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 Yoko!

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Tizzie Lagorce


Tizzie Lagorce

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MessageSujet: Yoko!   Yoko! Icon_minitimeSam 6 Jan - 17:08

Mon frère est con parfois, mais il est gentil. Là, il est aussi bien embarrassé. Il me caresse les cheveux et me murmure d’arrêter de pleurer. Quand arrive le soir j’ai envie de pleurer et souvent je pleure. J’aime pas pleurer. Je sais que ça change rien. Je peux pas faire autrement, j’ai trop mal. En fait je n’ai pas vraiment mal mais c’est comme si j’étais descendu dans une cave de malheur.

C’est un cauchemar c’est sûr que c’est un cauchemar mais tout est si réel et présent. Je revois le visage de Yoko, son regard. Ca se fait ça de connaître le nom des gens qu’on connait pas et qui sont dans les rêves ? Je revois aussi les araignées et tout ce qui s’est passé depuis le moment où je suis arrivée dans le train. Je me souviens aussi que je me demandais déjà si je n’étais pas en train de rêver. J’entends les voix de tous ces gens. Y en avait qui parlaient pas Français. C’est possible de rêver des langues qu’on connait pas ?

Et puis il y a ces couteaux, ces pinces toutes choses qui font mal. Je me souviens de la douleur. Je me souviens que je voulais me débattre que je voulais crier mais que je ne pouvais faire ni l’un ni l’autre. Je sentais comme des déchirures comme si ma tête roulait quelque part dans le noir. Un noir encore plus noir que le noir dans lequel j’étais déjà. Et il y avait des bruits de métal comme quand papi démonte les moteurs et c’était moi le moteur. Je pensais que je n’arrêterais plus d’avoir mal, d’avoir froid dedans et partout. Je ne sais pas quand ça s’est arrêté. Ca s’est arrêté quand je me suis réveillée dans la chambre contre le mur là où j’attendais que maman ou papi vienne me chercher et ils sont pas venus me chercher.

J’ai l’impression d’avoir perdu mes souvenirs. Je n’ai plus que celui-là.
Je suis dans le lit à côté de Bilel. D’habitude il me chambre et me repousse. Je sais pas trop pourquoi il se laisse faire en ce moment. Peut-être parce qu’il voit que c’est pas du chiqué ? Ma poitrine est secouée de sanglots tellement que j’ai mal à l’intérieur comme si tout ce qu’il y a dedans allait se déchirer.

Comme tous les matins je me réveille mais aujourd’hui c’est un jour spécial. C’est le jour des vacances. En plus, j’ai un atelier avec Maîtresse Véronique, ça va finir en douceur. De la douceur, j’en a bien besoin. Comme tous les matins je me réveille, mais avant c’était les odeurs de la maison qui me réveillait et puis la sensation aussi que c’est le moment. Maintenant c’est Yoko qui tombe qui se tord de douleur dans tous les sens. Ou alors tout ce qui me découpe en morceau. J’ai tout le temps froid quand je me réveille. Maintenant Bilel prend son p’tit dej’ en même temps. Ce matin, il me lance entre deux cuillères de céréales :

« Faut le dire à maman. »

Je ne comprends même pas de quoi il veut parler et je le regarde incrédule.

« Il faut lui parler de tes cauchemars. C’est pas normal »

Je sais que c’est pas normal. J’ai déjà fait des cauchemars et là. Et bien là, c’est trop vrai. C’est pas un cauchemar, enfin si dés fois quand je dors, mais je vois la même chose en plus précis en plus logique quand je suis réveillée et je sais pas comment le lui dire. Il n’y a que les couteaux que je ne vois pas mais je crois que je préfèrerais. Ça les empêche pas de me découper toutes les nuits. Je n’arrive pas à lui répondre. Je me lève et me retrouve par habitude dans la salle de bain. Dans la glace, j’ai presque l’air normal. Je sursaute. Ce n’est que la pince à ongles qui vient de glisser dans la baignoire mais…

Je ne sais pas comment je suis arrivée dans le rue. Nolan marche à côté de moi en silence. On a tous les deux la tête baissée. Il essaie de rester longtemps avec moi après la classe mais ses parents sont pas tellement d’accord. A mi-chemin il me demande timidement.

