinfecter ses outils s’il avait en tête de me nuire ? Je ne sais pas si c’est moi qui ai encore les pieds froids ou si c’est lui qui s’est réchauffé plus vite que moi mais ses mains sont chaudes sur mes chevilles alors que je me préparais à un assaut du froid. Je le regarde en silence, ses mains bien expertes pour un avocat et puis sa tête baissée sur sa tâche. Je serre les dents par avance. Pas moyen que je crie, je suis pas comme lui, c’est clair. Je trouve qu’il tergiverse un peu trop mais bon je ne vais pas me plaindre qu’il prenne des précautions. Les influx nerveux transportant le message sensoriel arrivent enfin à mon cerveau plus vite que les mots à ma bouche. Il y a des choses plus agréables dans la vie mais je tiens le coup de toute façon, pas le choix. Je peux pas dire, il assure.

« On apprend ça chez les avocats ? »

Je crois que ma voix est plutôt cool sur ce coup, mais je suis certaine de rien. Mais putain ! C’est sûr, ça veut rien dire, alors je resombre dans le silence. Pourtant j’ai toujours en tête de m’excuser. Il ne me regarde pas et c’est plus cool comme ça que d’attendre qu’il me regard en face alors je finis par me lancer.

« C’est si étrange que ça que je sois méfiante ? »

Je me rends bien compte que ça ne ressemble pas à des excuses mais bien plus à une justification. Je sais aussi que si je laisse le truc se réinstaller en moi, je vais perdre ce petit chemin qu’il avait réussi à tracer dans ma direction. Parce que bon, je ne me sens pas spécialement coupable de quoi que ce soit. Seule la possibilité que Nathan soit complice de tout ce foutoir commence à s’évanouir et justifie que je sois plus cool avec lui. Je ne sais pas trop combien de temps se passe avant que je reprenne la parole. J’entends une voix toute voilée par l’effort que ça me demande.

« Je voulais pas vous faire flipper. »

Ça non plus ce ne sont pas des excuses, mais je suis déjà plus satisfaite. Si on ne s’attache qu’au sens déjà ça veut bien dire qu’il n’y avait rien d’intentionnel dans la maltraitante que Nathan, semble m’accuser de lui avoir fait endurer d’autant que ça a encore du mal à passer pour moi. J’essaie de me souvenir de quand j’ai déjà maltraité quelqu’un. Je dois avoir un sens du mot maltraité, personnel car je ne m’en souviens pas. Je me souviens d’avoir été violente ça oui, en état de légitime défense et aussi de manière préventive, au foyer, j’ai vite appris que parfois il valait mieux frapper la première, mais maltraiter, je veux dire faire mal pour le plaisir de faire souffrir, je ne vois pas. Non décidément ce n’est pas mon style. Je ne dis pas non plus que je n’en serais pas capable. Il existe deux personnes sur cette Terre que je rêverais de voir souffrir mais c’est très limité.

Pendant ce temps Nathan a entre pris de me soigner le deuxième pied et après les sensations du début de nettoyage, comme pour le pied droit, je ne sens bientôt plus rien et je vois arriver le moment ou les soins vont toucher à leur fin.
En tout cas je me sens plus détendues que quelques minutes encore auparavant. Peut-être que les choses vont aller un peu mieux entre nous. En tout cas on peut pas dire, j’ai fait des efforts et puis pour sa part il a assuré grave côté soins, ce serait de la mauvaise foi de soutenir le contraire.

Mais merde ! Il le fait exprès ! Je ne sais pas mais là, il me fait la morale je délire pas ! Au moment où je commençais à presque l’apprécier et à me dire que ça pouvait finir par coller. A quoi ça sert que je fasse des excuses ? Je reçois son couplet sur « ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse » de plein fouet et je sens que je vais avoir du mal à laisser passer malgré mon désir de ne pas le faire flipper puisque c’est ça que je lui inspire. Ma bouche se crispe autour d’un cri de rage qui pourrait bien inviter ses petits frères, mais j’ai bien peur que mes yeux parlent pour eux, même si je garde un ton mesuré bien que plus ferme que celui de mes pauvres excuses que je suis en train de regretter. J’évite de me redresser sur ma chaise alors que ses mains sont encore en train de trifouiller mes pieds. Mes mains jusque-là posées sur mes cuisses, se joignent de part et d’autre de mon nez. Décidément il ne comprenait rien. Comment est-ce qu’il faut que je lui explique ? Il faudrait que je fasse un grand discours comme lui et vraiment c’est le genre de chose qui me gave. Pourtant, je vois bien qu’il va falloir en passer par là. Cette étape inévitable m’excède encore davantage. Je sais que ça va commencer par un raclement de gorge qui évitera que je me laisse aller. J’ai horreur de perdre le contrôle même si à l’intérieur je me sens comme un cœur de réacteur nucléaire. Je repose mes mains sur mes cuisses.

« Rhmm ! »

C’est pitoyable comme entame. Même moi je suis capable de le sentir et je sens qu’il faut que je commence par un truc qui pourrait calmer le jeu. Le remercier pourrait être possible d’autant que bon il le mérite.

« C’est cool de vous occuper de mes pieds. Vraiment… »

Je sens que Mimi serait fière de moi à ce moment. Pas certain, qu’elle le soit autant pour la suite.

« Mais qu’est-ce que je t'ai fait ? »

Ouf ! Le ton est ferme et un tantinet tendu mais correct, ça devrait passer. Mon débit est lent. Ça rend sans doute encore les choses plus tendues mais c’est mieux que si je lâchais les chevaux.

« Je ne t’ai pas sauté au cou lorsque tu es apparu. Désolée je n’étais pas vraiment dans mon assiette. Mais je ne t’ai pas agressé que je sache. Et cette histoire de caillou, c’était une précaution. Il faudrait que tu arrivies à comprendre que je ne te connais pas. Pour ce qui est de vous foutre à poil désolée… »

Cela faisait deux fois que j’employais ce mot ça devenait suspect et pour tout dire j’avais l’impression de me mettre un peu trop en position d’infériorité et ça non plus j’aime pas. Mais je poursuivis.

« … j’avais le sentiment que tu n’étais pas en état de réagir… »

Pour rester calme, les mots commençaient à me manquer, j’avais pas envie de lui débiter ma théorie sur la température de ce cours d’eau et du vent de cette putain d’île, ni que putain, il n’était guère plus reconnaissant que moi et que merde ça commençait à être un peu compliqué d’essayer de satisfaire Monsieur ! Faute de mots, ma amain s’envola dans un geste désinvolte qui signifiait sans ambigüité : « ça va bien cinq minutes ! » Je marque une pause pour être certaine d’avoir encore le contrôle.

« Pour la leçon de morale donc, on s’arrête là. Si je voulais être débarrassée de toi, il y a d’autres baraques… »

Après ça, je me demande ce qu’il aura compris étant donné que j’ai la nette impression qu’il n’appréhende pas le monde comme moi. Je n’en suis une nouvelle fois pas surprise, mais j’ai envie de rejeter sur lui le désir d’entretenir un malaise entre nous que je n’ai jamais voulu.

