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 -Blood in the cut- [Nathan]

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Erynn H. Howlett


Erynn H. Howlett

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MessageSujet: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeDim 26 Fév - 22:17

L'attention braquée sur la table d'opération n°3 où une adolescente de quinze ans gît immobile sur le côté, Erynn s'éponge le front d'un revers de main et recale ses lunettes sur l'arrête de son nez. Elle lève brièvement les yeux vers l'horloge murale dont les chiffres rouges continuent de s’égrainer en silence, la boule au ventre. 16H07, heure de Séoul... Soit presque quatre heures et demi qu'ils essayaient de stopper une hémorragie par fracture crânienne.
Elle retient un soupir de lassitude derrière son masque, peu optimiste quand aux chances de survie de la patiente après une telle fracture et deux arrêts cardiaques. Certes pour l'instant ils avaient arrêté les pertes de masse encéphalique et réussi à stabiliser les constantes... mais qu'en serait-il des séquelles permanentes d'un tel accident ?

Les doubles portes de la salle s'ouvrent pour laisser passer une énième infirmière et le changement de température fait courir un désagréable frisson dans sa nuque moite. La fatigue commence à se faire sentir après des heures d'intervention délicate, et depuis une dizaine de minutes déjà elle sent peser sur elle le regard critique de son confrère et mentor, le Dr An.

De l'autre côté du billard le cinquantenaire au visage ridé murmure calmement des instructions de temps à autre, afin qu'ils coordonnent leurs mouvements et terminent de suturer ce qui peut l'être. D'un doigt ganté elle vérifie méticuleusement qu'il n'y a pas d'autres plaies entre les cheveux poisseux de la jeune fille. Ne trouvant rien d'alarmant en dehors de la profonde blessure qui couvrait la jonction entre les zones temporale et pariétale, elle se donne pour satisfaite. Respirant de soulagement, Erynn est peu surprise lorsque le Dr An revient à la charge.

« L'essentiel est fait et nous ne pourrons juger les chances de re-myélinisation naturelle avant que son état soit confirmé stable. Il est trop tôt pour déterminer si les dégâts sont réversibles ou non et vous aurez tout le temps de suivre la patiente sur les prochaines semaines, maintenant. » Son regard se durcit de désapprobation. « Allez donc vous reposer, Dr Shin. »

« C'est ironique de recevoir des leçons de quelqu'un d'aussi buté que moi... et avouons que je ne suis pas la seule à avoir enchaîné deux interventions d'urgence en sautant l'heure du repas. »

Erynn fronce les sourcils, déterminée à ne pas lâcher le morceau. Néanmoins son interlocuteur lui lance un regard si patient et ferme qu'elle réalise assez vite qu'insister est peine perdue. Ces yeux de professeur déçu de la maturité de son meilleur élève avaient toujours le don d'étrangement la désarçonner, de plus ils étaient le signe systématique qu'une discussion ne mènerait nulle part. Vaincue elle soupire en roulant des yeux, râlant encore pour la forme, parce que franchement il ne lui restait plus que ça.

« Considérez que vous me devez un dîner pour la peine. »

Dodelinant encore de la tête au sourire obtenu pour toute réponse elle rage de s'être fait congédier,.. quoique secrètement elle éprouve un certain soulagement que ce soit terminé. Confiant ses outils à l'aide opératoire qui la regarde comme deux ronds d'flan, elle est à deux doigts d'être méchante. C'était ça avec les nouvelles... elles étaient toujours choquées de voir la familiarité avec laquelle elle s'adressait au chef de service et en oubliaient les bases de leur rôle.

« Oh hé ? Allô la lune, ici le bloc ? On a besoin de vous là-bas, la circulante va pas arriver à tout faire toute seule. Nettoyez-moi ça et assistez-les ou faites-vous remplacer si vous êtes fatiguée. »

Mains tendues et pleines de sang, Erynn se dirige vers l'arrière de la salle afin de retirer ses gants et se laver les mains. Encore quelques derniers éléments de la procédure et elle pourrait enfin quitter la pièce pour rejoindre le sas d'anesthésie, où elle pourrait enfin se débarrasser de son masque et du reste de sa tenue d'astronaute...
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Nathan Weathers


Nathan Weathers

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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeMar 28 Fév - 2:57

La voix de Lauryn Hill flotte dans l'appartement tamisé de Nathan comme un charme capiteux. C'est un oiseau paresseux qui tourne en ronds mesurés, prenant son envol depuis la chaîne hifi qui trône sur une étagère et murmurant tour à à tour des notes profondes et basses, puis des couplets clairs et vifs d'un mur à l'autre.

Nathan chantonne d'une voix ensommeillée mais enjouée quelques « Come on, baby, light my fire », tandis qu'il annote les marges du dernier chapitre imprimé de son tapuscrit et qu'il rature sévèrement des formulations dont le rythme et la sonorité lui déplaisent. Il aimait beaucoup écrire – en tout cas, de la manière dont il le concevait. C'était comme composer. Il se retrouvait un peu horloger et musicien sans quitter ses engagements polémiques d'avocat survitaminé, et c'était extraordinairement plaisant. Tandis qu'il dresse un sévère portrait de ce système américain, premier fautif de l'engorgement carcéral, et par ce biais de l'entretien du banditisme professionnalisé, il fait décoller et voler chacune de ses phrases autour d'un beat qui frappe une cadence dans son esprit et qui sous la pointe de son stylo vient hanter son texte comme une âme instille au corps le goût de respirer et de danser.

Il bâille à s'en décrocher la mâchoire et se laisse tomber dans le dossier de son fauteuil pour s'étirer de tout son long et chasser l'engourdissement de ses membres que le travail de toute une soirée au-dessus d'un bureau a froissés et endormis. Il soupire et contemple avec fierté ses pages barbouillées de son écriture régulière et serrée.
Par bonheur, il n'avait rien de prévu demain, rien d'autre que l'ordinaire, du moins. Aucun rendez-vous au tribunal, pas de route à faire jusqu'au pénitencier pour consulter ses clients au parloir, pas de réunion avec le procureur Grant pour discuter de l'affaire Butterfield. Aussi il pouvait certainement se permettre de veiller encore un peu... Personne n'en pâtirait demain. A l'exception, peut-être, de son pauvre cerveau usé jusqu'à la corde qui protesterait très fort quand le réveil sonnerait sept heures – mais pour le moment, cela lui passait bien au-dessus de la tête. Ce n'était pas si grave.
Et puis il se sent sur sa lancée, ce soir-là, il a le cœur léger et l'intelligence limpide, ce serait trop bête de tout arrêter maintenant, surtout pour s'enfoncer dans un oreiller où sa tête bourdonnerait encore longtemps d'un essaim d'idées qui ne se disperserait pas avant des heures et des heures. Non, définitivement, ça n'avait aucun intérêt.

Nathan rassemble toutes ses feuilles en un joli tas très soigneux qu'il tapote sur un coin de table. Là-dessus, il se lève, et s'appliquant à piétiner dans ses chaussettes contre le carrelage, il sautille un peu pour se débarrasser d'une bande de fourmis qui montent désagréablement dans ses jambes. Son énorme Maine Coon, Cyrano, qui dormait en rond en haut de son arbre à chat le regarde s'agiter d'un œil torve. Finalement, au prix de quelques étirements minutieux que ses muscles trouvent de fort bon goût, il ébouriffe sa tignasse avec énergie et prend la direction de la cuisine en fredonnant. Il y avait des semaines qu'il ne s'était pas rendu chez le coiffeur, et ses cheveux commençaient à faire fleurir leurs boucles crépues en jungle épaisse. La faute à peu de temps et à quelques sérieuses angoisses et préoccupations qui le détournaient de ce genre de soin auquel il était pourtant toujours attentif. Un de ses collègues avait fini par lui glisser la semaine passée que ce n'était pas très professionnel et Nathan l'avait fusillé du regard en bonne et due forme. C'était extraordinaire, ce milieu, négligez un peu votre coupe de cheveux, faites vous pousser une afro et vous finirez par vous faire traiter de racaille par vos propres associés. S'il l'avait pu, il serait venu parader au bureau avec ce sweat marqué d'un gigantesque « Gangsta as Fuck » qu'une couronne surplombait de travers, mais il avait quand même des clients à recevoir et Biggie n'avait pas forcément très bonne presse.

Dans la cuisine, le café fraîchement moulu descend dans une grosse tasse logée dans la machine et Nathan parcourt pendant ce temps la fin d'un feuillet d'un stylo très inquisiteur.
Il fait distraitement sombrer trois bonnes pierres de sucre dans le caoua et touille tout ça à la cuillère, absorbé par sa lecture. Quand il se redresse pour reprendre le chemin du salon, il engloutit une brûlante gorgée qui vient lui électriser la nuque d'un trait.

« Parrrfait... »

De l'autre côté de la porte, Anissa, sa colocataire du moment, une étudiante en écologie et biodiversité, qui roupillait paisiblement dans le canapé quelques minutes plus tôt, s'est relevée et a allumé la télévision. Il distingue son joli turban rose par-dessus le dossier et sirote son café en menant son regard sur l'écran où défilent les informations sur une chaîne nocturne. Il est deux heures du matin. Le chant hypnotique de Lauryn est couvert par le ruminement d'un journaliste sur l'assassinat de Kim Jong-nam en Malaisie. Les images se succèdent et Nathan boit quelques gorgées de café, appuyé contre l'encadrement de la porte, alors que la caméra survole le parlement sud-coréen qui impute le meurtre à Pyongyang, avec le soutien des États-Unis. Ça... ! Les États-Unis avaient toujours une opinion à défendre quand il s'agissait de policer le monde. C'était beaucoup de bruit pour rien, en vérité. Un écran de fumée. Il s'agissait sans cesse de montrer qu'ailleurs c'est bien pire que chez nous. Chez nous, Dieu merci, on est en pays démocratique, on vit sous un État de droit, en somme, on est des gens civilisés. Que diable.
Nathan reste très pensif devant l'interview d'un parlementaire de Séoul qui exprime toute son indignation sous les micros d'une télévision nationale. Et puis, il ressent un drôle de picotement dans les yeux. C'est douloureux. Une migraine passe dans son crâne d'une oreille à l'autre comme une fanfare et il avance dans le salon, passant définitivement la porte en titubant et en serrant fort son tapuscrit contre son cœur et sa tasse de café dans sa main.

Il chancelle sur ses jambes – encore, remarque-t-il avec effroi – et ne retrouve un peu de stabilité qu'en s'effondrant comme un ivrogne sur une autre porte, à double battant celle-là, qui s'ouvre sous son poids. Ses chaussettes glissent sur un sol curieusement lisse venu remplacer le carrelage de son appartement, et il prend conscience aussitôt que le phénomène a frappé de nouveau, avec la brutalité d'une matraque qui s'abat sur son crâne.
Un silence de mort règne ici. L'odeur du sang le prend directement aux tripes et il papillonne des paupières sur le bloc opératoire, tandis que la part la plus primitive de son cerveau associe à cette sensation un écueil dangereux à sa survie individuelle. Il panique.

La vue du sang ne lui avait pourtant jamais inspiré de trouble, ni même son goût ferreux qui se plaque à son palais à chaque inspiration. Seulement, aujourd'hui, il pâlit très fort devant le corps vulnérable de cette jeune fille qui est apparu droit devant lui, gisant comme un pantin sur une table opératoire au milieu d'une troupe de cosmonautes effarés.
Sa main se serre davantage encore autour de sa tasse de café. Un tremblement convulsif grimpe le long de sa colonne vertébrale, et il est comme mordu à l'estomac. C'est là qu'il réalise qu'une petite personne s'est arrêtée devant lui, toute de blanc vêtue elle aussi. Elle a une drôle de toque, en ce qui le concerne, et Nathan y arrête son attention si fuyante pour examiner les petits motifs Batman qui la décorent. Et puis il rencontre l'intensité aiguë de ses yeux vert malachite qu'elle fixe sur lui avec hostilité, et il s'étrangle un peu, retrouvant au passage l'usage de ses jambes – essentiellement pour mieux tituber d'un côté et de l'autre.

« Oh, je... pardon... »

Il lance un regard épouvanté à toute l'assemblée, dont les yeux outrés l'assassinent très froidement depuis le fin interstice laissé entre leurs masques et leurs toques de chirurgiens. Et puis, instantanément, il s'empourpre jusqu'aux oreilles et toute contenance finit par tomber de son visage comme on saute du sixième étage.

« Je... je devrais pas être ici... »

Un bon point pour toi, Nathan. Maintenant, si tu pouvais au moins assimiler de tes expériences un seul petit réflexe de fuite, ça pourrait t'être profitable, un de ces jours.
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Erynn H. Howlett


Erynn H. Howlett

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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeSam 1 Avr - 0:19

Erynn signifie silencieusement son exaspération en secouant la tête, tournant le dos à l'infirmière avec qui elle n'avait même plus la force de perdre son temps. D'un soupir las elle fait glisser les gants sur ses doigts, les retournant complètement afin de ne pas souiller la peau de ses bras. S'approchant de la porte à double battant elle appuie du pied sur la pédale et jette les gants bleus à la poubelle, qui se referme dans un léger battement métallique. Toujours un peu frustrée de ne pas assister à la fin de l'intervention, elle est quand même secrètement soulagée d'en voir le bout pour le moment. Il était déjà plus de quatre heures de l'après-midi ce qui voulait dire qu'elle avait un peu plus de six heures de chirurgie au compteur; aussi bien que ses jambes tiennent le coup sans trop de difficulté, son dos lui fait mal et sa tête bourdonne sous l'effort de concentration prolongée.

Néanmoins et parce qu'il y a des priorités bien marquées même dans un univers où vie et mort se mêlent en permanence, son ventre se contracte douloureusement et produit un gargouillement quasi animal, dans une manifestation impitoyable de son divin mécontentement. Son esprit fait déjà le tour du menu plutôt réduit de la cafétéria à la recherche de ce qui pourrait bien satisfaire son palais -et leurrer son irrépressible envie de malbouffe- quand un homme inconnu fait irruption fracassante dans la salle. Dans un équilibre précaire ce dernier manque de s'étaler de tout son long, ce qui instinctivement la fait s'avancer pour le soutenir de son bras.

Hésitante, elle dévisage le visiteur impromptu sans savoir quoi dire, peinant à faire lumière sur cette drôle de situation. Posant une main sur son avant-bras, elle lui évite la chute et espère que le contact lui apporte un certain calme. Instinctivement elle lui demande ce qu'il fait là d'un ton calme mais coupant, réalisant toutefois assez vite que l'homme ne semble pas comprendre un traître mot de coréen. Aussi confuse que lui elle le couve d'un regard critique, du bout de ses cheveux crépus, en passant par son visage décomposé, le t-shirt á l'audacieuse accroche 'gangsta as fuck' qui se soulève sous sa respiration trop rapide, la tasse de café chaud qui lui fait bien envie, jusqu'au bout de ses pieds en chaussettes. Un silence pesant suivi d'un tollé se lève déjà dans le groupe d'intervenants, ce qui lui fait lever la main et glisser quelques mots en leur direction, histoire de les encourager à continuer et lui laisser gérer la situation. De toute façon elle était sur le point de s'en aller, alors autant le conduire vers la sortie.

Ses sourcils se froncent d'incrédulité en une ligne compacte quand elle se tourne à nouveau vers Nathan, son regard émeraude durci d'incompréhension. Sa première pensée avait été de se demander ce que pouvait bien glander la sécurité pour laisser passer le premier venu dans les zones uniquement accessibles au staff de l'hôpital, seulement quelques détails lui retournent le cerveau à tel point que s'en était absurde. Ce visage lui est inconnu et elle pourrait parier dix mille won qu'il ne fait pas partie de l'équipe médicale ou du personnel d'entretien. Sa seule présence dans le bloc est invraisemblable, seulement la folie ne s'arrête pas à la possibilité qu'il ait pu passer outre les deux zones gardées par des vigiles.
Comment pouvait-il se trimballer avec une tasse à la main alors qu'ici seuls les gobelets jetables étaient admis pour les visiteurs ? Et puis pourquoi bordel ne portait-il pas de chaussures, surtout ?! Il ne porte pas la robe des patients, n'a aucune blessure ou de traces d'intraveineuses sur les mains, et son air hagard trahit seulement la panique de quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait là. Perdue, elle se focalise finalement sur le regard sombre de l'étranger en espérant y trouver des réponses. Quand elle l'entend marmonner, elle s'adapte sans réfléchir et poursuit dans la la langue de Shakespeare avec un léger accent Canadien. Néanmoins de peur qu'il continue d'hyperventiler, elle retire son masque et le pousse gentiment vers la sortie, sans encore le gronder sérieusement ou le mitrailler de questions. Chaque chose en son temps.

« Effectivement, vous n'avez rien à faire ici. Venez par là avant que vous contaminiez ma patiente. »

Elle le conduit dans la salle vide et prend une grand inspiration pour se donner du courage. Son sixième sens lui disait que comprendre n'allait pas être une mince affaire. Fermant les yeux un instant elle se débarrasse de sa tenue chirurgicale, qu'elle jette également. Enfin elle retire sa toque et la plie soigneusement avant de la glisser dans la poche de sa blouse blanche, impeccable en apparence. C'était comme si elle n'avait jamais trifouillé le cerveau d'une gamine il y a quelques minutes seulement. Son attention désormais entièrement tournée vers l'homme-chocolat elle avait enfin l'air d'un être humain. Un être humain pâle, fatigué et affamé. Voyant qu'il peinait toujours à gagner son calme, elle garde une main dans son dos et lui parle d'un ton presque hypnotique, prenant une pause afin qu'il ait le temps de suivre ses consignes.

