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 First trip en campagne française [Aline]

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MessageSujet: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeMer 1 Mar - 4:27

~ First trip en campagne française ~

Evénement. La téléportation à lieu le 2 février 2017 à 8h30 environ, depuis un laboratoire de recherche et développement à New York (US) vers un petit village de l'Eure-et-Loire en France (heure locale : 14h30-14h45). Première expérience de l'effet Davis.


La nuit venue, les toits de Manhattan semblent paisibles et calmes, surtout si l’endroit en question est légèrement excentré par rapport aux rues principales. Mais c’est une quiétude tout à fait relative à l’instant. En s’aventurant un peu plus haut encore, on aperçoit presque les étoiles malgré la lumière éblouissante des rues.

Sur la table basse de gauche, on trouve une lampe cylindrique, une petite horloge à cadran, une montre, un verre encore à moitié plein d’eau et un portable. Ce dernier vibre par intermittence depuis plusieurs heures et d’une seconde à l’autre, il va très probablement vibrer encore et sonner dans une tonalité particulièrement aigüe et désagréable à l’oreille. Quelques secondes de quiétude, encore cinq minutes, c’est ce que râle Thomas lorsque le portable tinte finalement. Une main lascive se déplace le long du matelas, palpe la table, manque de renverser le verre avant de trouver le chemin menant vers le portable, de le saisir et d’appuyer mécaniquement sur la zone tactile correspondant au fameux « snooze ». Encore cinq minutes, pas plus c’est promis, voilà ce qu’il devait se dire recroquevillé sur le flanc gauche après avoir lutté avec la technologie de son téléphone portable. Il est encore habillé de la veille et son bras maintient un oreiller sur son oreille en prévision du prochain cri strident de son destin.

« Juste cinq minutes » murmure-t-il. Mais c’était sans compter sur la patte duveteuse d’un chat sur son nez et des miaulements répétitifs impossible à interrompre en appuyant sur un bouton. Il soupire, il grogne et il râle sur sa vie avant de finalement se lever et de tout son long. Il est tout juste 7h30 du matin, nous sommes le 2 février 2017 et à travers sa fenêtre, Thomas ne voit encore que la semi-pénombre de son petit coin de quartier qui commence tout juste à s’éveiller. Il fait un détour par la cuisine. Il se prépare une grande tasse de café toujours suivi de son chat, enfin celui de son frère, qu’il a finalement adopté suite à la déclaration fulgurante d’une allergie au poil de chat de son épouse. Une fois le chat, Mallow, rassasié et une coupelle d’eau fraiche – monsieur le chat est une vrai duchesse – à sa disposition, Thomas s’affale littéralement sur une chaise et allume son écran dont la luminosité lui agresse la rétine. Une jeune femme lui distille alors les informations habituelles sur la journée qui l’attend, elle tout comme lui, les dernières bourdes présidentielles, puis la météo et le sketch d’un duo comique … Ha non, c’est encore l’actualité gouvernementale, rien de passionnant. Dans le même temps, il jette un œil à son portable et aux multiples notifications qu’il ne prend pas la peine de détailler.

Une bonne heure plus tard, enfin réveillé, frai, convenablement habillé avec une chemise bleue, un jean et une veste noire … et un long manteau noir lui aussi – en février, à New York, il fait froid, il neige même parfois à gros flocon, ne le jugeait pas, il a froid d’avance – il se dirige vers la porte d’entrée qu’il ouvre. Il se retourne une dernière fois pour vérifier qu’il n’a rien oublié et adresse un regard à Mallauw qui lève le museau confortablement allongé sur un radiateur. Le veinard.

« Je te laisse la baraque, Mallauw … »

Une injonction qui ne reçoit en réponse qu’un ronronnement lent et un bâillement provocateur. Avant de claquer définitivement la porte, sa main passe furtivement pour récupérer les clefs qu’il manque presque d’oublier sur une commode. Le matin, c’est long et c’est dur.
Malgré un soleil perçant qui réchauffe le visage, la température est négative et en conséquence il se presse de rejoindre le bâtiment dans lequel il travaille, l’étage, puis son bureau où il se débarrasse enfin de son manteau encombrant pour rejoindre Aiden qui boit son troisième café de la matinée en tirant une gueule franchement pas fraiche.

« Alors, on n’est pas frai ? Demande-t-il en lui donnant un coup sur l’épaule.
− J’n’ai pas dormi. » Là, il grogne, il ronchonne, mais ça ne change pas trop de l’habituel. Le matin, Aiden peste qu’il ait dormi ou non.
« Tu mens, je vois la marque de ton clavier sur ton front juste là, ajoute Thomas d’un ton relativement moqueur, avec un large sourire.
− Le serveur a craché, j’ai essayé de t’appeler toute la nuit.
Je dormais, je n’étais pas vraiment disponible, dit-il en haussant les épaule.
− Il faut tout recommencer.
T’as vérifié le second serveur ?
− Le second …
Bah oui, je fais toujours tourner les simulations sur la console dans mon bureau en plus du serveur commun, c’est plus prudent. J’ai laissé un post-it sur ton écran avec les codes d’accès, avant de partir.
− Mais, Tom, les post-it de ce foutu bâtiment ne collent pas, tu le sais pourtant. » Il hausse le ton et se lève, les bras tendus vers le ciel. Thomas s’écarte d’un pas et lui tapote l’épaule d’un geste réconfortant.
« Ha … Hum. En fait, je t’ai aussi envoyé un mail, avant de partir. Mais je pense que tu l’as pas ouvert. Enfin ce matin, je n’avais toujours pas de notification … Mais, vois le bon côté de la chose, tu peux rentrer et piquer un somme, tout roule. » Aiden baisse les bras et se relâche sur la banquette dans un mélange de réconfort et de dépit.
« Pourquoi je n’ouvre pas tes foutus mails. C’était pas une photo de chat marrant cette fois ?
Bah non, c’était les codes d’accès. Bon j’y vais, je dois réparer les bourdes de Carter.
− C’est lui qui a fait cracher le serveur.
J’t’avais prévenu, après c’est un bon gars, on est juste de très mauvais formateurs. » Il s’éloigne vers un laboratoire encore vide, il est encore tôt, il a un mug à la main. Au loin, il entend Aiden ricaner à sa boutade. Oui Aiden est un très bon pédagogue et il le sait. Il ajoute finalement ces quelques mots presque inaudibles :
« La prochaine fois, tu restes la nuit aussi, je me suis emmerdé au possible ! »

Thomas lève la main et le pouce pour signifier son accord, même s’il ne l’était pas du tout. Il entre dans la salle en buvant une gorgée brulante.
Il est soudainement pris d’un vertige, sa vue se trouble et ses sens semblent lui faire défaut. Il pose mécaniquement sa tasse sur une table les yeux plissés et il ne se rend pas compte qu’elle tombe en chute libre, le bruit de l’impact n’est pas celui qu’il attendait. Il est rebondi, amorti, presque étouffé. Toujours mécaniquement il s’adosse contre ce qui aurait dû être un mur, mais la sensation sur son dos est différente, râpeuse, même à travers ses couches de vêtements. Mais là encore, il n’est pas prêt à s’en rendre compte. Ses oreilles bourdonnent, il se tient le front dans ses paumes, le temps que ça passe et que ses vertiges se dissipent. Cet état dur bien quelques minutes et dans ce court laps de temps, ses pensées se bousculent comme s’il cherchait une explication sans avoir la possibilité de mobiliser un semblant de réflexion. Il finit par se laisser glisser le long du pseudo-mur jusqu’à atteindre le sol qu’il qualifierait de trop moue et duveteux si toutefois il était capable de le ressentir … enfin, techniquement, s’il était capable d’interpréter ce que son corps lui indique.

De longues minutes durant, il inspire et expire profondément comme pour calmer ses vertiges. Même les yeux fermés, l’espace semble tourner autour de lui comme un gamin pendant une chaise musicale.

« Calme-toi Thomas, c’est juste un malaise, c’est le beignet du vendeur ambulant. Il ne devait pas être frai. Respire un bon coup et lève toi. » Il se murmure ces mots à lui-même. « Ça ne peut pas être pire que les mixtures du frère de Nila … »

Il tente de se lever lentement, il y parvient en titubant un peu et en prenant appui sur son « mur ». A mesure que ses vertiges se dissipent, il commence enfin à ressentir les aspérités étranges et inappropriée, pour un mur lisse de Manhattan. Il ressent aussi la fraicheur de l’air, totalement incohérente avec le chauffage centralisé du building où il travaille. Une brise fraiche lui fouette le visage, en opposition avec les fenêtres qui ne s’ouvrent pas. Le sol est trop mou, il le sent enfin, sous ses pieds, ce sol qui n’est pas assez dur, pas assez bétonné. Il a froid, il rapproche ses bras de son torse comme pour empêcher la chaleur de s’échapper, au moins le temps qu’il s’y adapte. Sous ses paupières fermées, il a aussi cette sensation brulante du soleil, cette aura rougeoyante qui force à détourner la tête de l’axe du soleil … Encore quelques secondes, juste quelques secondes.

Le monde reprend enfin consistance autour de lui, ses cinq sens retrouvent leur fonction respective. Et plus sa conscience se reconnecte, plus ses pensées s’organisent et convergent vers une même conclusion. Tout ceci est impossible, ce n’est rationnellement pas cohérent. Une sueur froide parcours son échine lorsqu’il ouvre enfin les yeux. L’éblouissement passé, un sourire crispé s’imprime sur son visage. Il retire frénétiquement sa main du mur qui n’est rien d’autre que l’écorce d’un arbre. Devant lui, du blé blond s’étend sur une surface qu’il a du mal à évaluer. Il lui arrive à peu près à hauteur de taille, à certain endroit un peu plus haut encore. Le soleil n’est plus à la bonne position, sa montre indique 8h45 mais l’astre, lui, est bien trop à l’ouest.

Il s’est déjà réveillé dans un lieu inconnu, surtout pendant ses années étudiantes, parfois dans un lit qui n’était pas le sien, mais jamais dans un champ. Et surtout, jamais il n’avait été incapable de déterminer la course des événements sans avoir trop bu au préalable. Et c’était encore plus étrange que les événements, il était persuadé de les connaitre, là, maintenant. Une dizaine de minutes plus tôt, il était dans un laboratoire, le sol était dur, la lumière terne et blanche, l’air était chaud, et réconfortant – il ne le réalisait que maintenant. Soudain, alors qu’il aperçoit un enclos avec quelques bêtes au loin, la question cruciale lui vient enfin, maintenant qu’il retrouvait sa sanité d’esprit.

« Mais où je suis, bordel ? Comment c’est possible ? »

Il ne hurle pas, il ne crie pas, il ne hausse même pas le ton, non il formule juste cette question simple, évidente et pourtant d’une importance capitale. Ce paysage ne ressemblait pas à New York, même pas à la banlieue New Yorkaise. Non. Il marche un peu en détaillant ce qu’il y a autour de lui, pas particulièrement rassuré par la situation qui a de quoi troubler même l’individu le plus serein et calculateur qui soit. A mesure qu’il avance, il se retrouve parmi des arbres à fruits. A vrai dire, lorsqu’il a repris suffisamment conscience il était plus proche des arbres que de l’autre extrémité de l’étendue de blé. Dans son champ de vision, il voit aussi une ferme et une petite maison en brique qui serait probablement, et même logiquement, sa prochaine destination.

Il prend de nouveau appui sur un arbre pour finir de rassembler ses esprits en frottant ses tempes dans un long soupir. Fébrile, il marmonne dans sa barbe :

« Mais dans quoi tu t’es encore fourré, Tom. »

HRP:
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Aline Brillant


Aline Brillant

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Date d'inscription : 04/01/2017
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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeJeu 23 Mar - 12:28

« Maddie ! Attends-moi, ma belle. »

La voix du vieil homme, rocailleuse mais ferme, rebondit entre les troncs des peupliers, au bord du chemin. Quelque pas en avant, la large silhouette d’un berger belge, au pelage noir comme le charbon, interrompt sa course pour lever la tête, et lui répondre d’un aboiement sonore. L’animal fait un tour sur lui-même, pour encourager son maître à presser le pas, avant de se mettre à courir en sens inverse, pris de cette exaltation que peuvent avoir les chiens de troupeaux lorsqu’il s’agit de mener leurs charges à bon port. On pourrait presque se demander, en les voyant progresser sur le petit sentier de terre, l’un traînant la patte, les bras chargés de paquets, l’autre courant tout autour de lui dans de grands cercles enthousiastes, qui promène qui, dans cet étrange duo.

« Du calme, du calme… oh, ma fille… Si tu continues comme ça tu vas me faire tomber. »

La chienne semble ralentir un peu sa course, heureuse d’avoir accroché l’attention de son maître, et lève fièrement son museau pour lui répondre d’un nouvel aboiement.