Les soins touchent pour vrai à leur fin et pour une fois, il ne me regarde pas avec ses yeux plein de jugement et de reproche. Comme quoi. Ceci dit je ne me fais pas trop d’illusion en attribuant à ma petite tirade ce changement d’expression.
L’irruption des ciseaux me cloue de toute façon le bec. Je ne sais pas trop ce qu’il va faire avec mais pour le moment je n’ai pas eu à me plaindre de ses soins aussi je m’efforce de paraître calme et confiante. Les peaux mortes de toute façon ne font pas souffrir lorsqu’on les coupe et seul le contact froid du métal de loin en loin requiert mon self control.
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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeJeu 16 Nov - 2:35

C’est surprenant, mais l’espace d’un instant, Mona lui donne presque l’impression de vouloir faire la conversation. La question est courte, mais presque curieuse, et le ton relativement intéressé. Surpris par ce changement, Nathan relève la tête et la scrute quelques secondes avec circonspection, redressant en même temps ses lourdes lunettes sur son nez. Sa tirade avait-elle réussi le coup de force d’éveiller quelques scrupules derrière ce faciès inexpressif ? Il doit être encore un peu tôt pour le dire mais c’est avec un timide soulagement qu’il contemple ce rameau d’olivier qu’elle lui tend – un peu maigrichon, le rameau, mais toujours plus séduisant que ce silence nauséabond qui leur suintait dessus à n’en plus finir, quand ce n’étaient pas les bourrasques qui mugissaient autour de la cabane et sifflaient en s’infiltrant dans ses moites interstices.
Autant dire que forcément, si on lui offre sur un plateau comme ça le moyen de parloter ou de lancer quelques petites étincelles dans cet endroit encore humide, il ne s’en privera pas. C’est elle, après tout, qui l’a lancé, cette fois-ci, et le bavardage est un baume beaucoup trop agréable pour ces nerfs pour qu’elle y échappe, à présent.

« Non, pas vraiment… murmure-t-il, vaguement amusé par la réflexion. Mais mes parents voulaient que je sois médecin. Bon, ce que je fais là, ça ne requiert pas d’expertise particulière, à vrai dire… si ce n’est le set de compétences de la Maman aguerrie, peut-être. Et moi, les plaies et les bosses, ça me connaît. Je passe mon temps à ramasser des éclopés, hm. C’est mon truc. »

Il fait flotter sur ses lèvres un sourire cireux, mais évasif, toujours penché très méticuleusement sur sa tâche avec sa paire de ciseaux. D’un geste délicat, il époussette quelques pellicules de peaux mortes pour faire place nette et bientôt, il joue de nouveau de ses petites lames brillantes et de sa compresse d’iode autour des plaies à vif de ce pied si maltraité. Il ne se l’expliquait pas : il avait depuis toujours un faible pour les canards boiteux, les laissés pour compte, les cabossés, les gens à rapiécer, les accidentés et les grands brûlés de l’existence. Pour tous ceux que la vie et sa foule froide, commune et anonyme – les autres, ceux qui n’ont pas le courage, pas envie, jamais le temps – avaient écartés trop vite et laissés pourrir à l’abandon.
Lui, il les ramasse, quand il les croise sur son chemin, souvent il vient même les chercher. Il reprise, il cajole, il colle sur les écorchures des pansements bariolés, il s’offre en béquille, il répare. Et quand il doit réaliser parfois que les choses sont irréparables, c’est lui qui se fissure un peu.
Est-ce que Mona est irréparable ?

Est-ce que c’est encore son problème, à lui ? En s’obstinant, il ne se ferait sans doute que du mal – et il en avait déjà eu son content. N’est-ce pas ? C’est assez, il faut aussi savoir se protéger. Reste à savoir s’il s’y tiendrait. Pour le moment, il est encore occupé à la soigner.

Mais encore une fois, il commence à se faire tard pour ce genre de délibérations. Alors il papillonne étourdiment des paupières et l’observe en tapinois, d’un œil fatigué, quand un remerciement échappe aux lèvres de la jeune femme, dont il ne connaissait jusque là que leur bile et leur sécheresse. C’est étrange à entendre, presque comme si sa langue avait fourché.

« Eh ben, je… avance-t-il, rougissant et balbutiant d’un ton surpris. Enfin, je n’allais pas vous laisser dans cet état… Ça aurait été contre mes principes en tout cas… et je vais rarement à l’encontre de mes… principes. »

Prévisible Nathan. Toujours fidèle au poste, toujours là où on l’attend. Si sa présence indéfectible est un objet de réconfort pour les autres – quoi qu’il suscite parfois l’étonnement, parce que même là où ne pense trouver personne, il y a encore Nathan – il est facile d’oublier qu’il n’est peut-être pas là exactement par choix : il est un peu stupidement coincé au service des autres, Nathan. Il sait avec certitude que c’est la bonne place où se camper. Et il n’est pas prêt d’en bouger. Ce serait trop angoissant.
Alors ces remerciements à la volée, il les attrape avec la précipitation d’un affamé, parce que, nom de Dieu, ce soir-là, c’était tout ce dont il avait besoin. Ils lui rendent un peu foi en la rigueur de ses principes : il respire plus librement. D’accord, c’est un peu ridicule de se sentir reconnaissant pour un merci – parce qu’un merci, c’est toujours la moindre des choses – mais il est soulagé pour un temps, et il parvient même à tirer un semblant de sourire crispé à sa redoutable patiente. Il est fatigué. Et il donnerait beaucoup de choses à cet instant précis pour ne plus avoir à livrer ses nerfs à la merci de l’angoisse, de la colère ou même de cette bonne vieille trouille qui avait à peine relâché son estomac d’entre ses crocs.

Mais visiblement, ça, c’est beaucoup en demander à la rouquine.

Parce que, là, tout à coup, elle crache un gros mollard sur ces flammèches presque cordiales qui vacillaient péniblement entre eux depuis quelques secondes et elles expirent – pouf – dans un chuintement, sous le regard médusé du jeune avocat. Le manque de tact – pire, en ces circonstances, de diplomatie – de Mona le sidère un bon moment et il reste bouche-bée, les gestes suspendus, le temps qu’elle finisse son petit numéro de mauvaise foi. Après tout ce qui s’est passé, il est toujours là à s’occuper d’elle et à soigner ses pieds tous moisis, pendant que Madame se sent autorisée à justifier ses actes nauséabonds comme si ce n’étaient que de simples broutilles ? Oui. Non, ça n’avait pas l’air de lui poser problème.
Alors, il donnait peut-être de fausses impressions, mais il n’était pas sa mère. Il n’était pas ici pour la gronder et lui faire changer de comportement. Il était le type qu’elle avait voulu agresser – qu’elle avait agressé à peine quelques heures plus tôt – et elle s’attendait à ce qu’il se contente de quelques formules lapidaires lancées d’un ton hypocrite ?