« Respirez doucement, emplissez vos poumons. Expirez lentement. Voilà, c'est mieux. »

Réfléchissant à la meilleure marche à suivre, Erynn repousse à plus tard son allée au vestiaires. Elle avait bien envie de récupérer ses affaires et prendre une douche mais finalement ça devrait attendre. Les questions et l'estomac d'abord. Et puis... pourquoi pas les deux ?

« Vous comprenez pas le coréen, hein ? Normalement je devrais vous flanquer à la porte ou vous confier à la sécurité, mais malheureusement Yongbin et DaeHo -les gars en service- ils ne parlent pas anglais. À tous les coups soit ils vont vous garder là jusqu'à ce qu'on trouve un interprète soit ils vont me demander de traduire... alors autant nous épargner cette peine. » Elle le toise de sa petite stature, l'air très sérieux. « Je vous offrirais bien un café en échange de vos explications mais il semblerait que vous ayez déjà ce qu'il faut. Bon suivez-moi, il faut vraiment que je mange un truc. »

Le menant à travers un dédale de couloir aseptisés et de portes blanches donnant vers la dizaine d'autres salles opératoires, Erynn marche d'un pas vif, ignorant les regards éberlués des médecins et d'un infirmier qu'ils croisent en chemin. Quand ils arrivent à une sorte de carrefour administratif Erynn s’avance vers une collègue entre deux âges assise derrière le bureau de la réception interne. Familièrement penchée sur le comptoir, la rouquine échange quelques mots pacificateurs et explique la situation, sait-on jamais que son invité surprise essaie de se faire la malle dans son dos. Cela dit elle prévient qu'elle quitte le service pour la journée sauf cas d'extrême urgence et s'en revient vers Nathan après quelques minutes.

« On sera plus à l'aise à la cafétéria, on pourra s'asseoir et vous pourrez manger si vous voulez. En attendant mauvais jeux de mots mis à part, vous pouvez vous mettre à table. Qu'est-ce qui vous a pris d'entrer au bloc ? »
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeJeu 13 Avr - 19:02

Nathan déambule dans les couloirs très modernes de cet hôpital qu'il ne connaît pas, traîné par cette petite jeune femme au pas hâtif et au ton direct et sans réplique. D'ailleurs, il ne lui vient surtout pas à l'idée de répliquer. Il est assez occupé à rougir en croisant sur son chemin le personnel médical qui le toise d'un regard critique depuis ses chaussettes Green Arrow jusqu'à ses cheveux mal peignés. Il serre son épais tapuscrit contre son cœur avec sa tasse de café qui lui fait beaucoup moins envie maintenant qu'il sent comme une carrière de pierres qui s'éboulent en masse et lui pèsent dans le creux de l'estomac.

Oh, bien sûr, il avait l'habitude de se promener dans ce genre d'infrastructures. Il n'avait pas longtemps travaillé comme interne à l'hôpital de sa mère à l'époque, mais depuis son enfance ses médecins de parents l'avaient fait musarder dans les services de soins où il attendait de pouvoir rentrer à la maison, après l'école, et où à neuf ans il se liait mieux d'amitié avec les cancéreux dont s'occupait sa mère qu'avec une classe d'enfants de son âge. La blancheur immaculée des couloirs et l'odeur de propreté absolue qui flottait dans l'air n'avaient rien pour l'intimider. Maintenant encore, il devait aller régulièrement retrouver ses clients sur leurs lits d'hôpital – c'était depuis toujours le lieu d'une routine plus ou moins éprouvante.

Mais aujourd'hui, ça n'avait vraiment plus rien à voir. Il venait de se téléporter dans un hôpital sud-coréen. Un hôpital. Sud-coréen. Il aurait eu aussi vite fait de débarquer au beau milieu d'un commissariat. S'il ne prenait pas garde à ce qu'il racontait, en moins de deux, il pourrait se retrouver en cellule psychiatrique – et c'était l'une de ses plus grosses angoisses depuis que ce phénomène était venu mettre sa vie sens dessus dessous.
Alors il s'efforce de ne pas faire attention aux commentaires de toute façon incompréhensibles des gens qu'il rencontre et il fixe intensément son regard sur les lignes du carrelage, en se laissant conduire par cette jeune chirurgienne affamée.

En tout cas, qu'elle le veuille ou non, il était sûr et certain qu'il ne s'éterniserait pas ici. Avec un peu de chance, elle le mènerait rapidement à la sortie s'il lui expliquait qu'il n'avait rien à faire dans les parages. De toute évidence, elle ne le trouverait sur aucun registre, nulle part, et par conséquent elle n'aurait aucune raison de le retenir... sauf si elle considérait qu'il avait un pet au casque et qu'il valait mieux le garder à l’œil et appeler la police. Vraiment, le plus raisonnable était de fuir dès que l'occasion se présenterait.
Seulement, tandis que par bonheur elle le laisse un moment à son sort au milieu d'un carrefour administratif pour aller régler ses affaires à la réception, il doit bien reconnaître qu'il serait incapable de se repérer dans ce labyrinthe dont les signes et l'organisation lui sont complètement étrangers. En tournant discrètement sur lui-même et en ouvrant grands ses yeux noirs sur tout l'inconnu qui le cerne, il commence à perdre le peu de couleurs que son visage avait retrouvé. Il se sent comme dans une souricière – fait comme un rat – et il respire un peu plus fort chaque fois que son regard s'égare dans la ronde des typographies coréennes qui indiquent une myriade de directions obscures où s'engagent des silhouettes en blanc d'un pas sûr et décidé. Son cœur a décidé de jouer des bongos et de faire danser la samba à tout son système sanguin, il résonne tellement haut dans sa poitrine qu'il a l’impression de sentir l’écho de ses battements fébriles jusque dans le creux de ses mâchoires.
Mais vraiment, ce n'est pas du tout le moment de céder à une nouvelle crise de panique... Il faut se ressaisir, Nathan. Se ressaisir. Arrête de prendre cet air de détraqué ou bien tu vas t'y retrouver en psy, ça va pas traîner.

Revoilà la chirurgienne. Elle s'adresse à lui.

Il respire à fond et lui sourit d'un air très crispé en levant le menton.
La jeune femme est d'apparence impassible, presque flegmatique, elle ne hausse pas la voix malgré le caractère douteux, voire louche, de la situation. Pourtant ses yeux perçants, d'une couleur surprenante, le scrutent avec la curiosité la plus incisive dont il lui semble avoir jamais été l'objet. Ils lui incisent le scalp, le percent jusqu'à l'âme et dissèquent précisément sa pensée sous son crâne pour en sortir peut-être qu'il était une espèce d'aberration de la nature.
Et au bout d'une blague prononcée d'un air pince-sans-rire, elle lui pose cette question à laquelle il ne pouvait pas échapper. Un frisson glacial remonte de son dos lui mordre la nuque.
D'un coup, Nathan lui rit très nerveusement au nez.

Le spasme le relâche et il s'efforce d'apprivoiser de son mieux sa respiration. Il déglutit. Et s'éclaircit la voix dans un autre sourire, subtil d'autodérision.

« Ohh, vous savez, nous les Américains, on aime bien entrer là où il est défendu de mettre les pieds... »

Il baisse les yeux, gêné, et se retient autant que possible de s'agiter et de se dandiner sur jambes comme un môme pris en défaut par son institutrice.

Mais qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir lui raconter...? Y avait-il un quelconque mensonge qui lui épargnerait de se faire enfermer ici ou au poste de police jusqu'à ce qu'il réussisse par un moyen ou un autre à inverser l'effet Davis ? Il lui semblait que c'était ce qu'il avait fait par deux fois, mais en vérité, il n'était pas certain que ce ne soit qu'une malheureuse coïncidence. Il ne pouvait pas écarter rationnellement l'hypothèse d'être laissé en plan à la merci de toute sorte de déboires médicaux, administratifs et pécuniaires.
Un élan de lucidité le prend de court et soudain blême comme un linge, il coince sa tasse sous son bras déjà encombré de son dossier pour plonger précipitamment sa main dans la poche ventrale de son sweat. Ses doigts moites tâtonnent sur le cuir de son passeport et de son portefeuille, avec son téléphone, et ses entrailles se desserrent péniblement. Il pousse un soupir discret, mais saccadé, et emboîte le pas de la jeune femme qui suit sans doute une fois pour toutes les injonctions de son estomac et les conduit à la cafétéria du service. Son museau constellé de taches de rousseur est pourtant toujours levé vers lui avec insistance et lui cherche désespérément la meilleure façon de lui répondre et de gagner du temps.

L'idée était d'obtenir d'elle la direction de la sortie tout en ne répondant à ses questions que par d'habiles pirouettes et quelques plaisanteries – mais avec le choc et l'appréhension qu'il n'encaissait toujours pas, ce n'était pas gagné d'avance.
Alors, comme aux jours des grandes causes indéfendables, Nathan redresse fièrement sa taille dans une bonne inspiration et tâche d'oublier pour un temps quelle drôle d'allure il a, avec son vieux jogging, son sweat Biggie et ses cheveux farouchement décoiffés. Il décontracte doucement ses épaules et tourne la tête vers la petite rousse curieuse en donnant un trait complice à son sourire.

« On fourre vraiment notre nez partout, c'est terrible... » Sa voix trouve son inflexion la plus douce et conduit ses mots d'un ton onctueux qui imite de son mieux l'allure de la tranquillité. Il badine avec humour. « On passe les barrières de sécurité, on s'introduit chez nos voisins pour vider leur frigo, on vient dire aux gens comment faire leur travail, on se mêle des problèmes du monde entier. Et puis on prétend que c'est un subtil mélange d'intérêt et d'idéalisme, mais à mon humble avis, ça a tout d'une affreuse maladie... Tenez, d'ailleurs. »

Il hausse des sourcils d'un air important, en portant sa tasse de café à ses lèvres pour en prendre une gorgée – un peu tiède.

« C'est pour ça que j'ai eu l'initiative de venir à l'hôpital, vous voyez. Bon, j'ai eu le bilan aujourd'hui. Négatif. C'est incurable. »

Avec un soupir d'emphase, il roule des yeux d'un air résigné, tout en espérant au fond de lui qu'elle ne s'énerverait pas de son petit manège sous le coup de l'impatience. Ils passent devant une grande salle vitrifiée où on aperçoit des gens qui déjeunent et où d'autres font la queue à la porte. Il se mord légèrement la lèvre alors qu'ils se postent là tous les deux, elle, ses yeux sceptiques et ses traits fatigués, et lui, lourd de tout l'embarras du monde.

« Enfin, je vous prie de m'excuser, si j'avais su, je ne serais pas entré, murmure-t-il, plus poliment. Et puis... il... il n'y a rien qui vous oblige à m'inviter à manger, mademoiselle, vous savez, c'est très gentil mais je vous ai déjà causé assez de tracas et je vais très bien. En plus, je n'ai pas nécessairement faim... »
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Erynn H. Howlett


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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeMar 25 Avr - 21:15

Suite à son départ tardif du service -dont l'officialisation se fait par une signature rapide griffonnée sur la fiche des présences de la réceptionniste- Erynn s'en revient vers son invité surprise, les mains dans les poches. Plus intriguée que jamais par cet homme parachuté au bloc opératoire dans des circonstances invraisemblables, elle essaie de déduire ce qu'il fait là à travers son attitude et surtout son discours, plutôt clair et pourtant à la dangereuse limite de l'insolence. S'éclaircissant la gorge elle refuse de se laisser décontenancer et garde la tête haute malgré sa timidité, déterminée à découvrir si le sarcasme était synonyme de défiance ou de malaise.

Incapable de vraiment mettre un âge sur ce visage lisse et jeune, elle se résigne à lui donner une vingtaine trop vague à son goût. Ces yeux sombres et rieurs lui renvoient une certaine chaleur teintée de panique. Globalement l'inconnu ne lui fait pas mauvaise impression seulement comme disait l'adage de sa chère grand-mère... 'celui qui voit des visages, ne voit pas des cœurs'. Aussi elle examine silencieusement les pupilles de Nathan, remarquant une légère dilatation. De quoi trahir des émotions fortes, mais pas de quoi conclure à une prise de stupéfiants ou de médicaments. Il ne sentait pas non plus l'alcool et sa diction bien que parfois hésitante était parfaitement nette.

Sans en avoir la complète certitude elle suppose qu'il est sobre. Cependant pour ce qui est du reste Erynn ne peut refouler son scepticisme et l'inconfort éthique causé par cette infraction aux règles basiques d’hygiène, évidentes dans n'importe quel hôpital du monde. D'un autre côté elle ne peut faire taire le mauvais pressentiment qui résonne dans un coin de sa tête et lui rappelle constamment que quelque chose ne tourne pas rond. Pas rond du tout, même.
Le champ de bataille de boucles noires chaotiquement emmêlées sur la tête Nathan et le sweater littéralement 'Gangsta as fuck' tranchent avec la posture crispée d'enfant pris la main dans le pot à cookies, aussi il y a de quoi être décontenancée. Et c'était sans mentionner la situation elle-même, tout sauf ordinaire.

Cela dit ce qui la gêne par-dessus tout ce n'est pas cet audacieux choix vestimentaire. Ce n'est ni la curieuse paire de chaussettes Green Arrow, qui gagne par ailleurs sa secrète approbation; ni le contraste entre cette insouciance et la culpabilité d'un regard fuyant. En fait ce qui fait vibrer toutes les cordes tendues de son instinct aux aguets ce sont toutes ces petites choses, tous ces détails amoncelés en touches contradictoires dans une version déjà suspecte des faits.

C'est sans amusement qu'Erynn accueille le trait d'esprit de Nathan, à l'humour aussi douteux que son jeu de mots un peu plus tôt. Haussant un sourcil elle se demande s'il essaie de tester l'étendue xénophobe de sa réaction ou bien s'il pense réellement que jouer la carte de l'américain idiot lui sauvera la mise. S'il était arrivé là par erreur pourquoi ne s'excusait-il pas platement au lieu de faire le malin ? Erynn dodeline de la tête, agitant ses cheveux qui flottent à moitié suite au port de la toque.
Suite au discours brouillon sur leur vision du monde et à l'habile changement de sujet, Erynn garde les mains dans les poches dans un sourire aimable. Son expression se radoucit et sa posture a perdu de sa sévérité depuis qu'elle a quitté le bloc, mais son regard est emprunt de méfiance sous ses longs cils roux. D'ailleurs quand il lui parle de diagnostic incurable elle a toutes les peines de monde à comprendre s'il est sérieux ou s'il parle toujours de sa drôle de métaphore. Jouant le jeu de façon à voir comment il emploie son propre baratin sur le long terme, Erynn lui montre le couloir menant à la cafétéria d'un geste du bras. Pendant qu'il avance elle glisse un regard en arrière, se rassurant en se disant qu'un vigile attendrait à la sortie de l'hôpital avec l'ordre de barrer toute personne avec le signalement de Nathan. Simple précaution au cas où il serait en fait un fou dangereux malencontreusement en liberté.

« Excuses acceptées. J'espère que vous ne recommencerez pas et à l'avenir si vous avez besoin de trouver un service précis, adressez-vous à la réception. Hmm sinon dites-moi, vous avez conduit récemment ? »

C'était hautement improbable, néanmoins il n'était pas exclu qu'il soit le conducteur qui avait renversé la gamine plus tôt dans la journée. Un touriste imprudent pris de remords suite à l'accident, peut être ? Sans réel désir de jouer les détectives privés, Erynn voulait avoir une idée d'où elle mettait les pieds avant de faire intervenir la police, d'autant plus qu'on l'appellerait sûrement à témoigner pour raconter cette arrivée en grande pompe. Dans le pire des cas elle confierait l'étranger à Yongbin pour pouvoir se reposer... mais sa conscience lui dictait de d'abord donner à l'inconnu une chance de s'expliquer sans l'intermédiaire d'un de ces interprètes bon marché engagés par la police.

Ouvrant la porte de son bras droit, Erynn l'encourage à entrer malgré ses réticences et d'un regard à la ronde elle trouve une table libre. L'endroit est occupé sans être bondé, l'heure des visites étant bientôt terminée. Quelques familles discutent avec enthousiasme de tout et de rien, trois enfants jouent avec des figurines articulées sous la surveillance de leurs parents, dans une atmosphère vivante et légèrement bruyante, tranchant avec la blancheur silencieuse des couloirs. D'un soupir Erynn désigne un siège de la tête, en attitude polie mais ferme de la maman qui convainc son fils turbulent de rester tranquille au moins quelques minutes.

« Je sais pas vous... mais si je mange pas je vais devenir encore plus grognon que je ne le suis déjà après des heures d'intervention et je crois pas que ce soit dans votre intérêt de me voir dans cet état là. Alors installez-vous confortablement et attendez sagement que je revienne, d'accord ? J'en ai pas pour longtemps, promis. »

Acquiesçant comme pour se donner du courage et avoir l'assentiment de Nathan, Erynn fait la queue pendant une paire de minutes, s'impatientant de la lenteur de la jeune femme devant elle en tapotant des doigts sur le comptoir. Toutefois elle garde constamment Nathan à l’œil, de peur qu'il se fasse la malle en douce. Du coin de l'oeil, même pendant la commande du repas elle aperçoit deux des garnements dans les cinq ans tout mouillés qui se prennent d'une grande curiosité envers l'américain. Le plus rondouillard lui tend ses jouets et baragouine quelque chose tandis que l'autre, plus agile, essaie de monter le long de sa jambe comme une petite araignée teigneuse, clairement décidée à battre son record d'escalade.