« Ca a été ? »

Je garde un silence éloquent. Je voudrais rassurer les gens qui se font du souci, mais quelque chose de lourd sur l’estomac m’en empêche.

« Tu devrais en parler à tes parents ! »

Mes parents ?!!! Je m’arrête et je fixe un regard de tempête sur Nolan. Mamère travaille tout le temps pour ramener des sous, qu’elle peut même pas me racheter une paire de patin de gym, c’est elle qui me l’a dit et papa !... Je suis allée le voir avant-hier au parloir et il m’a dit que la prison c’était la belle vie et qu’il avait pas envie de ressortir ! J’ai envie de le lui hurler à la figure, au lieu de ça c’est mon sac que je lui balance en pleine poitrine. Je cours à perdre haleine. Je cours pour m’échapper. M’échapper ! De quoi ? Je ne sais pas si c’est du monde des grands qui tiennent pas leurs promesses, de l’école qui fait tout pour me faire passer pour une débile, ou de tous ceux qui veulent être trop gentils, comme Yoko. Yoko qui a voulu me protéger et qui en est morte ! A cause de moi ! Et même quand je me suis fait couper en morceau ça n’a pas été suffisant pour qu’elle revienne. Je veux pas qu’elle soit morte ! Je recommence à pleurer tout en courant. Je pleurais jamais avant ! Je m’essuie le visage parce que je vois plus rien. Mes lunettes manquent de tomber, je les rattrape mais je trébuche et tombe dans la rue Henry Dunant. Ma jambe de pantalon est trouée et mon genoux rouge. Je me relève et je croise Cheyenne.

« Hé ! Regardez c’est Tizzie ! Tizzie tu vas à pas à l’école ? »

Je n’en peux plus quand j’arrive rue Cyprien Tillet mais au moins y a plus d’enfants, y a plus personne et je sais que je vais arriver à mon arbre en bordure du bois. Mon genou me lance et je sens que ça tire, mais c’est rien par rapport aux couteaux. Mince y a mon coude aussi qui est en sang !

Je m’assieds au pied de l’arbre direction l’intérieur du bois, comme ça personne peut me voir. Je ne sais pas ce que je vais faire. Cette course et cette chute m’ont un peu remis les idées en place. Peut être que je mérite d’avoir mal pour pouvoir vivre encore ?

Je ne sais pas combien de temps je suis restée la tête sur les bras posés sur mes genoux, quitte à ce que ça pique dés que je bouge. Soudain, un bruit dans les buissons m’oblige à lever la tête. Des branches ont craqué et je pense tout de suite aux araignées de métal. Mais non ! Ca ferait plus de bruit. Et puis ça ressemble plus à un battement d’aile mais un battement, je sais pas trop... Qui serait empêtré dans les branches ? Ca a l’air gros et même si c’est pas les monstres je commence à avoir un peu peur. Je me relève doucement mais j’ai dû faire un peu de bruit quand même car le sous-bois retombe dans le silence. Ca me rassure car ça a aussi peur que moi on dirait. Je reste immobile. Au bout que quelques secondes, le bruit reprend et guide mon regard, mais je ne vois rien. Pourtant en cette saison, il n’y a pas de feuille sur les arbres et dans les buissons et je devrais voir. Alors je m’approche dans la direction du mouvement. A ce jeu, je vais perdre parce que les animaux sont plus rapides que moi, je le sais, là-dedans. D’ailleurs si je ne le vois pas lui doit me voir car lorsque j’approche j’entend une tentative de fuite. Enfin, c’est comme ça que j’imagine le bruit d’un animal qui tenterait de s’enfuir.