« La leçon de morale… ?? »

Sa gorge se serre si fort d’indignation que tout ce qui n’en sort, pour l’instant, n’est qu’un drôle de croassement étranglé, assorti à ses deux grands yeux écarquillés derrière les verres gras de ses lunettes. Une grimace révulse son visage d’horreur et d’incompréhension. Il reste parfaitement pétrifié, là, devant Mona, pendant une paire de secondes qui ressemble à une brutale éternité. Puis,  finalement, hochant la tête et serrant la mâchoire avec amertume, il recommence à s’agiter nerveusement. Pour donner un peu de lest à cet élan de colère qui lui vrille la cervelle et lui noue le ventre, il crache alors de son ton le plus cassant – histoire qu’elle éprouve un tant soit peu l’étendue de sa stupidité :

« Non, mais… vraiment…? »

Les traits définitivement froissés, il scrute les abysses froids de ces yeux vert d’eau – vert tourbe – et crispe son petit ciseau dans sa main avec fébrilité, conscient qu’il ne peut plus rien en faire dans un tel état. Il retient néanmoins le pied de la jeune femme sur ses genoux, déterminé à finir tôt ou tard ce qu’il avait commencé, au moins autant qu’il brûlait de lui dire ce qu’il pensait de sa négligence et de ses faux-semblants.

« On est en train de parler de toi et de moi, du fait que pendant tout ce temps tu réfléchissais tranquillement à l’idée de me caillasser la figure, et… et du reste, mon Dieu, c’est quand même un peu plus concret qu’une leçon de morale... ! C'est du fait de savoir si tu es une menace pour moi dont il est question, là ! » Il la fixe plus intensément quelques secondes, le regard grand ouvert et le cœur battant. Puis il s’effondre contre le dossier de sa chaise et sa poitrine halète d’un petit ricanement convulsif et parfaitement incrédule. Il hausse des sourcils, imprégné d’ironie jusqu’à la moelle, et reprend avec beaucoup d’emphase : « Alors excuse-moi de te juger parce que tu caches des armes dans tes poches ! Et mille pardons… olala, c’est vraiment plus fort que moi... l’hypothèse que tu attentes à ma vie, bizarrement, j’la sens pas trop. Sans blague, quelle sacrée surprise. Je suis navré, ça doit être dur pour toi, pas vrai, Mona ? »

Non, et puis, elle n’avait pas voulu lui faire peur, Miss Pierrafeu, bien sûr. Elle avait posé sa grosse pierre sur la table pour faire joli, tout à l’heure – elle n’était qu’une malheureuse incomprise et tout ce qu’il avait pris pour des manœuvres d’intimidation, ces regards noirs, cette parole aride et la collection de cailloux dans ses poches, ce n’était qu’un vaste malentendu ! Attention, maintenant, parce que si le but du jeu devenait d’aligner le maximum d’excuses sarcastiques à la minute, il avait une longueur d’avance ! Et sans trop se fouler, avec ça.

Il lui sourit de toutes ses dents, revêche jusque dans le pli de ses fossettes. Généralement, on comprenait qu’on s’était foiré en beauté quand Nathan souriait de cet air-là. Il le tenait un peu de sa mère, l’exigeante Charlotte Weathers qui dirigeait le plus grand hôpital de Philadelphie d’une main de fer dans un gant de velours. Comme elle, il était ce genre de personnes qu’on préférait mettre seulement en rogne plutôt que de lire une ombre quelconque de déception dans leurs yeux d’ordinaire si confiants. Non seulement, ça faisait un sacré coup à l’amour propre, mais c’était aussi le signe qu’on empruntait un chemin sans retour...

Roulant des yeux avec exaspération, il pousse un profond soupir et se penche de nouveau en avant, le nez au milieu des plaies de Mona, maintenant que ses mains tremblent un peu moins et qu’il juge pouvoir s’en occuper en toute sûreté. Sa voix ne s’est d’ailleurs pas élevée plus que nécessaire, pour le moment, et il poursuit du même ton, avec toute la mesure dont il est encore capable :

« Alors, d’accord, je t'accorde que… la situation est très bizarre. C’est… c’est même intolérable. Et ça a du sens que tu sois méfiante, mais... c'est allé trop loin. Tu veux pas comprendre que... Si jamais j'avais fait la même chose que toi, à l'heure qu'il est, l'un de nous aurait fini par péter en deux le crâne de l'autre et qu'il y aurait de la cervelle partout par terre ? » Nouveau regard dérouté. Des frissons courent en pagaille dans sa nuque. « Pourquoi tu crois que j’ai fui ? C’est moi qui voulais être débarrassé de toi, Sherlock… ! » Il secoue sa ridicule paire de ciseaux vers elle, d’un geste excédé. « Et là, tout de suite, devine quoi, moi non plus, je ne suis pas dans mon assiette. D’autant que j’en ai quand même fait un peu plus pour ta pomme que tu ne m’as aidé, aujourd’hui, ma… ma vieille, et que je pourrais te foutre à la porte beaucoup plus légitimement que tu ne m’as traité ces dernières heures ! »

Elle avait visiblement besoin qu’il lui fasse un dessin. Il ne pensait pas devoir se sentir honoré par sa présence princière dans ce modeste baraquement. Il n’était pas content qu’elle soit là. Il avait pris sur lui, il devait s’accommoder de cette cohabitation précisément parce qu’elle ne lui avait laissé aucune alternative, et qu’il n’y avait pas un monde où il aurait été physiquement capable de la jeter dehors. Moralement, peut-être, aussi, mais c’est devenu une question subsidiaire, maintenant qu’elle a établi que la lapidation est une attitude par défaut quand on n’est pas en situation de confort.
Il renifle avec ressentiment. Ce n’est même pas tant la patience qui le pousse à s’expliquer que le besoin impérieux de vider son sac. Qu’y avait-il à espérer de toute façon ? Qu’est-ce qu’on peut bien faire d’une personne qui s’entête à penser, par une curieuse inversion de valeurs, que ce qui pour tout le monde était mal, chez elle représenterait le bien ? C’est un dilemme digne de Dostoïevski, ça – et il est censé le résoudre maintenant ? Les ciseaux font claquer leurs lames minuscules sur les derniers lambeaux de peaux mortes qui pendent autour des ampoules explosés de son pied droit. Il poursuit avec obstination, les yeux rivés sur son travail :

« Il y a quand même un pas entre la méfiance et l’agression, mais toi tu l’aurais franchi en interprétant seulement un de mes gestes de travers. C’est ça qui me fait peur. Et j’aurais aimé que tu le regrettes un peu, ça m’aurait plus ou moins garanti que tu ne recommencerais pas… Là, au fond, il n’y a rien qui peut m’assurer que je suis en sécurité avec toi. »

Lui, ou un autre, dans des temps prochains, d’ailleurs. Mais il avait compris que s’il ne ciblait pas son propos sur sa petite personne et cette situation bien précise, Mona en profiterait pour le taxer de moralisateur et se dégager expressément de toute responsabilité. Cela lui coûte de la laisser penser que ce qu’il raconte ne vaut que pour ici et maintenant et que demain, personne ne serait là pour l’empêcher de faire du mal à n’importe qui d’autre qui aurait le malheur de croiser sa route. Bien sûr, il aurait aimé qu’elle apprenne quelque chose de la mésaventure qu’il avait vécue auprès d’elle, mais il avait réalisé maintenant que le monde idéal où il considérait que c’était possible n’était qu’une chimère de plus tirée mort-née de son optimisme. Pour le moment, s’il pouvait seulement lui remettre les yeux en face des trous concernant leurs déboires d’aujourd’hui et lui clouer le bec pour ce soir, cela édulcorerait un peu sa défaite.