Enfin elle revient vers lui avec un plateau dans les mains -en vérité assez de nourriture pour quatre- et le pose précautionneusement sur la table. Surprise et amusée elle l'observe en proie aux deux enfants qui se battent vaillamment pour son attention, de derrière les effluves parfumées de leurs thés. Se mordant la lèvre pour ne pas rire, elle s'installe en face de lui tout en faisant bien attention que personne ne se brûle.
Ce n'était pas un repas de rois et comme dans tout hôpital ici tout était équilibré et sans sel ou épices mais au moins cela saurait satisfaire les caprices de son estomac. Plein de petits bols de différents légumes marinés, salade et riz constellaient le plateau, alors que deux plats de nouilles sautées au crabe fumaient au centre. À cette vue son ventre émit une plainte de baleine en agonie qui la fit rougir jusqu'aux oreilles. Une paire de baguettes en plastique dans une main, elle tendit précipitamment l'autre vers Nathan comme pour mieux le distraire de ce moment honteux.

« Erynn Howlett, neurochirugien. Et mister Green Arrow, il a un alias ? »

Elle avait bien envie de lui poser tout un tas d'autres questions mais les réponses devraient attendre. Visiblement il fallait y aller en douceur pour tirer des informations de monsieur chocolat.

« J'ai vous ai pris un thé et de quoi manger au cas où vous avez changé d'avis... Sinon, hé bien je me sacrifierai. »
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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeMer 10 Mai - 0:51

Nathan ne sait plus très bien comment il a pu se laisser entraîner dans cette cafétéria dont la rumeur indistincte l'assomme au creux de la chaise où cette autoritaire chirurgienne l'a fait s'asseoir. Il avait à peine eu le temps de s'étonner de sa question et de glisser avec circonspection un « Non... ? Enfin... Je fais beaucoup de vélo... » qui s'était fait minuscule de honte au fond de sa gorge. Il avait échoué quatre fois à passer son permis de conduire depuis l'âge de seize ans et il goûtait fort peu à l'envie de le crier sur tous les toits.
En même temps, c'était une drôle de colle qu'elle lui avait posée, et très abruptement en plus. Le lien immédiat avec sa situation lui échappe tout à fait pour le moment, mais après tout, il a des préoccupations un peu plus urgentes à résoudre.

A l'évidence, cette femme avait décidé de lui coller aux basques jusqu'à obtenir une réponse satisfaisante. Malheureusement pour elle – et surtout pour lui – il n'était pas en mesure de lui en fournir et le meilleur qu'il avait encore à faire était de lui fausser compagnie le plus tôt possible. Tout à l'heure, il avait fait son poltron et il avait minablement raté sa chance, alors que maintenant qu'il y pensait, il suffisait sans doute de descendre tous les escaliers qu'il rencontrerait sur son chemin jusqu'au rez-de-chaussée. Ensuite, eh bien, il sortirait de là et il partirait s'acheter de quoi passer inaperçu en ville. A commencer par une paire de chaussures.
Il fixe d'un regard piteux le bout de ses chaussettes vertes et serre ses lèvres en se concentrant sur son effort de volonté. La demoiselle un peu trop curieuse reviendrait bientôt, et il la planterait là devant son déjeuner avec la courtoisie la plus ferme du monde. C'était ce qu'il devait faire.

Il prend une inspiration décidée et c'est à ce moment-là qu'un petit bolide entre en brutale collision avec sa chaise, avant de s'étaler par terre de tout son long. Presque choqué par cette intrusion dans ses pensées déjà fébriles, Nathan bondit sur ses pieds avant de réaliser que ce n'est qu'un marmot armé de figurines articulées qui tente de se relever gauchement sur ses jambes potelées. Frappé d'attendrissement aussi soudainement qu'il l'avait été de surprise, il s'approche doucement du petit garçon et l'aide délicatement à se relever. A son grand soulagement, l'enfant ne braille pas, ses yeux ne sont pas même rougis et il vient s'accrocher à sa jambe en babillant comme un canari. Déconcerté, Nathan se laisse tomber sur sa chaise, mais le môme se cramponne à son genou pour essayer de s'y hisser avec ténacité. Les gosses, à cet âge-là, ça devait être fait de caoutchouc, de chewing-gum ou de marshmallow, ça pouvait rebondir partout sans un pleur et faire cent contorsions incompréhensibles sans en souffrir.
Bientôt, alors que Nathan grimace et essaie tant bien que mal de se dépêtrer des bras et jambes de ce petit être bien collant, son compagnon qui jouait avec lui quelques minutes plus tôt vient à leur rencontre et commence à lui agiter ses propres figurines sous le nez, en pépiant à qui mieux-mieux.

Splendide.

Dans un très gros soupir, il se laisse doucement choir contre le dossier de sa chaise, cerné par les piaillements surexcités de ses deux assaillants. Finalement, il accepte péniblement sa défaite – ainsi que l’empiétement définitif de l'ennemi sur son espace vital – et hisse le petit écureuil sur ses genoux pour qu'il puisse faire balader ses jouets sur la table.
Il aurait bien aimé comprendre ce qui plaisait à ce point aux mômes, chez lui, parce qu'à son grand dam, il les attirait comme des mouches à miel. Quand c'était sa filleule et ses copains, il savait s'en accommoder et se pliait même de très bonne grâce à leurs jeux, mais quand ils ne les connaissaient pas, quand ils l'empêchaient de finir un travail important ou même quand une téléportation l'emportait au milieu de la nuit à l'autre bout du globe... ça pouvait devenir un poil fatiguant !
Si c'était seulement possible de faire avec eux comme avec les chats turbulents et leur vaporiser quelques 'pchit' sur le museau pour les calmer... Mais la dernière fois qu'il l'avait proposé à Ruby – l'ex-femme de son frère – elle s'était scandalisée et il n'était pas sûr d'avoir très bien compris pourquoi. Les 'pchit' avaient toujours été remarquablement efficaces avec Léo, dans le temps. Encore aujourd'hui, en fait. Il était aussi difficile d'avoir une discussion construite et argumentée avec lui qu'avec les enfants, parfois. Un coup de spray pour lunettes sur la poire l'aidait à revenir sur le droit chemin – sans doute l'effet de surprise, qui désamorçait radicalement ses montées de colère.

Heureusement pour ces garçons, Nathan n'avait pas de vaporisateur sur lui. Ils auraient pu se mettre à friser... Et leurs parents lui auraient fait la même scène que Ruby.

Et malheureusement pour lui, la jeune chirurgienne est revenue à leur table, les bras chargés d'un plateau repas et de tasses de thé. Il se mord la lèvre, un peu embarrassé par toutes ces attentions qu'il devine destinées à l'amadouer. Même avec le meilleur esprit du monde, cette jeune femme n'était pas guidée par une pure philanthropie : elle avait des questions, quoi qu'elle se retenait encore de les lui reposer. Et, une bonne fois pour toutes, il n'avait pas de réponse.

L'apostrophe qu'elle lui réserve, cependant, parvient à bouter instantanément l'irritation qui commençait à le gagner, et un sourire surpris fait irruption sur les lèvres de Nathan. Il retient un petit rire d'étonnement, puis glisse un regard vers ses chaussettes qui pourtant n'affichent que discrètement le « G » fléché de Green Arrow. Il frotte ses pieds l'un contre l'autre, de plus en plus mis à l'épreuve par l'astuce de ce docteur Howlett, qui visiblement ne portait pas par hasard sa toque aux emblèmes de Batman...

« Les alias ne sont pas censés rester secrets, dans le métier... ? »

Il lève un sourcil, les yeux brillants d'une nouvelle complicité, et secoue la tête en les baissant vers le contenu du plateau de sa voisine de table avec une petite pointe de réserve. Après tout, cette tactique était bien trop commode et surtout bien trop attendue. Enfin, tout de même, il ne pouvait pas se permettre de tomber dans le panneau...

« Enfin, pff. »

Non, décidément, c'est déloyal. Il ne peut s'empêcher plus longtemps de pouffer. Étouffant un petit rire contre le dos de sa main, il relève un museau amusé vers l'habile renarde dont le regard pétille de perspicacité. Il plante ses dents dans sa lèvre inférieure pour éviter de prolonger cet embarras mais abdique malgré tout, trop tenté de filer la métaphore :

« Vous n'avez pas l'air de partager grand-chose avec Deathstroke et... d'après votre patronyme, nous ne venons même pas du même univers, de toute façon, alors je crois que je peux me le permettre. » Il s'autorise l'esquisse d'une mine conspiratrice, en la laissant démêler seule la subtilité hautement littéraire de son propos... Et il incline poliment du chef. « Nathan Weathers. Avocat pénaliste. »

C'était monstrueux comme les comics pouvaient faire de lui un être si aisément manipulable. Dieu merci, il en avait encore assez conscience pour retourner ce semblant de trêve à son avantage...
Il attrape le petit assis sur ses genoux, qui a commencé à se tortiller pour jouer à percuter sa figurine contre celle de son copain, et le repose précautionneusement par terre de sorte qu'il puisse s'agiter autant qu'il le souhaite, sans nuire à ce qu'il allait devoir annoncer à la jeune femme.

« Écoutez hm... Docteur Howlett... » Il se racle la gorge et baisse la tête avec sérieux, tout en plantant ses deux yeux, brillants derrière ses larges lunettes comme deux perles noires, dans les siens. « Je me doute que ça a l'air d'une situation louche, comme ça, et que vous pensez que c'est de votre responsabilité de vérifier que je ne suis pas un fou dangereux. C'est très dévoué et prudent de votre part, mais je ne peux vraiment pas rester ici. Il faut que je rentre chez moi. Vous n'avez de toute façon pas le pouvoir de me retenir contre ma volonté dans cet hôpital, à moins qu'une loi en Corée ne vous y autorise, mais cela m'étonnerait. Cela m'ennuierait par ailleurs de devoir mêler l'ambassade américaine à nos affaires... »

Il incline légèrement la tête pour darder sur elle un regard luisant de sérieux, au centre d'une petite moue dont la contrition se mêle adroitement au triomphe. Il la destinait d'ordinaire à ses pairs en audience, qui commettaient de tristes impairs ou dont les arguments s'avéraient insuffisants, mais au fond, elle était valable pour n'importe quelle joute psychologique. Il redresse ses larges lunettes sur son nez et étire à son tour sur ses lèvres un petit sourire de renard.
Si ce bon docteur était tenté de le faire pourchasser par les vigiles, cette mention le refroidirait peut-être. Il avait ses papiers, de toute façon. A vrai dire, il n'était pas au fait des exigences sud-coréennes concernant les visas, mais avec un peu de chance, cette tentative d'intimidation saurait lui épargner tout revers auprès des autorités... à compter qu'elles décident de se déplacer pour un pauvre va-nu-pieds et sa tasse de café, si jamais on les appelait. La sécurité, quant à elle, ne serait en droit de rien à son égard, sinon de le jeter dehors. Il n'avait commis aucun délit à sa connaissance, et dans tous les cas, déroger au règlement privé d'une clinique valait rarement d'être envoyé en garde-à-vue. Tout au plus pourraient-ils porter plainte, s'il y avait lieu de le faire.
Et encore. Il faudrait trouver la foi de le poursuivre jusqu'en Pennsylvanie. C'était ridicule.
Et que s'attendaient-ils qu'il leur dise ? Qu'il s'était perdu et que la sécurité de cet hôpital laissait tant à désirer que n'importe qui pouvait par hasard entrer dans une zone à accès restreint sans être arrêté ? Non, mais, vraiment.

Quoi qu'il en soit, il ne veut pas laisser le temps, ni le loisir à Erynn de répliquer, alors il repousse élégamment sa chaise en arrière et se relève d'un mouvement sans équivoque. Puis il s'éclaircit la voix et reprend aussitôt la parole, en attrapant son portefeuille dans la poche centrale de son sweat Biggie et en y extirpant une carte de visite aux reflets métallisés.

« Si l'hôpital a quelque chose à me réclamer, voici ma carte. »

Il la glisse d'un geste fluide vers la jeune femme. Après tout, s'il avait causé le moindre tort à cette jeune fille qu'il avait vue sur le billard, il aurait trop de remords de ne pas en répondre. Puis, il rassemble rapidement ses affaires entre ses mains, avant de lever vers elle une mine plus sérieuse que jamais.

« Je suis encore sincèrement navré d'avoir interrompu votre opération et je souhaite le meilleur à votre patiente. Bon appétit... Wolverine M. D. » Il y ajoute un dernier sourire de connivence, et même un clin d’œil furtif pour la route. « Merci encore pour votre aide et votre générosité. »

Là-dessus, il tourne les talons avec toute la distinction d'une diva en pyjama et prend hardiment le chemin de la sortie de la cafétéria.

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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeJeu 15 Juin - 1:37

« Vaut mieux éviter d'afficher son identité secrète sur ses chaussettes quand on essaie de passer inaperçu... »

Erynn se laisse contaminer par le rire de l'américain et sourit aussi, quoi qu'avec une certaine réserve. Elle est assez surprise que son commentaire ait réussi à le dérider là où la politesse et le repas ont apparemment échoué. Là encore, pour elle tenter de gagner la sympathie d'un inconnu revient un peu à compter avec l'aléatoire de la loterie,... et comme d'habitude son manque de chance et d'expérience ne manque pas de rendre les choses plus difficiles.
Cela dit si la jeune femme n'a pas offert le repas par simple bonté d'âme, elle n'a aucun désir calculateur de rentrer dans ses bonnes grâces non plus. En réalité une faim lancinante comprime son estomac qui commence à lui faire de plus en plus mal, alors c'est le pragmatisme et ses besoins primaires qui avaient parlé plus fort.
D'ailleurs une fois le plateau disposé au centre de la table elle ne se fait pas prier et attaque son assiette à une vitesse effarante pour une femme de son gabarit. Les nouilles se font engloutir dans un léger bruit caractéristique alors qu'elle les fait habilement danser autour de ses baguettes, et s'il lui arrive de parfois lever le nez pour s'assurer que son invité surprise n'a pas secrètement pioché la carte sortie de prison, c'est pour mieux picorer en alternance entre le bol de kimchi et celui de concombres marinés.

Heureusement monsieur Arrow se fait prendre en otage par deux garnements fort curieux et n'a semble-t-il pas trop le cœur de se libérer avec brusquerie. Avec soulagement elle l'observe à moitié de derrière ses lunettes rondes, accueillant les traits d'esprit avec un peu moins de sévérité malgré le scepticisme.
L'hôpital ne fait pas dans la cuisine de haut vol mais il reste plaisant de sentir la chaleur et l'énergie lui revenir bouchée après bouchée, après des heures de tension pendant lesquelles une petite distraction pouvait avoir des conséquences désastreuses. Erynn mâchonne avec plaisir un bout de crabe dans un léger bruit d'appréciation, savourant autant la nourriture que sa pause bien méritée. Si méritée que même échanger quelques plaisanteries avec un inconnu ne lui parait plus si insurmontable.
Ses doigts s'enroulent autour du verre de thé alors qu'elle lève le regard vers l'homme qui ne lui avait toujours pas livré son identité.

« Je n'ai pas l'étoffe d'un tueur à gages ou d'un tireur d'élite mais un crossover arrive plus vite qu'on ne le croit, manifestement. » Son sourcil se hausse dans un mélange d'amusement et de sérieux. Elle porte le verre à ses lèvres une fois qu'il accepte enfin de lui donner un nom et un semblant de contexte. Naturellement son sourire se charge de sarcasme et ses yeux oscillent entre le visage de son interlocuteur et l'accroche provocatrice de son vêtement. Un avocat gangster c'était innovateur... à supposer que ce ne soit pas un mensonge.

D'autre part si la menace sous-jacente de recourir à l'ambassade américaine ne lui plaît pas, elle marque hélas un point pour lui en ce qui concerne la procédure. Ce genre de circonstances même loufoques ne lui permettait pas de retenir Nathan contre son gré, ou du moins pas sans recourir à d'autres moyens tordus. En outre ce discours fuyant est logique et rondement mené... d'une argumentation solide et assurée qui renforce le sentiment qu'il a dit vrai concernant son métier.
Cela dit Erynn est plus intriguée à chaque minute qui passe, confuse sur le vrai motif de sa présence à l'hôpital. Pour quelle raison aurait-il donc joué les plus malins et risqué des ennuis plus sérieux alors qu'ils aurait pu jouer franc-jeu dès le départ ? Ça lui parait complètement insensé, mais c'était sans doute parce qu'elle avait fini par adapter la rigidité coréenne en ce qui concerne les règlements. Officiellement. Du moins la plupart du temps.

Néanmoins ce petit air de défi triomphant dans ses yeux sombres éveille chez elle une envie impulsive de contre-attaquer pour avoir le dernier mot, quitte à se montrer intraitable. D'un autre côté si cet anglophone est aussi limité qu'il ne parait par la barrière de la langue, il est improbable qu'il arrive à se débrouiller seul dans les rues de Séoul. La rouquine fronce le nez et joue avec ses mains dont elle ne sait que faire, pensive. Notant de légères rougeurs elle frotte ses paumes contre ses cuisses, se demandant si elle faisait une légère réaction allergique aux gants chirurgicaux. Qu'importe.
Un coup de fil à la police pourrait apaiser sa conscience et lui offrir la certitude de ne pas laisser un taré en liberté,... elle pourrait aisément trouver le sujet phare capable de le retenir plusieurs heures voire plusieurs jours. Et au pire s'il n'avait rien à se reprocher et bien cela ne devrait pas poser trop de problèmes et il serait relâché avec de plates excuses.