Pour le petit village de Rouvres, et sa population dangereusement vieillissante, le vieux Sylvain et sa chienne Madeleine marquent le début et la fin de la journée plus efficacement encore que l’assourdissante horloge de l’hôtel de ville. Lorsqu’ils traversent les rues, de bon matin, par la route qui relie la grand place à la ferme familiale des Fronsac, c’est le signe que le boulanger vient d’ouvrir sa boutique. Au contraire, une fois le soleil couché, lorsqu’on les entend tituber sur ce même chemin, le pas lourd mais le cœur plus léger, c’est que le bar a fermé ses portes pour la nuit.
Il arrive également, comme aujourd’hui, que le vieux Sylvain fasse l’aller-retour jusqu’au village aux dernières heures de la matinée, alors que le soleil est déjà haut dans le ciel d’hiver. Souvent alors il a le pied qui traîne, dans la poussière du bord de route, et sur sa figure un air indéchiffrable ; entre la contrariété et l’impatience. Ces jours-là, sont les jours de visite de sa sœur, Aline. Ces jours-là, il se rend à l’épicerie, puis chez la fleuriste, avant de retourner arranger un peu sa maison en ronchonnant. C’est là un rituel particulièrement bien rodé, installé là par des années et des années de pratique, et de répétition. Deux fois par ans ; une fois à la Toussaint, et l’autre en Janvier, pour l’anniversaire de la mort de sa mère. Le reste du temps, le frère et la sœur préfèrent encore se chamailler au téléphone, pour entretenir les flammes de leur inépuisables querelles de fratrie.

Pourtant, malgré toute la mauvaise volonté dont il est capable de faire preuve à propos de sa sœur, et malgré tout le sucre qu’il aime à casser sur son dos, le visage de Sylvain, alors qu’il traîne sa lourde carcasse de papy paysan jusqu’aux petits sentiers de sa ferme, n’est pas le visage d’un homme mécontent. Secrètement, quelque part, là, tout au fond de sa poitrine sèche et fripée, il reste encore quelques miettes de tendresse à l’égard de sa sœur. Rescapées de longues années passées à se maudire l’un l’autre et se détester pour tout ce que le Destin a jeté de mauvais sur leurs vies, elles persistent.

Il passe la porte de sa maison – jamais fermée à clef, de toute façon – poussant le vieux battant de bois avec son épaule. Madeleine, elle, préfère faire le tour, courant le long des vieux murs de pierre brute pour faire sa ronde dans la ferme. Alors qu’il dépose sur la table de la cuisine le morceau d’agneau et les quelques légumes qu’il a acheté pour le repas de midi, il peut l’entendre cavaler dans le verger, et tourner autour de l’enclos des chèvres pour leur aboyer un peu dessus. Il sourit.

La liste de ses corvées du jour se déroule dans la tête du vieil homme, et il s’y atèle machinalement, coupant le feu sous les haricots pour les égoutter, puis préparant le chou pour le mettre à blanchir. Il y a encore beaucoup à faire. Tailler les oignons, les carottes, aller chercher une bouteille à la cave…

« Tiens, ça c’est une idée. »

Il abandonne gigot, légumes, et feuilles de chou à leur sort, au milieu de la petite cuisine campagnarde, appelé par une voix plus forte et plus séduisante.

Où avait-il rangé cette bouteille de mirabelle, déjà… ?


[…]


Aline a toujours détesté cordialement la campagne. Du plus petit grain d’orge au plus gros ronronnement de tracteur. Elle déteste ses bruits, ses odeurs, ses espaces immenses et beaucoup trop paisibles, et ses bâtisses de pierre arrêtées dans le temps… Les seules qui trouvent encore grâce à ses yeux, ce sont les fleurs qui bordent les champs, et les fenêtres des fermes.

Elle n’est pas certaine de savoir si les choses ont toujours été ainsi, ou si c’est là un ressentiment qu’elle a acquis au fil de ses années de vie citadine. Si Paris l’a changée pour de bon ou si elle n’a jamais vraiment été faite pour cette vie-là. Sylvain, son frère, est d’avis qu’elle a attrapé, quelques décennies plus tôt un genre de fièvre urbaine, au contact de ces « abrutis de parigots », et qu’elle n’a plus jamais été la même après. Sa mère, elle, au temps où elle vivait encore, avait émis le diagnostic que c’était la mort de leur aîné, Maurice, qui avait marqué le début de sa rancœur envers les plaines vertes de l’Eure et Loir.
Aline, elle, bien enfoncée sur la banquette arrière d’un taxi de campagne, préfère se dire que c’est cet endroit qui n’a pas voulu d’elle, autrefois. Qu’elle ne fait que lui rendre un peu de cette haine-là. Et à dire vrai il lui est particulièrement difficile de penser le contraire alors que chaque petite pierre sur les routes pourries de sa terre natale s’acharne à lui secouer la colonne vertébrale dans tous les sens, en cahotant le taxi comme un gigantesque maracas. Elle va avoir les lombaires en compote pour le reste de la journée.

Et puis, enfin, merde ! Si on voulait tant qu’elle s’y intègre, à cette cambrousse si chère à ceux de son sang, il aurait fallu la faire autrement. Mettre d’autres rêves dans sa tête blonde de petite fille. L’empêcher de fréquenter Mr. Bergotte et ses récits de roseraies parisiennes, de bals fleuris, et de la si folle vie colorée de la capitale.

Un grondement douloureux s’échappe de ses lèvres, alors qu’un autre à-coup vient jouer du xylophone avec ses vertèbres, et le chauffeur du taxi, un vieux moustachu répondant au nom de Jean-Pierre, lui adresse un petit sourire d’excuse, depuis le siège conducteur.

« Pardon, m’dame, mais vous savez, la route de Rouvres…
- Oui, oui. Je connais bien, merci.
- Vous êtes de la région, alors ?
- Il paraît… »


Elle s’enfonce à nouveau dans son siège, un long soupir las au bord des lèvres, puis se contente de fermer doucement les yeux, épargnant à son regard le reflet du soleil de midi dans l’enveloppe métallique d’un silo à blé, un peu plus loin sur la route.


[…]



Après quelques verres de mirabelle, et une bonne heure de travail, la maison est enfin en ordre, et la cocotte soupire paisiblement sur le feu de la cuisinière. Sylvain s’autorise une pause clope, tirant un vieux paquet de gauloises de la poche de son gilet. Poussant la porte de derrière d’un bon coup d’épaule, il se dirige d’un pas tranquille vers le verger, et sa chienne le rejoint en trottinant.

Il se promène un moment entre les arbres, surveillant la pousse des branches et prenant quelques notes mentales de celles qu’il faudra bientôt venir élaguer, pour la taille annuelle de fructification. Dès que le beau temps persisterait suffisamment pour que les nuits ne gèlent pas, il pourra s’en occuper sans craindre pour ses pommiers. Les mirabelliers, eux, plus fragiles, attendront le mois de mars. Inspiré par ses calculs, et dessinant des yeux quelques lignes, ici et là, parmi les branches de ses arbres fruitiers, pour décider du meilleur plan d’action, le vieil homme laisse sa cigarette se consumer entre ses lèvres, le tabac imprégnant tout autant les poils de sa moustache que les alvéoles de ses poumons. Ses pas, eux, le portent avec habitude. Voguant le long d’une trajectoire familière qu’il a foulée plus que tout autre chemin, au cours de sa vie, ils finissent par le ramener tranquillement vers la maison, la chienne sur ses talons.

Arrivant en vue des fenêtres de la cuisine, Sylvain décide de faire un crochet par la gauche, contournant la maison pour aller voir ses bêtes. Madeleine s’élance, toute contente de pouvoir aller japper après les chèvres, et s’en va faire de petits bonds devant la porte de l’enclos.

« Maddie. Sage, ma fille. »

Le ton est ferme, mais l’œil du vieil homme s’allume d’une pointe de malice. Il soulève le lourd loquet du portail, et laisse sa chienne lui filer entre les jambes, tandis qu’il s’affaire à refermer derrière lui. Ramassant une pierre, près de l’abreuvoir, il vient fracasser la glace qui s’est formé à la surface de l’eau. Elle n’est pas bien épaisse, ce qui est bon signe, tant pour l’hydratation de ses bêtes que pour la future taille de ses pommiers. Dans son dos, Madeleine s’est mise à aboyer, probablement en pleine séance de course poursuite avec Aline, ou Sacripan, le couple de doyens grincheux de son troupeau.

Lui ne s’en préoccupe pas, préférant trotter jusqu’à la silhouette touffue d’un vieil âne,

« Allons bon, Jean-Marie, te voilà bien frileux sur tes vieux jours… »

L’âne lui répond d’un braiment caractériel, grattant un de ses sabot dans la terre gelée, et secoue vivement la tête à son approche. Un sourire amusé au bord des lèvres, Sylvain plonge une main dans la poche de son gilet, pour en tirer une carotte, sauvegardée lors de la préparation du repas de midi. Les yeux du vieil équidé semblent s’illuminer, à leur tour, et par la magie de la friandise, ses soupirs contrariés se changent en un accueil bien plus chaleureux. Le fermier lui abandonne la carotte, pour mieux le contourner, et vient saisir un peu de paille sèche dans la mangeoire pour frotter sa vieille fourrure, et en absorber l’humidité. La bête se laisse faire, contente de son sort, et presse son flanc robuste contre celui de son maître. C’est un moment plein de paix, qui s’installe, et que seuls viennent troubler les aboiements de la chienne, depuis le fond de l’enclos.

« Maddie… »

Le vieil homme soupire, en se redressant, prêt à la réprimander, mais quelque chose attire son attention avant qu’il en ait l’occasion. Un mouvement, pour être exact. Un mouvement là où il ne devrait pas y en avoir, juste un peu plus loin dans le verger, sur la droite.

Un intrus. Au milieu de ses arbres.

« Nom de nom ! »

Se redressant droit dans ses bottes, et n’écoutant que le vrombissement de son fier – et légèrement alcoolisé – sang de Roburien, il se précipite à l’intérieur de l’étable, pour y décrocher sa vieille carabine à plomb. Il allait leur passer l’envie, à ces foutus romanichelles, de venir grimper dans ses pommiers et voler ses chèvres.


[…]


Jean-Pierre et son taxi s’éloignent, en faisant crisser les gravillons de l’allée sous leurs pneus. Aline, elle, est occupée à étirer ses vieux os, qui craquent, le long de sa colonne vertébrale, tout aussi désagréablement. Puis, elle ramasse son sac pour le hisser sur son épaule, et se dirige d’un pas traînant vers la ferme familiale.
La cuisine est vide, alors qu’elle y fait quelques pas, et elle profite pendant quelques instants du précieux silence de la pièce. Le contenu de la cocotte ronronne paisiblement, par-dessus les frémissements d’un feu, que la vieille femme baisse par réflexe, après avoir posé ses affaires sur la table. Avec tous ses talents de cuisiniers, lorsqu’il s’agissait de la cuisson de ses plats, Sylvain avait toujours une tendance à se…

« R’viens donc là ! Fumier ! »

Laisser emporter.

Aline s’immobilise, le nez tourné instinctivement vers la source du cri, elle peut sentir sa gorge s’assécher d’un seul coup alors que résonne l’écho d’un coup de feu à travers toute la maison. La porte de derrière est entrebâillée, et elle peut entendre les aboiements affolés de Madeleine se glisser par là jusqu’à ses oreilles. Son sang ne fait qu’un tour.
Traînant sa carcasse fatiguée par le voyage, elle se précipite dehors, fouillant les champs des yeux pour tenter d’y apercevoir la silhouette de son frangin.

« Enfoiré d’voleur de chèvres ! »

Le vieux fermier passe en courant devant elle, quelques mètres plus loin, longeant le bord de son verger à la poursuite d’un garçon d’apparence beaucoup plus jeune que lui. La scène paralyse un court instant la parisienne, qui se croit atterrie en plein dans un feuilleton, où un de ces dessins animés pour les gosses avec ces courses poursuites sur fond de désert australien.
Quoique son frère fasse un piètre coyote, dans cette histoire : tout suant et fulminant qu’il est. Fort heureusement pour celui qu’il poursuit, il ne se fait plus tout jeune. Il est peu probable qu’il le rattrape, dans son état. D’ailleurs, le voilà qui s’arrête, le souffle court. Aline sourit.

« Mais qu’est-ce que tu fabriques !
- Ah, toi, restes en dehors de ça ! »


Elle fait quelques pas vers lui, mais s’immobilise à nouveau alors qu’elle réalise quelque chose ; son frère est armé. Armé et avec la visible intention de tirer plein profit de ce qualificatif. Le souvenir du coup de feu, entendu un peu plus tôt, lui revient en mémoire comme une claque dans la figure. L’air manque soudain à la vieille femme.

Silvain, lui ajuste sa carabine, et Aline blanchit aussitôt d’environ trois teintes.

Il ne va tout de même pas…


« J'm'en vais t'plomber comme le cul d'un chevreuil si tu décampes pas d'mon champ tout d'suite ! Sale gibier de potence !
- Mais enfin, Sylvain, tu ne vas pas… »


Il va.

La charge part, explosant dans la vague direction de l’intrus qui détale, et résonne entre les arbres et contre les vieilles pierres comme un gigantesque coup de tonnerre. Le vieil homme, ébranlé par le recul, tremble sur ses appuis, mais tiens bon. Après avoir accusé le coup quelques secondes, il s’élance à nouveau dans sa course après le fuyard, l’arme serrée dans ses petits poings osseux. Aline, à présent livide, se précipite dans ses pas pour l’arrêter, mettant toutes ses forces de vieille femme dans sa course.


« BON SANG DE MERDE, SYLVAIN !
- Ne… ne t’mêle pas de ça, f- frangine ! Si on n’tient pas… la ligne dure avec ces… ces clowns… !
- Sylvain Henri Joseph Fronsac, si tu n’fermes pas tout de suite ta grande gueule c’est ton cul que j’m’en vais botter ! »


L’un et l’autre sont à bout de souffle, à présent. Ils crachent leurs poumons, et tentent tant bien que mal d’ignorer les protestations grinçantes de leurs muscles et leurs articulations. Leur course poursuite est comiquement lente et malhabile, surtout à côté de celle de Maddie, qui s’est élancée au-devant de son maître, et qui, elle, gagne du terrain sur leur petit duo de comiques campagnards. De comiques campagnards armés, ce qui enlève un peu au charme de la petite scénette.