En tout cas, la conclusion est abrupte, mais découle aussi inévitablement de sa démonstration que le résultat d’une équation mathématique. Si Mona n’était pas très sensible aux évidences de l’ordre de l’intuition, elle serait peut-être plus ouverte aux raisonnements logiques, après tout. Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire d’autre ? Quoi que pour elle et certains autres, on puisse sans doute considérer qu’il y ait urgence médicale, on n’avait pas encore trouvé le moyen de mettre les gens sous perfusion d’empathie. A défaut de sentiment bienveillant, on pouvait au moins s’attendre à ce qu’ils se montrent raisonnables.

Nathan soupire et relâchant la cheville pâle et ténue de la jeune femme, il lui fait signe de lui donner son autre pied, qu’il hisse avec son aide sur ses genoux pour lui prodiguer les mêmes soins qu’à son jumeau. Ça cisaille sec, avec une précision méthodique, pendant qu’il achève ses explications avec morosité :

« Seulement, il me semble que je ne saurais pas être plus explicite ou moins hostile que je l’ai été tout ce temps… Je le répète, je n’y peux vraiment rien, si tu as atterri ici avec moi. Je ne sais pas comment ça marche. Ça arrive, c’est tout, et il n’y a personne qui surgira de la lande tout à coup et qui viendra nous dire pourquoi. »

Il hausse des épaules avec lassitude. En fait, il avait déjà dû tenter de faire passer le message plus tôt dans l’après-midi, mais il était probable que Mona ne l’ait écouté que d’une oreille. Elle avait de toute évidence besoin d’être remise en contexte. Pour cette précision, plutôt salutaire, et aussi pour convenir que cela n’a pas beaucoup de sens de se méfier d’un bonhomme qui vous file à l’œil son manteau et ses chaussures, de sorte que vous ne soyez pas plus démunie que lui dans un moment difficile. Mais enfin, il est surtout bon d’amorcer la fin des hostilités, alors il conclut sur le ton morne d’une ritournelle qu’il a trop souvent rebattue :

« Enfin, personnellement, il y a… quatre fois que ça m’est arrivé, et je n’ai jamais été mis au parfum auparavant. Alors il y a peu de chances que ça arrive aujourd’hui… »

Un silence résigné succède enfin à cette longue prise de parole qui lui laisse d’ailleurs la gorge sèche. Ses yeux suivent d’une lueur éteinte le ballet mécanique de ses mains-ciseaux et compresses, qui s’affairent encore quelques minutes dans d’âcres relents d’antiseptique. Enfin, il met son matériel de côté, sans un mot, et s’essuie les mains dans une pièce de gaze propre tout en appuyant son regard sur Mona pour l’inviter à patienter un peu.
Rapidement, il commence à déballer des aiguilles stérilisées et en choisit une pour enfiler un fil dans son chas, avec la facilité experte des repriseurs de frusques et des brodeurs de motifs et de patchs. C’est donc s’en trop tarder qu’il se penche de nouveau sur la plante de pied pour en examiner les protubérances gonflées et poisseuses. Par-dessous ses cils, il lance un coup d’œil placide, et furtif, à sa patiente et murmure d’une voix usée en guise d’avertissement :

« Attention, ça va piquer un peu. On va percer tes grosses ampoules. Enfin, celles qui restent. Ce sera moins inconfortable. Après on va laisser du fil stérilisé en travers, comme ça tes cloques seront toutes sèches demain matin. Alors pas de panique, hm ? Je n’ai pas encore élaboré de technique de combat à base d’aiguilles stérilisées, rassure-toi… »

Il y a sur ses lèvres un petit sourire venimeux et dans sa voix une inflexion ironique et mélodieuse qui rappelle le chant du merle moqueur, alors qu’il se penche délicatement sur son ouvrage. Évidemment, l’opération est moins commode qu’auparavant, plus pénible, et Mona toujours aussi tendue. Les muscles de sa mâchoire sont saillants sous la peau plâtreuse de son visage et ses lèvres pincées tremblent sur les créneaux infranchissables de ses dents. Son pied grelotte entre les doigts de Nathan, dont l’aiguille subit un raté. Une expression d’agacement passe sur ses traits et les obscurcit un instant, mais il ne dit rien et crève une première ampoule d’un geste sûr, coupant ensuite le fil pour le laisser en place ainsi qu’il l’avait annoncé. Un autre fil se glisse dans le chas, méthodiquement, et se laisse imbiber d’alcool. L’aiguille, à nouveau propre, repart accomplir sa besogne, soulevant de nouvelles crispations sous sa pointe aiguisée. La chair sursaute et tremblote. Le jeune homme roule des yeux.

Sa main se referme un peu plus fermement autour du pied meurtri, tandis qu’il relève le menton et destine à Mona un regard réprobateur. Avec une forme d’inimitié, et peut-être même de mépris, Nathan se ressouvient de l’un de ses premiers patients, pendant son internat, à qui il avait dû faire une suture : un gros dur très sot qui lui avait gueulé que le spray anesthésiant, c’était un truc de tapettes, et qu’un vrai bonhomme comme lui, ça n’avait pas besoin qu’on lui fasse perdre son temps avec tant de chichis – il fallait en finir, et que ça saute. Naturellement, tout comme l’aimable rouquine dont le désormais avocat s’occupe présentement, il s’était tant et si bien tendu de douleur en croyant ne rien laisser paraître, que chacun de ses élancements faisaient sursauter d’épais paquets de viande nerveuse sous l’aiguille du jeune interne exaspéré. Autant dire que ce qui ne devait être qu’une intervention légère avait duré une plombe, et ce gros niais avait même trouvé le moyen de s’en plaindre.
Ils étaient tous assommants, avec leurs fichues constipations émotionnelles. La douleur, il faut bien qu’elle sorte, sans quoi elle s’accumule et elle finit par entraver la moindre tentative de soin. Comme on dit, on est souvent puni par où l’on pèche. Sauf que Nathan n’est pas prêt à s’offrir une séance d’une demi-heure d’épluchage d’ampoules, alors il darde un regard insistant vers la jeune femme.

« Ne te donne pas toute cette peine pour me le cacher, je sais que ça fait mal. Alors détends-toi un peu, s’il te plaît. Ce ne seront pas les premières larmes que j’aurais vues verser, alors pour ce que ça peut me faire... »

Son ton est grognon. Il hausse des sourcils, très ennuyé. Il ne savait pas très bien ce qu’elle cherchait à lui prouver – ou à se prouver elle-même, du reste – avec ses stupides principes façon Rambo au Vietnam ou Rocky Balboa, mais il n’avait jamais vu un seul de ces contes de fées testostéronés rendre service à qui que ce soit dans le monde réel. Et surtout pas à lui, en l’occurrence.
Si elle ne donnait pas un peu de lest à sa douleur, si elle ne cessait pas de faire dévier son aiguille, de toute façon, il abandonnerait ses blessures à leur l’état. Il ne veut pas non plus lui faire plus mal qu’elle ne souffre déjà.