En tout cas les forces de l'ordre n'hésiteraient pas un instant à le retenir si un médecin faisait part de ses soupçons concernant une prise de substances illicites. Dans ce cas-là la loi sud-coréenne prévoyait un test obligatoire avec analyse des cheveux, ce qui pourrait détecter une prise de drogues remontant jusqu'à trois ans. D'ailleurs en y pensant, c'était fou de se rendre compte à quel point la Corée se montrait dure sur ce sujet, alors que paradoxalement d'autres crimes ne donnaient pas lieu à des sentences aussi lourdes.
Quoi qu'il en soit les étrangers n'échappaient pas à cette intransigeance et le fait que la prise de certaines drogues soit légale dans leurs pays d'origine ne pourrait rien pour eux non plus. Puis franchement en s'en tenant aux faits... un étranger qui ne parle pas la langue, perdu à l'autre bout du monde, déboulant les yeux gros comme des soucoupes et pieds nus dans un lieu public c'était légitimement... au mieux insolite, au pire carrément louche.

Posant calmement ses baguettes à côté de son assiette, Erynn accepte la carte qui lui est tendue et l'inspecte avec attention avant de la glisser dans sa poche, sans faire de commentaires. Nathan avait cessé de se comporter comme un criminel en fuite et c'était un changement rassurant que de pouvoir poser un cadre et un nom sur un visage. Tout bien considéré, est-ce que ça valait la peine de lui pourrir la vie par pur excès de zèle, sans même être sûre qu'il avait fait quelque chose de répréhensible autre que débouler au bloc en plein milieu d'une intervention ?
Soupirant longuement la demoiselle grimace un peu, assez tiraillée. Quelque chose ne colle toujours pas dans l'attitude de l'américain et elle a la ferme intuition qu'il lui cache quelque chose d'important, mais d'un autre côté elle se voit difficilement aller jusqu'au bout de sa méfiance. Aussi elle se résigne à se montrer tolérante, au moins pour aujourd'hui. Jetant un dernier regard plein de regret à son repas encore tiède, elle se lève et l'interpelle.

« Attendez. »
Sa chaise recule en raclant sur le sol, un peu brusquement. Néanmoins c'est un vertige soudain qui la fait s'appuyer sur la table dans un équilibre précaire. Un peu gênée de se sentir aussi faible physiquement, elle a une pensée pour le docteur An et son expression inquiète, puis se  redresse bien vite en simulant avoir juste trébuché. « Je vais vous conduire à la sortie car je doute que vous trouviez votre chemin tout seul. » Erynn parcourt son front de la main, prise d'une sueur froide et une migraine qui vibre par intermittence sur les côtés de son crâne. Elle n'allait quand même pas perdre connaissance après avoir mangé, si ? Secouant la tête pour chasser cette pensée, elle s'approche de Nathan, pâle comme un fantôme. « Suivez-moi, c'est par ici. »

Déglutissant pour temporiser, la jeune femme compte jusqu'à cinq dans sa tête et jette un coup d’œil nerveux à son smartphone de travail. L'écran n'indique rien de particulier mais ce réflexe naturel a un je ne sais quoi de rassurant. Ses mains tremblent visiblement et les lignes bleutées de ses veines apparentes strient sa peau blanche comme un éclair déchire le ciel. Un inconfort grandissant remonte le long de ses doigts et bientôt ses mains lui démangent. Ne sachant quoi faire elle les ferme compulsivement et les laisse retomber le long du corps, dans le fol espoir de ne pas attirer l'attention. Sa respiration se bloque dans sa poitrine en un léger sifflement entre ses dents. La douleur monte encore et encore, à tel point qu'elle ne peut plus retenir une plainte suivie d'une grimace. Perdue, elle ne sait que faire... seulement son instinct lui dit de fuir.

« Tout compte fait, je vais partir devant. Wolverine M.D. A besoin de prendre l'air, et ça ne peut pas attendre. » Amère, elle sourit d'un air désolé et tendu de douleur... puis sans se faire prier elle part devant au pas de semi-course, abandonnant derrière elle un Nathan fort confus et un déjeuner froid.

À toute vitesse elle se précipite à travers les portes de la cafétéria, prend à gauche sur un couloir en évitant in extremis un couple qui marche en sens inverse, le cœur battant à tout rompre. Sa tête bourdonne, un sifflement horrible résonne dans son oreille interne et l'empêche de réfléchir clairement.
Épouvantée, Erynn accélère autant qu'elle le peut sans s'étaler de tout son long, parcourt un grand couloir de bout en bout et sans douceur fout un coup d'épaule à la porte anti-incendie, déboulant enfin à l'air libre, cahin-caha. Il s'agit d'une sortie de secours non indiquée au public qui donne sur une petite allée déserte, un endroit où le personnel hospitalier et autres ambulanciers s'éclipsaient souvent pour fumer ou se couper du travail.


« Putain, qu'est-ce qui m'arrive ? » L'heure n'était pas vraiment à la poésie, pas quand tenir debout devenait un effort constant.

Son regard observe à droite et à gauche puis enfin lorsqu'elle constate qu'il n'y a personne, elle s'adosse lourdement au mur le plus proche. Un grognement de douleur remonte dans sa poitrine et vibre étrangement, si rauque et profond qu'elle ne reconnaît pas sa propre voix.  
Ses yeux sont braqués sur ses mains, deux bouts de chair rougis et méconnaissables, flétris comme les mains d'une octogénaire qui se serait ébouillantée en préparant son thé. Erynn panique et son regard papillonne, horrifié. Sur ses membres déformés d'abord, sur ses environs de peur de se faire surprendre ensuite, pour enfin retourner au déchirement qui devient si intense qu'il lui vole toute capacité de s'exprimer de façon intelligible. Bientôt la brûlure se fait effacer par une sensation plus violente encore, celle de ses os qui se mettent en mouvement de façon tout sauf naturelle.

Ses doigts se crispent d'eux-mêmes en spasmes bizarres et réguliers, alors que ses poignets se tordent lentement à cent quatre-vingt degrés dans un craquement.  Erynn crie, s'étouffe avec le peu d'air qui reste dans ses poumons, puis se ravise dans une étincelle de raison te se mord la lèvre jusqu'au sang à défaut de pouvoir se recouvrir la bouche.
Tout son être la pousse à demander à l'aide, à faire quelque chose, n'importe quoi qui puisse arrêter ce qu'elle est en train de vivre. Le rationnel se fait dévorer par l'urgence, seulement la peur parle encore plus fort. Tout ça n'a rien d'un malaise normal, elle le sait. Alors comment pourrait-elle expliquer à un urgentiste que ses poignets se sont manifestement brisés sans qu'elle fasse quoi que ce soit ? Sans parler du fait qu'elle puisse encore bouger ses doigts et maintenir sa sensibilité normale. Cela n'a pas le moindre sens, c'est un doigt levé à toutes les lois anatomiques connues...

Épuisée et à bout, Erynn se laisse retomber sur les fesses entre deux bennes à ordures, le regard planté sur la monstruosité enfin immobile au bout de ses bras. Haletante et au bord de la crise de larmes, elle renifle et ferme les yeux à demi pour combattre l'envie de se laisser aller. Pas une seule goutte de sang, pas une seule blessure ouverte de visible. En apparence tout est normal si l'on ignore la blancheur presque transparente de sa peau ridée... si ce n'est que la paume et le dos de ses mains se sont complètement inversés.
Posant ces choses tremblantes et et étranges sur ses genoux, elle ferme les yeux et s'accorde quelques secondes pour supporter le changement. Son téléphone se met alors à sonner comme un dératé depuis la poche de sa blouse, beuglant un appel d'urgence auquel elle ne pouvait même pas répondre... En fait elle ne pouvait même pas s'en servir pour appeler ses collègues si jamais cette drôle de condition venait à dégénérer et répandre au reste de son corps. Une sueur froide lui parcourt l'échine quand elle réalise qu'elle pourrait tout à coup mourir, seule dans une ruelle donnant sur l'hôpital.

« Non je... veux pas. Je veux pas mourir. »
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Nathan Weathers


Nathan Weathers

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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeLun 19 Juin - 23:51

En fin de compte, c’est sa geôlière qui finit par prendre ses jambes à son cou. Ç’avait été très subit et malgré les meilleures résolutions qu’elle venait de prendre à son égard, elle s’était éclipsé apparemment sous le coup d’un malaise fulgurant. Il avait bien vu qu’elle tenait mal sur ses jambes lorsqu’elle s’était levée, ou que sa figure déjà pâlotte était devenue comme livide de douleur.
Peut-être était-ce un malaise vagal ? D’après ce qu’il avait compris, elle avait des heures d’intervention dans les pattes, ce n’était pas inenvisageable. Enfin, cela échappait tout à fait à sa déduction, mais il était assez évident qu’une sorte de souffrance l’avait frappée très violemment, tout à coup, et cela préoccupe Nathan plus qu’il ne saurait le dire, planté au beau milieu du couloir aseptisé de l’hôpital, après l’avoir suivie tandis qu’elle se ruait hors de la cafétéria.
Oui, bien entendu, ils se trouvaient actuellement dans l’endroit le plus approprié pour se sentir mal et si elle avait un problème, elle se retrouverait aussitôt encerclée d’infirmiers inquiets et compétents, mais un sentiment de culpabilité emmêlé d’alarme le retient encore là quelques instants.

Et puis, en prenant une profonde inspiration, il s’insurge avec agacement contre cette petite voix nasillarde qui bourdonne dans son oreille qu’il ne va pas tarder à le regretter et n’écoutant plus que son souci, il se met à son tour en chemin. Il prend à gauche, comme elle l’a fait, et avance prudemment dans le couloir en prenant soin de ne croiser le regard de personne, jusqu’à une porte anti-incendie qu’il avait cru entendre claquer un peu plus tôt. Les bras toujours chargés de ses affaires, il se retourne et donne un petit coup de hanche dans la porte qui suffit à la décoller et à l’ouvrir à son grand effarement sur l’extérieur. Un petit courant d’air frais le cueille et il cligne des yeux en considérant qu’il avait été bien sot de se monter de pareilles stratégies d’évasion quand il aurait suffi de prendre la première sortie.
Mais il perçoit bientôt quelques reniflements saccadés – ceux qui précèdent d’ordinaire les sanglots – et il en cherche la provenance avec sollicitude.

« Docteur… ? » lance-t-il, d’une voix qui résonne avec embarras dans la ruelle. « Vous allez bien ? Vous savez, je ne suis pas… si pressé… Si je peux vous être d’un secours quelconque… »

Il progresse prudemment dans l’allée, avant de tomber sur la silhouette frêle et recroquevillée de la jeune femme, cachée entre deux bennes à ordures. Un léger « oh » se forme sur ses lèvres et il reste interdit un moment, avant de se décider à poser son manuscrit et sa tasse sur le couvercle d’une poubelle et de s’enquérir de son état avec un trouble plus vif. A première vue, ce n’était pas de la rigolade. Noyée sous une cascade de cheveux roux, la figure affligée du docteur dissimule mal ses deux grands yeux au bord des larmes et une crispation de mâchoire qui trahit le contrecoup d'une terrible émotion. Elle semble bouleversée.

« Hm… Erynn, c’est bien ça… ? Je… je vais m’approcher de vous, ne vous en faites pas… C’est… pour vous aider. »

Il s’avance dans la ruelle pour la rejoindre à pas lents, dans l’ombre de la gigantesque bâtisse et sous le morceau de ciel limpide qu’un mois de mars clément a accroché au-dessus de leurs têtes. C’est comme tenter d’approcher un animal que la détresse a effarouché. En le quittant si précipitamment, elle avait manifestement voulu s’isoler. Il n’avait rien à faire ici et elle pouvait tout à fait repousser brutalement son intrusion. Seulement, l’étrange inclination de ses mains, qu’elle cache entre ses genoux, et la pâleur extrême de son teint font penser à Nathan qu’elle s’est blessée d’une façon ou d’une autre – et il ne la laisserait pas en plan ici si c’était le cas.

« Laissez-moi voir, s’il vous plaît... J’ai été interne… Il y a quelques années. Je ne vais pas faire n’importe quoi, du moins, alors vous pouvez vous détendre… » Il s’assied tout aussi lentement sur ses chevilles, puis sur ses genoux, comblant peu à peu la distance qui les sépare.  « Chhht… Voilà, laissez-vous faire… doucement… »

Avec toute la précaution dont il est capable, il recueille la petite main meurtrie de la jeune femme entre les siennes et l’examine d’un œil extrêmement consciencieux, derrière ses lunettes en fausses écailles de tortue. C’est… un cas vraiment très curieux… La peau est incompréhensiblement fripée sous ses doigts, comme si elle avait été frappée d’une sénilité fulgurante – et ça ne pouvait être ni l’œuvre d’une mystérieuse maladie de peau, ni une réaction allergène normale, ni même l’effet d’une brûlure. En fait, c’était simplement aberrant.
Un frisson parcourt l’échine de Nathan, tandis qu’un tic nerveux lui agite l’œil. Les poignets du docteur sont sinistrement retournés, mais il ne trouve pas la moindre trace d’hématomes qui fassent état d’une fracture. L’appréhension le saisit au ventre, et il se pince les lèvres, pour retenir toute expression de répulsion de venir se plaquer sur son visage. Il perd quelques couleurs, toutefois, pendant qu’un sentiment atrocement familier revient peser au fond de ses tripes, toujours aussi nauséabond depuis qu’il avait pris conscience de la monstruosité sans nom de certains phénomènes qui étendaient leur empire sur ce monde.

« Arrêtez-moi si je vous fais mal… »

Sa voix est faible, sa gorge désagréablement contractée. Quelques gouttes de sueur froide perlent sur son front. Il palpe, étudie délicatement les doigts diaphanes de la chirurgienne et fait l’inventaire méticuleux de ses articulations, en vérifiant sa mine de temps à autre, mais il ne repère aucune cassure et elle n’a pas l’air d’éprouver d’élancement particulier, malgré son teint cireux et ses yeux à la fois vagues et fixes. En fait, ces articulations sont parfaitement fonctionnelles. Ses doigts remuent, parfois secoués de légers spasmes, et pourtant dans un ordre impeccable. Sauf que cet ordre n’a rien d’un fruit normal de la nature. Avec une torsion pareille, les nerfs ne devaient pas permettre à ses doigts de remuer. C’était impensable. Nathan commence à agiter la tête avec angoisse.
Et quel rapport avec son malaise de tout à l'heure... ?

« Okay, alors… c’est… c’est vraiment très bizarre parce que ce n’est juste pas censé… bouger ? »

Tu parles, Einstein.
Le poignet était nécessairement cassé, alors pourquoi tout ce chantier fonctionnait-il encore ? Poussé par le besoin très pressant d’en avoir le cœur net, Nathan s’en va tâtonner sur les contours de son articulation médio-carpienne et la manipule avec un vertige presque nauséeux. Ces simples examens ne permettraient absolument pas d’expliquer ce qui pouvait bien se passer là-dedans pour qu’Erynn soit encore capable de contrôler le mouvement de ses mains, mais du bout des doigts, il trouve et suit certaines pistes étonnantes qui multiplient autant de points d’interrogation dans son esprit.
Il aimerait avoir encore au fond de lui assez de ce bon vieux sens commun si tenace et si confiant qui l’encouragerait à rationaliser cette anomalie jusqu’à ce que son fonctionnement devienne à ses yeux clair comme du cristal. Mais il venait de se téléporter dans une salle d’opération, aujourd’hui. Autant dire que le sens commun, il ne savait plus très bien quoi en faire. Certains jours, la moindre rencontre intellectuelle qu’il ne comprenait pas au premier abord lui faisait la sensation de ne pas pouvoir être comprise du tout. Le monde était devenu une immensité informe et parfaitement inhumaine au regard de Nathan. Tout prenait soudain pour lui un goût étranger. Et on avait beau avoir l’esprit d’aventure, cela demeurait une expérience particulièrement terrifiante.
 
« Comment c’est possible que… ? Pourquoi ce n’est pas… cassé ?? » Il s’interrompt brusquement, estomaqué, et se mord très fort la langue pour retenir d’autres éclats de voix scandalisés. « C’est le bazar, là-dedans, vos nerfs et vos articulations ont l’air de… Comment dire. C’est comme si... tout s’était brisé, croisé et ressoudé à l’envers. »

Maintenant qu’il s’entend, ça ne fait juste aucun sens, alors il rougit très brusquement sous le nez de la neurochirurgienne. Elle le prendrait sûrement encore pour un allumé, mais c’est bien vrai, ce qu’il dit. Ses manipulations sont assez sûres et précises pour ne pas laisser place au doute. Le seul bémol, c’est ce qui se passe là-dessous – et l’impossibilité nette du diagnostic qui en découlait. Aussi Nathan reste-t-il très songeur de longs instants, parcourant des doigts encore et encore le poignet de ce pauvre docteur. Et puis il finit par relever la tête et la contemple très sérieusement.