«  Alors mainten … AH NON ! »


L’imbécile va se remettre à tirer, et il n’y a aucune garantie que cette fois il ne fasse pas plus que foutre la trouille de sa vie au pauvre diable, que Maddie vient de faire trébucher en se jetant d’un bond devant ses pieds. Elle lui tourne autour en aboyant, et le garçon, à présent à terre, n’a plus de grandes chances d’esquiver la carabine de son idiot de frangin.
Il faut qu’elle fasse quelque chose ou sinon…


« TU VAS TIRER SUR TA CHIENNE FOUTRE DIEU ! »


A défaut d’être très rationnel, le cri a au moins l’avantage d’être efficace. Le vieux Sylvain pile net, immobilisant la carabine qu’il s’apprêtait à lever, et ces quelques secondes d’hésitation sont suffisantes à sa sœur pour le rattraper – elle n’était pas en meilleure forme que lui, mais il avait couru plus longtemps, elle avait un petit avantage. Se dressant entre le fermier et sa cible, elle laisse à Madeleine la tâche délicate d’aller interpeler l’intrus. La chienne n’était pas un animal particulièrement agressif, de toute façon. Malgré tous les efforts de Sylvain, elle n’avait jamais rien mordu de plus que les vêtements, et à part un incident fâcheux de pantalon de facteur, l’animal avait toujours été un chien de troupeau plus qu’un chien de garde.

On ne sautait pas à la gorge des bêtes perdues. On les effrayait, pour mieux les diriger vers le troupeau, où on les y traînait par une patte mais toujours en prenant garde de ne pas les abîmer.

Pas vrai… ?

« MADDIE ! SAGE ! Et toi… TOI ! LE PUTAIN DE COW BOY DE TROU DUC SUR BOIS ! »

Dans un accès de colère que son frère, tout ébahi, ne lui avait jamais connu, elle lui arrache sa carabine des mains, et lui colle un coup de crosse dans l’épaule avant de la jeter le plus loin possible dans les herbes hautes du verger.

« Rah ! Tu n’es qu’une tête de nœud ! Tu veux aller en prison pour homicide ? Hein ? C’est ça que tu veux, foutu con ?!
- Aline… »


Sa voix est rauque, et teintée de stupeur. Le choc a l’air de lui avoir fait redescendre quelques degrés sur l’échelle de la rage alcoolisée. Aline profite de son hébètement pour y engouffrer tout ce qu’il lui reste d’autorité fraternelle. Avec toute la mauvaise humeur et le caractère de chien de son petit frère, ce dernier avait toujours été cruellement vulnérable aux haussements de tons. Et lorsqu’elle s’énervait vraiment, la vieille Aline ressemblait drôlement à sa mère.

Avec un peu de chance, ça jouerait en sa faveur.

« Ferme ton grand clapet, et va donc chercher une trousse de secours. J’espères pour toi que l’gosse n’a rien, sinon c’est moi qui vais aller en prison !
- Je…
- POUR FRATRICIDE ! Allez DU VENT ! »


Le cœur d’Aline s’écrase de soulagement au fond de sa poitrine, tandis que son petit frère, après une longue hésitation chancelante, se met finalement en route, d’un pas empli de confusion et de colère avortée. Aussitôt qu’il leur a tourné le dos, elle rassemble ses forces, et s’élance d’un pas pressé vers le pauvre bougre, que la chienne continue de maintenir au sol dans un concert d’aboiements. Seigneur, pourvu que le gosse ne se soit pas fracassé le crâne, où ramassé un plomb perdu.

Arrivant à sa hauteur, elle ralentit, et hausse la voix, dans l’espoir de le calmer un peu.

« Ecoutez, mon garçon… Ça va aller ! Je l’ai calmé. Je suis… désolée de… »

Elle fronce les sourcils. Le pauvre a l’air… confus. Vraiment très confus. Bon, d’accord, après une telle matinée, n’importe qui serait probablement dans les choux, mais, là… On dirait une sorte spéciale de confusion qui lui semble un peu plus dirigée sur elle, et les mots qu’elle prononce, qu’à ce qui vient de se passer. Est-ce que le type la comprenait, au moins… ? Il n’avait vraiment pas l’air du coin, le pauvre, en plus. Elle ralentit un peu son train de voix, levant les deux mains au niveau de son visage dans un signe universel de non-agression.

« Tout va bien… mon euh… mon brave. Êtes… vous… blessé ? »

HRP:
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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeDim 26 Mar - 21:48

A présent, les raisons de sa présence dans ce qui lui apparaissait vaguement comme une ferme, ou en tout cas comme une bâtisse perdue dans les champs, avec un enclos et des vergers – … une ferme, en somme – lui semblaient de plus en plus flou. A vrai dire, désorienté, Thomas avait le plus grand mal à formuler la trajectoire qui l’avait conduit ici, à en croire l’heure indiquée par sa montre, il était tout juste un peu plus de 8h45 du matin, mais le soleil était haut dans le ciel et les aiguilles de sa montre continuaient à courir sur le cadran. Quelque chose ne va pas, c’est une certitude mais ce n’est pas uniquement le lieu où il se trouve qui ne tourne pas rond, le temps lui-même est perturbé. Ces deux nouvelles indications, qu’il rassemble péniblement, ne manque pas d’ajouter à sa désorientation et sa difficulté actuelle à retrouver ses esprits et une solution immédiate à au moins l’un de ses problèmes. Si tant est que l’énumération de ses problèmes soit exhaustive.

Thomas s’adosse un peu plus intensément sur son tronc d’arbre salvateur, il secoue la tête comme pour forcer chaque élément à se remettre en place et il se frotte les yeux pour finir de dissiper le brouillard qui masque une partie de son champ de vision. Dans tous les cas, ses questionnements son interrompu par le son sourd d’une détonation, qui suit les jappements et les aboiements d’un chien qu’il n’avait pas considéré jusque-là puisqu’il les entendait déjà avant. Après un très court temps de réalisation, il se cache immédiatement derrière un arbre, la tension et l’adrénaline l’envahissent et lui font momentanément oublier la criticité de ce changement de localisation, d’heure et même d’atmosphère pour l’urgence du coup de feu menaçant suivi d’un hurlement sourd dans une langue qui ne lui est pas inconnue, même très familière. Le blocage situationnel l’empêche toutefois de comprendre cette injonction sourde et lointaine qui se veut menaçante rien que dans le ton employé. Il sort finalement de sa cachette pour détaler dans le champ et s’éloigner vers un autre groupement d’arbres. Dans sa fuite en avant, Thomas se retourne régulièrement pour constater qu’un homme bourru, plutôt âgé, le poursuit armé d’une carabine chargée, mais de loin ! Il n’est visiblement plus en état de rattraper la distance, par contre il peut toujours monter haut dans les tours et il a visiblement la gâchette facile. A bonne distance, le jeune homme s’agenouille dans un champ pour que les épis le recouvrent, plutôt effrayé par la folie du bonhomme mais relativement maitre de lui-même. Ce dernier hurle encore dans des termes qu’il s’efforce d’écouter, cette fois.

« Du français … chuchote-t-il. Un fermier français … sans accent. » En tout cas, pas d’un état américain qu’il connait. « Dans une ferme … Dans l’état de New York … »

Tout est de plus en plus étrange à ses yeux. Il fronce les sourcils en reconnectant avec cette langue, qui est maternelle pour lui, mais qu’il n’a plus pratiqué activement depuis … une bonne dizaine d’années.

« Mais qu’est-ce qu’il veut que je foute d’une chèvre, grommèle-t-il dans sa barbe. Il peut se les garder ses chèvres. »

Réunissant toute sa volonté, Thomas passe la tête au-dessus des épis de blé pour apercevoir le bougre qui passe en furie devant une autre personne, une femme plus citadine visiblement, et à peu près du même âge. Il a toujours son arme à la main, c’est en réalité la seule vraie menace à ses yeux. Le pauvre homme ne semble plus en état de le rattraper par contre le plomb de son fusil filerait assez vite dans l’air pour se nicher dans une partie charnue ou non de son corps. Un regard rapide à droite et à gauche pour trouver son nouveau check point, un nouveau verger de protection avec des troncs suffisamment épais pour qu’il puisse se cacher derrière.

Alors qu’il arrive enfin vers l’arbre, une nouvelle détonation le fait sursauter, il n’a même pas le temps de constater s’il y a des dégâts mais les bruits ne sont pas rassurant. Le jappement du chien, visiblement … Maddie, se rapproche rapidement et les cris de la deuxième personne crissent jusqu’à lui. Les insultes fusent mais ça il ne le remarque que très peu. Thomas se retourne furtivement, pour faire face au duo qui échange avec virulence et observer les mouvements. La femme semble furieuse, elle lui hurle dessus et fait de grands gestes. Pendant cette courte accalmie, Thomas palpe rapidement son jean, il fouille ses poches en quête d’un quelconque objet qui pourrait lui être salvateur, mais hormis ses clefs, il ne trouve rien. Il pourrait éventuellement les illuminer avec les ondes de son portable mais ça ne risque pas d’être très efficace. Et de toute façon, le temps lui manque avant qu’un féroce canidé ne bondisse devant lui au point de lui faire perdre l’équilibre. Il tombe à la renverse non loin d’un arbre dont la racine s’assemble non-conventionnellement avec son corps.

La tête au sol, les aboiements du chien lui vrillent désormais les tympans comme un bruit sourd dans un scaphandre. Les yeux fermés, le temps s’allonge et s’étend. La tension redescend et le taux d’adrénaline dans son sang diminue, chute et avec elle, sa pseudo-immunité à la douleur … Il frissonne un peu suite à sa course, probablement le choc de se faire tirer dessus dans l’incompréhension la plus totale qui remonte. Il se relève avec grande pénibilité et s’assit contre l’arbre dans une position peu confortable. Il tente de masser son flanc droit et les côtes qui l’accompagnent, sans grande conviction puis il s’arrête lorsqu’il comprend que l’effet est plus négatif qu’autre chose. Son souffle est court et saccadé. Il n’ose pas trop bouger de peur que le chien attaque son mollet au lieu de se contenter d’aboyer. Il soupire et souffle bien plus qu’il inspire, il se sent bien plus fatigué et endolori qu’il ne le devrait.

La femme qui criait sur son assaillant, un peu plus tôt, s’approche de lui. Et même si, Thomas lui doit probablement sa survie actuelle, il relève les genoux et recule un peu plus vers l’arbre dans un mouvement de balancier. Mécaniquement. Il lève aussi la main dans une tentative plutôt vaine de se protéger. Mais, elle ne lui hurle pas dessus, non elle lui parle et calmement, tout juste assez haut dans son ton pour être intelligible. Il la regarde intensément, avec un peu d’incompréhension aussi, le temps de remettre son cerveau dans le mode de communication française. Mais surtout le temps d’assimiler que toutes les personnes dans ce patelin ne cherchent pas à le plomber. En réalité, la barrière de la langue ne devrait pas exister mais là, maintenant, elle lui semble difficilement franchissable.

Blessé. Il fronce les sourcils en se frottant la tête, elle est douloureuse, mais ça ne l’étonne pas étant donné le sol sur lequel il vient de tomber, et qu’il voit enfin … Il mesure finalement sa chance, la légère commotion dont il souffre aurait pu être bien plus critique, voir fatale. Il ne lui répond pas tout de suite et poursuit son diagnostic.
Thomas tente de se relever en s’aidant de l’arbre mais manque de trébucher. Sa jambe est douloureuse. Il palpe sa tête, première grimace, ses épaules et son torse, il se cambre en grinçant des dents, pour s’attarder sur sa cuisse, juste au-dessus de son genou. Il constate d’abord que son jean est déchiré. Il passe deux doigts à travers la déchirure, plein d’une inquiétude terrible. Son visage se crispe, il mort mécaniquement sa lèvre. Lorsqu’il la retire enfin, sa main tâchée de sang. Il ne s’agit probablement pas d’un éclat de plomb, même la déchirure dans le tissu ne le laisse pas suggérer. Il s’agit probablement d’un bout d’écorce arraché par l’impact ou bien n’importe quel autre éclat suffisamment contendant pour entailler sa cuisse au-dessus de son genou. Il se maintient toujours contre l’arbre en évitant de trop se tenir sur sa jambe.

Il ne sait plus quoi penser, il ne sait pas vraiment quoi dire non plus. Dans sa jeunesse, Thomas s’était déjà battu, blessé, bagarré et retrouvé dans des situations totalement incohérentes. Mais, c’était bien la première fois qu’une situation aussi ubuesque lui arrivait et surtout qu’un petit vieux le visait et lui tirait littéralement dessus.

Il relève finalement les yeux vers la femme dont il ne connait pas encore le nom, si ce n’est qu’il doit y avoir du Fonsache-quelque-chose dedans. Avec difficulté mais plein de bonne volonté, il s’associe à son mouvement et lève les bras aussi haut qu’il le peut. Pas aussi haut qu’elle, il n’arriverait pas à tenir avec un flan probablement aussi rougeoyant que celui d’un irlandais en plein été ou aussi bleu que celui de n’importe qui, nu, au pôle nord, va savoir. Il est dans un piteux état. Il est débrayé, sa chemise est tâchée de terre, la manche de sa veste est à moitié relevé et marquée de terre. Son jean est déchiré et rougi au niveau de son genoux. Il est un peu cambré dans sa posture … il n’a clairement pas chuté comme on lui a appris à tomber. Son regard est fuyant. Toute son énergie du matin semble avoir disparue dans les abysses.
Son accent est prononcé quand il lui répond finalement et en fançais. Il tente toutefois d’engager une entente cordiale et surtout le désarmement total de leur échange.