C’est alors que je la vois. Là devant moi au milieu d’un enchevêtrement de pruneliers. Je m’approche doucement pour être certaine. Oui c’est bien une chouette effraie ! Elle est magnifique ! Je remarque tout de suite son aile gauche qui semble pendre sur le côté. Je devine qu’elle doit être blessée. Elle me regarde la tête sur le côté en cillant doucement des yeux. Elle ne parait pas effrayée, mais dés que je fais un pas en avant elle s’agite comme pour s’envoler et s’extirper des épines. Quelques prunelles tombent au sol à ses mouvement désordonnées. C’est la saison pour les manger, quand le gel les a bien cuites mais je m’en moque. Cette Chouette a besoin qu’on s’occupe d’elle sinon un renard aura tôt fait d’en faire son quatre heures si elle ne meurent pas d’épuisement.

Les genoux fléchit et pliée en avant je tend la main vers l’oiseau en avançant doucement.

« Chhhhh ! N’aie pas peur… »

Je ne sais pas trop comment je vais la sortir de là. Les épines sont drues et je ne me fais pas d’illusions, son bec et ses serres fonctionnent assez pour me blesser. Je regarde autour de moi pour chercher une solution, mais je ne vois pas bien comment je vais m’y prendre. En plus si je déchire mon manteau, je vais en prendre une en rentrant. Pourtant c’est le seul truc qui pourrait me servir. J’avoue que la sanction de la maison passa immédiatement au second plan. J’ôte mon manteau et le renfile à l’envers, fermeture dans le dos et les mains restant dans les manches. Je suis obligée de mettre un peu la tête de côté pour éviter les épines, mais si mes yeux sont protégés, mes joues paient leur tribu aux buissons. Je serre les dents tandis que la chouette, comme si elle comprenait ce que je voulais faire s’agite de plus en plus en regardant mes bras s’approcher d’elle entre les branches. Enfin je l’atteint mais l’oiseau n’a pas l’intention de ses laisser faire malgré mes paroles rassurantes.

« Mais non, ne bouge pas, je ne vais pas te faire de mal »

Un premier coup de bec vient déchirer la manche droite.

« Aïe ! »

C’est plus un réflexe car à la vérité, le tissu me protège aussi bien que je ne le supposais.

« Chhhh. Allez… Du calme… »

Le plus dur c’est maintenant de l’envelopper en ménageant l’aile abimée. Quelques épines s’enfoncent encore dans mon nez et mes joues et me tirent les cheveux et le manteau reçoit quelque coup de griffes et de bec mais finalement je parviens à ressortit doucement la chouette. Je sens un sourire vainqueur se dessiner sur mon visage. Je finis de réajuster le manteau autour de ma protégée. Je sais ce que je vais faire. Il y a une clinique vétérinaire pas loin… En moins d’un quart d’heure j’y arrive et pénètre dans la salle d’attente. Deux dames attendent avec un chien et un chat. A mon entrée, le chien se met à aboyer tandis que le chat dans sa caisse fermée semble rester complètement indifférent à mon arrivée et au tapage du canidé. Je cherche des yeux une chaise et m’assoie. La chouette tente de battre de son aile blessée mais se calme immédiatement tandis que sa tête tourne autour de son axe de manière comique. Elle fait moins peur que le hibou en peignoir de la publicité. Je sais que c’est un hibou à cause de ses aigrettes. Je me demande combien de temps je vais attendre mais en même temps, je n’ai rien d’autre à faire. Je sens les regards lourds de sous-entendus peser sur moi.

« Il n’y a pas d’école aujourd’hui petite ? »


Petite ? Oui je sais que c’est de moi qu’on parle mais j’aime pas qu’on me fasse remarquer que je suis petite. Je ne réponds pas et c’est l’autre qui le fait à ma place.

« Vendredi, il y a école. »

Je sens que les griffes de mon visage commencent à piquer. Je passe une main sur mes joues. Même pas mal !