« Écoutez, l’hôpital est juste là, on va trouver quelqu’un pour vous aider. Il faut vous faire observer par un spécialiste… parce que… » Un sourire crispé lui barre tout à coup le visage, et un rire fébrile vient lui gratter âprement la gorge. « Si ça se trouve, je me plante complètement, haha... C’est que… J’aimais bien l’orthopédie, mais je ne suis pas allé assez loin pour… Bref. »

Il secoue la tête et tue dans l’œuf cette tentative de bavardage stupide que lui soufflait sa nervosité.
Une chose était sûre, en tout cas : il n’aurait jamais pu être traumatologue. Travailler en chirurgie orthopédique et en médecine rééducative l’avait beaucoup inspiré à l’époque, en revanche, être balloté d’urgence en urgence avec l’investissement émotionnel qu’il consacrait à tous ses engagements l’aurait sans doute rapidement propulsé jusqu’au burnout. Et, cependant, malgré l’humilité rassurante de ses paroles, il est tout à fait convaincu en son fort intérieur que ce poignet était cassé et que le meilleur chirurgien au monde n’avait certainement jamais rien vu de tel.  
C’est pourquoi il ne propose pas tout de suite d’aide à Erynn pour se relever ou qu’il n’esquisse pas encore le moindre geste vers la porte de service. Il se laisse un temps de réflexion, d’autant que, bien que choquée, la blessée ne manifeste toujours pas de signe de douleur. Étant donné la violence du trauma – peu importe sa nature – il est sans doute sage de ne pas la brusquer davantage. Mieux encore, si l’état de ses poignets était encore une fois l’œuvre d’une force cabalistique, rester à l’écart des autorités ainsi que des médecins le temps que ça se calme, à son sens, c’était même d’une prudence exemplaire. Et il avait l’espoir qu’assurément la force en question cesserait d’agir au bout d’un moment, comme l’effet Davis avait l’habitude de s’inverser, ou comme le charme qui avait touché son chat, Cyrano, quelques mois plus tôt, avait fini par s’estomper. Bien sûr, le hasard faisait parfois que l’inversion de l’effet Davis ne se produisait pas, mais l’instabilité de ces phénomènes avait au moins le mérite de les rendre relativement passagers. En l’occurrence, il n’y avait plus qu’à adresser quelques prières au Ciel pour que ce soit le cas aujourd’hui pour cette malheureuse…

Il repose en douceur le poignet atrocement retourné de la jeune femme sur ses genoux et glisse une main sur son épaule pour tenter d’en atténuer peu à peu les soubresauts de panique. Puis, sans forcer les choses, il l’attire contre lui pour l’enlacer comme une mère étreint son enfant en pleurs. Il la laisse tout simplement s’abandonner contre sa poitrine, si elle le souhaite, tout en conservant un silence apaisant. Un simple soupir passe le trait serré de ses lèvres, alors qu’il berce gentiment le corps fatigué de la jeune femme entre ses bras. Il n’avait peut-être pas été urgentiste ni médecin tout court, mais il se faisait petit à petit une spécialité de voler au secours des pauvres gens que le paranormal assaillait sans vergogne. C’était peut-être un maigre soutien, mais cela valait certainement mieux que rien du tout.
Les minutes passent sans se presser. A travers la rumeur lointaine d’un grand boulevard, Nathan perçoit le vacarme désordonné qui brutalise le pouls d’Erynn, non loin de son oreille.
Le choc.

Il faisait écho au sien, à celui qu’il tentait aujourd’hui de faire taire en lissant les trémolos de sa voix, qu’il étouffait dans sa gorge et qu’il comprimait au fond de ses tripes, mais aussi à celui qui l’avait ébranlé quelques mois plus tôt, quand il avait vu Yoko apparaître brusquement sur la banquette de son bureau, ou pire quand il avait été téléporté à son tour à Paris, un beau matin de janvier.
Mais cette après-midi-là, Erynn est comme un petit lapin effrayé entre ses bras, son cœur bat vite et fort, ses mains gisent en se contractant sporadiquement sur ses jambes, et il lui semble que c’est le pire spectacle auquel ces phénomènes se sont livrés pour lui jusqu’ici. L’horreur de cet accident de voiture avorté dont Atéa s’était miraculeusement sauvée avait au fond vite trouvé son point de chute, puisqu’il était apparu dans le peu de minutes qui avaient suivi qu’elle n’avait pas été blessée. Bien sûr, Nathan avait probablement eu la peur de sa vie ce jour-là. Mais la vision de ces mains dénaturées lui soulevait un écœurement abominable dans le fond du ventre. Jusqu’où ça irait… ? Est-ce que toutes ces aberrations connaîtraient seulement une limite ?
La question qui le taraude, surtout, est la même qui lui revient fréquemment depuis ces dernières expériences. Pourquoi cela venait-il juste de se produire ? Etait-ce sa rencontre avec elle qui avait permis à cette folie rampante de se propager encore davantage ? Est-ce que quelque chose comme une contagion était vraiment en train d’opérer ici… ? Ou bien peut-être que ce n’était pas une première fois pour Erynn. Un souffle d’espoir soudain lui soulage agréablement la poitrine.
Ou alors, il était éventuellement le pire orthopédiste de la Création.

Le temps s’écoule, et puis au bout d’un moment, Nathan n’y tient plus. Il faut qu’il en ait le cœur net, à la fin. Et si jamais il faisait erreur, il était quand même temps d’amener la blessée à un praticien.

« Dites-moi… » Son murmure est prudent et mesuré, tandis qu’il cherche avec beaucoup de gravité les yeux verts luisants de la rouquine. Il tâtonne un peu. Les mots ne lui viennent pas avec autant de tact qu’il ne l’aurait espéré. « Je pourrais savoir comment vous avez fait votre compte… ? »

Ses lèvres se plissent soucieusement et son regard s’en va errer quelques secondes dans la ruelle, sans rien y trouver qui saurait expliquer qu’elle se soit fracturé les deux poignets de façon parfaitement symétrique. Il déglutit et reporte son attention sur elle.

« Ça… chuchote-t-il, nerveusement. D’ici, quand même ça ne ressemble pas à une chute… Et… enfin, je ne suis personne ici, je n’ai pas le pouvoir de vous porter préjudice. Je peux entendre la vérité, vous n’avez rien à craindre de moi. Alors… sincèrement… qu’est-ce qui s’est passé ? »

A moins que ce ne soit le chamboulement émotionnel chez elle qui ne prenne la parole pour lui répondre, il se doute qu’elle serait très peu disposée à lui dire ce qui était arrivé. Après tout, il avait été dans cette situation à peine un quart d’heure plus tôt ! Il espérait seulement qu’en dissipant les alarmes qu’il avait connues de son côté et qu’elle était susceptible d’éprouver, il finirait par lui libérer la langue. Sinon, il passerait encore une fois pour un loufoque.
Mais c’était bien devenu le cadet de ses soucis.
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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeLun 17 Juil - 20:50

Sa supplique désespérée frise le pathétique même à ses oreilles, seulement Erynn a trop mal pour s'encombrer de honte. Dans son besoin d'échapper à ce déchirement elle se projette dans les ersatz fantomatiques d'une vie passée, si courte et pourtant au bord de s'achever abruptement sur un vulgaire coup du sort. Les souvenirs se bousculent chaotiquement, au gré des pics de douleur et des brefs répits qui lui permettent de souffler un peu. Erynn plonge loin, jusqu'aux souvenirs sur un autre continent.
L'austérité honnête dans le regard de son père qui épie par-dessus son journal, frottant pensivement les poils blancs de sa barbe autrefois auburn. L'élégance simple des cheveux de sa mère, tirés en un chignon qui avait traversé les décennies en défiant toutes les modes. Son sourire franc et apaisant, sa forte étreinte de femme manuelle et volontaire, la patience avec laquelle elle l'avait toujours soutenue malgré ses faux pas.

Erynn déglutit pour réprimer un sanglot et se promet de les appeler plus tard, si elle en avait l'occasion. Sentant un malaise remonter dans son ventre, elle respire profondément et très lentement. S'évader en leurrant son cerveau était la seule chose qui lui empêche de perdre la boule, c'est ce qu'elle avait découvert en survivant en mer, recroquevillée dans un canot de sauvetage qui prenait l'eau. Le corps peut guérir, le corps peut subir... c'est l'esprit qui a besoin de s'éloigner, de s'élever pour combattre ce qui est à deux doigts de le briser. Erynn ferme les yeux, ignore comme elle peut les spasmes qui tiraillent ses phalanges meurtries.
Sous le rideau de ses paupières le visage ridé de sa grand mère la regarde avec insistance, ses lèvres pincées de désapprobation face à sa passivité. Elle est déçue de la voir comme ça, soumise à ce qui lui arrive, abandonnant sans même résister. Erynn se met à trembler.
De son habituel franc parler Halmoni lui dit que même des anguilles se défendent plus vivement, qu'elle doit prouver à tous que les Shin sont des battants, qu'elle l'attend avec impatience sur leur île natale pour fêter le prochain Chuseok. Elle ouvre ses petits bras fatigués vers Erynn et lui promet que tout ira bien...
Une goutte de sueur coule le long de sa tempe, sa respiration se fait légèrement plus calme quoique son cœur continue de battre à tout rompre.

Au son d'une voix masculine elle se fait encore plus petite derrière sa muraille de fortune, anticipant l'horreur et le dégoût qui lui feraient face. Frénétiquement elle agite la tête comme une bête sauvage qui vient de se faire prendre au piège. Cependant ainsi adossée au mur entre deux bennes métalliques elle n'avait nulle part où se cacher, nulle part où aller. Vaincue et sans savoir quoi dire elle cherche à dissimuler ses mains entre ses genoux, mais un élancement de douleur lui fait aussitôt changer d'avis. Un sifflement entre ses dents trahit la retenue dont elle avait dû faire preuve pour réprimer un cri.
Finalement en voyant Nathan s'approcher dans son champ de vision elle retient sa respiration et lève vers lui des yeux où l'appréhension se mêle au désarroi. Paradoxalement ce n'est pas son scepticisme envers ses connaissances médicales qui la rend aussi farouche, en réalité c'est la peur d'être prise pour une aberration qui prend largement le dessus. Cela dit la voix calme de l'américain roule agréablement sur ses tympans, lui apporte le seul élément rassurant à sa portée au milieu de ce cauchemar. Acquiesçant après de longues secondes, elle se laisse finalement faire sans oser le regarder en face. Voir la répulsion sur son visage serait la goutte d'eau qui ferait déborder un vase déjà plein à craquer.

« Je comprends pas... »

C'était peu de le dire, oui. Malgré les quelques mouvements involontaires qui la prennent parfois l'état de ses mains semble s'être stabilisé, figé dans un état dérangeant, contre nature. Bien sûr l'angle improbable de ses poignets ne lui permettrait pas de faire des folies, d'autant plus qu'elle a peur de raviver la douleur en bougeant, mais il reste très surprenant qu'elle en ait encore usage, même limité. C'était limite plus flippant encore, en fait.

« J'ai toujours mal mais c'est supportable, maintenant. »

Sa voix n'est qu'un souffle discret, à peine audible. Absorbée par la délicatesse prudente avec laquelle l'inconnu manipule ces choses au bout de ses bras, Erynn se laisse distraire.
D'ailleurs quand il l'attire doucement contre lui elle n'a pas le cœur ou la force de le repousser. Posant la tête contre son épaule Erynn se laisse bercer par l'étreinte, et le mélange de la légère odeur de café et de son parfum naturel. L'espace d'un instant elle s'abandonne contre lui, met de côté l'inconfort de son corps tassé et la méfiance que lui aurait suscité un tel geste en des circonstances normales. Armé de patience et de gentillesse, il venait de briser la barrière qui sépare deux inconnus avec une aisance déconcertante. Erynn susurre, depuis quelque part dans le creux de son cou.

« Je sais pas, je... J'ignore ce qui m'arrive. »

L'objectivité était passée à la trappe en triple vitesse depuis qu'elle était partie en courant, alors c'était pas gagné de pouvoir émettre une théorie plausible sur le sujet. Mais quelle théorie pouvait se distinguer d'une vulgaire supposition scabreuse et ridicule, suintant le scénario de science-fiction ? Haussant les épaules d'un air confus, Erynn trouve dans les exclamations de Nathan un écho à ses propres questions. Cette fracture défie tous les fondements du sens commun, bouscule tout ce qu'elle a pu voir dans sa carrière.
Poursuivant dans un calme aussi étonnant qu'artificiel, la rouquine renifle légèrement. Elle était reconnaissante du souci qu'il se faisait et de la peine qu'il prenait de l'écouter. Néanmoins l'idée de demander du secours met assez vite le feu aux poudres et la fait s'agiter comme une possédée. Jouant des épaules elle essaie de s'écarter pour se lever, mais ne fait que se ramasser assez violemment contre la benne à sa droite.

« Non ! » Elle explose soudainement, puis baisse la voix en se rendant compte qu'elle crie d'une voix cassée. « Non. Non, surtout pas. » Elle secoue la tête si vivement que sa queue de cheval se défait, retombant bêtement. « Je sais pas ce qui s'est passé. Comme vous l'avez vu, j'allais bien il y a encore quelques minutes... je... J'sais pas ce qui cause ça, mais clairement quelque chose ne va pas chez moi. J'ai jamais vu ça avant. »

Une peur irrationnelle lui incendiait les veines d'une urgence, celle de ne surtout pas révéler ce qui était en train de se passer à qui que ce soit. En fait c'était déjà trop dangereux que d'avoir laissé Nathan voir ça. Qui sait ce qui... Comment pourrait-elle continuer d'exercer avec les mains comme ça ? Qu'allait-elle devenir si... si ses poignets restaient déformés ? Une larme solitaire coule brièvement le long de sa joue avant qu'elle ne la chasse d'un revers de bras rageur.

« Je suis pas tombée, j'ai rien fait de particulier si ce n'est tenter de discuter avec vous et manger quelque chose. »

Une colère sourde monte dans sa poitrine, une révolte contre le côté aléatoire et gratuit de ce qui lui arrive, ainsi que les insinuations de l'Américain. Clairement c'est pas comme si elle avait cherché à s'infliger ça, et si elle avait la moindre idée de la cause, elle ne se serait certainement pas faite prier pour inverser le processus.

« Mais je vous dit que j'ai rien fait, enfin ! Vous croyez que ça m'amuse ? C'est pas comme si un secret inavouable pouvait expliquer ça ! »

À bout elle lève les mains et les agite sous son nez, faisant légèrement bouger ses doigts. Et le pire c'est que ça ne faisait presque plus mal... ce qui n'était ironiquement pas rassurant. Et si ses os s'habituaient à cette disposition bizarre ? Suant à grosses gouttes, elle essuya son front sur le tissu de sa blouse. Elle n'avait pas la force de s'égosiller pour expliquer ce qu'elle ne comprenait pas. Lasse, elle dodelina tristement de la tête, puis à grande peine et nombreux coups d'épaule elle se relève dans un équilibre instable. Ses yeux rougis observent Nathan avec détermination malgré tout. Elle serait pas un animal de foire, étudié sous tous les angles pour cette... dégénérescence. Or si elle acceptait de demander de l'aide c'était sans nul doute ce qui l'attendait.

« Écoutez, vous avez sûrement autre chose à faire que de jouer les baby-sitters avec moi alors si vous devez rentrer chez vous je peux comprendre. Je vais faire la même chose et attendre que ça passe. De toute façon si mes mains s'arrangent pas va bien falloir que je me résigne à demander de l'aide à mes collègues. D'ici là, tout ce que je vous demande c'est d'oublier ce que vous avez vu. Je vais juste chercher mon sac à dos dans le vestiaire et rentrer, dix minutes de marche ça va pas me tuer. »
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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeDim 23 Juil - 3:15

« Les baby-sitters… ? »

Il détache chacune de ses syllabes avec stupeur et ses yeux noirs, derrière ses binocles, s’écarquillent tout grands devant le drôle de cocktail d’émotions que le choc a jeté sur le visage d’Erynn. Qu’est-ce qui lui prenait, tout à coup… ? Le moment n’était pas très opportun aux sursauts d’orgueil, pourtant. Et il avait eu, de son côté, l’audace d’espérer qu’ils ne passeraient pas par ce chemin pénible et épineux. Dieu savait qu’il pouvait faire preuve de toute la persévérance du monde pour faire tomber ce genre de défenses, mais il venait de vivre lui-même quelques expériences mouvementées et l’idée de commencer à parlementer pour apporter simplement de l’aide à quelqu’un le fatiguait d’avance.

Pourquoi les gens ne pouvaient-ils pas bêtement profiter de la douceur que font luire au fond de soi les actes de bienveillance inattendus, sourire et dire… merci ? Ce qu’il y avait de si compliqué là-dedans lui échappait parfaitement. C’était pour lui naturel.
Accepter.
Et donner. Accepter et redonner, encore et encore. C’est un cycle qui rend heureux.
Les personnes qui s’obstinent à se refermer, à repousser, à refuser, peu importe pour quelle raison, il en voyait chaque jour qui passaient au parloir, dans son cabinet, dans les rues grises de Camden : elles avaient des mines tristes, l’humeur aigrie, et des pensées excessivement sophistiquées de cynisme. Parfois, il se sentait trop découragé par leur entêtement à rester malheureux pour avoir seulement envie de les aider. Il fallait faire des efforts. Et il aurait pu être tenté de laisser aussi filer cette jeune femme aux sentiments alambiqués, parce qu’il était loin de chez lui et perdu, et ébranlé et épuisé, mais la situation était trop grave pour qu’il puisse se le permettre.

Doucement, dans une grande et profonde inspiration, Nathan remonte ses lunettes dans les broussailles décoiffées de ses cheveux et plonge son visage entre ses deux mains avec un soupir. Assez longuement, le temps de rassembler assez de volonté, il s’offre le luxe de se frotter les yeux et d’en chasser méthodiquement les picotements de fatigue. Vraiment. Maintenant, il se maudissait très fort d’avoir voulu veiller cette nuit-là. S’il s’était couché sagement, comme tout bon avocat qui se respecte, un dimanche soir, il serait à cette heure enroulé dans les couettes de son lit à dormir du sommeil du juste.
Il fait remonter peu à peu ses doigts contre ses tempes qu’il masse lentement, et en fin de compte, il lève son pauvre regard de myope vers la petite rousse et claque sa langue contre son palais.

« Mademoiselle. »

D’un geste usé mais patient, il démêle la monture de ses lunettes des boucles serrées de son afro, et les raccroche avec un peu plus de détermination au sommet de son nez. Allez, Nathie.
Il s’appuie sur son genou, sans prendre encore la peine de se relever, gonfle sa poitrine et darde un regard d’une absolue sévérité dans les yeux rougis de la chirurgienne.