« Je … hum … je ne suis pas un voleur. Je ne veux pas de chèvres, je … comment on dit déjà, murmure-t-il en relâchant ses bras le long de son corps. Je suis innocent, oui voilà, c’est ça … et je … » Il marque une pause et se laisse tomber contre l’arbre. « Et je vais me rassoir. »

Dans un dernier effort, il lui tend la main gauche, pas la bonne, mais il ne peut pas vraiment faire mieux.

« M-merci. Je suis Thomas. »


Le + :
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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeMer 5 Avr - 15:54

« Allons bon. Ce n’est rien. Prenez le temps de respirer un peu, hm… Thomas, très bien. Je m’appelle Aline. »

De sa vieille main, Aline vient serrer celle du jeune garçon. Il lui paraît bien pâle, là, affalé contre son arbre, et la vieille femme s’inquiète soudain de le voir défaillir. Lui servir de soutien pour le ramener jusqu’à la ferme, c’est encore envisageable, même avec l’état de fatigue de sa vieille carcasse. Porter dans ses bras le corps inconscient du grand gaillard, c’est une autre affaire. Et il n’est pas question qu’elle confie la tâche à Sylvain.
Le laisser là le temps de se remettre de ses émotions était toujours une option, bien entendu, mais il ne fait pas si chaud, là dehors. Le mois de février est à peine entamé, et malgré les efforts du soleil, dans son ciel d’hiver au bleu étincelant, l’herbe est humide et le vent impitoyable. Tant que l’effort leur tient chaud, cela reste supportable, mais l’agitation de leur sang, sous leurs peaux suantes, ne durera pas éternellement. Il est plus prudent d’éviter de prolonger leur exposition plus longtemps que nécessaire.

Elle s’agenouille avec difficulté, sans lâcher la main du jeune blondinet. La plaie à sa cuisse saigne un peu, pas suffisamment pour le mettre véritablement en danger dans l’immédiat, mais assez pour que l’on s’en inquiète une fois rentrés à l’intérieur. Pour l’instant, elle se contente d’inspecter sommairement la blessure, plaquant le jean contre la peau pour essayer d’apercevoir un peu mieux la blessure, de sa main libre.
Ce n’est pas un plomb qui lui a fait ça. Déjà, les épaules de la vieille femme s’affaissent de soulagement. Ça aurait pu rapidement compliquer la situation, si son imbécile de frangin avait bel et bien réussi à canarder le pauvre… promeneur. Soulevant les rides légèrement poudrées de ses joues, Aline tente d’esquisser un sourire encourageant à l’attention de son patient.

« Et… L’idiot sénile qui vous a pris en chasse, c’est mon frère Sylvain. Il ne fera rien tant que je suis avec vous. C’est… un sanguin de paysan, vous savez ce que c’est… » Une petite moue contrariée vient lui froisser doucement le visage. « Enfin, essayez de ne pas vous en faire. »

C’est facile à dire, bien sûr, et Aline en est parfaitement consciente, mais que peut-elle bien faire d’autre. Rien de ce qu’elle pourrait lui confier, qu’elle décide de lui mentir ou de lui confesser la plus absolue des vérités, ne pourrait empêcher le blondinet de… et bien s’en faire, justement. Mais ne rien dire, au contraire, ne ferait que prolonger inutilement un status quo de confusion et de panique. Entre une parole relativement inutile, et un silence angoissant, la décision d’Aline a toujours été vite prise, et ce jour-là n’échappe pas à la règle. Tous en voiture, nous voilà en route sur le chemin rassurant des banalités d’usage…

« Votre jambe n’est pas bien abîmée, c’est très bien. On va s’occuper de vous. Mais pour ça on sera mieux à l’intérieur, vous ne croyez pas ? »

Elle s’écarte, pour lui laisser entrevoir la bâtisse de pierre grise, derrière elle, où son frère vient de disparaître avec précipitation. Maddie, elle, a cessé d’aboyer, portée par ses instincts de chien fidèle, et s’engouffre à l’intérieur à la suite de son maître. La distance à parcourir reste raisonnable, mais il faudra sans doute fournir un dernier petit effort avant de pouvoir s’effondrer dans un des fauteuils poussiéreux de la ferme familiale. Aline remonte sa main pour venir lui tapoter doucement l’épaule de son patient, de sa main libre, espérant insuffler dans sa carcasse fatiguée quelques étincelles de volonté.

« Allons ! Un peu de courage, mon garçon. Je ne sais pas d’où vous débarquez, mais vous ne gagnerez rien de bon à rester prostré ici. Levez-vous. » La manœuvre est laborieuse, et elle doit lâche sa main pour s’appuyer elle-même à l’arbre, en hissant et hisser de l’autre le bras du garçon par-dessus son épaule. « Ce ne sera pas long. Ne m’obligez pas à aller chercher la brouette, ça évitera beaucoup de peine et d’humiliation à tout le monde. Allez ! »

On bataille encore minutes pour mettre tout le monde à la verticale, sous les encouragements essoufflés de la Parisienne, visiblement plus habituée à être soutenue que l’inverse. Puis, tout aussi prudemment, la vieille femme s’applique à guider leur convoi déséquilibré en direction de la ferme. Elle peut sentir quelques gouttes de sueur lui perler dans la nuque, et sa poitrine se remplit de jurons qu’elle aimerait bien laisser sortir, à chaque pas, mais se retient, de peur d’envenimer la situation. Oh, il en entendrait parler pour longtemps, son abruti de frangin. Ça, c’était sûr et certain !

« Loin de moi l’idée de blâmer la victime, ici, mon grand, mais tout de même, Permettez que je m’interroge ; qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête d’un p’tit gars d’la ville comme vous pour que vous décidiez de vous promener au beau milieu de ce trou. En plein hiver, qui plus est ! Vous avez de la famille dans les parages ? »

Ça n’est pas fréquent, mais loin d’être complètement inhabituel, après tout. Les réunions de famille, dans le coin, c’était souvent rare mais intense. Festif. On se supporte mal, autrement ; elle en est la preuve vivante. Alors quand vient le temps de renouer des liens entre les branches rurales et urbaines d’une même famille, on fait en sorte de bien marquer le coup.
On invite tous les cousins, les enfants, les petits enfants, sans faire de distinction de code postal. Ceux qui habitent à la ville se ramènent en citadine, les autres passent le premier jour à se moquer d’eux. Ensuite, ça s’ennuie, ça se promène... Ça s’encanaille à la poire sans savoir la tenir. Après on en retrouve jusqu’au milieu des bois et on termine le week-end à les ramasser un par un comme des champignons.
Dieu merci les Fronsac n’ont jamais eu une famille assez étendue pour que s’y organisent ce genre de rassemblements, mais elle a entendu beaucoup d’histoires…

L’hypothèse n’est pas parfaite, et la vieille femme en est bien consciente. Mais l’autre solution à ce curieux dilemme implique quelques fantaisies scénaristiques qu’elle ne se sent pas tout à fait prête à affronter. D’autant plus si elles remontent taquiner quelques histoires d’avocats mystérieusement téléportés au milieu de son salon. Dieu sait qu’elle n’a aucune envie d’aller remuer ces… souvenirs-là.
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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeDim 9 Avr - 18:51

Le ton de sa voix se veut rassurant, un peu hésitant aussi et ça semble tout à fait normal. Ils ne se connaissaient pas à peine vingt minutes plus tôt et même maintenant, à part leur prénom il leur reste encore beaucoup à découvrir les uns des autres. Dans tous les cas, ils se retrouvent tous les trois mêlés à une affaire qui implique au moins des animaux de basse-cours, un chien de berger, une carabine, bien trop de plombs et une histoire de nerfs un peu trop vifs.

Aline a un certain âge qu’il se taira d’évaluer. Ce serait inconsistant et particulièrement déplacé. Son visage et sa main portent les marques des années passées. Ses cheveux sont blonds et elle semble au moins aussi décalée qu’il ne l’est dans le paysage. C’est une citadine, plutôt aisée étant donné sa tenue mais il serait bien trop simple et direct de tirer la moindre conclusion de simples observations. Elle lui révèle que son agresseur est en réalité son frère, le chasseur qui l’a pris en proie sans même le soumettre à un interrogatoire sommaire ou au moins lui ordonner de déguerpir et d’attendre un instant avant de cribler sa chair de plomb. Ou au moins de le tenter.
Il voudrait bien essayer de ne pas s’en faire, mais il n’y parvient pas vraiment. Une petite voix au fond de lui-même lui intime de prendre la poudre d’escampette, de grimper sur un âne, même une chèvre et de filer à travers champs … Une pensée stupide qui ne manquerait pas de le ridiculiser au lieu de le sortir de cette mauvaise passe. De toute façon il n’irait pas bien loin. L’équitation n’a jamais été son fort et quand bien même, il aurait le souffle coupé par les galops répétés de l’animal.

Thomas est frappé de mutisme, il détourne le regard un instant. Ses pensées se bousculent dans sa tête, l’adrénaline n’est pas encore retombée et il sent son rythme cardiaque s’accélérer. Pourtant, il n’est plus en prise du stress, en est pour preuve la mollesse qui s’empare de son corps à moins que ce soit le choc de son agression ou bien une commotion ou encore un choc septique … Le soleil rayonne pourtant, il est pris de frissons, il tremble un peu et ça n’arrange pas ses affaires. Le dénommé Sylvain n’avait pas l’air si sénile lorsqu’il lui tirait dessus, sanguin par contre il n’en doutait pas un seul instant. C’est bien la raison pour laquelle il ne parvenait pas à se défaire de la pointe de méfiance qui persiste malgré ses explications et son ton rassurant.

Toujours dans un silence brisé par ses mots et le crissement de l’air, elle s’attarde sur sa jambe et son genou. Dans une tentative vaine de le rassurer, elle lui précise que ça n’a pas l’air trop grave, à vrai dire ce n’est pas ce qui l’inquiète le plus mais ça fait bien parti de ses préoccupations actuelles. Il commençait d’ailleurs à regarder leur maison de campagne avec insistance, celle la même ou le papi au fusil venait d’entrer. Il la regarde de nouveau, l’air presque effaré, il n’avait pas vraiment envie d’entrer là-même où le fermier se trouvait qu’il soit armé ou non. Rien ne lui indiquait d’ailleurs qu’il n’avait pas une cave remplie de fusil de chasse et son propre fourneau pour produire ses balles de plomb.

De toute façon, Aline ne lui laisse pas vraiment le temps de refuser quoi que ce soit. Elle se relève et tente de le hisser comme elle le peut. Et c’est peut dire, bien qu’il soit globalement de bonne composition et dans une très bonne forme physique – pas dans l’immédiat c’est vrai –, il doit tout de même faire son poids ne serait-ce en considérant leur écart de taille. Dans un nouvel effort, il tente d’alléger le poids mort qu’il représente en s’étirant sur l’arbre puis en évitant de trop répartir son poids sur ses frêles épaules. Thomas boitille un peu, de défiance surtout. Maintenant qu’il a retrouvé son calme et une température normale voir un peu plus basse en raison du vent, il ne bénéficie plus de la douce anesthésie du moment.

Autour d’eux, les aboiements, les jappements, et autres cris d’animaux probablement effrayés par les coups de feu ont cessé depuis un moment. Et à mesure qu’ils progressent, le jeune citadin voit bien qu’Aline fatigue de le supporter. A quelques pas de la porte, Thomas s’arrête et se décide enfin à libérer son épaule, maintenant qu’il y a des murs il devrait trouver l’appui nécessaire pour achever leur périple. Il a un peu la tête qui tourne quand elle commence à l’interroger. Là encore, il est surpris par la question, il ne sait pas quoi lui répondre et il ne prend pas le temps d’y réfléchir. Il lui faudra bien plus que le temps qui le sépare d’une chaise pour mettre un nom sur ce qu’il lui arrive, plus encore pour comprendre et trouver une réponse aux deux questions centrales : ‘Comment ?’ et ‘Pourquoi ?’.

« Non, je n’ai pas de famille ici, enfin je ne crois pas, je ne pense pas. » Il continue son chemin et passe l’entrebâillement de la porte, puis murmurant plus doucement. « Mais j’aimerais bien » … Ce serait bien plus simple à expliquer et à accepter …

Il avance encore un peu et titube de droite à gauche pour trouver son équilibre malgré la migraine qui commence à s’instaurer. Il a le choix, un siège poussiéreux, assez vieux visiblement, il a l’air moelleux ; ou bien, une chaise en bois relativement solide. Il jette son dévolu sur cette dernière. Elle est certes plus dure, moins rembourrée et confortable mais elle a le mérite d’avoir une géométrie fixe. Le fauteuil a l’air déformé par les années d’utilisation et Thomas n’a pas la moindre idée de la position dans laquelle il pourrait se trouver s’il prenait le risque de s’y assoir. Le simple fait d’imaginer à quel point il pourrait s’enfoncer sans pouvoir se relever suffit à lui tirer une grimace et à le pousser tenir ses côtes douloureuse d’une main.
Il fait encore quelques pas vers la chaise, sur laquelle il se laisse tomber doucement en prenant moult précautions. Pas de signe immédiat du frère d’Aline, et c’est difficile de savoir si ça le rassure ou non. Peut-être qu’il préférerait le savoir en face de lui et éviter les surprises.