Son fil traverse cependant une deuxième cloque, froidement, vierge de mauvais germe, de cruauté comme d’amitié. L’aiguille est stérilisée, stérile et c’est le sentiment que Nathan a de chacun des mots qu’il prononce. Ils resteront sans doute sans effet, et pourtant ses pensées travaillent encore frénétiquement les recoins exténués de sa cervelle pendant que ses doigts s’adonnent à leurs étranges coutures inachevées sur la peau de Mona.

Ce qu’elle avait bien pu lui faire, mh?

Son front se froisse pensivement. Il ne lève plus la tête. Ça bourdonne trop, là-haut, et il n’est pas sûr de vouloir verbaliser quoi que ce soit, bien que l’idée bourdonne et grésille parmi ses neurones et le démange atrocement. Le tiraillement finit par devenir insupportable et il claque sa langue contre son palais. Il n’avait pas envie d’en parler, tout comme Mona s’interdisait de communiquer sa douleur. Mais il réalise que ce qui l’horripile plus que tout, c’est de la voir traîner encore là comme si rien ne s’était passé – sans l’ombre d’un remords, ni d’un soupçon.

« Pour ce qui s’est passé, quand on a traversé la rivière... » Cela lui échappe, sans qu’il ne se rappelle en avoir donné l’autorisation. Il pâlit subtilement, les yeux toujours obstinément baissés sur ses travaux d’aiguille. « Je ne sais pas, si c’était... moi (il déglutit) qui t’avais déshabillée… Tu ne crois pas que... ça, hm… que ça t’aurait posé problème… ? »

Plus qu’hésitante, sa voix est palpable de malaise. Il patauge dans un cloaque glacial et puant, en dedans, il s’y enfonce, il y perd pied. Et cependant son cœur se rebiffe.

« Quoi qu’il en soit, moi, ça m’a posé problème. Et puis, tu ne peux pas décider à ma place si je dois me sentir bien ou mal… Et moi… Moi, j’aurais aimé… que tu me demandes, simplement, que tu me préviennes. Que tu ne me prennes pas par surprise, comme ça, ou que tu… ne me forces pas. C’est… vraiment… c’est… »

Il ne réussit pas à exprimer entièrement son sentiment. Les mots ne viennent pas. Probablement parce que tenter de discuter courtoisement avec son agresseur du mal qu’on a subi suppose d’acquiescer à une sorte d’énormité trop odieuse pour être endurée. Nathan ne devait rien à Mona. Encore une fois, ce n’était pas son rôle de l’éduquer. Il ne lui devait pas un cours pratique sur les frontières personnelles des uns et des autres, il ne lui devait pas de la regarder dans le blanc de l’œil et de lui dire que ce qu’elle avait fait, indépendamment de toute intention, s’apparentait à une agression sexuelle. S’il y avait quelqu’un, ce jour-là, qui avait des comptes à rendre à un autre, c’était elle. Elle l’avait déshabillé de force, dans un moment où il n’était pas en état de résister, et si elle n’était pas capable de faire face à ce simple fait, il avait au moins le droit de la dégager de sa vie aussi prestement que possible.
Et qu’est-ce qu’il est en train de faire, là ?

Son regard a glissé vers le sol, écrasé par un pénible sentiment de honte qui, lui, est monté répandre un feu écarlate sur ses joues. Ses mains, ces deux habiles ouvrières, s’occupent toujours soigneusement de leur besogne. Il a cette stupide, stupide envie de pleurer coincée dans la gorge, mais il a bien conscience qu’il ne peut pas se permettre de verser une seule larme devant cette espèce de fichue machiste à la noix, qui ne manquerait pas de transpirer le dédain si elle s’en apercevait.
Ce n’était pas croyable, cette histoire. Il la connaissait depuis peut-être un peu plus de quatre heures, et il pourrait déjà passer quatre jours à énumérer tout ce qu’il y avait d’insupportable chez elle. Et est-ce qu’il y a seulement du sens à dire d’une femme qu’elle est machiste… ?

« Enfin, tant pis. »

Il secoue la tête de dépit, la gorge plus emberlificotée que jamais. La voix grondeuse de sa mère le réprimande en pensée, comme elle en a l’habitude quand il s’enfonce trop loin dans la gentillesse gratuite, alors que tout semble indiquer que ce qui se passe devient toxique pour lui. Il faut arrêter de tout mélanger, Nathan. La vie du Christ, elle ne t’apprend pas non plus à laver les pieds de la personne à qui tu as tendu l’autre joue, il y a des limites.
Il s’en étoufferait d’ironie, tiens.
Ses doigts moites dans les anneaux métalliques de ses petits ciseaux font claquer en silence leurs lames sur le fil qui émerge de façon très peu appétissante d’une grosse ampoule dégoulinante. Il recueille son aiguille dans le creux de sa main et tamponne généreusement les salissures de sa compresse imbibée d’iode. Au moins, avec le produit qui recouvre maintenant toute la plante de son pied d’une couche brunâtre, on ne distingue plus grand-chose de ce sanguinolent champ de bataille. Il n’y a plus qu’à laisser sécher son œuvre pour la nuit : étant donné l’état de ses plaies, ouvertes et crevassées, Mona devra se passer de pommade antibiotique pour ce soir. Les antalgiques qu’elle a avalés suffiront de toute façon à lui faire trouver le sommeil. Alors, sans rancune.

Quelque chose lui dit que malgré toute la charge biblique de son prénom, il a assez joué au bon samaritain pour aujourd’hui. Il est l’heure d’aller se coucher, que son invitée sache ravaler sa mauvaise foi ou non. Il lui a déjà accordé beaucoup de son temps, de ses ressources et de sa patience. Si elle avait de véritables excuses à lui faire, elle saisirait l’opportunité pendant qu’il rangerait et qu’il ferait la vaisselle. Et quant aux maigres renseignements qu’il saurait lui offrir, cela saurait attendre demain – s’il jugeait encore bon d’interagir avec elle et à la condition qu’elle n’ait pas disparu pendant la nuit. Il n’a pas la force de prolonger beaucoup plus longtemps cette discussion. C’est une lourde décision, de son point de vue : ses conséquences seraient spécialement fâcheuses pour Mona si l’effet Davis devait s’inverser dans les heures qui suivraient. Mais elle l’avait usé jusqu’à la corde. Il faudrait bien qu’elle en assume la responsabilité si, en fin de compte, cela devait se retourner contre elle. N’est-ce pas… ?