« Vous avez les deux poignets retournés. » Son constat est sans appel. Il se pince les lèvres, dodelinant la tête un peu de côté d’un air que la désapprobation partage au sarcasme. « Vous ne feriez pas mieux l’enfant qu’en vous en remettant uniquement à vous-même, aujourd’hui. »

Il soupire, lourdement, et prend appui d’une main contre le mur pour se relever et se mettre ainsi au même niveau qu’elle. Après un petit moment de silence, qu’il passe à la scruter avec l’amertume douloureuse que lui causent toujours les souffrances d’autrui, il décide de passer rapidement à l’action. Erynn s’octroyait à peine le temps de se calmer, alors il était possible que dans sa hâte elle finisse par prendre la poudre d’escampette en emportant avec elle ses poignets diaboliques. Et cela, il fallait l’empêcher efficacement.
Alors, à regret cependant, Nathan passe son sweat « Biggie » si confortable par-dessus sa tête et en émerge en simple débardeur noir, dont le tissu élastique, près du corps, épouse subtilement les lignes de son buste. Oui, bon. C’était vrai, il s’accordait toujours le droit d’être sexy sous ses vêtements les moins élégants, mais sur le moment, même en ayant conscience de son accoutrement, cette idée-là était loin d’être la première de ses priorités. Il garde un instant son hoodie sous le bras, la mine pensive, et poursuit d’un ton catégorique :

« Il vous sera difficile de faire quoi que ce soit discrètement. Je doute que vous soyez même capable de glisser votre clef dans sa serrure en rentrant chez vous – ou pire d’ouvrir seulement votre vestiaire. Alors, montrez-vous plus sage que votre viril homonyme… ce n’est pas le moment de jouer les âmes solitaires. »

Une petite moue boudeuse perchée sur les lèvres, il s’avance vers la jeune femme et écarte la couture de son sweat, au niveau des épaules, pour vérifier qu’il soit assez grand et qu’il tombe assez bas. Il faudrait que les manches puissent dissimuler l’angle improbable de ses mains, une fois qu’elle l’aurait revêtu. Il n’avait pas une carrure bien forte, mais il mesurait une quinzaine de centimètres de plus qu’elle. Aussi, ce simple subterfuge devrait faire l’affaire, à compter qu’ils ne croisent personne qui irait demander un fâcheux service au docteur… Hochant la tête devant le résultat, il secoue vivement le chandail et en ouvre la voie pour y faire passer la petite tête fauve d’Erynn, et à sa suite, ses frêles épaules de moineau.

« Allez, enfilez ça… murmure-t-il, d’un ton plus doux et plus conciliant. Les manches devraient être assez longues pour couvrir vos mains… »

Aidé par les efforts conjoints de la jeune femme, il fait glisser ses poignets meurtris ainsi que ses bras à l’intérieur du hoodie et tire méticuleusement chacun des plis du tissu en coton épais pour camoufler parfaitement ses étranges... particularités.

Il songe, en même temps qu’il œuvre à ses fins, qu’il fallait avoir une sacrée mentalité pour décider aussi franchement d’affronter seule un tel bouleversement. Il savait combien les études en chirurgie étaient difficiles et qu’à un certain point, elles exigeaient aux gens de ne plus jouer que chacun pour soi, dans un idéal de concurrence que les écoles et les entreprises affectionnaient tant, spécialement pour sa formidable rentabilité. Cela pesait peut-être dans son attitude, ou en partie, du moins. En tout cas, cela suffisait à lui décerner le titre incontestable de championne de l’individualisme, compte tenu des circonstances. Elle poussait le concept aussi loin qu’il était possible de le faire. Et c’est très bien, d’être débrouillarde et d’avoir un tempérament de fer, mais il n’existe pas de monde où il est raisonnable de faire cavalier seul face à un péril dont on ne connaît rien.
Nathan ne pouvait pas deviner grand-chose de plus de l’obscur train de pensée qui voulait lui faire prendre cette décision. Peut-être, aussi, malgré les efforts qu’il déployait pour la ménager, craignait-elle quelque chose de lui ? Peut-être pensait-elle sérieusement qu’il avait d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’une blessée qui souffrait sans assistance juste sous son nez… ?
Quoi qu’il en soit, rien de tout ça n’était sensé. Il faudrait bien qu’elle se rende à l’évidence.

Il fait un pas en arrière pour avoir une vision d’ensemble de son petit bricolage et passe une main lasse dans ses cheveux, appuyant la seconde sur ses hanches, en faisant courir son regard sur la silhouette fluette d’Erynn. Fluette, elle l’était, en particulier dans ce sweat trop grand qui dévalait sur ses hanches et dans lequel, par un beau cadeau de la Providence, ses bras flottaient sans que rien ne paraisse suspect. Un sourire soulagé se faufile finalement sur le visage de Nathan et son teint un peu grisâtre retrouve subtilement de la couleur.

« Voilà. On avance. Faites attention, il y a toutes mes affaires dans la poche avant. »

Ses yeux retrouvent une tranquillité qui leur est plus habituelle, et ils glissent comme une eau calme vers ceux d’Erynn qu’une tempête a si radicalement dévastés. Fouillant dans la poche de son jogging, il en tire un mouchoir en tissu propre et il s’avance vers elle pour le tamponner rapidement sur ses joues ainsi que le long de son petit nez, et y faire disparaître les grosses larmes qui y ont coulé.

« Je suis tout disposé à vous aider, précise-t-il, à demi-ton, les sourcils froncés d’un nouveau souci, d’autant que je ne peux pour le moment pas rentrer chez moi, pour être tout à fait honnête. » Il grimace sincèrement et hausse des épaules avec un soupir, avant de poursuivre sur ces explications qu’elle avait tant convoitées, un quart d’heure plus tôt. « Je me trouve ici par accident – un accident de la même nature que le vôtre. Le seul chez moi dont j’ai l’usage se trouve de l’autre côté du Pacifique et je n’ai pas vraiment le moyen de le rallier dans l’immédiat. »

Sur cette conclusion, il se redresse et range son mouchoir dans sa poche, comme une Maman qui aurait achevé de préparer son môme pour l’envoyer à l’école. L’éclat dans son regard retrouve cependant une fermeté tranchante, alors qu’il brandit un doigt vers elle, et il achève tout cela d’une voix aimable qui n’admet cependant aucune contradiction :

« Alors, je vais vous aider et vous allez accepter mon secours. Parce que je ne vous laisse pas le choix. » Il reprend son doigt pour lui et referme son poing en le collant à son cœur, la mine soudain un peu plus sombre. « Et aussi parce que je détiens certaines réponses à vos questions et qu’en ces circonstances, je vous les dois. »

Il n’était pas certain de lui faire part de ses spéculations alarmistes sur des phénomènes de contagion magiques, bien qu’ils semblent avoir tendance à se vérifier… Mais elle ne trouverait sans doute personne avant un moment qui puisse lui apprendre autant qu’il en avait à dire sur les divers événements paranormaux qui proliféraient en ce moment sur la surface du globe. Un mouvement assuré de la tête l’en convainc pleinement et il se dirige d’un pas vif vers la poubelle où il avait abandonné toutes ses affaires.
Il réunit dans ses bras sa tasse de café et son tapuscrit et se plante devant la porte qu’ils avaient franchi tout à l’heure, comme un soldat prêt à retourner au feu. Tournant la tête vers Erynn, il lui offre son sourire le plus confiant :

« Venez. Montrez-moi la route de ce vestiaire, voulez-vous ? Allez. Vous ne pouvez pas faire ça à nos fans. Il est assez unique en son genre, notre crossover. Moi je pense qu’ils brûlent d’en connaître la suite... »


Dernière édition par Nathan Weathers le Sam 5 Aoû - 19:47, édité 1 fois
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Erynn H. Howlett


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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeLun 24 Juil - 20:07

Sur le visage rougi d'Erynn se bousculent les émotions comme autant de liqueurs fortes dans le shaker d'un barman particulièrement énergique. Secouées dans tous les sens ces dernières se mélangent dans un dangereux cocktail où tous les zestes remontent tour à tour à la surface, ne laissant dans leur sillage qu'un trouble étrange. Au milieu de ce chaos soudain il n'y a pas de place pour l'excitation, la joie ou bien l'agréable anesthésie des sens. Au fond de ses yeux humides il reste un self-control ne tenant qu'à un fil, le désespoir de ne savoir quoi faire et surtout, surtout il reste une peur viscérale.
Peur de ce qui lui arrive, peur de finir les derniers instants de sa vie devant la sortie secondaire d'un hôpital, peur de l'autre. Dans son état elle ne saurait dire ce qui lui paraissait pire ; être balancée pour ces monstruosités de mains ou être abandonnée par la seule personne qui ait conscience de son état. Instinctivement la fuite lui avait paru la meilleure option, le seul compromis pour la tirer de là sans nuire à personne. Ce n'était pas tant une question d'orgueil que de manque de confiance en autrui, surtout quand cet autrui était quelqu'un qu'elle n'avait jamais vu auparavant.

« Je veux pas déranger, vous étiez pressé de partir, donc vous avez sans doute mieux à faire. Je... je vais m'en sortir. »

Proteste-t-elle sans grande assurance, bien qu'elle en pense chaque mot. D'un autre côté elle ne sait pas quoi faire de cette prévenance inattendue et de ce réconfort qui menacent de craqueler sa carapace déjà fort affaiblie par les circonstances. Il lui avait semblé que l'affectueuse étreinte de l'avocat était un cadeau empoisonné, un éphémère havre de paix qui risquait de rompre le barrage de ses émotions si difficilement contenues. Si elle se laissait aller... Si elle commençait à pleurer elle avait bien peur de ne plus pouvoir s'arrêter, or ce n'était pas le moment ou l'endroit pour ça.

Le surveillant sous cape elle voit l'étincelle de tenace inquiétude se lever derrière les lunettes de Nathan. Elle roule tant bien que mal des épaules pour faire glisser sa blouse qu'elle glisse sous son bras. De fait Erynn fait profil bas en sentant peser sur elle le lourd poids de sa réprobation. C'était un peu comme revenir sur les bancs de l'école et se faire silencieusement engueuler par un professeur déçu... à la différence près que cette fois-ci cela la mettait réellement mal à l'aise. Ce n'était pas souvent qu'on arrivait à la faire chanceler en touchant la corde sensible, aussi cette situation la dépassait. Tout cela la gênait énormément, néanmoins il serait mentir que de prétendre qu'elle avait anticipé autre chose qu'une aide de circonstance, poussée par la politesse plutôt que par un réel altruisme.
Quoiqu'il en soit les mots de Nathan la mettent devant les faits indéniables et la cruauté de sa situation. Cette argumentation terre à terre, alliée à la désagréable sensation d'être en train de cracher à la figure de quelqu'un qui essayait manifestement de l'aider sans mauvaises intentions finit par faire taire les protestations sur le bout de sa langue. L'envie de s'insurger est pourtant bien là, pas si loin... et être comparée à un enfant lui donne bien envie de l'envoyer paître pour panser son ego blessé. Prenant une bonne inspiration pour se calmer, elle souffle longuement et compte jusqu'à cinq dans sa tête. Ce n'est qu'après qu'elle reprend, quelque part d'entre les pans du magnifique sweat qui fait désormais d'elle une 'gangsta'. Une gangsta en papier mâché et au bout du rouleau.

« Les Howlett sont de fortes têtes peu habituées à avoir le luxe de se reposer sur qui que soit. Et apparemment ils aiment bien se faire pousser des griffes aussi. » Son visage animé d'un sourire un peu ironique émerge maladroitement par le col. Le haut de son corps est entièrement submergé par le vêtement. « Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont incapables de gratitude. Alors bah... merci. Rien ne vous obligeait à faire ça. »

Les mots c'était pas son truc, mais les bases ça ne pouvait pas être bien difficile, si ? En tout cas des remerciements c'était un début. Dodelinant du chef, encore désabusée par cette rencontre sous l'étoile des drames improbables, Erynn lève enfin les yeux vers lui. Fronçant des sourcils, elle se redresse en cachant ses mains comme elle peut. Constatant qu'il ne porte plus grand chose, la rouquine se sent de plus en plus coupable. Il avait fait son choix et il ne changerait sûrement pas d'avis mais ça ne rend pas les choses moins gênantes. Néanmoins elle acquiesce et se résigne silencieusement à être aidée.
Mettant une main prudente dans la poche ventrale, elle s'assure que rien ne se fait la malle par manque d'attention. Toutefois interdite qu'il lui fasse confiance au point de tout lui confier, Erynn ne sait que penser. Quand il se rapproche mouchoir à la main elle n'a plus le cœur de reculer et se laisse faire, les yeux pleins de curiosité. Son entourage actuel n'était pas du genre à spontanément faire ce genre de choses, et franchement c'était encore moins son genre de ne pas garder ses distances. Enfin à situations exceptionnelles, mesures exceptionnelles... Tant que l'avocat ne montrait pas de signes d'hostilité ou de malveillance, ça devrait aller. Normalement. Et puis de toute façon pour maintenant... Il ne lui restait pas grand chose à perdre.
Le zieutant du coin de l’œil elle remarque sa bonne forme physique et la façon dont sa peau sombre ressort contre son débardeur. Cela dit son esprit est ailleurs, quelque part entre le moyen de quitter les lieux le plus vite possible, et les divers plans d'action afin de prendre ses affaires sans attirer l'attention. Les clés de son appartement ne sont pas trop un souci étant donné qu'un double est planqué près de l'entrée, mais il faut quand même qu'elle récupère son portefeuille et ses papiers d'identité. Un soupir las quitte ses lèvres pâles.

« Il va sûrement pleuvoir cet après-midi et il fait assez froid une fois le soleil couché, on devrait se grouiller que je puisse vous rendre votre pull. Enfin... j'espère qu'une fois que je serai remise » Si elle se remettait... « vous me laisserez au moins vous offrir un café. Ou... ou un verre. Fin bref vous voyez ce que je veux dire. »

S'écartant des bennes, Erynn fouille dans sa blouse pour y trouver son téléphone de travail, dont les touches lui sont maintenant très difficiles à atteindre. Jonglant avec l'orientation de l'appareil elle parvient cependant à appuyer sur un gros bouton moyennant des efforts, et l'éteint complètement d'une expression grave. Elle ne se souvenait même pas de la dernière fois où elle l'avait coupé.
Le soleil de printemps incendie ses cheveux dans une crinière désordonnées. Revenant finalement sur terre, Erynn secoue la tête en écoutant Nathan. Alors... soit elle avait loupé une partie de la conversation, soit elle avait perdu des neurones en même temps que la mobilité de ses mains, parce que ce qu'il disait était de plus en plus bizarre.

« Vous ne pouvez pas rentrer, mais pourquoi ? Un problème avec votre hôtel ? » Elle se gratte le front avec une de ses manches sur-dimensionnées, essayant de déduire ce qui pouvait bien se passer. En outre plus ça allait et plus la surprise escaladait dans sa voix. « Un accident de la même nature que le mien, vous voulez dire qu'en fait vous savez ce que j'ai ? » Soudainement elle couvre la distance entre eux d'une enjambée agile, ses yeux brillant telles deux jades inquisitrices et pleines d'espoir. Sans plus penser à ses mains elle en pose une sur l'avant-bras de son interlocuteur, le pressant de questions furieusement mitraillées. « Attendez de l'autre côté de... » Elle s'arrête. « Quoi ?! » Son bras retombe lourdement le long de son corps, l'insinuation faisant son douloureux bonhomme de chemin. La neurologue l'aurait bien secoué si son corps le lui avait permis.
Elle avait dû mal comprendre. Oui, ça devait être ça... Un simple malentendu. Bouche ouverte, Erynn cesse sa plus belle imitation de poisson mort et poursuit plus calmement vers la porte anti-incendie, animée d'une nouvelle motivation.

« Venez on va discuter en marchant, m'sieur Queen. » Son sourire se fait légèrement plus sincère. Regardant prudemment des deux côtés, elle se donne pour satisfaite en n’apercevant personne dehors. Poussant la porte d'un coup d'épaule, Erynn passe devant et marche d'un pas rapide. « Si j'ai bien compris ça veut dire que vous n'avez pas où aller ? »

Coupant à la vitesse grand V dans les couloirs déserts Erynn serpente et s'engage bientôt dans une allée déserte en prenant bien soin d'éviter la réception et les endroits bondés. Finalement elle s'arrête devant une grande porte avec une pancarte en hangul et un lecteur de carte. Se mordillant la lèvre elle murmure vers Nathan après avoir galéré en vain avec quelque chose à sa ceinture.