La porte du cabinet s’ouvre enfin laissant sortir un vieux monsieur avec un chien qui a l’air presqu’aussi vieux, même si je sais que les chiens vivent pas aussi longtemps que les gens. La femme en blouse blanche laisse tomber son regard sur mon drôle de paquet. Elle s’approche. Laurence Cassier est brodé sur la poche de sa blouse.

« On dirait que nous avons une urgence ici… »

Puis elle se tourne vers les deux femmes avec une moue désolée, les mains jointes.

« Veuillez m’excuser mesdames je vais faire entrer cette jeune personne. »

Elle s’efface ensuite pour m’indiquer le chemin de son cabinet. Et doucement me prend mon manteau et son contenu. Elle me sourit. Elle est super belle ! On dirait Nova, mais Nova elle est plus bouclée. Le cabinet lui, est nickel ! Peut être un peu trop propre à mon goût. On dirait un hôpital… Les yeux de Yoko repassent devant moi avec la boule sur mon estomac. Mais c’est normal c’est comme un hôpital mais pour les animaux

« Et bien ! Cette petite chouette a eu de la chance de tomber sur toi. Comment t’appelles-tu ?
_ Tizzie.
_ Et bien Tizzie tu as été parfaite avec cet oiseau ! La prochaine fois il vaudra mieux lui immobiliser aussi l’aile blessée… Mais, sinon tu as été une vraie pro. »


Je souris de bonheur. Ca faisait longtemps que j’avais été pro pour quelqu’un ! Je regarde la vétérinaire examiner l’aile avec mille précautions.

« Elle est vraiment cassée et tu vois, elle commence à être épuisée. Il va falloir vite l’alimenter. »

Elle me montre ses paupières qui semblent pleine de sommeil.

« Ce que je te propose c’est de me la laisser. Tu vas regarder comment je fais pour soigner l’aile et ensuite tu reviendras demain pour voir comment elle va. Par contre je ne pourrai peut-être pas la garder. »

Elle a peut-être remarqué ma soudaine méfiance car elle ajoute en me souriant.

« Mais ne t’inquiète pas je la confierai à des spécialistes. »

Quelques minutes plus tard, les soins d’urgence sont terminés. Soudain mes yeux tombent sur l’horloge du cabinet. 11h53 ! Il faut que j’y aille mais je n’ai pas envie de prendre congé de la chouette ni de la vétérinaire. Mais cette dernière suit mon regard et éclate de rire.

« Allez, file, ma grande ! »

Elle m’ouvre la porte.

« N’oublie pas demain. Le matin de préférence. »

Mais je suis déjà dehors et je cours en direction de la maison. Par chance, il n’y a personne. Je vais avoir quelques heures de répit pour trouver de quoi échapper à la punition qui m’attend. Je grignote un reste de pâtes froides trouvé dans le frigo et une mandarine. Je pense à ma chouette. Je suis sûre que la femme va bien s’en occuper. Je finis mon fruit devant la télé en me demandant si je vais retourner à l’école cet après-midi. Je voudrais bien dire au revoir à Maîtresse Véronique mais je ne suis pas sûre qu’elle passera. Dans les classes c’est films et compagnie avant les vacances de Noël et elle a des scrupules à nous en priver… Je sens mes paupière s’alourdir du peu de sommeil de ces dernières nuits…

J’ai pas bien dormi mais je suis restée dans mon lit. Je me suis réveillée aussi déboussolée que tous les autres jours et pourtant quelque chose a changé. Je me suis réveillée plusieurs fois et j’ai pleuré toute seule dans mon lit et puis la chouette est venue me réveiller aussi en plus de Yoko et de ses yeux. Je sais pas trop le rapport entre les deux parce que Yoko elle a tout sauf des yeux de chouette ! Je sais que c’est samedi. Premier jour des vacances et… Et le jour où je dois aller voir comment va ma protégée de la veille. Il est aussi tôt que les jours où je dois aller à l’école. J’ai le temps. A côté dans son lit, mon frère ouvre les yeux. Pour une fois il a réussi à éteindre sa télé avant de s’endormir. Je lui souris.