En tout cas, le sincère mécontentement de Nathan, allié à l’épuisement et à un reste pesant de malaise, botte sans regret le train à sa conscience – après tout, une fois n’est pas coutume. Il se relève, vaille que vaille, malgré les protestations piquantes de ses propres blessures aux pieds, et se traîne cahin-caha jusqu’à l’évier pour laver ses mains ainsi que ses instruments souillés. Il s’y prend très consciencieusement, comme à son habitude, sans bâcler, ni perdre de temps, quoi que la fatigue rende ses gestes plus mous et approximatifs que d’usage. Les petits ciseaux dégringolent par terre en éclaboussant ses jambes nues de quelques gouttelettes. Seigneur.
Il soupire. Un long frisson court le long de son échine, échoue dans son cou, et horripile chaque centimètre carré de sa peau en répandant partout ses ondes glaciales. Roulant ses yeux au ciel, il secoue ses mains d’un geste sec, les nerfs à vif, et s’appuie contre l’évier pour se baisser douloureusement et ramasser son ustensile. Si c’est déjà un retour de karma, il finirait par se demander pourquoi ça n’arrivait jamais qu’à lui…
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Mona Goðrúnarson


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MessageSujet: Re: Mr. and Mrs. Robinson [Nathan]   Mr. and Mrs. Robinson [Nathan] Icon_minitimeSam 18 Nov - 19:57

Je me demande quelle vanne je viens d’ouvrir. Nathan puisqu’il faut bien finir par l’appeler par son nom semble du genre à aimer noyer ses victimes sous le flot de ses élucubrations. Sans doute sa façon de se venger des supposés mauvais traitements que je lui ai fait subir. Et pourtant je suis certaine que Mimi serait fière des efforts que je viens de faire. C’est vrai que lorsque j’ai besoin de me mettre dans la peau d’un humain considéré comme normal c’est à elle que je pense lorsque ce n’est pas à Aragorn. Je sais bien pourtant que je n’ai ma plupart du temps pas trop envie de me plier à ce qu’elle attend de moi. Aujourd’hui, pourtant, parce que situation de crise oblige, je me dis qu’il faut que je fasse un effort même si ce n’est pas certain qu’ils soient perçus comme tels et qu’au bout du compte je m’en tape un peu (beaucoup même) si ça ne prend pas, je ne vais tout de même pas me mettre à genoux pour que ce mec que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam m’apprécie. Je le regarde continuer son ouvrage sur mes pieds. Il est soulant mais plutôt efficace même si je dois parfois me retenir lorsque les lames de ses ciseaux rencontrent des chairs à vif. D’ailleurs peut-on vraiment m’apprécier ? Je me demande comment Mimi peut me supporter avec tous les défauts qu’elle me trouve. Hans doit penser que je suis un bon coup et c’est à peu près tout quant aux autres… Je suis trop crevée pour faire le tour de tous ceux qui s’accommodent de moi parce que plus ou moins ils y sont obligés. Ah bah ! Ça devait bien arriver ! Voilà qu’il me met dans le panier des éclopés dont il se vante de prendre sous son aile ! Je ne sais pas si je dois l’envoyer balader ou si je dois l’ignorer, mais putain qu’est-ce que je suis naze ! Faire un esclandre me semble futile après tout, il ne doit même pas se rendre compte de ce qu’il raconte derrière sa condescendance paternaliste. S’il a du temps à perdre avec les… Comment il dit ? Putain, les éclopés ! Faut que j’arrête de penser à ça ! Il va me faire le coup de tous les psys qui pensent que j’ai trop souffert de la vie et qui me prennent pour une petite chose fragile à protéger alors que personne n’était là quand il y avait besoin. Involontairement, ma cuisse se contracte comme pour amorcer je ne sais quel mouvement. Un nouveau contact de l’acier avec un truc sans doute pas joli sous mes pieds fait diversion et j’arrive à penser à autre chose, c’est-à-dire… Pas moyen ! Mes pieds me ramènent à mon soigneur. Heureusement, même si son visage ne disparait pas complètement, c’est surtout son crâne crépu qui me fait la conversation et ça dépersonnalise un peu les choses. Je respire par le nez. Je sens que mes narines se dilatent je ne sais pas trop si c’est pour contrôler la douleur_ allez faut pas exagérer, il est pas en train de m’amputer_ ou encore la colère _ouais ça pourrait je le sais mais non elle n’est pas si présente que ça, ou encore le désir de prendre de la distance avec son verbiage_ hum… pas impossible ça ! Mais la vache ! Il a le chic pour ne pas être facile à oublier. Heureusement la fatigue est là pour m’aider à faire passer ses bonnes paroles à un plan qui n’est même plus le second.

Si je sais encore un peu observer et surtout ressentir. Putain ! Ces maudites lames ! Il ne doit pas être en meilleur état de fraîcheur que moi et en parlant de principe il pourrait s’ajouter celui de faire attention à ce qu’il fait. Là je sais que je suis complètement injuste, mais je sens que certaines parties de mon corps ont décidé de ne plus se laisser contrôler par leur propriétaire. J’ai horreur de ça. Mes jambes sont parcourues de soubresauts sporadiques que j’ai du mal à maîtriser et ça va pas faciliter le travail de mon infirmier. Je ne sais pas pourquoi, je pense à l’armée du salut alors que je voudrais juste dormir.

Je n’ai rien dit. Il ne va donc pas pouvoir me reprocher d’être je ne sais quoi à son égard. Et puis merde ! Il croit qu’il est le seul à avoir des principes ?!! Ça me fatigue déjà de m’imaginer le contredire ou entamer une polémique. C’est bon, il a qu’à penser ce qu’il veut ! De toute manière… Mes pensées sont une sorte de bouillie ce soir. Moi qui parvient si bien à sérier les problèmes d’ordinaire, j’ai l’impression de ne pas pouvoir aligner trois synapses. Cette journée a bien trop de répercussions sur moi. Raison de plus pour dormir ! Mais s’il pense que je vais m’abandonner entre ses mains, il se goure ! Malgré la fatigue et mes paupières en feu, je l’ai à l’œil. J’ai toute la rigidité qu’il faut pour m’assurer du tonus musculaire à revendre, si j’excepte bien sûr ces maudites secousses qui me font tressaillir tous mes segments comme de manière aléatoire. Peut-être sont-elles assez ténues pour que lui ne s’en rende pas compte_ peut être fait-il preuve d’assez de tact pour faire celui qui n’y prend pas garde. Ouais je sais j’arrive à lui trouver des bons côtés. Après tout, si j’arrive à marcher demain, il y sera pour quelque chose.