« C’est une … drôle d’histoire et honnêtement, vous allez me prendre pour un fou ou pire. »

Il laisse sa veste glisser le long de ses bras et déboutonne les premiers boutons de chemise pour entrevoir l’état de son épaule droite, de son torse et de son flanc. La douleur persistante se manifeste physiquement par une rougeur prononcée, étendue et des hématomes qui passeraient probablement par une multitude de couleurs avant de disparaitre totalement. Il attarde sa main sur son épaule dans l’espoir que la masser suffise à calmer l’inflammation mais il s’arrête à peine le contact établi. Plus tard peut-être mais pas tout de suite, pas comme ça. Au moins maintenant, il savait à quoi s’attendre, des douleurs un peu partout pendant un moment, mais rien de cassé ou de déplacé, une légère fêlure peut-être, va savoir … Il ne dirait pas non au soin d’un médecin mais comment il lui expliquerait la situation … Il se frotte l’arrière de la tête en plissant de yeux, puis il se relâche enfin, dans un long soupire. Finalement, dans un éclair de lucidité, Thomas récupère son portable dans la poche de sa veste. Il l’allume et soupire à nouveau en consultant la date et l’heure, tout devient de plus en plus flou dans sa tête.

« Après tout, qu’est-ce que je risque, de plus … » Dit-il en levant les bras au ciel. Il pose l’appareil en veille sur la table et croise ses mains sales l’une contre l’autre. « Merci … je vous ai vu intervenir et j’aurai eu bien du mal à m’en sortir tout seul. Je ne suis pas d’ici, le marchandage illégal de chèvres, d’ânes, ça … euh … non vraiment, ça ne m’intéresse pas, soyez-en rassuré. Et … désolé mais là, je ne sais pas, Aline, vraiment je ne sais pas quoi vous répondre. »

Il y a de l’hésitation dans sa voix, de l’incompréhension aussi, peut-être un poil de crainte. Il frissonne encore un peu et pour détourner la conversation ou bien juste pour éviter de trop penser à sa condition, il lui parle encore.

« Et … vous ? Une raison particulière de votre présence ici, ou bien je dois louer le hasard de vous avoir mise entre moi et le canon d’un fusil. » Il marque une pause assez longue. « Est-ce que je pourrais avoir un peu d’eau, Aline ? »

Non, elle n’a vraiment pas l’allure des personnes qui vivent dans les campagnes reculées de France, c’est une vraie citadine.


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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeLun 17 Avr - 3:07

Le blondinet s’accapare d’autorité la seule chaise confortable de la pièce à vivre, et Aline le laisse faire sans protester. Elle rechigne à se contenter du fauteuil, en revanche, parce que ce dernier est bien trop moelleux pour ne pas l’avaler toute entière où lui promettre quelques courbatures bien senties le lendemain, mais surtout parce que c’est, avant d’être à qui que ce soit d’autre, le fauteuil de Maddie. La parisienne n’aimait pas assez la pauvre chienne pour accepter de couvrir l’arrière de sa jupe de ses petits poils ras. Pire encore, il arrivait que l’animal ne prenne la vision de quelqu’un assis à sa place comme une invitation à se jeter sur ses genoux pour se faire gratouiller les jambons. Aline ne préférait pas prendre de risques.

Elle le laisse donc faire, et se contente de venir s'appuyer contre le bord de la massive table en chêne qui règne en maître au centre de la pièce, suffisamment près de lui pour pouvoir continuer à lui parler tout en étirant son vieux dos.
Levant un sourcil en le voyant se déshabiller tranquillement, la vieille femme cligne lentement des yeux, en se demandant si elle ne vient pas de rater un épisode. Il faut dire que la combinaison « vous allez me prendre pour un fou » / Strip-tease, ça n’est pas l’entrée en matière la plus rassurante du monde, et l’espace de quelques secondes elle se demande s’il n’est pas tombé un peu trop fort sur la tête tout à l’heure. Mais le début d’hématome montre le bout de son nez, et les petits rouages finissent par s’enclencher correctement dans sa tête.
Elle n’est pas infirmière, aussi elle ne peut en être complètement assurée, alors qu’elle se penche pour examiner les dégâts, mais les choses n’ont pas l’air si dramatique. Il n’y a rien qui dépasse, rien qui fasse un angle inhabituel, rien qui pisse le sang ou qui ait formé une marque bizarre sous la peau. Juste un peu de rougeur et de gonflement, par-ci par-là. On s’en remet, de ces choses-là. Surtout à son âge où on est encore souple et robuste.

« Oh ça je n’en doute pas, mon garçon. Accoutré ainsi, vous feriez un voleur de bétail bien pathétique. Mais c’est la tête de pioche de paysan qui me sert de frère qu’il faudra convaincre… »

Elle prend quelques longues secondes pour étudier l’accoutrement en question, passant outre les plis et les salissures que celui-ci a collectionné pendant leur course, pour remonter finalement vers le visage à l’expression perdue, mais aux traits absurdement bien rangés et entretenus. Il avait une peau de citadin, une pilosité de petit mec branché, et un air vaguement ahuri qui lui rappelle… Non. Il ne fallait pas penser à ça. Car cela n’avait rien à voir, pas vrai ? Il ne pouvait pas s’agir d’un… d’un deuxième Nathan…
Une légère sueur froide vient lui glacer le dos, et elle secoue doucement la tête. Elle se relève, fait quelque pas vers le placard pour en sortir un verre et lui remplir, les oreilles bourdonnant légèrement d’un mélange de panique contenue et de redescente d’adrénaline. Concentrant son regard sur l’eau qui jaillit du robinet, elle décide qu’il ne sert à rien de jeter des accusations en l’air pour le moment. Elle verra bien ce qu’il en est, de toute façon, et si Thomas décide de s’évaporer d’ici la fin du repas… et bien…

Elle aura quelques courriers à faire. Et un neurologue à contacter.

« Quant à moi, et bien c’est la ferme de mes parents, alors il n’y a rien de bien bizarre à ce que j’y r- »

Elle se fait couper dans son élan. Le verre d’eau lui file d’entre les mains, pour atterrir dans l’évier avec un tintement effroyable. Un juron coincé entre les dents, elle se retourne vers la silhouette crispée de son frère, pour le fusiller de ses petits yeux clairs dans les règles de l’art. Ce dernier s’arrête sur le pas de la porte, une grosse boîte en étain un peu rouillée coincée entre ses doigts noueux, et après avoir soutenu le regard de sa sœur pendant quelques longues et courageuses secondes, il tend un index tremblant en direction de Thomas.

« Mais t’as ramené c’foutu gitan dans ma maison ?! »

Aline ne peut pas s’empêcher de rouler ostensiblement des yeux, ramassant le verre au fond de l’évier pour l’essuyer sommairement. Elle le remplit à nouveau, à l’eau fraîche du robinet qu’on ne lui avait même pas laissé le temps de fermer, puis elle revient le coller entre les mains de leur invité. Elle lui un petit sourire navré, qui plisse la peau de ses joues, avant de reporter son attention sur Sylvain, devenu rouge comme une tomate.

« Oh, ferme-la un peu, foutu crétin ! Tu vois bien que ce n’est pas un gitan ! Déjà y’en a pas dans l’coin, et en plus celui-là il est en costard.  
- M-mais… heu…
- Et puis même si c’en était un, ça ne te donnait pas le droit de lui tirer dessus, triple buse !
- Il était sur mes terres ! J’vais aller m’plaindre à m’sieur le maire, moi…
- Mais qui m’a fichu un frère aussi corniaud ! »


Levant les yeux au ciel, Aline fait quelques pas pour se rapprocher de son frère, contournant son index toujours tendu pour venir lui coller le sien en plein dans son poitrail tout gonflé de taureau. Ce dernier, qui s’est visiblement remonté tout seul, le temps du trajet jusqu’à la salle de bain, fait un autre pas en avant, et la force à reculer. Ses grosses mains burinées sont serrées autour de la boîte à pharmacie, et pendant un instant il semble déterminé à la fracasser sur le crâne de sa sœur. Mais alors que leurs regards se croisent à nouveau, il se ravise, rattrapé par la bêtise de cet élan, et se contente de la dévisager sombrement.
Avisant la faille dans la façade de grand méchant ogre que son frère voudrait bien maintenir, Aline s’empresse de s’y engouffrer d’une voix plus calme, mais non moins sévère.

« Va donc chercher le maire, qu’on rigole. Vous appellerez les condés et ensuite, dans deux heures, quand tout le monde sera là - si on a de la chance - t’iras expliquer au commissaire pourquoi t’as tiré sur mon… sur mon notaire ! »

Le mensonge improvisé a au moins le mérite d’arrêter son frère net dans son élan. Il cligne lentement de ses petits yeux noirs, visiblement confus, avant de faire aller son regard, plissé de méfiance, entre elle et le jeune homme affalé sur SA chaise. Ce dernier, par bonheur, et probablement tout aussi confus que le vieux Sylvain, ne fait rien pour démentir son propos. Il reste muet, et figé dans une petite moue inconfortable.

« Ton… notaire ?
- Mon notaire. Parfaitement ! »


Aline ne se laisse pas impressionner par les mimiques de son frère. Elle lève le menton, gonfle légèrement la poitrine, et assumant fièrement son mensonge avec la détermination d’un alpiniste attaquant le sommet de l’Everest.

« Il est venu avec moi pour… jeter un œil à la propriété. Pour, hm. Des détails administratifs.
- Depuis quand t’as un notaire ?
- Et bien figure toi… que je pense à mon testament. Voilà.
- Teuh ! Qu’est-ce que tu vas m’chercher là. Vieille carne comme t’es, tu vas jamais crever.
- Quand bien même. Je ne te demande pas ton avis. »


La parisienne lui fait signe d’approcher d’un coup de menton, tendant la main pour réceptionner la petite boîte à pharmacie en étain que le fermier tient toujours dans ses mains.

« Donnes moi ça et rends toi utile. Va mettre la table, ou calmer ta chienne, j’n’en sais rien…
- Pfff… »


La mine du vieil homme se froisse et se fronce doucement alors que son regard étudie l’étrange duo en face de lui. A cet instant précis, il ne sait pas bien dire celui des deux qu’il a le moins envie de vois s’asseoir à sa table pour le déjeuner. Puis, alors qu’il s’apprête à leur tourner le dos, une idée vient le frapper de plein fouet, et il fait volte face pour pointer le blondinet du doigt.

« Hé, M’sieur le notaire, z’allez pas lui mettre en tête de vendre la ferme hein ? C’te terre-là c’est à ma famille.
- Famille dont je fais toujours partie, aux dernières nouvelles. Et tu peux tout de suite ranger tes élans de taureau essoufflé, il n’est pas question de la vendre.
- Ah non ? Bah pourquoi il est là alors, hein ?
- Pour s’assurer qu’elle te revienne si je casse ma pipe avant toi, bougre d’âne ! »



C’est la capitulation pour le vieux et fier Rouvrésien, qui crachote quelques protestations, inutiles, avant de battre en retraite vers ses casseroles pour vérifier l’état du déjeuner. Pendant qu’il s’affaire au fourneau, Aline se charge de rapporter la boîte à Thomas, en extirpant un tube d’Hémoclar, pour son épaule, ainsi que quelques compresses et un rouleau de gaze pour sa jambe. Il n’y a pas d’anti-douleurs, mais elle fait confiance à son frère pour avoir de la gnaule quelque part qui pourra faire office de substitut en cas de besoin. Il suffisait à présent d’apaiser sa méfiance naturelle envers cet intrus dans sa routine. Le reste suivrait de lui-même.

D’ailleurs, ce dernier relève déjà le nez pour observer leur interaction, le regard perdu quelque part entre la suspicion et le soulagement.

« C’est vrai ça ? »

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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeSam 22 Avr - 23:44

Un voleur pathétique. A vrai dire, un rapide coup d’œil à son allure, même sans miroir, lui permet tout de même d’affirmer le côté pathétique de sa situation. Il aurait bien besoin de s’épousseter un peu, de se débarbouiller et de s’étirer péniblement pour vaincre les tensions qui se propageaient petit à petit tout le long de son corps. Il a le regard un peu ahuri et perdu. Il n’est pas totalement dépaysé, il connait la France et les français, il connait leur façon d’être, leur côté ronchon mais souvent attachant. Il l’est probablement aussi, un peu ronchon, après tout il appartient aussi un peu à cette grande communauté même s’il n’a pas vécu longtemps en métropole.

Lorsqu’Aline qualifie plus clairement son lien avec la ferme où il a mystérieusement atterri, il est encore un peu surpris. Elle est vraiment très en décalage, au moins autant qu’il ne l’est lui-même. Et même s’il sait son lien de parenté avec … Sylvain, et bien il lui faut quand même quelques secondes pour ne plus être surpris. C’est là que le fermier revient et pointe un doigt accusateur vers lui en le qualifiant de « foutu gitan ». Il écarquille un peu les yeux, c’est plus son air furibond qui l’étonne parce qu’il ne comprend que moyennement ce qu’il veut dire, le décalage linguistique probablement. Même si le français est l’une de ses langues maternelles et que sa mère a tenu à ce qu’il comprenne, parle, lise et écrive parfaitement dans sa langue à elle, il en reste que la plupart de sa vie, il a parlé anglais et encore plus les cinq à six dernières années.