« J'aurai besoin d'un p'tit coup de patte. Vous voulez bien passer mon badge dans l'appareil ? Il est suspendu, là. » Elle lève le pull pour qu'il puisse y accéder, la deuxième main dans la poche ventrale. En attendant les questions lui brûlaient encore les lèvres de façon insupportable, dans une impatience qu'elle avait beaucoup de mal à canaliser. Le moins que l'on puisse dire, c'est que leur crossover ne manquait pas de suspense.
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Nathan Weathers


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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeMar 8 Aoû - 0:52

Nathan n’irait pas dire que la petite rousse, à ses côtés, soit tout à fait remise de son choc, mais il semble en tout cas qu’elle ait mis la main sur quelques ressources secrètes, au fond d’elle, qui marquent son ton d’une ardeur nouvelle. Seulement, alliée à une bonne dose de stupeur, cette fougue est telle qu’elle vient à lui couper plusieurs fois la parole, ce qu’il accueille d’une petite moue contrariée et d’un léger froncement de sourcils. L’heure n’était peut-être pas spécialement à la politesse, il devait le reconnaître, mais il serait difficile de répondre à chacune de ses questions si elle s’empressait de les enfiler les unes derrière les autres au milieu des explications qu’il tentait de lui fournir. Et puis, outre ces petits détails d’ordre pratique, Nathan s’était toujours senti plus ou moins offusqué qu’on ne le laisse pas parler à son aise – une fâcherie coutumière chez les intellectuels noirs, qui parfois pouvait tourner en rogne plus sévère.
En cet instant, naturellement, il serait idiot de s’en formaliser et il en a bien conscience. La pauvre Erynn était bouleversée et le peu de révélations qu’il avait pu lui apporter n’avait sans doute pu qu’alambiquer les nœuds que cette situation lui faisait au cerveau. Elle est toute pâle. Ses yeux sont grands ouverts, bouillonnants de flots sombres et de déferlantes, et sa mine flotte entre quelques sentiments d’insurrection et de vertige. Le cœur pincé d’émotion, le jeune homme met de côté ses chicanes trop futiles et esquisse un sourire d’amitié à la frimousse de sa compagne, qui a une pâleur de craie, presque lunaire. Cependant, il ne prend pour l’instant la peine que de répondre à sa dernière question :

« Alors… Non, en effet. Pas dans l’immédiat, en tout cas. C’est un peu compliqué à expliquer… »

Il lui emboîte en même temps le pas, appréciant au passage qu’elle participe de si bon cœur à ses jeux de référence, malgré les circonstances. Bientôt, il doit soutenir l’allure dans les couloirs de l’hôpital pour pouvoir marcher épaule contre épaule avec elle, tout en la couvant d’un regard à la fois sidéré et franchement admiratif. Une prodigieuse énergie rayonne dans chacun des gestes de cette femme et il ignore quant à lui où elle parvient encore à la puiser. En tout cas, le moins qu’il puisse en dire, c’était qu’elle avait des nerfs d’acier et un courage exemplaire – il espérait du moins que ce serait assez pour encaisser le reste de ce qu’il avait dire.
Tandis qu’ils avancent ensemble sur une piste qu’elle choisit d’après un habile calcul, il prend une inspiration et se penche discrètement à son oreille pour y souffler d’une voix presque comploteuse :

« Comprenons-nous bien. D’après ce que je peux en juger… ce qui vous est arrivé ne correspond à rien de ce que les lois de la nature puissent expliquer. Hm ? Bon. » Ses yeux noirs luisent d’une gravité étrange, il parle prudemment, et toujours très bas. « Eh bien, ma présence dans ce bloc opératoire non plus ne s’explique pas rationnellement. J’étais seulement… chez moi, je travaillais, il y a peut-être une heure de ça. Et… Il y avait ce reportage à la télévision sur l’assassinat de Kim Jong-nam. J’y ai jeté un œil, un de vos parlementaires était interviewé. Et c’est là que… »

Il roule des yeux, l’estomac tordu d’angoisse. Secoue la tête avec agacement. Vraiment, il détestait ces moments où il était contraint de mettre des mots sur ces événements. Il n'y avait aucun autre moyen de mettre mieux en évidence leur affreuse stupidité.

« Bref, c’est là que tout à coup je me suis retrouvé dans votre bloc opératoire. Voilà. C’est un cas de déplacement instantané. De… de téléportation, si vous préférez. » Sa mine se fronce avec beaucoup de contrariété et il grimace, très peu convaincu par cette formulation hautement fantaisiste. A quel moment est-ce que c’était crédible de dire un truc pareil ? Ses bras se serrent autour de son manuscrit, ses yeux descendent flotter sur les joints si propres du carrelage. « Vous pourrez chercher « effet Davis » sur Internet. Vous verrez, il y a des témoignages. Moi, c’est… hm, oui, la troisième fois que ça m’arrive. En tout et pour tout. Pour le moment. »

Il déglutit, mal à l’aise, mais dessine de son mieux un sourire crispé à l’égard d’Erynn.

« Je ne peux pas faire pleine lumière pour vous sur le sujet malheureusement. J’ai déjà du mal à y voir clair moi-même. Je sais juste que ce sont des choses qui… arrivent. » Il esquisse une moue très insatisfaite et il renifle, le cœur embarrassé d’un lourd sentiment d’impuissance. « D’après mes constatations, et elles sont maigres, ce phénomène en particulier touche de plus en plus d’individus dans le monde. Mais j’ai aussi été témoin de manifestations moins fréquentes et plus hm… Éclectiques ? »

Il se mord les lèvres, nerveux, épiant furtivement les expressions d’Erynn, de crainte de la voir soudain changer d’attitude et s’insurger contre toutes les extravagances qu’il était en train de lui débiter. Mais… quoi qu’il en soit, au point où il en était… Il rit fébrilement.

« Par exemple, hm. Une femme, qui a empêché une voiture de lui rouler dessus en l’arrêtant à mains nues. Une autre… qui a réussi à grimper dans un avion en persuadant la sécurité qu’ils avaient déjà vérifié ses papiers – qu’elle n’avait pas sur elle, au demeurant. D’un seul coup d’œil, comme ça. Et puis, eh bien. »

Il arrête son regard sur elle, de façon plus appuyée. Encore une fois, il ignorait s’il devait se considérer responsable de ce qui arrivait à cette frêle jeune femme aux yeux cernés, dont les lumières fatiguées se perdaient au milieu de constellations de taches de rousseur. Peut-être était-ce son arrivée qui avait déclenché une bizarre réaction chez elle… Mais il n’y avait aucun moyen de s’en assurer et quand bien même, rien ne pourrait le prémunir de ces déplacements et des contaminations potentielles qui s’ensuivaient. Tout ce dont il était certain, c’était qu’il valait mieux se taire sur ce point.

« Dans les deux premiers cas, ces personnes avaient aussi fait les frais de… l’effet Davis… » ajoute-t-il, tout de même, pour ne pas laisser Erynn ignorante de ce péril qu’elle encourait probablement comme les autres. Il finit cependant par hausser des épaules et par lui offrir un petit air dépité. « Je pourrais continuer longtemps, mais le reste n’est fait que de spéculations… Et rien que les faits, ce doit être déjà suffisamment pénible à intégrer pour vous… »

Cela l’avait été pour lui. Il connaissait de près le sentiment qu’on éprouvait, quand il semblait qu’un abysse de noirceur inconnue s’ouvrait devant soi et menaçait de tout engloutir brutalement dans ses profondeurs. Si certains s’y penchaient avec curiosité, Nathan, lui, ne rêvait que du moment où il saurait mettre une infinie distance entre lui et ces aberrations de la nature. Mais il était cerné de toute part depuis quelques mois, désormais, et la vanité de cet espoir lui apparaissait de plus en plus évidente. Il finirait peut-être par s’habituer à ce genre d’expériences, comme Yoko l’avait fait avant lui. C’était possible, mais dans l’immédiat, en faire le simple récit avait déjà de quoi lui faire fondre les neurones.
Alors que penser d’Erynn ? L’incident qu’elle venait de vivre avait marqué jusqu’à son corps de ses affreux stigmates et Nathan en a lui-même la gorge nouée d’effroi et de dégoût. C’était incompréhensible. Mais il allait la tirer de là. Il allait la tirer de là, autant que faire se peut, la ramener chez elle et tout d’abord la réconforter de la voix plus chaleureuse et la plus confiante qu’il trouve à sa disposition.

« Mais… Ça ira, vous savez ? Ces phénomènes finissent souvent par s’inverser… Ça rentrera dans l’ordre, pour vos mains… Vous verrez. »

Il hoche doucement la tête à son attention, à défaut de pouvoir poser une main rassurante sur son épaule, puisqu’il a les bras encombrés de ses affaires, et s’arrête avec elle devant ce qui doit être les vestiaires du personnel hospitalier. Avec sagesse, sa camarade attire son présent handicap à son attention, et Nathan avise rapidement l’objet de sa demande.

« D’accord, alors attendez… » Jonglant maladroitement entre sa tasse et son manuscrit, il cueille délicatement le badge suspendu à sa ceinture et le passe d’un coup sec dans le lecteur de cartes. La porte s’ouvre pour eux dans un déclic salvateur. Il risque un coup d’œil à l’intérieur, très méfiant, mais constate dans une immense vague de soulagement que l’endroit est parfaitement désert. Il se tourne vers Erynn avec un large sourire. « Parfait ! »

Il la laisse s’y réfugier la première et les guider dans les allées de casiers jusqu’au sien, presque au bout de la pièce, en face des cabines de change. L’emplacement est idéal, assez loin de l’entrée pour dissimuler dans un premier temps leur présence à la vue des membres du personnel qui pourraient à leur tour passer la porte. Rassuré, il ouvre le compartiment personnel du docteur, à l’aide de la clé qu’elle lui prête, et lui offre en retour une grimace un peu gênée.

« En tout cas… j’espère que vous êtes toujours prête à m’offrir un café… D’habitude, j’essaie d’éviter de parler de ça aux gens de but en blanc, ça pourrait me valoir un aller simple chez les déséquilibrés. Et… hm… enfin… moi, haha… Je ne suis pas assez fou pour ça… »

Il se mord l’intérieur de la joue, confus, et se détourne pour considérer le contenu du casier, qui consiste essentiellement en un sac et quelques vêtements, dont un manteau pendu à un cintre qui lui inspire un petit grain de bon sens au milieu de toutes ces réflexions farfelues. Dans l’état actuel des choses, il devrait sûrement marcher un temps en chaussettes dans la rue avant de trouver une boutique où il pourrait s’acheter des chaussures, alors ce ne serait pas du luxe de pouvoir se rhabiller un tantinet…

« Si ça ne vous dérange pas, je vais reprendre mon pull, au cas où la pluie nous surprendrait. Votre manteau devrait suffire à vous camoufler. Au pire, vous fourrerez vos mains dans vos poches, et ce ne sera ni vu ni connu. »

Il l’encourage d’un autre de ses sourires bienveillants et s’approche d’elle pour l’aider à enlever le gros sweat qui la dissimulait jusqu’ici. Il manœuvre très précautionneusement, de peur de la brusquer d’une façon ou d’une autre, ou même de lui faire du mal. Elle avait déjà démontré ses capacités de résistance, bien sûr, mais lui était toujours très soucieux de ne pas faire de bêtise. En fin de compte, elle émerge du hoodie « Biggie », avec ses drôles de poignets déformés, et il pince ses lèvres en attrapant son manteau dans son casier, et en le débarrassant de son cintre.
C’est à ce moment précis que retentit le déclic d’un badge dans le lecteur de carte et que la porte des vestiaires s’ouvre, derrière la rangée de casiers qui leur servait d’abri. La terreur saute au visage de Nathan comme une grosse mygale et y déploie ses pattes immondes, il se pétrifie sur place, avant qu’un gigantesque spasme n’agite toute sa carcasse.  

« Oh la poisse… reculez… vite, vite, vite… »

Comme souvent, il perd une bonne partie de ses moyens dans la précipitation. Les yeux écarquillés, concentré sur le sauvetage d’Erynn comme sur une idée fixe, il l’attrape par les épaules et la pousse à la hâte dans une cabine en lui remettant son manteau, son pull – et même sa tasse de café – avec une telle effervescence de pensées que lui-même se perd dans l’enchaînement incompréhensible de ses gestes. Il referme la porte sur elle en catastrophe, le cerveau gelé par la panique, et fait automatiquement demi-tour pour se jeter à corps perdu face à l’intrus et lui barrer la route des vestiaires. Au milieu du désordre de connexions qui se font dans sa tête, quelque chose admet dans l’absolu que la timide chirurgienne parviendra à rabattre le loquet pour se confiner en sécurité. C’est vrai, ça ne réclamait pas grande dextérité…
Et c’est ce qu’il a de plus logique à l’esprit en cet instant.

Ses jambes poursuivent machinalement le chemin qu’elles ont choisi dans un arbitraire très affolé et il manque presque de renverser la nouvelle venue entre deux rayons de casiers. Il sursaute du même élan qu’elle et bredouille des excuses parfaitement inintelligibles – même pour lui-même. Leurs regards se rencontrent puis, dans un autre réflexe simultané, ils se détaillent ensemble de la tête aux pieds.
Elle a des yeux extraordinairement noirs et une peau foncée, mate, couleur d’amande, qu’un trait carmin sur ses lèvres tranche avec vivacité. Ses cheveux courts sont blond platine, très certainement teints, bouclés avec coquetterie et emmêlés à de larges boucles d’oreille dorées. A son bras pend une blouse de travail blanche, qui vient de découvrir un débardeur en synthétique, moucheté de taches fauves, ainsi qu’une jupe noire. Ses escarpins en particulier attirent irrésistiblement l’œil, non pas pour leur talon, plutôt modeste au demeurant, mais pour leur vernis rouge très éhonté. Nathan en revient à son visage avec stupeur, à son port de tête impérial et à l’éclat presque arrogant de son regard. Elle est plus grande que lui de quelques centimètres. Et surtout, elle lui parle coréen, ce qui n’arrange rien à son embarras.

« Pardon, je… je suis confus, je ne parle pas du tout…
Oh. Oh, non, dans ce cas, c’est moi qui suis désolée. »
Son anglais lui vient assez naturellement, quoi qu’émaillé d’un certain accent et Nathan, soudain, se prend à respirer plus librement. Quelque chose dans le masque irrévérencieux de cette femme se fendille et elle lui sourit d’un air attendri, mais très fanfaron. « Eh bien, vous n’êtes pas du personnel ? Qu’est-ce que vous faites ici ?
Ma foi, hum… rien de spécial… j’attends seulement quelqu’un.
Dans les vestiaires pour femmes ?
Ah, hhm… c’est… possible, oui…
Vous voulez dire que c’est un fait.
Mais on ne peut rien vous cacher, à vous, dites-moi… ! »

Son air penaud, à lui, s’évapore sous l’effet de la surprise et il laisse échapper un petit rire de gorge, encore très emberlificoté, auquel elle répond en plissant ses lèvres moqueusement.

« Pff… Vous aviez l’embarras du choix, si vous aviez voulu vous cacher. Je vous taquine. »

Cette réflexion le frappe singulièrement et il réalise – à rebours, beaucoup trop tard, en effet – qu’il avait été un bel imbécile de ne pas s’être caché avec Erynn dans cette cabine tout à l’heure. Pourquoi avait-il pris le chemin opposé ?
Enfin quoi, qu’est-ce qui se mettait à clocher dans sa petite tête chaque fois que l’affolement prenait le dessus ? Il n’avait aucun réflexe, aucun instinct sensé, c’était épouvantable. Et encore une fois, ça le mettait dans une sacrée panade.
Pourtant, cette situation est loin de déplaire à cette grande blonde qui tâche de trouver un moyen de s’attarder dans l’allée principale, visiblement ravie d’avoir trouvé quelqu’un avec qui bavarder.

Devant son casier qu’elle a ouvert mais dont elle ne fait rien, elle piaffe joyeusement de ses petits escarpins rouges contre le carrelage et au claquement de ses talons se mêle le son argenté de ses rires. Son exubérance, peu à peu, appelle celle de Nathan comme un charme vif et léger et il se surprend à badiner plaisamment lui aussi, à glousser avec elle et à traînasser au lieu de s’arranger pour lui faire quitter rapidement les vestiaires. C’est plus fort que lui, il s’est laissé embarquer dans la conversation, la curiosité l’a pris en otage et maintenant il développait une espèce de syndrome de Stockholm des grands jacasseurs. Il ne cherchait plus vraiment de porte de sortie et, transporté par l’enthousiasme, il se faisait au moins aussi pipelette que ne l’était cette charmante chirurgienne-dentiste (puisque c’était apparemment sa spécialité).

Erynn devait être en train de s’exaspérer dans sa cabine, pendant que le jeune avocat, lui, s’émerveillait au spectacle de cette femme qui se repeignait les lèvres, penchée au-dessus d’un miroir mural. Quand elle souriait, elle lui dévoilait une rangée de petites dents impeccablement alignées, dont la blancheur rayonnait d’autant mieux qu’elle était cernée par le maquillage écarlate de sa bouche. C’était un rouge opulent, audacieux – tapageur – il capturait entièrement l’attention de Nathan.  
Et il sourit, lui aussi. Malgré l’élégance douteuse de son jogging, il a parfaitement conscience que son joli débardeur moulant le met assez à son avantage et il en joue avec tranquillité, ondulant des épaules comme un chat, les bras chargés de toute sorte d’affaires. Il attire son regard comme elle attire le sien, ce sont comme deux paons qui font la roue l’un pour l’autre.
Et puis, la conversation se tarit doucement. Elle semble hésiter à partir se changer et ce devrait être le moment idéal pour l’y encourager, ce que Nathan réalise subitement en jetant un regard en arrière vers la rangée de cabines où Erynn est toujours tapie, aussi discrète qu’une petite souris dans son trou.

« Peut-être que vous…
Mais,
s’exclame-t-elle, au même moment, qui est-ce que vous attendez et qui prend tant de temps, si ce n’est pas indiscret ?
Oh, c’est le… Docteur Howlett.
Le Docteur Howlett… ? Avec vous ! »

Elle lui lance un regard particulièrement écarquillé puis esquisse une moue intriguée, pendant que Nathan lui répond d’un éclat de rire pétillant, et agite vers elle un doigt faussement grondeur :

« Dites… ce n’est pas ce que vous croyez. Je la vois, là… cette suggestion dans le coin de vos yeux. Vous n’avez pas honte de faire des présuppositions pareilles sur vos collègues ?
Honte, moi ? »
Elle rit à son tour, sans retenue. Ses jolies dents sont comme une collection de perles qui miroitent dans leur écrin. « Jamais de la vie ! Tenez, je suis même contente qu’elle voie quelqu’un, ça lui changera un peu les idées. Allons… ne faites donc pas l’innocent.
Il faut pourtant que je vous déçoive, ma chère, je me suis seulement proposé pour la raccompagner chez elle, elle s’est sentie mal.
C’est comme ça que ça commence, et puis, on s’invite à boire un verre…
Déjà, on va tranquillement commencer par un petit café. »
Il incline une mine avenante et polie devant elle, très modestement, avant d’étirer un sourire piquant sur ses lèvres. « Vous n’imaginez pas qu'elle et moi nous puissions simplement être amis ?
Ohh moi, je crois qu’on peut entretenir toutes sortes d’amitiés…
Haha ! Eh bien… je le crois aussi. »

Un silence complice flotte vaporeusement entre eux. Nathan se mordille la lèvre, l’œil brillant. Elle murmure, du bout de sa bouche coquelicot.