« Bien dormi ? »

Mes cauchemars des derniers jours nous ont un peu rapprochés. Jamais on se demandait si on avait passé une bonne nuit. C’était plutôt bougonnerie et compagnie.

« Ouais… T’es restée dans ton lit cette nuit ? C’est cool. Tu fais plus de cauchemars ?
_ Si mais bon… »


Je veux pas lui faire croire que la partie est gagnée. D’ailleurs j’en suis pas bien sûre moi-même. C’est peut être juste la fatigue qui m’a assommée. Je me lève tranquillement et ramasse de quoi m’habiller.

« Mais c’est le vacances ! Pourquoi t’es si pressée ? »

Bilel se retourne et c’est à peine si je distingue la fin de sa phrase sous la couette. J’ai un truc à faire, mais je crois que personne est au courant à part la vétérinaire et Yoko. Je suis sûre quez Yoko est au courant sinon pourquoi les mettre dans le même rêve ? Nolan je crois est déjà partie en vacances. Alors tant pis je ferai ça toute seule et puis j’aime bien avoir de secrets surtout quand ils sont cools. J’expédie le p’it dej’, un passage en rase-motte à la salle de bain parce que quand-même… et me voilà dehors. Il a fallu que je fasse gaffe pour enfiler mon manteau parce que maintenant y a des trous à l’intérieur depuis les coups de griffe et de bec de la chouette. Du coup personne à la maison n’a remarqué qu’il était ruiné mais j’attends avec appréhension le jour où il devra passer à la machine. Je sens que ça va faire mal mais j’écarte ça de mon esprit. Pour aujourd’hui ça ira. Je parcours la distance qui me sépare du cabinet vétérinaire moitié courant, moitié sautillant sous la pluie. Le cabinet est déjà ouvert, enfin, je vois de la lumière. Mais quand je veux ouvrir la porte de la salle d’attente, elle me résiste. C’est pas malin quand on attend des clients de fermer la porte. Il y a un bouton près de la porte alors je sonne. C’est Laurence Cassier qui m’ouvre. Elle me regarde d’un air étonné.

« Déjà là ? Il est tôt. »

Elle vérifie l’heure à sa montre.

« 8h13. Tu dois pas être souvent en retard à l’école. Quoique… »

Elle laisse sa phrase en suspend et je baisse la tête en même temps que je me rends compte que c’est vrai que le ciel est encore bien sombre et qu’il est tôt.

« Puisque tu es là, entre. »

Elle me précède dans son cabinet et contourne son bureau. Son ordi est allumé et elle s’assied devant en saisissant sa souris.

« Tu me laisse un moment ? En attendant tu peux rendre visite à ta protégée. »

Elle m’indique du menton un drap qui recouvre un gros truc en forme de salière géante.

« Enlève doucement le drap et ne t’agite pas trop devant elle. »

Puis elle se replonge dans ce que j’imagine être des dossiers importants de ceux qui ont un métier important.
Je tire sur le drap qui découvre une grande cage, plus grande que moi avec un perchoir au milieu, sur lequel se tient bien droite la chouette. Son aile est maintenue dans un drôle de bandage, je sais même pas si c’est un bandage parce qu’on voit bien qu’il faut ménager ses plumes… Elle me regarde de ses yeux ronds au milieu de son masque de plumes blanches en forme de cœur. Elle est vraiment belle. Je pose les doigts sur les fins barreaux de la volière et je fais le tour en fixant les prunelles de l’oiseau. Ils sont bleus très foncé et au milieu on distingue à peine sa pupille noire. Elle suit mes mouvements sa tête pivotant sans effort jusqu’à regarder derrière. Sans regarder la vétérinbaire je lance tout de même une question.

« Elle va bientôt guérir ?
_ Humm ?.. »


Laurence, j’ai envie de l’appeler Laurence parce qu’elle est gentille, lève la tête vers moi et se lève pour nous rejoindre.