Le festival des mécompréhensions linguistiques a continué encore un moment avec l’échange entre Aline et son frère. Il lui faut réunir une grande concentration pour suivre cet échange rapide et fleuri, les mains crispées autour de son verre d’eau. Encore ce « gitan » qui montre le bout de son nez puis son « costard », il comprend vite qu’Aline parle de sa veste de costume de ville que Thomas agite d’une main. Et puis voilà que Sylvain devient une « triple buses », il se doute bien que le fermier ne pulvérise pas de l’air ou de l’eau ou autre chose et encore moins avec trois buses. Il doit s’agir d’un sobriquet entre frère et sœur, il sourit avant de vite se renfrogner, l’assaut n’est pas terminé. Dans tous les cas, ça n’a pas l’air très flatteur comme qualificatif.
Après une nouvelle série de réprimandes, un nouveau mot qui le fait tilter, d’autant plus que cette fois-ci c’est Thomas qu’Aline qualifie de « notaire ». Il se redresse brusquement sur sa chaise en grimaçant. Il lui faut un moment pour faire le lien entre le mot « notaire » et la profession notary en anglais, ou encore solicitor dans certain patelin. La traduction qu’il opère tant bien que mal le distrait concernant le reste de la discussion haute en particularités linguistiques. Ils se donnent des petits noms visiblement ; « vieille carne », « taureau essoufflé » ou encore « bougre d’âne », autant de douces expressions qu’il a clairement du mal à traduire … Et puis, « casser ma pipe », à moins qu’Aline fume la pipe et qu’elle l’ait malencontreusement brisée, qu’est-ce qu’elle voulait bien dire par là ?

Quoi qu’il en soit, Thomas acquiesce d’un hochement de tête. S’il fallait qu’il soit notaire, il serait un notaire, pour l’instant en tout cas. Aline le couvrait pour une raison obscure, à moins qu’elle ait simplement pitié du citadin paumé dont il faisait la représentation depuis leur rencontre. Elle lui tend une petite boite faisant office de trousse de premier secours, ainsi qu’un tube de crème. Il pose son verre sur la table et récupère la boite avec une main et la crème dans l’autre. Il s’apprêtait à la remercier et à lui demander pourquoi le choix du notaire et puis pourquoi elle lui trouvait un alibi comme ça, mais Sylvain ne lui en laisse pas le temps. Et puis la questionner alors qu’il est à deux pas, ce n’est pas bien malin.

 « De quoi ? De ? H-ha, oui. Hum … Comme le dit madame F… madame, je suis là pour évaluer votre terrain et l’ensemble du bâtiment. J’ai déjà pu en évaluer la … taille, grommèle-t-il en détournant le regard. Je ferais ça juste après, enfin je commencerais, ça peut être long toutes ces choses. Hum … Je peux emprunter votre salle de bain ? » Dit-il en montrant ses ustensiles et ses mains égratignées et tâchées de terre.

Le bon Sylvain bougonne et marmonne avec son regard toujours plus suspicieux, même un peu haineux. Malgré sa méfiance et tout ce qu’il lui reproche virtuellement, il fait un signe du pouce pour montrer une porte et il marmonne dans sa barbe :

 « La porte au fond du couloir ! Et que j’te vois pas fouiner ailleurs … foutu gitan.
M-merci, je reviens … enfin, ça ne sera pas long. »

Encore et toujours le même surnom, son prénom n’est pourtant pas bien compliqué, très français en plus. Quand Thomas tourne la poignée de la porte il sent encore le regard de son hôte qui remut sa tambouille dans une marmite. Il avance à pas rapide dans le couloir et entre dans une salle de bain assez classique quoique modeste. Son premier réflexe est de sortir son portable de sa poche, et de consulter l’heure, toujours aussi incohérente et son GPS. Il s’assoit immédiatement sur le rebord d’une petite baignoire quand il prend connaissance de sa position exacte. Il dézoome, comme si ça changerait quelque chose. Un message de Aiden : ‘T’es reparti ?’ … Qu’est-ce qu’il pourrait bien répondre à ça : ‘Oui, oui, je suis parti déguster une blanquette dans un petit village français.’ Il se contente d’un : ‘Oui, je ne me sentais pas bien, à plus !’. Ni une, ni deux, il range l’appareil dans sa poche en tentant de ne pas trop y penser, en faisant mine de rien, plutôt.

Il commence d’abord par se laver les mains à l’eau et se débarbouiller le visage à l’eau chaude, un bon début. Pour commencer il touche le côté de sa tête, il sent une bosse, mais sa main est propre … Si c’était plus grave, il manifesterait déjà des effets plus violents, un premier bon point. Puis, il retire sa chemise et jette un coup d’œil dans le miroir. Quelques égratignures par ci et par là, rien d’extrêmement grave, pas trop cabossé, pas d’angles étranges, c’est rassurant malgré la grosse tâche rouge qui s’étend, le choc voilà tout. Il s’étire de tout son long en levant les mains haut vers le plafond, son visage exprime toutes les insanités qu’il pourrait éructer à ce moment, une belle grimace, à garder dans les annales. Il se sent tout de même soulagé une fois qu’il se relâche et il se met finallement à barbouiller doucement une partie de son flan avec la fameuse pommade miracle. Quand il a fini de faire pénétrer la pommade et de recouvrir les plus grosses égratignures d’un genre de compresses-pansements – pour éviter le contact désagréable et douloureux avec le tissu –, il enfile à nouveau la chemise en se contorsionnant dans des positions peu conventionnelles. Son regard se pose alors sur son genou … Il soupire en déboutonnant le bouton à sa ceinture avant de s’assoir sur la cuvette baissée des toilettes. Ca fait un moment qu’il est là, il entend des bruits dans la grande pièce mais il n’y porte pas vraiment attention. Ils doivent être en train de discuter.

Au final, ça va. C’est moins sale qu’il ne l’imaginait. C’est quand même bien entaillé mais même s’il était chez lui, il ne se serait pas déplacé aux urgences. Une bonne cicatrisation, ralentir sur la course dans les champs et la randonnée devrait faire l’affaire. Après un petit nettoyage en bonne forme, il protège sa blessure de guerre avec des gaz et une bande collante pas trop serrée. Il se rhabille totalement, puis il plie un peu la jambe, ce n’est pas la grande forme mais ça va un peu mieux quand même.

 « Aller ! Un peu de courage Tom, dit-il sans grande conviction. »

Il retire comme il peu la poussière de ses vêtements puis il enfile sa veste. Un dernier coup d’œil dans le miroir lui permet de constater que qu’il retrouve petit à petit une allure moins débraillée. Il fera peut-être plus notary comme ça … Peu d’espoirs, bref. Il respire un grand coup, jette ou range ce qui doit l’être et sort.

Quand il revient dans la salle principale, Sylvain termine de mettre le couvert, une bouteille de vin débouchonnée a fait son apparition sur la table, rouge visiblement. Aline est un peu plus loin, près d’une fenêtre. Il n’a aucune idée de ce qu’il s’est dit ou fait entre ces murs pendant qu’il n’était pas là mais il règne une drôle d’atmosphère calme et tendue à la fois. C’est un peu étrange, mais c’est peut-être normal pour une réunion de famille au sommet, qui sait. Thomas avance un peu, vers l’une des chaises et il s’appuie sur le dossier de ses deux mains pour déchiffrer l’étiquette de la bouteille. Il est bien incapable de juger de la qualité d’un vin à son nom, à son année de mise en bouteille, mais ça l’intrigue un peu. De son côté, Sylvain garde sur lui un œil méfiant et toujours aussi mécontent. Il ne lui fait pas confiance – c’est réciproque – et il préférerait bien que le jeunot soit ailleurs – c’est plutôt réciproque, là aussi. Il a une cuillère en bois à la main qu’il pointe dans sa direction, c’est une mauvaise habitude.

 « On ne touche pas à la marchandise, bougre d’imbécile !
_ H-hum, oui. Elle est énorme votre propriété, vous avez quelqu’un pour vous donner un coup de main ou bien vous l’entretenez tout seul. Nan, parce que ça en fait du terrain tout de même. Vous pourriez en … » Il se renfrogne. « Ca doit vous prendre un temps fou ! »

Le bougre bombe le torse, impossible de dire si c’est bon ou mauvais signe. Thomas jette un coup d’œil à Aline, l’air toujours aussi perdu. C’est difficile de donner le change constamment, surtout après un voyage express outre-Atlantique. Il fait quelques pas dans sa direction. Il lui murmure quelques mots plein d’interrogation de sorte que Sylvain n’entende rien d’intelligible. De toute façon, il s’en est retourné à son fourneau.

 « J’espère que votre frère n’a pas cassé sa pipe lui aussi. » Une banalité maladroite basée sur une divergence linguistique … Passons. « Vous savez que je ne suis pas du tout un notar … Un notaire, hein ? »


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Aline Brillant


Aline Brillant

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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeJeu 4 Mai - 15:04

« Tu n’as vraiment aucun respect. »

La phrase est lancée, comme on lance une pierre, à peine le blondinet sorti de la cuisine, et Aline la reçoit sans comprendre tout de suite ce qui l’a justifiée. Elle cligne des yeux, ahurie, plantant son regard dans le dos de son frère, qui ne la regarde même plus. C’est inhabituellement lâche, de sa part, ce qui paralyse Aline bien plus efficacement que l’accusation elle-même. Quand son frère ne prenait même plus la peine d’accompagner ses bravades de petits bombages de poitrail virils, c’est qu’il est en train de glisser vers des émotions plus sournoises. Plus intimes. Le genre que l’on n’a pas appris aux gens comme lui à laisser voir au monde. De la jalousie, ou de la tristesse…

Un long soupir s’écoule de la gorge d’Aline.

« Allons bon. » La remarque lui vaut un petit regard, plus sombre que tous les précédents, que son frère lui jette par-dessus son épaule avant d’en revenir à ses patates. La vieille femme roule ostensiblement des yeux. « Qu’est-ce que j’ai fait, encore… »

Sylvain ne daigne même pas se retourner, continuant à saler sa viande et à en remuer énergiquement les sucs, les épaules tendues de contrariété. Aline le regarde, perdue entre la fatigue et la confusion.

« Oh, tu sais ce que tu as fait.
- Eclaire moi, Sylvain. Parce que j’ai décidément grand mal à te suivre aujourd’hui.
- Tu ramènes un étranger ici… Un… Un notaire ? Le jour de sa mort ?
- Ecoutes…
- Je ne vois vraiment pas pourquoi je devrais t’écouter. Il ne touchera à rien de ce qu’il y a ici, tu entends ?
- Il n’est pas là pour ça.
- Et toi, tu es là pour quoi, au juste, hein ? Tu comptais aller au cimetière, au moins ? Ou tu étais juste venue faire… tes trucs. Compter le nombre de briques de cette foutue ferme ou je sais quoi d’autre.
- Sylvain… »


Cette fois, le vieil homme se retourne pour de bon, l’œil brillant d’une indignation terrible. L’espace d’un instant, Aline y retrouve la noirceur des yeux de son grand-père, lorsqu’il était encore là pour la couver de ses orages. Cette vue terrasse aussitôt la remarque sarcastique qui avait grimpé dans sa gorge, et elle marque une longue pause, lourde de sérieux et d’une légère pointe de remords. Lorsqu’elle reprend, plus lentement cette fois, sa voix s’est affaissée de quelques notes, et a perdu ses accents railleurs.

« Tu sais… je m’inquiètes.
- Pfft.
- A chaque fois que je viens ici, je pense à elle, et à toi. A ce qui arrivera quand...
- Bien sûr, et moi je suis…
- Je ne veux pas qu’un stupide avocat se présente un jour ici et te force à payer la moitié de la valeur de la ferme ou à la vendre, simplement parce que je n’aurais pas pris le temps de… de faire ces trucs de notaires. »


Le visage de Sylvain se referme doucement, comme si les mots de sa sœur l’avaient finalement atteint, se faufilant par-delà les innombrables boucliers déployés tout autour de son cœur, pour l’y piquer avec une précision redoutable. Aline, elle, se fait la promesse silencieuse de jeter un œil à son testament – le vrai, pas celui qu’elle prétend mettre en place à l’instant même – à la seconde où elle sera de retour à Paris. C’est dire si l’échange l’a secouée, car il semble qu’elle s’est presque convaincue elle-même de la justesse de cette cause.

« Il ne restera pas longtemps. Je le mettrai dans un taxi avant ce soir, alors maintenant arrête de faire ta tête de mule. Prend un verre, au moins.
- Mmh… »


Ça, c’est un langage que le vieux Sylvain parle plus aisément que celui des émotions. Il trottine vers la table, contre laquelle sa sœur s’est appuyée, et vient servir deux verres d’un vin sombre et parfumé. Après un regard en biais de la part d’Aline, il lève les yeux au ciel et en sert un troisième, à contrecœur, avant de le laisser au bout de la table. La vieille femme lève distraitement le sien, tandis que le grincement des lattes de parquet leur indique que leur hôte remonte le couloir en sens inverse.

«  A sa santé alors. »

Sylvain ronchonne, haussant les épaules, puis avale son pinard d’une seule traite. Alors que le blondinet refait son apparition dans la cuisine, il s’en retourne à ses fourneaux comme si rien ne s’était passé. Aline sourit, doucement, observant leur échange, et décide d’en profiter pour mettre la table. Pendant que le rouvrésien grommèle au-dessus de ses casseroles, la parisienne gratifie leur hôte d’un hochement de tête assuré, avant de se pencher pour attraper quelques assiettes dans un vieux buffet de hêtre. Le jeune américain trottine timidement jusqu’à elle, et elle balaie son inquiétude d’un petit geste tranquille de la main.