« Mais si elle n’en fait rien… Vous... vous envisageriez de me donner votre numéro de téléphone ?
Mmh, écoutez… Je ne suis pas certain de rester très longtemps sur Séoul, mais…
Hm ?
Vous y revoir avant mon départ a de fortes chances de venir couronner mon séjour.
Haha… !
Ce serait avec plaisir. Mais vous êtes ?
Docteur Song Ji-won. Et vous ?
Nathan Weathers.
Écrivez donc sur mon poignet, tenez… »

Elle lui présente un drôle de feutre violet, ainsi que sa main qu’il prend délicatement dans la sienne, et il barre son poignet d’une série de chiffres tracée de sa plus soigneuse écriture. Quand il a fini, quelques scrupules viennent s’agripper à son allégresse et lui chiffonnent soucieusement le visage. C’était inexcusable de sa part de papillonner et de faire le frivole tandis qu’Erynn était seule et sous le choc, planquée tristement dans un cagibi. Il devait tenter le tout pour le tout, sans quoi ça n’en finirait pas. Il rend son feutre à Ji-won et la gratifie d’un regard d’affection.

« Je crains de devoir vous laisser, il faut que je vérifie si le Docteur Howlett va bien, de l’autre côté : il y a un moment qu’on s’est quittés maintenant.
Vraiment ?
s’enquit la blonde en fronçant délicatement des sourcils. Attendez, je viens avec vous. Elle m’inquiète, cette petite, il ne lui arrive rien de grave ?
Ohh… nonn… »
Un rictus gêné surgit sur sa figure, juste au coin de ses lèvres, alors qu’il prend conscience de sa bévue. Evidemment, ça devait arriver… « Ce n’est vraiment pas la peine, vous savez, elle a simplement eu une légère faiblesse… Après toutes ces heures d’intervention. Ne vous en faites pas, allez donc vous changer, il n’y aucun problème.
J’insiste, je voudrais m’en assurer moi-même.
Je… Enfin… Bon, très bien, hm. »

Il cède, puisque de toute évidence ce ne sera pas le cas de la dentiste aux escarpins rouges qui chemine déjà vers l’allée de cabines, derrière les casiers. Il la poursuit et grommelle en pensées, agacé par l’ironie profonde de cette situation. C’était bien la première fois qu’il trouvait à se plaindre que quelqu’un décide si spontanément de venir en aide à son prochain. En fait, il aurait aimé ne jamais avoir à le faire de sa vie, c’était trop bête et il avait le sentiment désagréable de trahir quelques de ses convictions. Quant à Erynn, elle était bien en veine, elle qui disait n’être pas habituée « à avoir le luxe de se reposer sur qui que ce soit ». Deux bonnes âmes pour le prix d’une, c’était un jour de débauche. Ou les grandes soldes de printemps, quelque chose dans ce goût-là.
La pauvre ne devait pas beaucoup sortir de chez elle. Le cours actuel de la générosité humaine n’était pas si élevé qu’elle aimait à le penser, et… c’était bien malheureux pour eux en cette heure.

Pestant encore une fois contre cette réflexion fort désagréable, Nathan finit par se poster devant la porte fermée de la cabine où il avait précipité la petite rouquine tout à l’heure et il grimace sincèrement, envoyant ses doigts toquer quelques coups secs contre la cloison.

« Mhh… Docteur ? Vous vous en sortez ? Une de vos collègues se fait du souci pour vous… Tout va bien, n’est-ce pas ? »

Ji-won, à ses côtés, a le front creusé de souci et elle élève un peu de la voix pour interpeler Erynn, d’un ton dont Nathan ne devine que l’inquiétude – puisque ses mots sont en coréen. Discrètement, il détourne la tête et se mord la langue, étouffant un soupir dans l’œuf. Si par malchance elle ne réussissait pas à rassurer sa consœur à travers cette maigre cloison, il faudrait espérer qu’elle ait pu enfiler seule son manteau… Ou prier pour un quelconque miracle.
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MessageSujet: Re: -Blood in the cut- [Nathan]   -Blood in the cut- [Nathan] Icon_minitimeSam 28 Oct - 2:17

Erynn était de ces personnes qui jaugent posément une situation sous tous les angles, qui calculent toutes les  variables potentielles avant d'agir de la façon qui se veut la plus appropriée possible. D'ordinaire elle s'enorgueillissait de son sang-froid et de sa capacité à jauger avec objectivité. C'était la base fondatrice de son choix de carrière et une des principales raisons de son succès, et pourtant... pourtant lorsque venait le moment de vérité, lorsqu'elle était précipitée la tête la première dans un désastre, elle était parmi les premiers à complètement perdre le nord. Quand toute la théorie passait par la fenêtre et que toute raison semblait perdue, il ne restait d'elle qu'une crue boule d'émotion minée d'une impérieuse urgence d'agir pour se préserver. Submergée par un tas de choses qu'elle ne comprenait pas, c'était cette révolte, cette rage qui prenait le dessus pour la garder à la surface.
Le désir de vivre et l'adrénaline la poussent vers l'avant. On ne sait pas trop vers où ou combien de temps cela durerait, mais au moins ne reste-elle pas là entre deux poubelles, à attendre que la même providence qui l'a déformée décide enfin de renverser le processus.

S'arrêtant à l'intersection entre deux couloirs identiques Erynn sursaute presque au murmure de Nathan, qu'elle n'avait pas pensé aussi proche. Et encore c'est sans mentionner le malaise latent et l'incompréhension que suscitent ses paroles. Ses sourcils se rapprochent dangereusement dans une expression de plus en plus renfrognée, mais en lumière de ce qu'elle venait de vivre il ne lui est plus impossible de tout rejeter d'un bloc. La gravité de cette théorie -pour le moins scabreuse voire ridicule en toutes autres circonstances- la heurte de plein fouet. C'était aberrant. Absurde. Seulement quelle autre explication pouvait-il y avoir que... l'inexplicable?
Perdu et hésitant, son regard vascille entre les diverses directions sans jamais y rester longtemps. Son corps avait beau être en pilote automatique, son cerveau se faisait des noeuds de plus en plus inextricables de minute en minute. C'était à tel point que formuler la moindre question ou demander un éclaircissement semblait presque douloureux. De plus l'heure n'était pas vraiment au débat.

Finalement alors qu'elle s'arrête devant la porte des vestiaires, Erynn baisse le regard sur son ventre, où sous les vagues de ce pull trop grand se cachent ses mains difformes. Confuse, elle ne sait quoi faire, quoi penser ou comment digérer toutes ces informations. Non seulement leur nature défie les lois immuables de son monde, mais en plus cela continue encore et toujours, dans une déferlante sans fin. Tout l'optimisme et toute la volonté du monde ne peuvent rien contre le poids de cette bombe. Prenant une longue inspiration elle expire pour chasser la panique et rompt finalement le silence pour agiter le drapeau blanc.

« Écoutez, je... J'ai besoin de temps, de respirer. Vrai ou pas, tout ça c'est beaucoup trop, beaucoup trop vite. » Elle avait bien envie de se masser les tempes seulement c'était pas trop possible. Rabaissant les bras avec dépit, elle tenta de ne pas imaginer comment elle ferait pour retirer ses lentilles de contact. Bordel.
« J'ai bien envie de vous croire quand vous dites que ça va rentrer dans l'ordre tout seul, mais pour le moment c'est au-delà de ce dont je me sens capable. »

Ses bras se serrent plus fort autour de son corps comme pour trouver un certain réconfort, même imaginaire. Enfin c'est avec soulagement qu'Erynn accueille le déclic de la porte, aussi d'un coup de hanche elle l'ouvre grand et passe la tête à l'intérieur pour vérifier qu'il n'y a personne. « Mon offre de café tient toujours. Et j'offre une paire de chaussures en bonus... en échange de votre assistance dans ce cross-over. » Un signe de tête désigne les pieds découverts de Nathan, dont les orteils semblent se secouer d'embarras.

Une fois rassurée elle le fait entrer et commence à frénétiquement fouiller dans ses affaires à la recherche de son portefeuille et ses clés. Jetant négligemment sa blouse au fond du casier, Erynn récupère sa carte magnétique qu'elle glisse autour de son cou grâce au cordon. Ensuite, se demandant quand s'arrêtera enfin cet extrême épisode de 'vie de merde' la jeune femme entame une gymnastique digne d'un ver de terre possédé par un démon afin de retirer le fameux pull de malandrin. Retenant les biens de son complice de sa main gauche, Erynn se penche tête vers le bas dans le vain espoir que mère gravité fasse son office. Néanmoins cette dernière se faisant récalcitrante, la rouquine s'agite en grommelant dans une drôle de danse, jusqu'à ce qu'enfin vienne l'aide... et la libération.

Lui tendant son bien avec un sourire gêné, Erynn gesticule pour s'adapter à l'angle improbable de ses os et empoigne maladroitement son sac de sport en vue de se changer. Toutefois pas même le temps de se demander comment elle ferait pour prendre une douche et s'habiller plus tard qu'elle se retrouve poussée dans une des cabines pour femmes, avec un tas de choses sur les bras.
Sur le coup de la panique contagieuse, elle tombe assise sur le banc, les vêtements en tas sur l'avant-bras, et une tasse de café qui venait de se renverser en partie sur son poignet. C'est que les réflexes n'étaient pas au point, surtout dans la précipitation. Secouant sa main pour chasser l'excès de boisson -heureusement froide maintenant- Erynn dodeline de la tête, le cœur battant. Si quelqu'un la voyait dans cet état, comment justifierait-elle que la douleur soit supportable, ou que ses deux mains soient fracturées symétriquement ? Non, il n'était simplement pas question de laisser qui que ce soit d'autre voir ça. Fermant le loquet aussi vite que possible, Erynn sent une nausée lui remonter les entrailles.

Sans savoir quoi faire elle retient instinctivement sa respiration et tend l'oreille, essayant de reconnaître la voix de la collègue qui était entrée. Pas trop sûre de son coup, elle se tourne vers ses biens et fait glisser son t-shirt par dessus sa tête. Ce dernier vole presque sous la véhémence de ses mouvements, mais atterrit quand même dans son sac. Enfin elle en enfile un propre en tons bleus,  remercie au passage le ciel de ne pas avoir pris un vêtement avec des boutons. Expirant d'entre deux pans de tissu, Erynn agite ses paluches de pingouin pour se donner un peu d'air. Il fait trop chaud là dedans. À moins que ce soit la peur, c'est possible.
Chopant enfin ses clés dans une pochette avant, elle les glisse dans sa poche tout en écoutant la conversation de plus en plus bizarre que tient l'américain avec ce qu'elle a reconnu comme la voix de Jiwon. Ah bah tiens en plus ils avaient tiré le jackpot sur la plus grosse cancaneuse de l'hôpital. Un vrai moulin dont la seule autre capacité en dehors du service était d'être au courant de toutes les rumeurs, vraies ou fausses, au sujet de tous ses collègues. Une plaie. Erynn roula des yeux en grimaçant après une dizaine de secondes, ce qui était déjà au moins le double de ce qu'elle tenait habituellement.

« 진짜요? 창녀... » *Sérieusement ? Quelle salope...* Le murmure imperceptible quitte ses lèvres plissées d'agacement. C'était difficile de savoir ce qui était le plus incroyable : cette entremetteuse pleine de vulgarité qui gloussait comme une dinde prête à faire du gringue à un inconnu, ou le fait qu'en dépit des  circonstances Nathan ne semble pas du tout contre cette idée.

Non mais vraiment. De plus en plus agacée par l’arrogance de son homologue, Erynn répète en murmurant et copie les mimiques affectées qu'elle imagine très bien sur le visage parfaitement maquillé de la blonde. 'Le docteur Howlett... ? Avec vous !' Quelle jolie façon mal détournée d'insinuer qu'elle était un cas perdu et trop bizarre pour trouver quelqu'un. Et en plus elle ne se privait pas de dire ces trucs-là en sachant qu'elle entendait tout ! Ah, qu'est-ce qu'elle avait envie de lui tordre le cou, tiens !
Jetant furieusement son pantalon dans son sac, Erynn sautille pour rentrer dans son jean aussi vite que lui permet le changement impromptu de son anatomie, met bien une quinzaine de secondes à fermer sa ceinture correctement, puis ses baskets dont elle fourre les lacets à l'intérieur histoire de ne pas se casser la figure. Finalement son blouson en cuir vient terminer le tout, recouvrant ses mains. Fulminant plus que jamais en les entendant flirter ouvertement, elle sort de la cabine en trombe, laissant la porte s'ouvrir assez brusquement pour produire un claquement sec.

« Cette 'petite'... votre dongseng va très bien, merci. » Les mots étaient cordiaux, le ton beaucoup moins. Pour quelle raison cette femme voulait-elle la voir ? Certainement pas par bon cœur. Sans doute voulait-elle s'assurer qu'ils s'envoient pas en l'air dans une cabine quand elle aurait le dos tourné ? En tout, c'était le genre de vulgarités dont Jiwon serait capable, à n'en pas douter. Erynn par contre... pff quelle blague de mauvais goût. La suite se poursuivit en coréen.

« Les interventions imprévues se sont enchaînées, je suis simplement fatiguée. Tout va bien. »
« Vous feriez bien de rentrer pour vous reposer, Shin-sshi. Un bon thé ou une bouteille de suju et de la bonne compagnie devraient vous aider à reprendre des forces. » Son regard espiègle glisse vers Nathan avant de revenir vers Erynn, dans un sous-entendu à peine voilé.
« Oui, j'vais faire ca. » Sa mâchoire se crispe encore un peu plus, son sourire se fait forcé sans qu'elle se donne la peine de le cacher.
« Une bonne nuit de sommeil fait des merveilles alors reposez-vous. À demain ! »
« Oh, on verra bien comment ça se présente. Il est encore tôt après tout. Bon j'y vais, à la prochaine. » Elle secoue la tête et s'incline pour prendre congé, suant intérieurement pour ouvrir la porte. Heureusement de l'intérieur il suffisait d'utiliser la poignée, aussi cela n'attira pas trop l'attention. Enfin elle reprit en anglais, discrètement afin que lui seul puisse entendre.

« Vous voulez toujours ce café ou bien vous avez changé d'avis ? Dans tous les cas ce serait bien de partir d'ici si vous voulez pas avoir à vous expliquer avec la sécurité. Je doute que Jiwon soit aussi compréhensive des... conditions de votre présence. » Ils passèrent la porte et se mirent en route vers la sortie. Ajustant le sac sur son épaule, elle continue avec une pointe d'acidité. « Enfin j'imagine qu'elle est bien plus... flexible que moi avec le règlement. Donnez-lui de l'attention, un ragot croustillant ou un vis-à-vis attrayant et elle vous vendrait son badge, son diplôme, son âme et tout le reste avec. »

La désapprobation n'était pas très secrète, mais ça c'était sans doute parce qu'elle avait en horreur ces gens qui se mêlaient de la vie privée d'autrui, le plus souvent pour les tourner en dérision dans leur dos.
Dodelinant de la tête, Erynn profite du temps que met Jiwon à se changer pour s'arrêter dans un coin où ils n'attiraient pas l'attention. Mettant la main dans son sac elle lui tend une boite en carton.

« Venez par là, j'vous ai pris une paire de chaussures de secours. Y'en a toujours quelques paires en plus dans les vestiaires, au cas où on doit se changer. C'est un modèle féminin mais c'est une grosse pointure alors ça devrait aller. Au pire on peut toujours vous racheter une paire en ville, plus tard. »

Lui laissant le temps de les enfiler, elle se donne pour satisfaite de pouvoir sortir sans que le reste du personnel le prenne pour un patient en fuite. Regardant les pieds de Nathan elle se retient de pouffer. C'était pas terrible mais au moins il n'était plus pieds nus.

« Queen et Howlett avec du plomb dans l'aile. Un drôle de début d'aventures. »

Il valait mieux faire preuve d'auto-dérision dans ce genre de cas. Enfin c'était soit ça soit s’écrouler émotionnellement alors le choix était vite fait. Marchant d'un pas rapide en menant la marche, Erynn sent une migraine grandissante vriller son crâne. C'est pourquoi une fois qu'ils passent enfin le kiosque de la réception, puis enfin la sortie secondaire réservée au personnel, l'air pur de cette fin d'après-midi semble effacer la fatigue et la tension. Du moins pendant ces quelques secondes où en regardant le ciel déclinant sur les toits rougeoyants de Séoul tout lui semble calme et hors du temps. Se frottant les yeux pour essayer de reloger une de ses lentilles, la rouquine expire lentement. Après une longue journée de concentration et émotions intenses ses yeux commençaient à lui faire sentir l'inconfort de ce corps étranger de plus en plus péniblement. Son royaume pour un bain chaud...

« Je vous proposerais bien d'aller faire un tour mais je suis pas des plus... présentables. » Elle fourre les mains dans ses poches, avec une grimace dépitée. Passant sous silence ce qui lui avait déplu plus tôt, elle choisit d'ignorer volontairement. Il y avait d'autres priorités pour le moment que de panser son amour propre... « On peut passer boire ce café chez moi, si ça vous va? »
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