« Ca sera un peu long mais elle va guérir. Et c’est grâce à toi.
… Tu ne m’as pas expliqué comment tu l’as trouvée. »


Je lui raconte alors le sauvetage improvisé en omettant bien sûr le pourquoi je me trouvais là. Elle a pas besoin de savoir, même si elle est tellement gentille que je suis sûre, elle ne me fera pas la morale. Elle s’éloigne pour reprendre son travail et lance l’air de rien en se rasseyant.

« C’est cool de pouvoir compter sur les resquilleuses ! »

La chouette incline sa tête sur son aile valide. Elle est aussi souple dans ce sens que pour la faire pivoter. Plus je la regarde, plus elle m’émerveille. Ses plumes ont l’air toute douces. Feu et dorées sur le dos et le dessus des ailes, elles ressemblent à de la neige sur le ventre et le dessous des ailes. Je ne sais pas trop combien de temps je passe à la regarder et à lui renvoyer son regard étonné. Je me demande comment elle me considère. Est-ce qu’elle se rend compte que j’ai essayé de l’aider ou bien peut être qu’elle pense que c’est à cause de moi qu’elle est en cage ? J’aimerais bien qu’elle me pardonne. Pas comme… Je sens une larme qui coule sur ma joue et je l’écrase à la hâte. Soudain Laurence est là et me pose la main sur l’épaule pour se plonger comme moi dans la contemplation de l’oiseau.

« Hier j’ai passé des coups de fil un peu partout. Le centre de la LPO le plus proche n’est pas proche du tout. La LPO ? Tu connais ? Ligue Protectrice des Oiseaux. Enfin, bref alors j’ai contacté les aigles de Rocamadour, mais ils sont complets et en plus ils ont perdu un soigneur. Alors je me suis souvenu d’un fauconnier que j’avais vu en Corrèze. Ca a pas été simple de le retrouver mais bon, la chance qu’on a c’est qu’il est sur le coin de Decazeville et qu’il peut s’en occuper. Tu es contente ? »

Je vais pas lui dire non, mais je me demande un fauconnier…

« …ça dresse pas les oiseaux à chasser ?
_ Si, mais ils les soignent aussi et parfois ils les relâchent. Il vient en milieu de matinée si tu es encore là tu lui demanderas. »


Elle regarde sa montre.

« Bon ça va être l’heure de mon premier rendez-vous. Tu restes un peu ? »

Sans attendre ma réponse, elle sort une blouse blanche d’un placard et m’aide à l’enfiler. Je nage dedans et manque de marcher sur le bas. Laurence me retrousse savamment les manches. En faisant passer les boutons et les boutonnières inférieures dans ceux du haut elle parvient à me bricoler quelque chose qui ressemble plus à un costume de clown qu’à une blouse de vétérinaire, mais je suis aux anges.

« Comme ça tu a l’air… »

Elle me fait un clin d’œil.

« On s’en moque. Aujourd’hui tu es mon assistante. »

Elle ouvre la porte.

« Bonjour madame Bergougnoux ! Alors comment vas Tarnais ?
_ Mieux je vous remercie »


Tarnais est un gros boxer qui n’a pas du tout l’air malade ni blessé. C’est le premier patient de la matinée qui est calme pour un samedi, mais c’est les vacances me confie Laurence.

« Tu me passes les ciseaux sur la tablette à côté de toi ?
Tu m’ouvres le blister de cathéters ?
Le scalpel s’il te plait. »


Les petites interventions se succèdent. J’ai du mal à regarder les instruments en acier et je les passe du bout des doigts. Il y a comme des blessures qui me font souffrir aux épaules et aux genoux mais il n’y a rien de visible. Je prends sur moi et j’aime bien quand les animaux et les clients repartent avec le sourire. Peu à peu j’oublie les coupures sur mon corps.

A 10h30, elle jette un regard à l’horloge et enlève la dernière paire de gants qu’elle a utilisés. Bon je crois que pour ce matin c’est fini. C’est alors qu’arrive un homme en fauteuil roulant. Il est énorme et complètement chauve. Il fait un peu peur mais il me sourit et me tend la main.