« Oh, je sais bien, mon garçon. Je sais bien. Et si je ne savais pas, je crois que je l’aurais assez aisément deviné. »

La remarque est faite sans reproche ni animosité, et suffisamment bas pour ne pas venir chatouiller les feuilles de chou de son frère. De toute façon, ces dernières n’étaient plus très efficaces, et penché comme ça sur ses fourneaux, il y avait peu de chance que leur conversation lui parvienne.

« Heureusement pour vous et moi, mon petit frère ne possède pas ma subtilité. Mais il vaut probablement mieux continuer à faire de votre mieux et… jouer le jeu. Il sera plus aimable dans quelques verres, vous verrez. » Elle lui colle ses assiettes dans les mains, au passage, lui faisant signe d’aller les arranger sur la table. « Oh, il y en a un pour vous, d’ailleurs. N’hésitez pas. Et remplissez donc le mien, si vous avez une seconde. Vous seriez bien aimable… »

Elle s’accroche au bord du buffet pour se hisser à nouveau en position verticale, quelques serviettes de tables, brodées à la main accrochée à son bras, et elle remplit ses vieilles mains de couvert avant de retourner se joindre à l’effort de leur hôte. Ensemble, ils s’affairent, là, en silence d’abord, puis, au bout d’une longue minute, Aline ne tient plus. Jetant un œil par-dessus son épaule, et constatant que son frère s’éloigne pour aller chercher quelque chose dans le garde-manger – probablement un condiment de dernière minute – elle reporte son attention sur Thomas et le détaille d’un regard inquisiteur.

« Et qu’est-ce que vous faites de beau, dans la vie, dans ce cas ? Puisque ni le notariat ni la redistribution des biens d’autrui n’a semblé inspirer votre vie professionnelle ? » Elle marque une petite pause, ses doigts jouant sur le bord d’un dessous de plat en vieux bois gravé et poli par le temps. Ses lèvres se pincent pensivement. « Habillé comme ça vous n’êtes probablement pas dans les métiers de la terre, ou de l’artisanat. Un politique, peut-être… ? Non, vous êtes trop… intimidable. Représentant de commerce ? »

Non, ça n’était pas encore ça. Ces gens-là étaient inarrêtables, prêts à vous poursuivre jusqu’au bout du monde, leur aspirateur miracle en main. Et, s’ils officient dans ce genre de campagne profonde, certainement pas les premiers à s’offusquer de vous voir sortir la carabine à plombs. Thomas lui a ce petit côté… fragile. Intimidé. Sans sous-entendus vis-à-vis de sa masculinité, bien évidemment. Dieu sait qu’Aline se garde bien de juger ce genre de choses, et qu’elle en aurait à dire, au sujet des stéréotypes de genre. Simplement on sent bien que le pauvre garçon manque cruellement d’adaptabilité face à ce milieu rural qui agresse ses sens de citadin.
Il est probablement de cette génération de jeunes gens, un peu déboussolée, et nourrie dans le confort et la sécurité des villes immenses et de leurs « bons » quartiers. Le franc parler brutal et impuni du monde paysan, et son protectionnisme débridé, c’est pour eux comme les gifles parentales ou les écorchures sur les genoux, ils n’en ont pas connues assez pour s’y être tout à fait immunisés.

Pas que ce soit drame pour autant, car on avait fait de ces enfants des êtres vifs, intelligents et sensibles, capables, bien mieux que leurs parents, de respecter l’autre et de le comprendre. En revanche… pour tout le reste, on les avait cruellement mal préparés. Elle échappe un petit soupir compatissant, relevant ses yeux de la serviette qu’elle était en train de plier pour le regarder dans les yeux.

« D’ailleurs, je ne crois pas avoir bien… saisi d’où vous veniez… » Elle marche sur des œufs, ici. Refusant catégoriquement à son esprit d’aller se promener parmi les suppositions les plus surnaturelles qu’il aimerait bien formuler, mais consciente que cela restait… une possibilité. Si elle ne parvient pas à élaborer un scénario crédible pour contenter sa psyché, elle sera bientôt obligée d’accepter le fait qu’elle se trouve peut-être en présence d’un… deuxième Nathan…

Beaucoup plus à l’aise avec sa situation, visiblement, mais tout aussi perdu, hagard et insolite que le jeune avocat l’était quand…
Aline frissonne, désagréablement tiraillée par des pensées auxquelles elle n’a aucune envie d’accorder de l’attention. Les lèvres pincées autour d’un sourire qu’elle souhaite le plus convainquant possible, elle poursuit sur sa lancée, afin d’éviter à son hôte un silence trop gênant.

« A moins que vous ne préfériez rester incognito, mais vous savez, je ne suis pas mon frère. Je ne vous tirerai pas dessus si vos aveux me déplaisent. Et qui sait peut-être que je pourrais même… vous aider ? Croyez-le ou non, vous… ne seriez pas la première âme en détresse à me tomber dans les bras. »
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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeMar 9 Mai - 0:54

 Difficile de savoir ce qu’il a bien pu se passer entre ces deux-là pendant son absence. Quoi qu’en extrapolant sur le caractère bourru et sans détour de Sylvain et de la capacité d’Aline à mener son frère là où elle veut en jouant de son ton et de formulations bien senties, déterminer le fil des événements n’est peut-être pas impossible. Malgré ces évidences, Thomas préfère combattre les conclusions faciles quitte à rester dans l’ignorance. Il en reste que le caractère du bougre ne s’est guère adouci à son égard, il n’en attendait pas moins en si peu de temps.

 Aline balaye ses doutes sans mâcher ses mots mais en y mettant toutes les formes nécessaires. De toute façon, Thomas lui doit bien assez pour ne plus se vexer à la moindre réplique un peu trop franche. Après tout, c’est la vérité, il n’est pas notaire. Il sait tout juste qu’elles sont les fonctions associées à cette profession et en particulier à quel point elle est fermée, notamment en France. Il ne lui reste plus qu’à jouer le jeu avec un talent suffisant pour éviter d’attiser les doutes du bougre en plus de son côté colérique et retors face aux étrangers. Heureusement, à en croire Aline, son frère n’est ni subtil ni très attentif à ce genre de détails, avec un peu de chance ce ne serait pas très compliqué de le convaincre. D’autant plus s’il descend quelques verres pour émousser ses sens et radoucir son humeur. S’il s’autorise à extrapoler, encore une fois, cela sous-entendrait que Sylvain à l’alcool plus heureux que mauvais. Là aussi, c’est un point qui tendrait à le rassurer, d’autant plus que le fermier n’a probablement pas qu’une seule arme à sa disposition. Oui, même avec un père militaire qui met un point d’honneur à ce que ses enfants sachent tirer, l’idée qu’une arme soit planquée quelque part, sans qu’il en ait connaissance, n’est pas pour le rassurer. Thomas garde d’ailleurs un œil vigilent, on ne sait jamais.

 Les mains chargées d’assiettes, Thomas reste proche d’Aline pendant un instant, il pourrait bien l’aider à se relever même avec trois assiettes dans une mains. Visiblement, la citadine est bien assez en forme pour se débrouiller, ou en tout cas elle ne manifeste pas vraiment sa fatigue. Du coup, il s’en retourne à la table pour disposer les assiettes, une devant chaque chaise à défaut d’en savoir plus sur un éventuel rituel concernant la position des couverts. Il récupère ensuite couteaux et fourchettes qu’il positionne sur le côté droit des assiettes, lame vers l’assiette, fourchette à l’extérieur.

 Il saisit finalement la bouteille pour servir le verre vide d’Aline. La robe laissée par le vin sur les parois des verres à pied ne laisse pas de place au doute, c’est au moins le deuxième. Bah … après tout, ce n’est pas méchant. Le temps passant, même lentement, Thomas regagne en mobilité, ses muscles se détendent et il arrive petit à petit à oublier ses douleurs, ou en tout cas à les mettre de côté. Une gorgée de vin ne pourrait pas lui faire du mal. Au moment même où il porte le verre à ses lèvres, Aline lui demande quelle est sa véritable profession, profitant de l’absence de Sylvain pour aborder le sujet.
 Il manque d’avaler son vin de travers quand elle suggère qu’il soit un politicien ou un représentant de commerce. Il tapote mécaniquement sur son torse et regrette son geste avant même de l’avoir achevé. Il détourne le regard un moment pour reprendre ses esprits. Dans la vie de tous les jours, Thomas est en relation avec des clients, du privé et du public, il négocie des contrats mais ce n’est pas le cœur de son métier … Il n’est pas vendeur, et il est peu probable qu’il parvienne à lui vendre un aspirateur ou bien une passoire miraculeuse, même avec toute la détermination du monde. Quant aux politiques, il lui ait arrivé et il lui arrive encore d’être en lien avec certains d’entre eux, toujours dans les mêmes conditions. Parfois par l’intermédiaire de son père qui l’utilise régulièrement comme consultant et qui rêve intimement que son fils s’investisse un peu plus dans « l’effort de guerre » (de ses mots) à un niveau plus gouvernemental et pourquoi pas sous son égide. Manque de pot, Thomas ne s’y résout toujours pas. Mais, là encore, il n’avait pas les qualités de débatteur ni des convictions suffisamment malléables pour faire un bon politicien. Ce qui ne l’empêchait pas d’interagir avec eux lorsque ça s’avèrait nécessaire.

 Le temps qu’il revienne à lui et s’apprête à lui répondre, Aline a déjà basculé sur un sujet bien différent, et moins évident. La main du jeune homme se crispe un peu sur son verre. C’est un sujet difficile à aborder, d’autant plus qu’il a encore beaucoup de mal à concevoir ce qu’il lui est arrivé avant même de chercher à comprendre. Ce phénomène, ce déplacement remet en cause bien des fondements qui lui paraissaient inébranlable jusque-là, si bien que son monde c’est écroulé au moment même où il a pris conscience du lieu où il se trouvait.
 A cet instant précis, il n’y croit toujours qu’à moitié, mais ce qu’il se passe à chaque seconde s’écoule, c’est la réalité, jusqu’à preuve du contraire. Peut-être qu’il dort, peut-être que tout ça n’est qu’un cauchemar, une dérive folle de son subconscient. Mais la douleur, ces sensations, le goût du vent, la poussière qui lui titille les narines au moins autant que l’odeur du plat sur le feu, le froid à l’extérieur, le terre et même ce verre entre ses mains, tout le ramène à la réalité … A défaut d’une explication, Thomas évitait la question.

 « Je travaille comme responsable en recherche et développement dans une entreprise d’informatique et d’électronique. Enfin, je suis le débrouillard du groupe, celui qui bricole et qui développe avec plus ou moins de moyens … Je sais, c’est barbant comme ça, mais je suis sûr qu’il doit y avoir une façon bien moins barbante d’en parler … »

 Une pointe d’ironie et de maladresse viennent se glisser dans ses derniers mots. Il vit bien sa profession et son quotidien, malgré les contraintes ça reste une passion avant toute chose. Pourtant, Thomas éprouve toujours une grande difficulté à expliquer en quoi consiste exactement sa profession. C’est assez vaste et pas évident à énoncer rapidement, mais ça lui plait et il est visiblement doué, ses services sont même appréciés, la plupart du temps.

 « Vous avez bien raison, je ferais un piètre politicien, j’en ai bien conscience et je viens encore de le démontrer. Et je n’ai pas la moindre compétence pour vous convaincre, vous ou votre frère, de m’acheter un aspirateur haut de gamme ou bien des boites de surgélation étanches. Non, c’est certain, mais pour le reste si jamais le besoin s’en fait sentir, je pourrais toujours faire un effort. »

 Il est rare que Thomas refuse d’offrir son aide lorsqu’elle lui est demandée et que la demande ne vient pas froisser ses convictions plus qu’il ne saurait le tolérer. En l’occurrence, Aline avait pris son parti alors même qu’ils ne se connaissaient pas. Pire encore, elle avait choisi de lui laisser le choix de ce qu’il est plutôt que le juger et lui coller une étiquette. Ces gens, capable de maîtrise et d’ouverture, sont rares. Elle lui avait porté son aide, offert l’hospitalité − imposé sa présence à son frère serait un terme plus juste −, de quoi se soigner même sommairement, une couverture face à la défiance de son frère et la possibilité de s’expliquer. Cette dernière partie relevait d’un tout autre effort. Elle exigerait qu’il soit en mesure de briser les verrous rationnels qui l’empêchent de concevoir ce qu’il lui arrive, raisonnablement ou non. Cette chose a brisé une partie de ses convictions et une partie des lois qui régissent le monde tel qu’il l’imaginait. Il existe bien des théories sur la téléportation, des rapports rédigés à une époque où la science moderne n’en était qu’à ses balbutiements et où ces phénomènes tenaient plus de divagations de sci-fi plus que d’un concept éventuellement probant. Mais le progrès ne consiste-t-il pas en une constante remise en cause des principes fondamentaux qui réagissent visiblement notre monde ?
 La terre plate, l’électricité, l’inconcevabilité du vide … l’évolution des espèces, le train dont la vitesse médiocre de l’époque était déjà qualifiée de nocive pour l’Homme. Tous ces fondements n’ont-ils pas été ébranlés par la fulgurance de quelques brillants esprits ? L’étude du corps humain a aussi été combattue par l’église. Ces chercheurs précurseurs se voyaient contraint d’explorer leurs hypothèses dans des caves miteuses à l’abri des regards alors même que leurs travaux sauveraient des milliards de ceux qui les combattait. Le vaccin contre la rage n’en est qu’un exemple plus criant encore. Sa pérennisation se résout à un pieu mensonge et la rage des pairs. Aujourd’hui encore, l’inexplicable doit se cacher pour ne pas froisser la stabilité de la société et les convictions bien ancrées. Jusqu’à ce qu’enfin, une explication éclate au grand jour et soit portée avec force et conviction pour ne pas sombrer sous le poids des concepts connus ou de la croyance. C’est un comportement bien ancré en chacun de nous qu’il faut combattre pour ne pas se laisser submerger …