Au moins, il ne semble plus outré par chacun de mes actes. Même moi ça me détend un peu, et c’est vrai que c’est reposant. Mais bien sûr ça ne pouvait pas durer et bien sûr qui en est la responsable ? J’arrive encore à lever les yeux au ciel de fatigue tellement ses réactions de petits garçon gâté me blasent. Mais vraiment ! La première leçon que j’en tire c’est que je ferais mieux de me taire et aussitôt apprise, aussitôt mise en application et ça c’est facile pour moi. Suffit que je cherche un point dans l’espace environnant sur lequel accrocher mon regard et toute velléité de parole, déjà bien rare s’envole. En face de moi, la poignée de la fenêtre fait très bien l’affaire. Je me rends compte que je ne sais même pas dans quelle direction je suis orientée. Je feins d’ignorer la pression soudain accrue de sa main sur mon pied et convoque les règles rudimentaires de géographie pour me dire que vu la taille de cette fenêtre, il peut toujours coasser, étant donné que nous somme paumés dans l’hémisphère sud, qu’il soit indigné ou pas, je dirais que je regarde vers le nord. Ouais, la grande ouverture sans douter destinée à faire entrer lumière et chaleur est dans mon dos. Il peut toujours essayer de se demander quelle bête curieuse je suis, je m’en contrefiche, mais alors il ne s’imagine même pas ! Je me demande si les albatros s’endorment tous ou alors si certains montent la garde. J’imagine assez bien qu’il doit y avoir des prédateurs malgré la petite taille de ce caillou qui a eu la sympathique idée de nous recevoir. Il faut toujours que je fasse celle qui est en faute ! J’ai pourtant bien expliqué tout bien non ? Non apparemment et il n’est pas prêt à essayer de se mettre à ma place comme j’ai essayé de le faire. Ca va j’ai compris qu’il s’est senti agressé. Il va peut-être passer à autre chose ! Il doit bien y avoir des renards bleus ou polaire ou des bestioles du genre qui se régaleraient d’un oisillon ou d’un malade…

Il est assez fort pour manier l’ironie mais visiblement, l ne comprend rien à rien. Qu’est-ce que je devais lui dire ? Faut pas t’inquiéter le caillou est tombé dans ma poche par hasard ? Ou bien, je suis trop conne, où est le problème de se faire téléporter avec un gars qu’on connait pas pour seul compagnon ? Ça arrive tous les jours bon dieux ! Pourquoi penser qu’il pourrait exister une menace derrière tout ça ? S’il ricane en considérant ma position, que devrais-je faire moi ? Comme si j’avais dit que ce n’était pas dur pour lui ! C’est bien possible qu’il soit dans le même situation que moi et puis faut bien avouer que le bain dans le torrent et l’arcade explosée c’est moyen comme expérience, mais merde c’est pas moi qui l’ai poussé. Je continue à penser que j’ai été plutôt réglo avec lui. Pas forcément experte en secourisme mais réglo… Vaut vraiment mieux que je la ferme c’est le genre d’exercice qui me convient bien. Du coup, oui, je crois bien que si j’étais une colonie d’albatros, je laisserais des guetteurs éveillés. Je ne sais juste pas si c’est un raisonnement d’albatros. Quand je dis raisonnement, il y a peut-être de l’instinct là-dedans… Du coup, s’il me voit comme un renard bleu, il était pas sûr qu’il s’endorme vite et du coup, ben moi non plus… Et puis, il pourrait arrêter de sourire alors que je sais très bien qu’il n’en peut plus de colère. D’ailleurs je ne suis plus très sûre d’avoir envie qu’il continue à s’occuper de mes pieds. Heureusement, il s’y remet de façon très maîtrisée, suffisamment en tout cas pour me rassurer. Il comprend rien, mais c’est pas un sadique et j’en viens à penser qu’il est même sans doute ce qu’il prétend. Cette perspective est plutôt rassurante et pourrait me permettre d’envisager la suite plus sereinement, même s’il a décidé de continuer sur le registre de l’injustice. Je sens confusément que je n’ai pas trop de raison de craindre quelque chose de sa part. Soudain son indignation prend une autre couleur et je sens comme l’ombre d’un rire intérieur monter en moi. Je me demande s’il ne se force pas à paraître irrité. Je laisse les albatros à leur sort et reporte mon attention sur les gesticulations diplomatiques de l’avocat. Après tout, pas la peine que de mon côté je prenne autant la mouche que lui, j’ai un peu l’habitude d’être prise pour une associable, psychopathe et que sais-je encore. De ce côté je suis blindée. Par contre, lui ne doit pas avoir l’habitude que les autres ne fondent pas de reconnaissance devant ses bonnes intentions pour le genre humain. Ça me fait trop rire son histoire de cervelle sur le plancher. Décidément, il confond précaution et passage à l’acte…  Par contre, il a raison, j’ai bien conscience qu’on ne peut jamais savoir à coup sûr qui survit à la fin.

En d’autres circonstances j’aurais bien pris mes cliques et mes claques pour aller m’installer dans un autre baraquement si ça pouvait le rassurer, mais j’avoue que je ne suis pas certaines que mes pieds après le toilettage que Nathan leur a prodigué soient encore capable de me faire traverser les quelques mètres qui me séparent du plus proche et puis c’est pas des excuses non, une once de confiance commence à poindre dans mon esprit à son égard. Quand il sera calmé faudra que je lui dise qu’il a une tendance à l’injustice dans ses jugements sur les autres… Et puis non, passons à autre chose ! Faut bien que quelqu’un fasse le premier pas…

Problème que je vois arriver gros comme une maison c’est qu’il va penser que je me renferme en gardant le silence. Décidément les relations humaines m’épuisent ! Je préfère ne pas y penser tandis qu’il reprend ses soins. Décidément, il y a du boulot ! Faudra que je regarde quand même dans quel état mes plantes de pieds se trouvent. Ca me fera une diversion lorsqu’il aura encore envie de me bassiner avec ma supposée violence. Bla Bla Bla… Monsieur a besoin de gage apparemment de ma bonne foi. C’est vrai que lui de son côté, je suis bien obligée de l’admettre s’est donné un mal de chien pour paraître cool, ou naïf au choix. Il me semble cependant que je fais des efforts. Je vais pas souhaiter qu’il aille plus mal pour lui prouver que si nécessaire je peux lui rendre la pareille ! Quand on voit en plus comment il a accueilli mon secours au bord du torrent… Je pense au syndrome de Münchhausen. J’avais lu un truc là-dessus qui m’avais édifiée. Facile de se faire des films avec ça. Comme quoi il y a des gens bien plus frappés que moi quoi qu’il s’évertue à lui faire penser.

Pendant un moment, juste après qu’il se soit mis en demeure de s’occuper de mon deuxième pied, j’ai la faiblesse de croire qu’il a renoncé à tenter de se justifier et les secondes de silences seulement polluées par nos respirations concentrée et la caresse de l’acier sur lui-même sont comme une parenthèse de fraîcheur bienfaisante. Je me demande à quoi il pense. Déjà à ce qu’il est en train de faire j’espère, mais sans doute plus. Ce gars-là est un cérébral à n’en pas douter. Il ne doit jamais laisser ses neurones au repos. Parait que c’est une prouesse impossible. Ils ne sont au repos que lorsqu’on est mort, mais c’est sûr il n’est pas prêt de passer l’arme à gauche car il doit se masturber grave l’esprit pour construire un monde idéal avec des licornes et des arcs-en ciel où chacun prend soin l’un de l’autre et où Aragorn ne se fait pas écraser par une bagnole en bas de chez lui.