« Adrien. Et toi tu dois être notre petite héroïne ? »

Je rougis de plaisir. Tandis que Laurence renchérit.

« Oui et mon assistante du jour, Tizzie la Brave.
_ Et bien Tizzie la Brave, enchanté de faire votre connaissance. »


Il intercepte mon regard qui détaille son fauteuil roulant, et le gros gant de cuir posé entre son bras et l’accoudoir.

« Accident de parachute. Conséquence quatre roues motrices et quarante kilos de trop. Et lui, c’est mon outil principal si je ne veux pas me faire lacérer le bras. »

Il me passe la main dans les cheveux déjà pas très coiffés en souriant.

« C’est vous le fauconnier ?
_ Oui ma grande. Vu que t’es aussi grande que moi je peux t’appeler comme ça. Mais je vois notre amie là-bas… »


Il fait rouler son fauteuil avec dextérité jusqu’à la volière. Laurence et moi le rejoignons derrière son véhicule.

« Elle est splendide ! Ca aurait été dommage qu’un renard la boulotte.
_ Vous allez la dresser à chasser ?
_ Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu en penses ?
_ Ben… Je me disais qu’elle serait mieux à voler toute seule. Sauvage quoi. »


Adrien se frotte le menton, faussement réfléchi.

« Si c’est que tu veux, d’accord. Mais tu sais je ne leur fais pas de mal en les dressant… »

Je lui coupe la parole tant que j’en ai encore le courage parce que je sens que l’heure de la séparation approchant, je vais encore pleurer.

« On pourrait lui donner un nom ? »

Les deux adultes lèvent des sourcils étonnés. C’est vrai que c’est pas très logique de vouloir la relâcher et de la baptiser.

« Je voudrais qu’elle s’appelle Yoko…
_ Yoko ? Comme Yoko Ono ?
_ Comme le manga ?
_ Non Yoko c’est tout »


Je connais pas Yoko Ono et pas de manga où y a une Yoko. Il n’y a qu’une seule Yoko. Je le savais ! J’enlève mes lunettes pour empêcher les larmes de couler.

« Sans problème ! »

Laurence se penche pour me prendre dans ses bras.

« Hey ! Faut pas que ça te fasse cet effet… Elle sera de toute façon heureuse ta Yoko »

Adrien se retourne vers la chouette.

« Tu entends Yoko ? »

Je hoche la tête parce que sinon, si j’essaie de parler, je sens que ça va déborder. Je renifle un bon coup et c’est reparti. Je souris à Adrien pour lui dire que je lui fais confiance. Quelques minutes plus tard, Yoko prend place dans un berlingo spécialement aménagé pour le transport des oiseaux. Quand il s’éloigne je fais un signe de la main.

« Au revoir Yoko. »

Laurence m’entraine à l’intérieur.

« Tu veux boire quelque chose ? »

Elle s’approche de la machine à café et après avoir glissé quelques pièces dans la fente, elle appuie sur le bouton cappuccino. Je secoue la tête. Je m’assieds sur une chaise perdue dans mes pensées. Laurence est appuyée contre le mur près de la machine et je sens le poids de son regard sur moi alors qu’elle boit son café à petites gorgées brulantes.

« Si tu as envie, tu peux revenir… »

Je la regarde soudain bien en face. Elle a dû lire dans mes pensées.

« Tu as bien travaillé aujourd’hui alors… »

Je me lève d’un bond souriant, j’ai envie de lui sauter dans les bras, mais je me retiens. Je la connais pas tant que ça et elle ne m’a pas invitée à le faire.

« Avant de partir faudra me rendre la blouse pour la passer à la laverie… »

Quand je rentre à la maison, évidemment on me rouspète.

« T’étais où ?!! On t’a cherchée partout !!! »

Je retourne dans le chambre pour aller pleurer tout mon soul en criant le prénom de Yoko dans l’oreiller. Je sais que ça va aller mieux mais que je n’oublierai pas.
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Yoko!

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