 Conscient de l’Histoire, apte et prêt à ébranler des concepts profondément ancrés en lui, Thomas n’en reste pas moins en proie à la plus grande des faiblesses … Ranger ce qui lui arrive dans la catégorie des troubles liés au stress ou encore au surmenage. Dans ces conditions, s’expliquer n’est pas évident. Tout ceci est encore jeune et nouveau pour lui.
 Les derniers mots d’Aline raisonnent étrangement à ses oreilles. Il termine son verre cul sec … peut-être un peu trop vite, il s’en ressert un tout de suite après, comme pour s’autoriser un court repos ou pour masquer sa descente. Il ne se sent pas le moins du monde incognito, mais il ne peut s’empêcher de remettre en doute la véracité de ce qu’il est en mesure de lui dire. Et surtout, comment pourrait-il formuler tout ceci sans passer pour un fou. A vrai dire, il se posait lui-même la question … Tout ceci s’était bel et bien passé. Dans le cas contraire, ça signifierait qu’il se trouvait dans le coin depuis maintenant plusieurs jours, le reste

 « C’est difficile à dire, Aline, vraiment. Je pense que vous allez me prendre pour un fou, et pour être honnête je ne suis pas sûr que mes arguments soient vraiment bons pour vous faire changer d’avis. J’ai vécu pas si loin d’ici, à Londres très jeune, et même en France, à Paris, plus tard. » Dans son référentiel de résident américain, la distance séparant cette bourgade de la capitale et de Londres n’est pas si importante. « Mais depuis plus de cinq ans maintenant … » Il tente de recompter les années mais laisse vite tout ça de côté. « … depuis plus de cinq ans, j’habite à New York … s-sur la côte Est des Etats-Unis … et … »

 Il balbutie un peu, les mots s’emmêlent et il éprouve de plus en plus de mal à exprimer clairement sa pensée. Il le sent, il le voit, ça va probablement être difficile à croire. Mais qu’Aline se rassure, c’est au moins aussi difficile pour elle que ça ne l’est pour lui d’accorder du crédit à ses mots. Thomas n’espérait qu’une chose, qu’elle n’arrache pas la carabine de son frère des mains de ce dernier pour le menacer. Pourtant, il ne saurait la blâmer, chasser un illuminé c’est une réaction plutôt saine … au mieux elle appellerait peut-être le médecin du coin pour qu’il vérifie que le jeune homme ne souffre pas d’une sévère commotion cérébrale.

 « … et … J’en suis convaincu au fond de moi, il y a peut-être un peu plus d’une heure, je m’apprêtais à constater la pagaille de Carter … euh, Carter c’est mon master stud … Comment on dit … hum mon stagiaire … à … à Manhattan … » Elle s’en fichait de ces détails, il secoue la tête pour chasser ces divagations. « Mais c’est impossible hein ? Je suis juste mal tombé sur l’arrière du crâne … ou bien j’ai trop bu ce matin … ou bien on m’a drogué hier soir et je m’invente une histoire invraisemblable pour chasser un quelconque traumatisme, probablement … »

 Il s’assoit et fourre sa tête entre ses mains pour échapper au regard plein de jugements d’Aline. En tout cas, c’est ce qu’il suppose. Qui croirait les élucubrations d’un faux notaire qui ne comprend pas la moitié des expressions françaises alors qu’il l’est lui-même en partie et qui, en plus, déblatère des histoires invraisemblables. Ça le perturbait au moins autant que ça le soulageait. Partager ses questionnements lui permettait de faire le point sur ses maigres convictions qui s’effilochait à mesure que la matinée … enfin l’après-midi, s’écoulait.

 « Je peux comprendre que vous me preniez pour un fou … Honnêtement, je ne suis plus sûr de rien pour l’instant. »

 Les pas de Sylvain se font entendre, un peu trop tard malheureusement.

 « Je peux partir si vous voulez, ce serait peut-être préférable pour vous et votre frère. J’ai déjà bien assez abusé de votre hosp… » Il se voit interrompu par le fier Sylvain, qui entre à nouveau dans la salle, chargé de quelques oignons, d’une échalote et d’un bouquet d’herbes.
 « En voilà une idée quelle est bonne, dit-il avec un air revanchard, on n’aime pas trop les gitans par ici, et pareil pour les gitans notaires. » Il fait la moue et dépose ses légumes avant de les dévisager, les mains fermement ancrées sur sa taille. L’air un peu mauvais, il ajoute : « Oh c'est pas la peine de tirer une gueule pareille, hein ? »

 Thomas se redresse d’une traite et fait l’effort de laisser sa torpeur de côté.

 « Non, rien … J’ai hum … J’ai juste avalé de travers. Un très bon cru en tout cas. Je vous ressers un verre ? »

 Sylvain acquiesce, toujours en bougonnant, pour la forme probablement, et il s’en retourne à ses légumes. Thomas se relève et tend le bras pour remplir le verre du fermier en évitant soigneusement le regard d’Aline. Profitant de la distance entre eux et Sylvain et de sa mauvaise audition, il lui murmure toutefois :

 « Désolé … Oublier tout ça, je me suis laissé emporter. Je ne suis même pas sûr de ce que je dis, j’ai juste besoin de souffler encore un peu pour trouver une solution. En attendant, j’assurerais mon rôle de notaire. »

 Il dépose la bouteille et s’écarte un peu vers une fenêtre qui donne sur l’étendue des champs de Sylvain et sur son verger, pas loin de ses bêtes qui gigotent dans leur enclot. Un léger soupire émane d’entre ses lèvres quand il se suggère intérieurement que sa vie venait de foutre le camp, en quelques secondes. Il le réalisait enfin, plus rien ne serait jamais comme avant. Et qui accréditerait les délires d’un fou ? Il fallait qu’il fasse des recherches, qu’il cherche si d’autres personnes se trouvaient dans le même cas que lui … un cas qu’il n’aurait même pas pris la peine d’écouter à peine plus d’une heure plus tôt. Comme quoi, quand la réalité vous percute de plein fouet, ça peut totalement changer vos considérations.


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Aline Brillant


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MessageSujet: Re: First trip en campagne française [Aline]   First trip en campagne française [Aline] Icon_minitimeVen 16 Juin - 0:56

Elle le regarde s’éloigner, d’un air songeur, l’esprit bourdonnant de suppositions sur lesquelles elle n’avait aucune envie de se pencher. Car il était dur, à présent, et au regard des nouvelles informations que Thomas venait de lui livrer, de continuer à nier l’inquiétante étrangeté de la situation.
Quelques petites choses ne collent pas, dans son histoire, bien sûr. Çà et là, elles dépassent, comme de petites corniches auxquelles se raccroche La rationalité d’Aline avec l'énergie du désespoir.

Par exemple, son français est vraiment très bon, pour un américain. Surtout si le bougre résidait là-bas depuis aussi longtemps qu’il l'affirme. Mais est-ce pour autant là la preuve définitive qu'il ment, ou bien qu'il n'est qu'un pauvre homme confus, perdu dans les limbes brumeuses d'un état dissociatif ?

Même cela, c'est dur à digérer. Comment ignorer l'absurde ressemblance avec le cas de Nathan ? Comment expliquer que de toutes les septuagénaires de Paris, ce soit systématiquement dans son giron qu'atterrissent tous les esprits fugueurs de la côte Est des Etats Unis ?

Est-ce qu'on est en train de lui faire une mauvaise et gigantesque blague, à la fin ?

Non. Aline secoue doucement la tête, chassant toutes ces pensées-là de son esprit pour le moment. Cela ne résoudrait absolument rien de se mettre à paniquer, où à pointer des doigts à des marionnettistes invisibles, aux desseins particulièrement flous et douteux. Au moins, aujourd’hui, elle peut profiter du regard de son frère, qui lui confirme, à défaut de faire quoi que ce soit de plus aimable, que le pauvre garçon est bien présent dans la pièce, et que par conséquent, elle n’est probablement pas en train d’halluciner.

Aline : 1 – la sénilité : 0.

Pour le moment.

Achevant de plier et de disposer les serviettes autour de la table, elle profite de ce petit moment d’accalmie pour s’effondrer sur une chaise, et faire sa fête à son verre de rouge, qui l’attend toujours sagement devant elle. Sans s’embarrasser de manière, elle sirote une longue gorgée, puis soupire, lourdement, mais un petit sourire satisfait au bord des lèvres. Mêmes aux heures les plus noire de cette fichue existence, le bon vin, lui, était toujours fidèle au poste, pour calmer les esprits qui tournent en rond et les mains qui tremblent.


« Dis voir, il est bon, ton pinard.
- Hé, un peu d’respect, c’est un Coteaux du Giennois. Il est de 2007, le vieux François m’en a vendu une caisse l’année dernière.
- Et bah t’as fait une affaire.
- C’est une bonne année !
- Oh, je te crois, je te crois… »


Un sourire coincé au bord de ses vieilles lèvres, Aline regarde son frère achever ses préparatifs, un peu plus loin, coupant le feu sous la grosse casserole de potée. Puis, avec les gestes concentrés de l’Homme qui a dû apprendre à cuisiner tardivement et tout seul, il hache son échalotte pour la glisser dans ce qui ressemble à une délicieuse salade de tomates. L’odeur du repas envahit la pièce, alors qu’il soulève le couvercle de sa marmite, et Aline soupire de plus belle, bercée momentanément par ces quelques petites caresses sensorielles.

Les choses ne vont pas si mal, finalement…


Estimant que le jeune blondinet a eu assez de temps pour remuer dans son coin toutes les pensées sombres qu’il pouvait bien y avoir à remuer, et après avoir accompli la gymnastique nécessaire pour se relever de sa chaise, Aline s’élance d’un pas tranquille, à travers la pièce. Elle rejoint son hôte-malgré-lui de quelques enjambées, saisissant son verre, ainsi que celui de Thomas, sur son passage, pour le rejoindre devant la fenêtre.

Elle laisse encore traîner quelques secondes de contemplation, avant de venir cueillir le regard pensif du jeune garçon.

« Allez, mon brave. Prenez un peu de courage, ça sera terminé plus vite que vous ne le pensez. Et puis… ensuite, vous remonterez à Paris avec moi, et nous essaierons de comprendre ce qui vous arrive, d’accord ? »

D’un geste paisible, et le regard plein de sympathie, elle tend à nouveau son verre à Thomas pour qu’il vienne le reprendre.

« Car si vous n’êtes pas fou, et que je ne suis pas folle, alors il y a bien là un mystère à élucider. Et croyez-le ou non, mais j’ai peut-être bien rencontré quelqu’un dans votre situation. Alors haut les cœurs ! » Elle lève son verre pour venir trinquer avec celui qu’elle lui a collé à nouveau dans la main. « A défaut de pouvoir tirer tout ça au clair, essayons déjà de…
- Dites voir, quand vous aurez fini de comploter, vous passerez à table. »


La voix de Sylvain est plus proche, et manque de surprendre Aline qui n’avait pas prêté attention à ses allées et venues, et alors qu’elle risque une œillade par-dessus sa vieille épaule, elle réalise que les plats ont été acheminés vers la table de la salle à manger. Elle ricane doucement.

« Dieu que tu es ronchon. Personne n’a rendez-vous, je me trompe ?
- Ça frangine, si tu veux manger froid c’est ton problème, mais moi j’ai travaillé, ce matin, et je l’ai bien creuse. Alors ramène ton vieux cul et foutez vous assis sur ces chaises, il faut que je dise les grâces. »


Aline se redresse, un petit toussotement amusé au bord des lèvres. Ses yeux brillent du rire d’un enfant qui se moque d’avoir été grondé.

« S’il faut dire les grâces… »

D’un petit geste de la main qui tient toujours son verre – presque vide, à présent – Aline signale à leur hôte qu’il est préférable de se mettre en route. Chacun retrouve son siège, les verres sont remplis à nouveau, et les serviettes sont dépliées sur les genoux de chacun. Au milieu de la table, patientent, particulièrement alléchants, les petits plats concoctés par Sylvain. Ce dernier attend que tout le monde soit attablé, puis, avec un dernier regard méfiant en direction de Thomas, il dépose ses mains sur la table, ses paumes burinées tournées vers le ciel, et ferme ses paupières le temps d’ânonner d’une voix râpeuse son bénédicité.

« Bénissez-nous, Seigneur, nous et la nourriture que nous allons prendre, et faites-nous-en la grâce d'en bien user pour votre Gloire et pour notre salut.
- Amen. »


Aline se retient très fort de rouler des yeux cette drôle de tradition persistante, seul véritable moment pieux de la vie de son frère, qui autrement ne fréquentais ni les églises ni leurs messes, ni leur curé. Elle ne sait pas bien si c’est la faim – et l’envie d’en finir pour pouvoir servir le repas – qui l’en empêche, ou bien si c’est simplement le souvenir de son grand-père, faisant la même choses, d’innombrables années en arrière.

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