Enfin, il parvient à énoncer quelque chose de nouveau et d’intéressant Hélas juste pour dire que le phénomène dont nous avons été les victimes est complétement inexpliqué en tout cas pour lui car pour ma part, je n’arrive pas a croire que tout ceci soit le fruit du hasard et que de toute façon, il n’y ait pas d’explication Le contraire est bien plus douloureux pour moi que ce qu’il m’annonce Des ampoules, j’en ai déjà percées, je vais pas mourir pour ça mais j’apprécie sa sollicitude maintenant que j’ai commencé à moins me méfier et prendre du recul vis-à-vis de sa difficulté ) comprendre ce que je lui dis et même, je sens un petit sourire me monter aux lèvres à la mention de sa technique de combat Son      humour n’est pas toujours à deux balles  J’avoue que mes muscles continuent a faire un peu ce qu’ils veulent mais tant pis pour moi, je ne peux tout de même pas lui imputer ça Je reste donc stoïque en regardant l’aiguille et les ciseaux s’agiter autour de mes pieds sous une poigne qui se fait de plus en plus ferme à mesure que je peux de moins en moins résister aux soubresauts de mon corps épuisé Epuisé mais pas rendu à la limite où je vais chialer. Ca aurait pu arriver tout à l’heure dans la lande mais là C’est sûr, j’ai déjà connu des situations plus confortables mais les aiguilles ne me font pas peur et puis c’est pas comme si je n’avais pas de tatouage Ce jour-là, j’ai un peu douillé mais rien d’insurmontable Se mordre la lèvre un p’tit peu, battre des paupières pour ravaler quelques caprices lacrymaux et je ressortais avec mon joli motif sur le bras. Y en a pas eu d’autres ensuite et puis un, ça peut être joli mais complétement recouverte je trouve ça…
Bon ! Il me lâche oui ?  Je sais, j’ai encore bougé mais je fais ce que je peux Alors je pose mes deux mains sur la cuisse pour immobiliser ma jambe et donc mon pied puisque mon infirmier perd patience Je commence à en avoir assez de cette séance de soins J’ai l’impression d’être à sa merci et merde, merde, merde, je vais péter un câble !
Et voilà ! Ça recommence ! Dire que je commençais à penser que ce mec pouvait être cool !

Oh ! La putain de question ! Me poser un problème ! Qu’est-ce qu’il sait de ce qui peut poser problème ?! Je me souviens assez bien de la première fois que je me suis faite tringler, que je n’ai pas bougé parce que je ne savais pas trop ce qui m’arrivait ni comment me positionner et que ben c’est qu’après que je me suis posé la question du viol et là, c’était pas pour m’éviter l’hypothermie ! Comme s’il était en état de donner son avis à ce moment ! Ok il l’était peut-être mais moi j’en avais pas jugé ainsi il y avait comme une sorte d’urgence ! Mais voyons le bon côté des choses, la prochaine fois je sais que je dois le regarder crever ! Si les rôles avaient été inversés, ben oui, il aurait pu me dépoiler si ça pouvait me permettre de poursuivre cette vie de merde mais dans laquelle veux continuer ma route. C’est pas non plus comme si j’étais super sexy qu’il n’aurait pas pu résister à l’appel de mes charmes ! Décidément ce type avait de drôles de priorités ! En plus il n’avait pas une attitude très conséquente. Si j’avais autant de griefs que lui contre quelqu’un, je ne serais pas en train de lui raccommoder les pieds ! Et c’est moi la cinglée !

Bref, je continue de la fermer, sinon je vais encore dire une bêtise Je vais pas gâcher cette deuxième volée de secondes de silence. La parole est d’argent mais le silence est d’or surtout dans mon cas aujourd’hui Pare que je sais que je suis un vrai mammouth dans un magasin de porcelaine mais aujourd’hui je crois que je suis tombée sur la perle rare qui a décidé de tout comprendre de travers et qui en plus,  semble doué d’une sensibilité un peu extrême pour en  arriver à préférer mourir plutôt que de dévoiler un peu son anatomie ! Pour ma part, je ne vaux guère mieux car je ne vois vraiment pas ce qui se cache derrière son « Tant pis. » C’est clairement un regret, mais un regret de quoi ? Je ne devrais jamais m’emmerder avec les relations C’est trop compliqué

Je le regarde ranger son attirail de soigneur en silence en comptant le nombre d’élancements que ma circulation envoie sous mes pieds Il a été très chouette ! Je tire ma cheville jusqu’à pouvoir contempler ma plante de pied. Oui je suis plutôt souple. Pha’ me fait pas mal bosser ça. Je regarde ce patchwork rosé comme un peu détachée comme si ce n’était pas le mien. Mais mon index qui effleure les chairs soignées mais toujours à vif me ramène à la réalité. Pas de doute, il y a bien un nerf qui relie ce pied à mon cerveau. La même inspection au second panard et je tourne la tête vers Nathan qui est déjà en train de nettoyer son plateau opératoire, je crois que c’est comme ça qu’on dit dans le milieu hospitalier… C’est tout de même un curieux individu et je me demande si les personnes que je connais raisonnent comme lui. Je n’en ai encore jamais vu dans notre situation et j’aime à penser que cette dernière oblige l’avocat américain à être vrai.

Je sais que je dois lui dire quelque chose, mais toutes les formules de convenance qu’on déjà eu bien du mal à m’inculquer me semble dérisoires en la circonstance.

« Encore merci. »

Je le lui ai déjà dit et ça n’a eu qu’un effet positif que très relatif sur lui. Mais c’est un début. Les ciseaux tombent à terre. Genre ça va être encore ma faute.

« Je devine que lors de tes précédentes expériences tu as fait des rencontres plus agréables que le mienne… »

Ça saute aux yeux, tout comme moi, il a besoin de dormir mais je me doute que s’il a l’opinion qu’il a exprimée sur moi, il ne va pas très bien dormir pourtant je pourrais au moins lui faire ce cadeau. Une nuit réparatrice serait sans doute la bienvenue pour nous deux.

« Si je pouvais marcher… Je peux marcher docteur ? J’irais dormir dans un autre baraquement comme ça tu serais tranquille pour la nuit au moins. Tu ne craindrais plus de te faire assassiner dans ton sommeil… »

Je ne sais pas si c’est une bonne idée de continuer mais après tout…

« … parce que si j’ai bien compris c’est pas parce que je t’assurerais que tu ne risques rien que tu me croirais. Et en plus je voudrais pas ruiner ton beau travail de rafistolage. »

J’essaie de lui envoyer un petit sourire reconnaissant mais je ne sais pas s’il le perçoit de là où il est et s’il voit un sourire ou une grimace. Mimi me dit que le sourire ma va bien. Ça m’exaspère quand elle dit ça !

« Au bout du compte je me réjouis d’être tombée sur toi. T’as l’air d’un mec bien. Un peu trop bien peut-être genre Superman qui fonce tête baissée da… »

Mais qu’est-ce que je dis ?! De quoi je me mêle ?

« Bref t’as bien mérité une bonne nuit de sommeil avant de devoir m’affronter demain. »

Tentative d’humour que je ne suis pas bien certaine de bien mesurer…
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